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Le projet de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté, discuté en 2024, envisageait la réalisation et la délivrance des produits létaux par les pharmaciens officinaux et hospitaliers, excluant un droit à l’objection de conscience de leur part. Nous montrerons que l’euthanasie et l’assistance au suicide sont incompatibles avec le rôle du pharmacien dans la chaîne de soins. À supposer même que ces pratiques soient un jour légales, des arguments seront développés pour la protection de l’objection de conscience des pharmaciens, au même titre que les autres professionnels de santé ».

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Éducation
Transcription
00:00Bonsoir à tous, je suis Nicolas Bauer, je suis membre du Centre européen pour le droit à la justice,
00:12je suis doctorant en droit, bientôt docteur, et du coup on vous accueille pour cette conférence
00:20« Le pharmacien face à l'euthanasie et au suicide assisté » avec Agnès Certain qui est pharmacien,
00:26praticien hospitalier. Alors on voulait commencer la conférence par un constat qui est que dans le
00:33projet de loi du printemps dernier, du 10 avril 2024, dans la proposition de loi de septembre dernier
00:41et dans la proposition de loi Falorni, un grand rôle est donné au pharmacien sur la fin de vie et ces
00:50trois textes contiennent à peu près les mêmes dispositions. Donc il y en a deux principales,
00:54la première qui concerne leur rôle, donc c'est aux pharmaciens officinaux et hospitaliers qui
01:01les confiaient la réalisation et la délivrance des produits laitaux, et la deuxième disposition qui
01:07dit que c'est une obligation légale et professionnelle pour les pharmaciens et qui les exclut de la
01:14clause de conscience. Donc pour la première disposition, c'est dans l'article 8 de la
01:18proposition de loi Falorni qui dit, je la cite, « Lorsque la date de l'administration de la substance
01:24létale est fixée, la pharmacie hospitalière à usage intérieur réalise la préparation magistrale
01:30létale et la transmet à la pharmacie d'officine désignée par le médecin ou l'infirmier chargée
01:34d'accompagner la personne en accord avec celle-ci. La pharmacie d'officine délivre la préparation
01:39magistrale létale au médecin ou à l'infirmier. Lorsque la personne est admise ou hébergée dans un
01:44établissement qui est doté d'une pharmacie à usage intérieur, cette dernière remplit l'émission de la
01:47pharmacie d'officine. » Donc voilà, la réalisation et la délivrance des produits laitaux. Et donc
01:56deuxième disposition, c'est une obligation. Et donc dans l'article 14 de la proposition de loi
02:01Falorni qui est intitulé « Clause de conscience », il est écrit « Les professionnels de santé mentionnés à
02:08l'article, donc là il y a une liste de numéros d'articles, ne sont pas tenus de concourir à la mise en œuvre
02:13des dispositions sur l'aide à mourir. » Et donc il y a une liste de numéros d'articles et il y a un seul
02:20aninéa qui est exclu, c'est celui qui concerne les pharmaciens. Et donc tous les autres professionnels
02:26de santé cités dans ces articles, c'est-à-dire médecins, auxiliaires médicaux, aides-sécologues,
02:32autres professionnels du secteur médico-social, donc à peu près tout le monde, tous ceux qui ont un rôle
02:38en tout cas sur cette question, ce qu'on a appelé l'aide à mourir, sont cités, mais les pharmaciens
02:44sont exclus. Pour introduire en tout cas que ce sont les seuls professionnels de santé à avoir un rôle
02:54aussi actif dans l'aide à mourir, tout en étant exclus de la clause de conscience. Je ferai juste une
03:00autre remarque sur cet article 14 de la proposition de l'OFALORNI sur la clause de conscience, donc là
03:06qui concerne plus globalement tous les professionnels. Il est indiqué aussi « Le professionnel de santé qui
03:12ne souhaite pas participer à la mise en œuvre de ces dispositions doit informer sans délai la
03:15personne de son refus et lui communiquer le nom de professionnel de santé disposé à participer à
03:20cette mise en œuvre ». Et donc même pour les professionnels de santé qui ont la clause de
03:25conscience, il y a quand même une obligation de renvoi vers un autre professionnel qui accepte de
