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00:017h-9h, Europe 1 Matin.
00:03Il est 7h10, très bon début de journée à l'écoute d'Europe 1.
00:06Jacques Serret, vous recevez ce matin Nicolas Dia, écrivain et éditeur,
00:11spécialiste du Vatican et de l'Église catholique,
00:14et auteur du Militas, la naissance des hommes seuls, aux éditions Fayard.
00:18Bonjour Nicolas Dia.
00:19Bonjour.
00:20Merci d'être avec nous en direct au lendemain de la mort du pape François.
00:23Cela fait près de 24 heures que François nous a quittés, l'émotion est mondiale.
00:28Nicolas Dia, que restera-t-il de ces 12 années de pontifiquat ?
00:32Il restera, je pense, un pape inclassable,
00:36c'est-à-dire un pape qui ne se situait pas dans la continuité de ses prédécesseurs,
00:42qui a construit un pontifiquat qui ressemblait d'ailleurs à sa culture jésuite,
00:47à la culture du discernement.
00:50Il restera, je pense, aussi un pape avec une force hors du commun,
00:55avec des convictions extrêmement habitées.
01:00Un pape aussi, sur le plan de son administration, de sa politique interne très autoritaire,
01:07qui avait souvent même malmené ses collaborateurs et la curie romaine.
01:13Et certainement aussi, et les réactions des différents chefs d'État depuis hier soir le montrent assez bien,
01:19un pape reconnu pour sa politique internationale et pour tous les efforts assez nombreux,
01:24il faut le dire et le reconnaître et le souligner.
01:28Ses efforts vraiment très, très, très, très, très, très convaincus
01:33pour que la paix revienne dans un certain nombre de régions.
01:38Là aussi, il avait été critiqué par sa volonté de poursuivre le dialogue avec les autorités russes.
01:43Mais son leitmotiv aura été, comme Jean-Paul II d'ailleurs,
01:49de continuer à assurer la présence de l'Église sur la scène diplomatique internationale.
01:55Et je crois que ça ressort assez bien depuis hier soir.
01:59En quoi était-ce un pape autoritaire ? C'est un point assez méconnu.
02:02C'était un pape qui avait une vision très précise de ce qu'il voulait pour l'Église
02:10et qui était peut-être, je dirais, moins ouvert au dialogue interne
02:17que quelques impressions premières pouvaient le laisser suggérer.
02:22C'est-à-dire que c'était un pape qui ne tolérait pas vraiment le dialogue avec ses collaborateurs
02:28et ses collaborateurs, les cardinaux de la Curie, en l'occurrence,
02:31ou les grands archevêques métropolitains de la scène internationale.
02:36Eh bien, ces hommes devaient le suivre et suivre ses options
02:40sans trop mettre en avant leurs propres idées.
02:45Voilà, donc c'est évidemment à la fois naturel et normal
02:50puisqu'il était le pape, le successeur de Pierre.
02:53Et en même temps, il est assez peu de dire que ses prédécesseurs,
02:59et en particulier Benoît XVI,
03:01avaient une pratique beaucoup plus ouverte de ce gouvernement.
03:06Ce pape a toujours plaidé pour une Église ouverte.
03:09Il prenait le risque d'aller vers les périphéries géographiques et existentielles.
03:13Il a dérouté, parfois divisé.
03:16En quoi était-ce un véritable pontificat de rupture ?
03:19C'était un pontificat de rupture par, je dirais, sa pratique pastorale,
03:27sa politique pastorale, sa manière de mettre les priorités de terrain au premier plan,
03:33ce qui semble tout à fait naturel, puisque c'est évidemment la vocation de l'Église.
03:39Et en même temps, effectivement, ça a suscité un certain nombre de réserves,
03:43voire même de franche opposition, parce que d'autres cardinaux, d'autres hommes d'Église,
03:49d'autres, tout simplement d'ailleurs, théologiens,
03:52considéraient que la vocation première de l'Église
03:56était aussi de rappeler la doctrine,
03:59et de rappeler les vérités essentielles et premières de l'Église.
