00:00Nous recevons ce matin Paul Maurice, secrétaire général du comité d'études des relations franco-allemandes.
00:06Alifry, bonjour. Merci d'être avec nous ce matin dans la matinale de l'économie.
00:10Avant de commencer à parler des dossiers qui vont être sur la table dans cette rencontre entre Friedrich Merz et Emmanuel Macron tout à l'heure à Brégançon.
00:18J'aimerais votre avis sur l'atmosphère politique qui pèse depuis trois jours, les discours de François Bayrou,
00:24sur les conséquences, sur la relation entre les deux hommes.
00:29Mais est-ce que ça va avoir des conséquences dans les semaines qui viennent ?
00:33Alors sur la relation entre les deux hommes, il n'y aura pas de conséquences puisque Emmanuel Macron est toujours président de la République dans 15 jours
00:39et Friedrich Merz sera toujours chancelier.
00:41Mais sur les dossiers ?
00:42Mais sur les dossiers, ça pose un problème puisqu'on va avoir un conseil des ministres franco-allemands qui aura lieu vendredi.
00:48Et si dans 15 jours, on n'a plus de ministres du côté français, ça pose un problème pour la mise en œuvre des différents dossiers.
00:54Et on l'a vu sur certains dossiers concernant la défense, le SCAF ou le MGCS.
00:58Ce sont les ministres eux-mêmes, Sébastien Lecornu du côté français et Boris Pistorius du côté allemand,
01:03qui ont pris en main les dossiers politiquement pour les porter là où ils coinçaient au niveau des industriels.
01:08Donc les ministres ont un rôle important, pas seulement de relais mais aussi d'initiative dans cette démarche et cela peut poser problème.
01:14On parlait du SCAF il y a un instant dans le journal, 7 ans que les industriels en France, en Allemagne,
01:19se disputent sur ce sujet de l'avion de combat européen.
01:23Est-ce que ça va, est-ce que ça avance malgré tout quand même ce dossier-là ?
01:28Parce qu'on va en avoir besoin de cet avion.
01:29Effectivement, c'est un des dossiers qui est le plus compliqué entre la France et l'Allemagne
01:33parce qu'il va toucher à la fois la souveraineté et à la fois à la réflexion stratégique.
01:38C'est-à-dire que la souveraineté pour Dassault, Éric Trappier a encore fait des déclarations fracassantes au mois de juillet.
01:45Ça faisait un mois qu'il n'en avait pas fait, il fallait qu'il en fasse de nouvelles sur le SCAF.
01:48Et ça pose un problème aussi de souveraineté industrielle, de brevets, etc.
01:54On peut le comprendre, il défend son entreprise.
01:56Deuxièmement, ça pose un problème qui est celui de l'utilisation qu'on va en faire.
01:59L'utilisation n'est pas la même entre la France et l'Allemagne.
02:02L'utilisation n'est pas la même si on l'exporte, si on ne l'exporte pas.
02:05Et ça pose la question aussi de la dépendance de l'Allemagne aux États-Unis pour sa défense
02:10et notamment de sa dépendance pour le partage nucléaire,
02:14c'est-à-dire la possibilité pour l'Allemagne de transporter des bombes nucléaires américaines.
02:18Et les Américains le font dans le cadre d'avions qu'ils certifient, c'est-à-dire des F-35 actuellement.
02:22Et le SCAF ne sera probablement pas certifié pour transporter des bombes nucléaires américaines.
02:27Donc on touche sur une réflexion stratégique, sur des objectifs stratégiques.
02:31Et c'est un dossier qui au départ est politique et il n'aboutira que si les politiques le prennent en main,
02:36même si les industriels bloquent encore.
02:38Et on voit qu'il y a des réticences du côté allemand en craignant que Dassault ne veuille prendre la main complètement sur le dossier.
02:44Annalisa.
02:45Paul Maurice, on est concentré en France sur nos problèmes politiques.
02:48En Allemagne, on parle plutôt défense et militaire.
02:51Un projet de loi a été présenté pour réintroduire progressivement le service militaire.
02:56L'idée, c'est d'attirer des volontaires d'abord, puis de réintroduire si besoin le service obligatoire.
03:02C'est un symbole très fort pour un pays qui, jusqu'à il y a quelques années, était quasiment sans armée.
03:08Oui et non. Il faut juste rappeler que le service militaire en Allemagne, il a été suspendu.
03:13Il n'a pas été supprimé, il a été suspendu en 2011, c'est-à-dire bien plus tard que chez nous.
03:17Et il y avait jusqu'en 2011 encore un service obligatoire.
03:20Alors, la plupart des jeunes ne le faisaient plus.
03:22Ils faisaient un service civique en travaillant dans des hôpitaux, dans des associations, des maisons de retraite.
03:27Mais il existait toujours.
03:29Et ce service militaire en Allemagne, il existe depuis le temps de la guerre froide.