03:30participer à l'aide à mourir. Et donc ce renvoi est quand même une certaine participation à l'aide à
03:37mourir, qui limite le droit à l'objection de conscience. Et le fait d'indiquer qu'il y a une
03:43obligation de communiquer le nom de professionnels de santé qui sont disposés à participer à l'aide à
03:48mourir, ça montre qu'il faudra aussi faire des listes des professionnels qui acceptent, qui y aura un peu
03:54deux catégories, ceux qui acceptent et ceux qui n'acceptent pas. Donc je reviens maintenant sur la
04:00question spécifique des formatiens. Donc comme je vous le disais, les formatiens étaient déjà
04:06exclus de cette clause de conscience au printemps 2024. Et à ce moment-là, nous avions rédigé une
04:13tribune collective dans le Figaro, le 13 mai, qui s'appelle « Fin de vie, le projet de loi menace la
04:19liberté de conscience des formatiens ». Et c'est à ce moment-là qu'avec Agnès, on a fait connaissance,
04:23puisqu'en fait, on a collecté tous deux des signatures dans nos professions, donc de juristes et de
04:29formatiens. Et c'est à ce moment-là aussi que j'ai rejoint le collectif, d'ailleurs. Et cette tribune a fait
04:37réagir un syndicat qui est parmi nous, je crois le Saint-Pref, qui est le principal syndicat des formatiens
04:44hospitaliers publics, dans un communiqué de presse. Il a fait part de son incompréhension, je cite, « face à
04:51une discrimination contre les formatiens et réclamé avec force l'octroi d'une clause de conscience ». Voilà. Mais
04:58malgré cette opposition, la proposition de loi de mars 2025 maintient cette approche et réduit les
05:05formatiens à de simples exécutants. Avant d'entrer dans le vif du sujet, on peut préciser aussi que ce
05:14traitement des formatiens n'est pas nouveau, puisqu'en 2015, les formatiens ont été consultés par leur
05:20ordre à ce sujet. Et 85% de ceux qui ont répondu à cette consultation ont demandé la garantie d'une clause
05:27de conscience, qui était formulée comme ça « le formatien peut refuser d'effectuer un acte
05:35pharmaceutique susceptible d'attenter à la vie humaine ». Donc une objection de conscience liée à la
05:40protection de la vie et qui concernait donc à ce moment-là plutôt des actes qui portaient atteinte au
05:46début de la vie. Et donc ce n'est pas la première fois que les pharmaciens sont obligés d'accomplir
05:53certains actes que d'autres professionnels de santé ne sont pas, sur lesquels d'autres professionnels de santé
06:00peuvent se retirer. Cette consultation en 2015, elle n'avait abouti à aucun changement au niveau légal
06:08ou déontologique, et la vie des pharmaciens avait été ignorée. L'un des...
06:14...puisque la présidente de l'ordre, qui s'appelle Karine Wolf-Tal, quand elle a été auditionnée à l'Assemblée
06:24nationale au printemps dernier, donc sur l'ancien projet de loi, elle a indiqué que, donc je la cite,
06:32parce que c'est quand même intéressant, les phrases sont assez chocs, je trouve. « L'ordre des pharmaciens
06:38soutient ce projet de loi ». Ensuite, elle a dit qu'elle avait confiance dans le dispositif de l'aide à
06:44mourir, et elle a dit aussi précisément « Le pharmacien ne peut pas être un frein ou un obstacle à la
06:50volonté du patient ou à la bonne exécution de la loi ». Et autre phrase que j'ai notée, « La dimension
06:55collective prime pour l'ordre sur les convictions individuelles ». Donc voilà, les deux dernières
07:01phrases qui sont quand même assez dangereuses, puisqu'on se demande où est la limite, et qui sont
07:08susceptibles de soutenir une dérive quasi totalitaire, en tout cas de type totalitaire. Donc ce qu'on vous
07:15propose aujourd'hui avec Agnès, c'est d'approfondir le sujet et de l'inscrire dans une réflexion éthique
07:20et juridique plus globale sur le rôle de pharmacien et sur l'objection de conscience, en montrant
07:26d'abord que l'euthanasie et l'assistance au suicide sont incompatibles avec le rôle du
07:38pharmacien dans la chaîne de soins, et ensuite que la protection de l'objection de conscience s'inscrit
07:45dans un cadre plus général de l'objection de conscience, et que quand on la remet dans ce cadre-là,
07:49on se rend compte que protéger l'objection de conscience sur cette question, c'est une exigence
07:53minimale de justice. Donc je laisse la parole à Agnès pour lancer la première partie.