04:04Pour vraiment donner un exemple encore plus précis et répondre à votre question,
04:11un de ses premiers voyages, si ce n'est d'ailleurs son premier voyage,
04:15en 2013, il y a 12 ans,
04:17a été l'Ampédouza, exactement.
04:21Et donc, effectivement, pour se recueillir dans un endroit,
04:26aujourd'hui encore d'ailleurs,
04:27où les migrants arrivaient en masse,
04:29traversant la Méditerranée dans des conditions,
04:31on le sait, extrêmement dangereuses, au péril de leur vie,
04:35avec beaucoup de morts.
04:37Et ça a été, ensuite, au long des années,
04:41vraiment une continuité de ce pontificat,
04:46qui a souvent été débattu,
04:48parce qu'un certain nombre de cardinaux
04:52trouvaient que cette priorité allait de pair,
04:56hélas, selon eux,
04:58avec, finalement, une forme de marginalisation
05:02dans la politique du pape,
05:04dans la pratique du pape,
05:05de ce qu'était réellement, historiquement,
05:07culturellement, pardon,
05:10l'Europe, l'Occident, son histoire,
05:13et que le pape donnait trop
05:14d'importance à ces questions migratoires.
05:17Donc, ça a été un débat constant,
05:19ça a été des tensions constantes.
05:20Le pape n'a pas dévié,
05:21il a continué sur cette ligne,
05:23et faisant fi, souvent, d'ailleurs,
05:26de ses crispations,
05:27ou de ses conseils qu'on lui donnait,
05:32et il a gardé ce cap au risque de la polémique.
05:35Le pape François a nommé un certain nombre de cardinaux.
05:39Au final, justement, là, en ce moment,
05:42est-ce qu'aujourd'hui,
05:45il a une majorité de cardinaux
05:47qui sont sur sa ligne ?
05:50Alors, il y a deux choses
05:52qu'il faut bien, je pense, distinguer.
05:54Il y a le fait qu'il ait nommé
05:56la majorité des cardinaux du Sacré-Collège.
05:59Donc, aujourd'hui,
06:00il y a très exactement,
06:02au jour de sa mort,
06:03135 votants,
06:05c'est-à-dire 135 cardinaux
06:07âgés de moins de 80 ans.
06:09Et il y a un peu plus de 200 cardinaux,
06:13c'est-à-dire moins de 80 ans
06:16ou plus de 80 ans.
06:17Par exemple,
06:20le cardinal Sarah,
06:21qui aura 80 ans le 15 juin prochain,
06:24sera donc participant au conclave
06:26et votera pour le prochain pape.
06:27Donc, ça, ce sont les cardinaux
06:28créés par François.
06:31Il y a à peu près 80%
06:32de ces cardinaux créés par François.
06:34Mais c'est là le deuxième point.
06:36Ce qu'il faut bien, je pense, regarder,
06:39c'est que tous les cardinaux
06:40créés par François
06:41ne sont pas forcément
06:43sur la même ligne que le pape François.
06:46Il y a évidemment un certain nombre
06:47de proches,
06:48un certain nombre de cardinaux,
06:50d'ailleurs, à la curie,
06:52qui sont totalement sur sa ligne
06:54et qui sont, je dirais même,
06:56ses héritiers spirituels.
06:58Et puis, il y a une autre majorité,
07:00cette fois-ci,
07:01de cardinaux qu'il a lui-même créés,
07:03qui ont leurs opinions propres,
07:05qui ont leurs idées propres
07:06et qui ne ressemblent pas forcément
07:08en tout point au pape François.
07:10c'est même un euphémisme de le dire.
07:12Il y a un certain nombre de cardinaux
07:13créés par François
07:14qui sont, et ils le disent en privé,
07:17en désaccord assez net
07:19sur un certain nombre de points.
07:20C'est ce qui fait, je pense,
07:22que le conclave sera
07:23un des plus ouverts de l'histoire
07:25et qu'il ne faut surtout pas imaginer
07:27que parce que François a créé
07:30tous les cardinaux,
07:31forcément, le résultat est couru d'avance.
07:34Justement, Nicolas Diaz,
07:35je rappelle, vous êtes spécialiste
07:36de l'Église catholique.
