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00:00On revient sur les grands chantiers avec vous, Sabrina Mathieu, directrice de l'USOM, l'Union sociale pour l'habitat d'outre-mer.
00:07Bonsoir, on se souvient de la colère avec laquelle Emmanuel Macron avait été accueilli à Mayotte il y a quatre mois.
00:14Est-ce qu'il faut s'attendre à un climat similaire demain ? Quels sont les retours qui vous parviennent du territoire ?
00:21Écoutez, je pense que l'accueil du président de la République sera assurément à la hauteur des attentes, c'est-à-dire exigeant.
00:28Je pense qu'effectivement, Mayotte traverse une période d'une extrême fragilité et l'urgence appelle nécessairement des réponses à la fois structurelles, immédiates et opérationnelles.
00:38L'EU est passé, comme auquel vous faites effectivement référence sans le reflet d'une exaspération certaine et profonde des Bahorais face à une République qui est ressentie localement comme étant parfois distante.
00:52Donc je pense qu'il faut espérer que ce déplacement qui est placé finalement sous le signe de la reconstruction permette un réengagement sincère de l'État auprès de ces territoires.
01:06Mais justement, où en sont les grands chantiers dans l'archipel ?
01:10Elle en est où cette reconstruction ?
01:12À ce jour, si on devait faire un état sur les infrastructures publiques, je dirais que l'électricité est plutôt rétablie, aller à 90% des foyers, même s'il reste des problèmes de sécurisation, de traitement de déchets.
01:29Il y a deux personnes qui sont mortes récemment, dont une personne hier, un professionnel qui travaillait dans le secteur de l'électricité électrocutée.
01:39Il y a un gamin, un enfant qui est mort il y a un mois à Mamoutzu à cause de cela.
01:42Donc je pense que oui, l'électricité est rétablie, mais on ne peut pas dire que la sécurisation soit totalement au rendez-vous.
01:48S'agissant de l'eau, on est à 40 et 60% des réserves d'eau qui sont aujourd'hui assurées.
01:54Mais comme vous le savez, il y a des fuites dans le réseau, le réseau étant dans l'état qu'on connaît, c'est-à-dire très défaillant.
02:02Et il était déjà avant la catastrophe ?
02:05Absolument. En fait, il y avait des fuites dans le réseau, les réparations n'ont pas été effectuées, le réseau n'a pas été effectivement rénové.
02:12Mais vous avez d'une part les problématiques du réseau à proprement dit et des réserves d'eau.
02:16Donc les réserves d'eau aujourd'hui, elles sont à 40-60% en gros, il y a deux réserves d'eau remplies.
02:22Mais les réseaux sont dans l'état qu'on connaît, voire pire.
02:26Et du coup, aujourd'hui, à Mayotte, on a de l'eau courante une fois sur trois jours.
02:30Une fois tous les deux jours à trois jours, ça dépend effectivement de secteur.
02:35Mais alors qu'est-ce qui bloque ?
02:36Qu'est-ce qui bloque ? Pourquoi ça n'avance pas ?
02:41Je pense qu'évidemment, il y a la loi d'exception qui a été opérée.
02:45Il y a des aides qui ont été votées, mais aujourd'hui, elles ne sont pas encore mises en place.
02:49Je rappelle quand même que les décrets d'application ne sont pas sortis.
02:53Sur les 100 millions qui étaient promises comme étant des aides d'amorçage aux collectivités,
02:59les collectivités ont déposé les dossiers, mais elles nous disent ne pas avoir reçu l'arbre en question.
03:04S'agissant de ce qui est géré par la Fondation de France, c'est-à-dire 40 millions d'euros,
03:10aujourd'hui, on en est à 10 millions d'engagés.
03:13Étant entendu que d'après les retours, bien sûr, que nous avons sur place,
03:18les élus se plaignent de ne pas être suffisamment associés aux associations qui reçoivent cet argent.
03:24Parce qu'évidemment, ils sont au premier, j'ai envie de dire,
03:27ils sont très exposés à la demande de leurs administrés.
03:30Par voie de conséquence, ils ont quelque chose, ça devrait se faire tout pour le moins,
03:34avec la collaboration des élus, comme cela d'ailleurs avait été fait dans le Pas-de-Calais lors des inondations.
03:40Il n'en est rien pour Mayotte.
03:42Il y a un manque de matériaux aussi, manque de financement, on vous entend,
03:48mais aussi de matériaux, d'acheminer justement tous ces matériaux.
03:52À l'évidence, bien sûr, que les réseaux habituels ne sont pas tous rétablis,
03:57c'est-à-dire que l'approvisionnement, notamment, y compris d'ailleurs pour ce qui relève de la nourriture
04:01et des denrées alimentaires, il y avait un bel approvisionnement qui venait de l'Afrique,
04:06qui n'est plus tout à fait au même niveau qu'avant, effectivement, le cyclone Shido.
04:11Il y a quand même une amélioration, c'est-à-dire qu'aujourd'hui,
04:13les rayons sont remplis, par exemple, de denrées alimentaires,
04:16mais enfin, il y a quand même aussi un effet d'aubaine,
04:18où les prix ont explosé, notamment pendant le mois de Ramadan,
04:22où on sait très bien que les Mahorais sont plus consommateurs qu'à d'autres mois de l'année.
04:27Donc, globalement, oui, il y a une situation technique, de logistique,
04:31qui n'est pas tout à fait à la normale, mais qui s'est quand même grandement améliorée.
04:34Mais beaucoup des aides promises ne sont pas encore mises en place,
04:39notamment le prêt à taux zéro, qui aujourd'hui n'a toujours pas été exécuté.