08:00Alors bonjour à tous, je suis formation hospitalier à l'hôpital Côte-Bernard à Paris, et donc
08:07j'ai été confrontée à ces sujets depuis le début de ma carrière, que je vais vous l'expliquer,
08:12et également je suis docteure en éthique médicale. Et donc dans cette première partie,
08:20dans l'euthanasie et l'assistance au suicide qui sont vus comme incompatibles avec le rôle du
08:27pharmacien dans la chaîne de soins, j'aimerais montrer que le pharmacien fait vraiment partie
08:33de cette chaîne et donc donne des arguments pour rendre incompatible cette participation à l'aide à
08:40mourir. Effectivement, le soin est entendu, et je cite Céline Lefebvre, comme une activité dédiée
08:50à la santé et au bien-être de quelqu'un. Fin de citation. Et donc par conséquent, le soignant en est
08:57un agent naturel. Du temps d'Hippocrate, ce dernier, le soignant était le médecin qui exerçait son art
09:05comme seul interlocuteur ou quasi du patient dans la relation de soins. Avec l'évolution des
09:13connaissances et des pratiques, de nouveaux acteurs de santé sont apparus, avec les médecins et les
09:20chirurgiens, mais aussi les apothicaires à l'époque et maintenant les pharmaciens, les infirmiers, les
09:26diététiciens et autres professionnels qui concourent tous au rétablissement et au maintien de la santé du
09:34patient. Le soin est ainsi devenu une chaîne dont chaque maillon est figuré par un acteur de santé
09:45et cette chaîne de soins représente la mise en œuvre concrète de ce qu'on appelle maintenant le
09:54parcours de soins d'un patient, qui est d'ailleurs défini par la Haute Autorité de Santé et elle repose
09:59donc sur la communication et la coopération entre tous ces professionnels. Donc parmi eux, le pharmacien
10:09est un maillon indispensable de cette chaîne. On l'a appelé gardien des poisons, maintenant il est ce
10:19qu'on appelle le gardien du bon usage du médicament. Ce médicament peut être bénéfique ou toxique selon la
10:26dose et c'est là le rôle du pharmacien de veiller à tout cela. Et pour cela, ils mobilisent des compétences
10:34de triple catégorie qui sont les compétences techniques, des compétences cognitives et des compétences
10:42relationnelles. Et les compétences techniques, par exemple, c'est celles par lesquelles ils se procurent et
10:48stockent des matières premières et réalisent des médicaments, des préparations. Des compétences
10:54cognitives, selon lesquelles ils vérifient la conformité de l'ordonnance au sens réglementaire
11:01et pharmacologique. Mais également, ils dispensent ces traitements de manière appropriée. Et enfin,
11:08relationnelles, qui est une fonction extrêmement importante parce qu'ils communiquent avec l'ensemble
11:12de la chaîne de soins, les médecins mais aussi les autres professionnels, les patients bien entendu,
11:17mais aussi leurs aidants. Il ne perd jamais de vue le but ultime de ses actes, la santé du patient.
11:25Il en est le contributeur avec les autres soignants. Et d'ailleurs, une seule erreur de sa part, et moi
11:33dans ma carrière, j'ai beaucoup insisté là-dessus lors de mes parcours hospitaliers, peut fragiliser et
11:39rompre la qualité de la chaîne de soins et donc porter atteinte à la santé au bien-être du patient.
11:47Les missions du pharmacien sont aussi décrites dans des textes réglementaires et déontologiques,
11:52par exemple, qu'on appelle la dispensation, qui pour nous est un acte tout à fait bien précis et décrit,
11:58est une suite de plusieurs opérations et le pharmacien doit les exercer de manière personnelle,
12:04les non-collectives. Une analyse de l'ordonnance, par exemple, telle que définie tout à l'heure,
12:10conformité pharmacologique, conformité réglementaire, la préparation de ce qu'on appelle les doses,
12:16la délivrance, la mise à disposition d'informations, de conseils pour le bon usage de ces traitements,
12:23enfin le soutien du patient, parfois sous forme de ce qu'on appelle les entretiens pharmaceutiques,
12:27voire de l'éducation thérapeutique. Ainsi, cette relation de soins s'inscrit dans la confiance
12:34avec le patient. D'ailleurs, cet engagement personnel, encore une fois, est inscrit dans le
12:40serment de Galien, ce serment que prêtent tous les pharmaciens lors de la soutenance de leur thèse
12:45pour obtenir leur diplôme. Je cite, « Je jure de ne jamais oublier ma responsabilité et mes devoirs
12:53en voir le malade et sa dignité humaine ». Fin de citation.
12:56Plus encore, le pharmacien adhère aux principes éthiques partagés par les autres professionnels
13:03de santé, à savoir le respect de la dignité et de l'autonomie des patients, ainsi que l'exercice
13:10de la bienfaisance, de la non-malfaisance et de la justice dus à ces derniers.