07:36Merci d'être en direct avec nous
07:37ce matin sur Europe 1,
07:39mais se pose déjà la question
07:40de la succession du pape François.
07:44Est-ce qu'il est déjà possible
07:45d'anticiper le profil du futur
07:48s'ouvre à un pontife aujourd'hui ?
07:51Non, alors ça, je pense que c'est
07:52un exercice vraiment très difficile.
07:57On sait très bien,
07:58à toute élection pontificale,
08:00que les Italiens ont un point important.
08:04François a un petit peu abaissé
08:07le nombre de cardinaux italiens,
08:09mais les cardinaux italiens
08:09restent tout de même extrêmement présents.
08:11Il y a quasiment trois cardinaux
08:14dont on peut considérer,
08:17à juste titre,
08:17qu'ils auront un rôle très important.
08:19Le premier d'entre eux,
08:20c'est l'actuel cardinal secrétaire d'État,
08:21le cardinal Pietro Parolin,
08:23qui a été son plus proche collaborateur
08:25depuis quasiment le début du pontifical.
08:27Le deuxième, qui est un grand diplomate,
08:30un diplomate chevronné.
08:31Le deuxième, c'est le cardinal Zupi,
08:33qui est un peu moins connu,
08:34mais qui est très influent,
08:35le cardinal archevêque de Bologne,
08:36qui appartient à la communauté santé de Gidio.
08:39Et puis, il y a le cardinal Pizzaballa,
08:40qui est un peu plus jeune d'ailleurs,
08:42qui a une petite soixantaine d'années,
08:45qui est l'actuel patriarche latin de Jérusalem,
08:48donc qui se trouve en Terre Sainte.
08:50Donc, les cardinaux italiens,
08:51incontestablement,
08:52ont des candidats de poids,
08:54des candidats influents,
08:56qui joueront un rôle,
08:57quoi qu'il se passe.
08:59Ensuite, il y a évidemment deux,
09:02alors effectivement,
09:03il y a deux possibilités françaises,
09:05le cardinal Aveline de Marseille
09:08et le cardinal Bustillo d'Ajaccio, de Corse,
09:12qui aura d'ailleurs eu le privilège de recevoir
09:14pour la dernière fois le pape François,
09:16puisque le dernier voyage du pape François
09:19aura finalement été pour la Corse
09:20et donc pour la France.
09:22Alors, ces deux hommes-là joueront un rôle aussi,
09:25c'est absolument incontestable.
09:26Le cardinal Aveline est maintenant assez bien connu à Rome par les cardinaux.
09:31Le cardinal Bustillo, lui aussi,
09:34a vu sa notoriété s'accroître en raison de ce dernier voyage,
09:39même s'il est un petit peu, d'ailleurs,
09:41comme le cardinal Pizzaballa, assez jeune,
09:43c'est-à-dire qu'il a moins de 60 ans,
09:45ce qui est d'ailleurs une question,
09:46c'est-à-dire l'âge de celui qui sera le prochain pape.
09:49On sort aujourd'hui de deux pontificats avec deux cardinaux,
09:54le cardinal Ratzinger, devenu Benoît XVI en 2005,
09:57et Bergoglio, devenu François en 2013,
10:00qui ont été élus assez âgés.
10:02L'un avait 78 ans le premier, 77 ans le second,
10:06et donc cette question de pontificats
10:08qui sont très vite, hélas, rattrapés
10:11par des problématiques de santé,
10:14qui sont assez naturelles,
10:15parce que c'est une charge absolument écrasante,
10:17c'est une charge constante avec une tension quotidienne,
10:21avec parfois, sur une seule journée,
10:23une dizaine d'audiences,
10:25avec des chefs d'État très importants.
10:27Et donc, évidemment, le poids de l'âge sera important.
10:31Merci beaucoup, Nicolas Diaz,
10:33spécialiste du Vatican et de l'Église catholique.
10:35Je rappelle votre dernier ouvrage publié aux éditions Fayard,
10:37Humilitas, la naissance des hommes seuls.
10:40Très bonne journée à vous.

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