04:43Alors, vous avez parlé de la loi d'urgence, il y a aussi cette future loi,
04:48très très attendue, cette future loi de refondation de Mayotte,
04:52qui va être présentée demain depuis Mayotte en Conseil des ministres,
04:56présidée par Emmanuel Macron par visioconférence.
04:58Donc, l'exécutif espère adopter d'ici l'été prochain ce texte,
05:02qui vise à permettre le développement économique et social du territoire sur de nouvelles bases.
05:07Ce sont les mots de Manuel Valls.
05:09Que faut-il attendre de ce projet ?
05:13Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a déjà une délibération du Conseil départemental
05:18qui a émis un avis réservé s'agissant du projet de loi sur lequel ils ont été consultés.
05:25Les élus ont demandé un certain nombre de choses, dont notamment l'alignement des retraites des Mahorais,
05:31qui ne coûterait que 3 millions d'euros, sachant que la caisse de retraite est excédentaire à Mayotte
05:37et qu'elle verse son surplus aux caisses nationales, mais il n'en est rien.
05:41Moi, j'ai des élus qui me disent qu'ils ont des retraités qui touchent 120 euros après 40 ans de cotisation.
05:47Tout ça parce qu'il n'y a pas un alignement des droits.
05:49De même, il n'y a pas d'alignement des droits sociaux.
05:52Là encore, les élus le demandent.
05:54Ils disent qu'on ne peut pas mettre une population qui vit à 80 % sous le seuil de la pauvreté
06:01dans des difficultés plus précaires qu'elles ne sont déjà.
06:05Il y a beaucoup de dispositions également au niveau de l'immigration
06:08qui sont demandées par les Mahorais, les élus Mahorais,
06:13mais qui vraisemblablement ne font pas partie du texte de loi dont je n'ai pas pris connaissance
06:17puisqu'il n'est pas encore traité effectivement,
06:19et il n'est pas encore rendu public.
06:21Mais l'avis des élus est très réservé sur le projet de loi de refondation.
06:26Sur la question migratoire, en tout cas, c'est l'angle qu'a choisi Bruno Retailleau
06:31qui était alors ministre démissionnaire de l'Intérieur.
06:34Il a dit en archipel, cet archipel ne pourra pas être reconstruit, je cite,
06:38sans traiter la question migratoire.
06:40C'était ses déclarations à l'époque.
06:43Ces mots, ils montrent que l'immigration, ça reste encore aujourd'hui,
06:45l'une des principales clés d'analyse des politiques pour comprendre les problèmes de l'île
06:51au détriment peut-être de la question de l'habitat justement,
06:54qui a été remise sur le devant de la Seine après le cyclone Chido.
06:59Alors je pense que la refondation de Mayotte, moi j'ai un avis peut-être en faux,
07:08je pense que la refondation de Mayotte ne saurait être pensée uniquement sous le prisme migratoire.
07:12Je l'ai toujours dit, je maintiens cette opinion parce que, certes,
07:16la pression migratoire est une réalité, elle complique l'action publique,
07:20mais l'enjeu fondamental est ailleurs.
07:22Il s'agit d'abord d'un problème de dimensionnement de politique publique.
07:25Il faut des services publics adaptés à la population réelle
07:30et non des mécanismes d'exception qui cantonnent finalement Mayotte
07:34à une logique de gestion sécuritaire.
07:37Le titre de séjour par exemple spécifique qui n'autorise la circulation qu'à Mayotte
07:41contribue à enfermer les territoires dans une forme d'assignation à résidence
07:46pour les plus précaires.
07:47Donc je pense que la question migratoire est une réalité,
07:51mais personnellement, en tout cas en tant que technicienne,
07:53je me refuse à croire que c'est là l'enjeu fondamental.
07:56C'est d'abord une question de dimensionnement, de moyens, de planification
08:00et donc d'une volonté politique et d'une vision républicaine d'égalité territoriale.
08:04Et on verra si cette catastrophe humanitaire sans précédent
08:08aura changé la boussole de l'État.
08:10On verra ça demain avec la proposition de loi.
08:15Très rapidement, la question qui se pose aussi dans ce défi de la reconstruction,
08:19c'est celle de l'avenir des terres insulaires face au dérèglement climatique ?
08:23Il nous reste 30 secondes.
08:24Oui, très clairement, je pense que nous, en tout cas à Luchon,
08:30on travaille actuellement sur un pacte climatique pour les Outre-mer
08:33qui finalement, on va appeler à sa signature,
08:37par l'ensemble des parties prenantes, les collectivités territoriales,
08:40mais aussi l'État, il faut un engagement, une vision
08:43et surtout il faut une planification, une prise en compte de ces enjeux
08:46dans toutes les politiques publiques,
08:48c'est-à-dire qu'il faut que ce soit une action multidimensionnelle.
08:51Oui, il y a un véritable enjeu, ce n'est pas qu'à Mayotte,
08:54c'est dans l'ensemble des Outre-mer.
08:55Il faut absolument qu'on repense les territoires avec ces contraintes particulières.
08:59Ces territoires peuvent être une force
09:01et si jamais on en doutait,
09:03la question des droits de douane imposés par Trump,
09:06avec une exception qui est donnée aux Outre-mer,
09:08nous montre à quel point ces territoires peuvent être un atout pour la République
09:12et à quel point on peut, entre guillemets, en bénéficier pleinement
09:16et que ce soit des éléments d'expansion de la République française.
09:19Sabrina Mathieu, directrice de Lussom,
09:21l'Union sociale pour l'habitat d'Outre-mer.
09:23Merci pour vos éléments de compréhension sur ce dossier.