13:15Ainsi, la préparation et la délivrance de produits laitaux par le pharmacien engendre
13:20plusieurs contradictions, comme a déjà souligné Nicolas, à la fois logique, fonctionnelle
13:25et éthique. En effet, mettre à disposition des préparations mortelles va à l'encontre
13:31de sa contribution aux soins, dont la finalité est la santé. Un tel acte adhère à notre
13:37nombre plusieurs conflits éthiques, et notamment celui de la violation des principes de dignité
13:42et de non-malfaisance dues aux patients par ce professionnel.
13:48Nicolas ?
13:55Pardon, excusez-moi. Oui, je reprends sur la responsabilité du pharmacien qui découle
14:08de tout ce qu'a dit Agnès. Donc le pharmacien, il a une obligation de protéger la vie et la
14:14santé. Et donc, sa responsabilité juridique, elle découle de cette obligation. Il a une responsabilité
14:21à plusieurs niveaux, d'abord disciplinaire. En cas de manquement à ses obligations, il doit
14:28répondre devant l'ordre des pharmaciens. Et les instances de l'ordre peuvent être saisies
14:33par des autorités qui sont listées dans le Code de la santé publique, par des plaintes
14:38d'association de particuliers ou d'usagers du système de santé. Ensuite, il y a la responsabilité
14:43civile, c'est-à-dire que lorsqu'il a causé un préjudice à un patient, il doit le réparer. Et donc,
14:52les cas que l'on trouve, ça va être des cas de délivrance d'un mauvais médicament, d'un défaut de
14:59conseil ou du mauvais étiquetage pour le pharmacien qui a préparé une substance. Et enfin, sur le plan
15:07pénal, sa responsabilité peut être mise en cause pour des atteintes à la vie ou à l'intégrité physique de
15:13personne. Et donc, je vous ai mis à l'acte qu'on veut légaliser et que la proposition de loi
15:24Falorni voudrait obliger les pharmaciens et les autres professionnels de santé à faire. Puisque
15:31actuellement, un pharmacien qui préparerait ou qui délivrerait une substance létale en vue de son
15:36administration s'exposerait à des poursuites pour empoisonnement ou pour complicité d'empoisonnement.
15:43Et donc, c'est le crime qui est à l'article 221.5 du Code pénal, le fait d'attenter à la vie d'autrui par
15:50l'emploi ou l'administration de substances de nature à entraîner la mort constitue un empoisonnement,
15:55puni de 30 ans de réclusion criminelle. Et quand on regarde la jurisprudence, on voit que cette
16:02infraction est constituée quand l'auteur de l'infraction a l'intention de donner la mort,
16:08peu importe si la victime est consentante ou non à l'empoisonnement. Donc, c'est tout à fait
16:14applicable à ce qu'on appelle aujourd'hui l'aide à mourir. Rien de spécifique aux pharmaciens et
16:21je n'ai trouvé aucun pharmacien qui a été condamné. Donc, l'idée, ce n'est pas du tout de cibler
16:27les pharmaciens. Et en fait, voilà, il concerne tout le monde. Ensuite, on peut changer de slide,
16:37s'il vous plaît, Agnès. Merci. Et donc, ce qui est intéressant, c'est de regarder aussi ce que dit
16:44la jurisprudence sur cette responsabilité du formatien. Et on voit dans les différentes affaires
16:51que j'ai trouvées que la jurisprudence est cohérente avec le rôle que le formatien a dans la chaîne
16:56du soin, donc le rôle que Agnès vous a exposé. Et donc, on voit que la jurisprudence reconnaît
17:04pleinement ce rôle et ne traite pas le formatien comme exécutant. Donc, chaque affaire qu'on trouve,
17:10évidemment, c'est des atteintes involontaires à la vie et pas des atteintes volontaires à la vie ou à
17:15l'intégrité physique. Le premier cas, donc, de la décision de la Cour d'appel de Paris du 26 juin 2009,
17:23elle a retenu la responsabilité civile d'un formatien après un suicide médicamenteux qui
17:29a été rendu possible par une ordonnance falsifiée. Le formatien a été condamné à 20 000 euros en
17:34réparation du préjudice moral de la victime. Et la Cour d'appel a considéré que le formatien
17:39aurait dû identifier le problème sur l'ordonnance et donc ainsi déceler le projet de suicide et
17:46permettre que la personne soit prise en charge. Et donc, on voit bien que le formatien ne pouvait pas
17:51juste exécuter l'ordonnance et qu'il a un vrai rôle, une vraie responsabilité.