03:33C'est-à-dire que c'est un moment où on avait besoin de soldats en Allemagne, qui étaient formés, qui étaient réservistes,
03:38pour faire face à une potentielle menace soviétique.
03:41Et effectivement, la réintroduction potentielle sous une forme allégée du service militaire en Allemagne
03:46rappelle ce moment de sa création, c'est-à-dire une menace, maintenant russe, non plus soviétique,
03:51qui pèse face à l'Allemagne, qui serait en première ligne en cas d'une agression.
03:56On parle ici de la plus grande armée conventionnelle d'Europe.
04:00C'est ce que veut le chancelier allemand pour son armée.
04:04Il s'agit de recruter, alors on l'a dit volontairement pour le moment,
04:07mais s'il n'y a pas assez de volontaires, ça pourrait être obligatoire,
04:10et de moderniser aussi les structures qui sont très anciennes.
04:13Effectivement, c'est le double enjeu de l'armée allemande.
04:15Le premier enjeu qu'on voit dans cette loi, c'est l'enjeu du personnel.
04:19Aujourd'hui, il y a environ 180 000 hommes dans l'armée allemande.
04:22Ils étaient plus de 200 000 il y a moins de 10 ans.
04:26Donc on voit que l'armée allemande ne recrute plus, n'arrive plus à attirer.
04:29Elle n'a pas fait sa transition vers l'armée de métiers comme nous l'avions fait
04:33après la suspension de la conscription en France.
04:37Attirer les jeunes dans un contexte un petit peu tendu, c'est compliqué.
04:41Alors comment on va faire ?
04:43On a, comme vous l'avez dit, un service qui va être volontaire.
04:46On va envoyer un questionnaire aux jeunes, hommes et femmes.
04:49Les femmes n'y répondront que de manière volontaire, si elles le souhaitent.
04:55Et ce questionnaire devra donner lieu ensuite, soit à un engagement volontaire des jeunes,
04:59soit à voir quel est l'intérêt des uns et des autres pour le service militaire.
05:04On va attirer ces jeunes aussi parce que ce service qui va être à minima durera normalement six mois.
05:11Les jeunes seront payés 2000 euros par mois, ce qui est quand même un salaire assez conséquent.
05:14Et si on dépasse les six mois, il y aura d'autres avantages qui seront donnés.
05:19On aura des formations, comme on le faisait à l'époque en France,
05:21il y aura des aides pour le permis de conduire.
05:24On aura des formations, des cours de langue, ce genre de choses
05:26qui ont pour objectif d'attirer les jeunes et puis aussi de les insérer peut-être
05:30sur le marché de l'emploi par la suite.
05:32Donc le but est d'attirer, mais on ne sait pas encore si ça va vraiment attirer.
05:35On a un objectif pour le moment, sur les cinq prochaines années, de 3 à 5 000 hommes,
05:40ce qui permettrait de dépasser 200 000 hommes pour l'ensemble du personnel de l'armée
05:48et puis d'arriver à 260 000 hommes d'ici 2035, c'est-à-dire en fait l'objectif qui est fixé par l'OTAN.
05:56Et on a un deuxième enjeu qui va être celui de la réserve.
05:59On voudrait doubler les réservistes en Allemagne.
06:01C'est aussi l'objectif de ce questionnaire.
06:03Quels seront les gens intéressés ?
06:05Dernière question, Nélisa.
06:06Et il y a aussi la question des équipements.
06:08L'Allemagne doit se ré-armer.
06:09Alors ça commence avec Rheinmetall qui vient d'ouvrir une méga-usine
06:13qui sera la plus grande usine de munitions d'Europe, voire du monde,
06:17pour produire des munitions.
06:18Est-ce que les industries allemands peuvent suivre les ambitions politiques de leurs dirigeants ?
06:23Oui et non.
06:24Parce qu'en fait, les industries allemandes de défense sont une sous-branche de l'industrie
06:28qui fonctionne comme une branche classique de l'industrie,
06:30avec l'offre et la demande, avec les exportations.
06:32Donc en fait, on a une industrie qui est très compétente,
06:34qui a de gros potentiels et qui fonctionne depuis des années.
06:38Maintenant, est-ce que celle-ci va pouvoir faire le lien avec le politique,
06:42avec le réarmement, comme on l'appelle,
06:46même si le terme est un petit peu abusif, de l'Allemagne ?
06:49Est-ce que l'armée allemande va pouvoir acheter ces matériels ?
06:52Comment elle va les utiliser ?
06:54Pour quels objectifs ?
06:55Pour quels entraînements ?
06:56Dans quelle quantité ?
06:57Et là, on a un vrai enjeu, en fait, qui est celui des infrastructures,
07:00qui est le même que celui qu'on a pour le service militaire.
07:02On n'a plus de casernes, on n'a plus de recruteurs.
07:04Donc comment peut-on recruter vite si on n'a pas encore les structures pour le faire ?