17:57Et les autres références que j'ai indiquées, c'est plusieurs juridictions, donc le tribunal
18:02judiciaire de Blois, la Cour d'appel de Caen, qui ont dit, en reprenant ce terme-là, que le
18:09formatien n'est pas un épicier. C'est le terme qu'elles ont utilisé, mais que justement,
18:14il intervient comme... Et sur le dernier arrêt que j'ai indiqué de la Cour d'appel
18:22d'Aix-en-Provence, c'est aussi un cas de problème d'ordonnance. C'est une erreur
18:28sur une ordonnance médicale. Et la Cour d'appel a considéré que le médecin qui avait
18:33prescrit. Et le formatien qui avait dispensé le médicament était solidairement responsable
18:41des préjudices subis. Et donc, c'était solidairement 50-50. Voilà, donc avec autant
18:48de rôles donnés aux formatiens, reconnus aux formatiens qu'aux médecins. Il y a aussi
18:54une disposition du Code de la santé publique qui est intéressante, qui montre la responsabilité
18:58du formatien, qui dit que celui-ci peut modifier une prescription en cas d'urgence et dans
19:03l'intérêt du patient. Donc, en fait, en niant ce rôle, en refusant d'accorder l'objection
19:13de conscience et aussi en obligeant le formatien de manière générale à coopérer ainsi à
19:20l'aide à mourir, en fait, on est en rupture avec ce cadre et on inverse la responsabilité
19:25des formatiens qui deviennent obligés de préparer et délivrer des substances létales,
19:33ce qui était avant évidemment interdit et en plus puni. Et lorsque le projet de loi
19:42a été discuté au printemps dernier, il y avait même un amendement de députés qui
19:48dit que les sanctions des formatiens récalcitrants soient pas seulement disciplinaires, mais pénales.
19:53Donc, ça aurait même inversé la responsabilité pénale.
20:00Donc, une fois qu'on a bien compris le rôle du formatien dans la chaîne de soins, qu'Agnès
20:04a expliqué, cette responsabilité juridique du formatien, elle est tout à fait logique et
20:09les pharmaciens qui se sont engagés dans ce métier l'ont fait dans ce cadre médico-légal.
20:14Ils honorent leurs obligations. Le législateur actuellement se pose la question d'inverser
20:19le sens de leur métier et de leur demander de faire ce qui était interdit et puni même
20:24comme un crime. Et donc, la question de l'objection de conscience qu'on va poser
20:29maintenant, elle aurait dû se poser naturellement. Elle aurait dû aussi être soutenue par l'ordre
20:35assez logiquement. Alors que dans le débat qui a déjà eu lieu l'année dernière, elle
20:41a à peine été mentionnée. Et c'est pour ça qu'on a voulu par ce chapitre dans l'ouvrage
20:48mettre ce débat sur la table. Et donc, après avoir inscrit cette question dans le rôle
20:58plus général du formatien, on va maintenant parler de l'objection de conscience d'un point
21:02de vue un peu plus général et inscrire cette objection de conscience des formatiens qui
21:06est demandée en tout cas par certains dans ce cadre.
21:15Alors effectivement, abordons la deuxième partie de notre intervention, parler de l'objection
21:23de conscience des pharmaciens comme une exigence minimale de justice.
21:29Effectivement, si un droit est déjà reconnu aux autres professionnels de santé, et j'y reviendrai,
21:35en fait, le pharmacien est déjà exposé à des tensions éthiques, en fait, depuis
21:41plusieurs dizaines d'années, puisque historiquement, il a été tenu de délivrer, il a été tenu
21:47de délivrer dès les années 50, ce qu'on a appelé le cocktail lithique, ou connu aussi
21:55selon le DLP, qui désigne en fait trois médicaments, le Dolosal, le Lagactyle et le Fenergan.
22:01Il était trois médicaments associés, utilisés en fait au départ dans l'intention d'une
22:07sédation et qui a été parfois utilisé à visée euthanasique.
22:13Je me souviens personnellement d'avoir eu ce genre de prescription dans mon établissement.
22:19Mais il est plus connu encore, bien sûr, à partir des années 70, l'obligation pour
22:27le pharmacien de délivrer la pilule contraceptive, les pilules contraceptives et le stérilet.
22:34Et puis, à l'hôpital en tout cas, à partir de 88, la délivrance sous différentes modalités
22:43très tout à fait particulières de la Mifepristone, plus connue sous le nom de pilule abortive
22:48ou RU486, et en 99, plipristal, mieux, plus connue comme la pilule du lendemain.
22:57Le refus de délivrer ces produits pour des raisons de conscience expose de toute façon
23:03le pharmacien à des sanctions, donc il ne peut le faire en tant que tel.
23:06Cette situation est de toute façon d'autant plus paradoxale que le pharmacien est tenu
23:11de refuser la dispensation d'un produit s'il estime qu'il pourrait nuire à la santé
23:15d'un patient, comme l'a mentionné Nicolas.
23:20Or, la plupart des autres professionnels de santé bénéficient de clauses de conscience.
23:25Et voici quelques exemples.
23:28Les médecins, par exemple, peuvent refuser des soins pour des motifs personnels.
23:31Une clause de conscience spécifique est prévue dans le cadre de l'interruption volontaire
23:37de procès pour les médecins, les sages-femmes, les infirmiers, les auxiliaires médicaux.
23:43Et les pharmaciens, précisément, sont exclus, malgré leur implication dans la délivrance
23:48de la Mifepristone, qui est donc la pilule abortive.
23:52Le médecin bénéficie aussi d'une clause de conscience relative à la stérilisation
23:56à visée contraceptive.
23:58Il est également prévu des exemptions dans le cadre de la recherche sur l'embryon
24:04et les cellules souches embryonnaires, ainsi par la loi de bioéthique de 2011.
24:10Je cite « Aucun chercheur, aucun ingénieur, technicien ou auxiliaire de recherche,
24:14quel qu'il soit, aucun médecin auxiliaire médical n'est tenu de participer
24:20à quelques titres que ce soit. »
24:22Ainsi, de manière un peu paradoxale, si on fait le cas de figure, un pharmacien-chercheur
24:28pourrait donc refuser de manipuler et de provoquer la mort d'un embryon dans le cadre
24:32de recherche, alors qu'en tant que pharmacien, il ne pourrait refuser de contribuer à celle-ci
24:38par voie médicamenteuse.
24:39La proposition de loi relative à la fin de vie, telle que l'a explicité Nicolas tout à l'heure,
24:47de 11 mars 25, fait perdurer ce modèle d'exclusion des pharmaciens de l'exercice de l'objection
24:54de conscience.
24:56Et donc, à l'article 14, il est prévu une clause de conscience, comme l'a expliqué,
25:00pour un certain nombre de professionnels.
25:02Tous les professionnels impliqués dans l'application de l'aide à mourir, sauf les pharmaciens.
25:10Et donc, les pharmaciens eux-mêmes, comme il a été mentionné, ne peuvent pas manifester
25:21leur objection de conscience lors de la réalisation de la préparation magistrale et de la délivrance
25:26de ces substances.
25:27Autrement dit, réaliser et délivrer la substance utilisée en vue d'une euthanasie
25:34ne constituerait pas une collaboration proche avec cette euthanasie, engageant la conscience
25:39des pharmaciens.
25:41Cet argument est difficilement convaincant.
25:45En effet, ne serait-ce qu'une substance létale qui est indispensable à l'euthanasie,
25:50qui doit être fabriquée dans les bonnes pratiques pharmaceutiques, c'est-à-dire dans
25:54les bonnes doses, selon la bonne nature du produit, selon la bonne qualité, donc engage
25:59quand même le pharmacien moralement, aussi bien que le médecin qui le prescrit et l'infirmier
26:07ou le soignant qui va l'administrer.
26:09Et si le pharmacien concerné s'oppose à l'euthanasie, ce que lui est ordonné heurte
26:14ses convictions personnelles de plein fouet.
26:17Son droit à l'objet de conscience devrait, selon nous, être reconnu et garanti, au même
26:23titre que les autres professionnels de santé concernés.
26:32J'enchaîne cette fois pour parler plus généralement de l'objection de conscience
26:38et remettre cette question.
26:45Alors d'abord, on parle beaucoup du droit à l'objection de conscience, mais avant
26:48d'être un droit, au niveau international, ça a été d'abord reconnu comme un devoir.
26:54Donc c'est important à rappeler, je pense, et je vais le développer un petit peu, avec
27:01la condamnation d'abord à Nuremberg de soldats allemands, qui avaient agi dans le respect
27:08de la législation, qui avaient obéi, mais qui ont été condamnés.
27:12Et donc, à Nuremberg, l'objection de conscience a été reconnue comme une obligation sur le
27:18plan moral, mais même sur le plan pénal international.
27:22La Cour européenne et droits de l'homme aussi a déjà reconnu l'objection de conscience
27:26comme un devoir, à deux reprises, en 90, lorsqu'elle a validé la condamnation de
27:33hauts fonctionnaires de la RDA, qui avaient tué des Allemands de l'Est, qui tentaient
27:37de fuir en Allemagne de l'Ouest.
27:39Donc ils ont été condamnés pour homicide volontaire, et ils s'étaient défendus en
27:45disant qu'ils avaient obéi aux ordres.
27:49Et la Cour européenne et droits de l'homme, dans une autre affaire, a aussi confirmé la
27:55condamnation d'une ancienne procureure tchèque, qui avait été condamnée pour
28:00avoir participé à une liquidation d'opposants politiques pendant le communisme.
28:05Et la Cour avait dit que la Cour ne saurait non plus accepter l'argument de la
28:09requérante, selon lequel elle n'avait fait qu'obéir aux instructions de ses
28:12supérieurs expérimentés, auxquelles elle avait fait pleinement confiance.
28:17Et dans les deux décisions, il y a un principe qui est intéressant, que la Cour donne,
28:24même un simple soldat ne saurait complètement et aveuglément se référer à des ordres
28:29qui violaient de manière flagrante les droits de l'homme, et surtout le droit à la vie,
28:34qui est la valeur suprême dans l'échelle des droits de l'homme.
28:37Donc l'objection de conscience, avant d'être un droit, c'est un devoir, et même quand il
28:42est illégal de l'exercer du point de vue de la loi nationale, en théorie, elle est
28:49obligatoire à l'obligation de conscience comme droit.
29:01Donc ça, c'est plus connu.
29:03L'obligation de conscience, elle fait partie de la liberté de conscience qui est garantie.
29:09La principale convention internationale qui protège les droits de l'homme, à l'article
29:1718, et qui est garantie aussi à l'article 9 de la Convention européenne des droits de
29:22l'homme.
29:24Elle est aussi maintenant garantie dans l'article 10 de l'achat des droits fondamentaux de
29:28l'Union européenne.
29:29Et ce qui est intéressant dans cet article 10, c'est que l'objection de conscience est
29:34citée explicitement comme découlant de la liberté de conscience.
29:36Donc voilà, c'est la première fois dans un traité, donc un texte qui a une valeur
29:42supralégislative, au-dessus de la loi, que l'objection de conscience est citée explicitement.
29:51Une bonne partie des requêtes qui arrivent devant ces institutions internationales, la
29:57Cour européenne des droits de l'homme, qui applique la Convention, et le Comité des droits
30:04de l'homme, qui applique le pacte, la question de tuer ou de participer à cet acte.
30:15Et dans la jurisprudence, l'objection de conscience, elle est ensuite plus ou moins
30:18protégée selon des critères d'évaluation.
30:21Et pour être protégée, ce qui compte, c'est qu'il y ait un conflit insurmontable
30:25entre des convictions personnelles sincères, fortes et cohérentes, et ce qui est demandé
30:31à la personne.
30:34La seule jurisprudence qui concerne les pharmaciens est celle relative aux affaires de Bruno
30:39Pichon, qui est un pharmacien du Sud-Ouest, qui a déjà fait deux recours à la Cour européenne
30:44des droits de l'homme.
30:45Il a été condamné en France à plusieurs reprises pour avoir refusé de délivrer
30:51des produits dits contraceptifs, mais qui en réalité avaient des effets contragestifs
30:55ou abortifs.
30:57Et il a perdu ses recours, mais la Cour n'a pas à considérer que les produits étaient
31:06contraceptifs, n'est pas rentré dans le débat qui était la question de savoir quelle
31:10était la nature de l'acte à laquelle il s'opposait.
31:15Sur l'avortement, il y a eu davantage d'affaires et qui nous permettent de dégager un principe
31:22qui est intéressant aussi pour notre cas, qui est que l'accès à l'avortement et peut-être
31:33malheureusement l'euthanasie demain, cet accès-là ne doit pas reposer sur le professionnel
31:41de santé, mais sur l'État.
31:43C'est l'État qui a l'obligation, donc selon la Cour européenne des droits de l'homme,
31:46ça a été plusieurs fois répété, c'est l'État qui a l'obligation d'organiser le
31:51système de santé de manière à garantir un exercice effectif de la liberté de conscience
31:55des professionnels de santé et l'accès aux pratiques qu'il légalise.
31:59Donc le fait que l'IVG, par exemple, soit accessible lorsqu'elle est légale, c'est
32:06de la responsabilité de l'État et non pas du professionnel de santé qui refuse de la
32:11pratiquer.
32:12En revanche, il n'y a pas de jurisprudence encore qui concerne l'objection de conscience
32:18à l'euthanasie et au suicide assisté, malgré les quelques pays qui les ont déjà légalisés.
32:25Et donc sur ces sujets-là, on trouve seulement de la soft law, ce qu'on appelle le soft law,
32:31c'est le droit mou en français.
32:33C'est des normes qui sont élaborées au niveau international, mais qui ne sont pas obligatoires
32:36pour les États.
32:37Donc c'est des institutions qui réfléchissent, qui font des déclarations, qui prennent des
32:40résolutions, tout ce qu'on appelle aussi les lignes directrices.
32:44Et là-dessus, le texte le plus précis, c'est un texte de l'Assemblée du Conseil
32:48de l'Europe.
32:53En science, face à toute assistance à l'euthanasie, et donc j'ai pris une citation
32:59de la résolution, « Nul hôpital, établissement où personne ne peut faire l'objet de pression,
33:03être tenu responsable ou subir des discriminations d'aucune sorte pour son refus de réaliser,
33:08d'accueil large, individuel, mais aussi institutionnel, puisqu'il est dit nul hôpital
33:17ou établissement. »
33:21Agnès, est-ce que vous pouvez changer de slide ? Parfait.
33:26Et ensuite, plus rapidement, parce que j'ai moins étudié la question, mais quand on regarde
33:33les pays qui ont déjà légalisé l'euthanasie ou le suicide assisté, on n'y a pas toujours
33:39à proprement parler une clause de conscience, mais en tout cas, il n'y a pas d'obligation
33:45légale de coopérer à l'euthanasie ou au suicide assisté.
33:48Ça ne s'appelle pas toujours clause de conscience, mais la participation est quand même fondée
33:53sur le volontariat.
33:54y compris pour les pharmaciens.
33:58Donc c'est le cas en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, les pharmaciens n'ont pas d'obligation
34:03de participer.
34:04Pareil pour le Canada et le Luxembourg, pour l'euthanasie et pour le suicide assisté.
34:09Et pour les États-Unis aussi, dans les différents États qui ont légalisé certaines de ces pratiques,
34:16les pharmaciens n'ont pas d'obligation d'y participer.
34:18Et j'ai aussi regardé pour la peine capitale, parce que c'est aussi des pharmaciens qui
34:22sont amenés à préparer les...
34:26Bah, pharmaciens, ou pas seulement, mais en tout cas, ceux qui sont amenés à préparer
34:29les substances pour la peine capitale ne sont pas non plus...
34:33Et donc, ce qui fait conclure que si la France oblige les pharmaciens à préparer et à délivrer
34:39des produits laitaux, en tout cas dans mes recherches, la première, même si ces recherches
34:46mériteraient d'être complétées pour être vraiment exhaustives, mais en tout cas,
34:50je n'ai pas trouvé de...
34:52On n'a pas trouvé d'exemple.
34:54Et depuis qu'on l'a dit, on ne nous a pas signalé d'exemple de pays où les pharmaciens
34:59seraient obligés de participer à ces pratiques.
35:03Donc, pour conclure notre propos, si le texte de la proposition de la loi Falorni restait
35:17inchangé, les pharmaciens seraient placés dans une situation professionnelle, juridique
35:23et éthique particulièrement délicate, et pas seulement pour les objecteurs de conscience.
35:30En effet, les pharmaciens se trouveront confrontés à des contradictions mettant en cause le
35:36sens même de leur vocation.
35:39Et il est donc pour nous impératif de poursuivre des travaux et aménager des espaces de dialogue
35:45à la fois au sein de la profession, avec les institutions gouvernementales, parlementaires,
35:54syndicales et ordinales.
35:56Un objectif essentiel est d'identifier les problématiques pharmaceutiques, déontologiques,
36:04éthiques et de santé publique aussi, et de proposer des solutions qui soient respectueuses
36:10de la conscience des pharmaciens en tant qu'acteurs à part entière de la chaîne de soins.
36:17Ces discussions devraient conduire au minimum à un amendement du projet de loi garantissant
36:21à tous les pharmaciens un droit à l'objection de conscience.
36:26En tout cas, c'est ce que nous souhaiterions.
36:30Merci beaucoup.
36:30Merci.
36:39Merci.

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