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  • il y a 3 jours

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00:00Europe 1, Pascal Prohé. De 11h à 13h sur Europe 1 avec Pascal, notre invité qui vient présenter son ouvrage, Julien Leclerc, pour son livre Recherche désespérément salarié aux éditions Fayard.
00:11Qui est évidemment provocateur, ce titre. Bonjour Julien Leclerc. Bonjour Pascal.
00:14Aux éditions Fayard et je lisais d'entrée de ce livre, une des phrases les plus importantes, il y a officiellement 520 000 emplois à pourvoir en France selon la DARES.
00:26Un chiffre en forte progression depuis 2020 et surtout largement sous-évalué. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de postes, il y a beaucoup d'emplois qui ne sont pas pourvus. Dans quel domaine ?
00:38Dans 80% des jobs, encore une fois c'est plutôt un million en vrai parce que la DARES ne compte que les emplois auxquels elle a accès.
00:45Or il y a énormément de chefs d'entreprise qui ne se donnent même plus la peine de mettre des annonces parce que de toute façon ils savent qu'ils ne trouveront pas.
00:51Donc c'est plutôt, c'est à minima un million d'emplois à pourvoir en France. Dans 80% des jobs, on parle des jobs historiques, on connaît la restauration, l'hôtellerie, l'industrie, l'agriculture, les services à la personne, etc.
01:03Mais il n'y a plus de comptable en France. Il n'y a plus de juriste en France.
01:06Mais pourquoi il n'y a plus de comptable ?
01:08Parce que c'est des métiers qui font plus rêver, parce que c'est des rythmes peut-être dont les gens ne veulent plus.
01:12Comptable ?
01:13Oui ?
01:14Mais c'est-à-dire un comptable dans une entreprise...
01:16Vous connaissez des gamins qui rêvent d'être comptables ?
01:18Il y en a, je ne dis pas qu'il n'y en a pas, il y en a certainement, mais il n'y en a pas beaucoup.
01:20Quand on est gamin, quand on a 8 ans, on ne rêve pas d'être comptable. On veut être ou pompier, ou joueur de foot, ou que sais-je.
01:26Ça se demandait à Isabelle Borne d'ailleurs, qui a dit que les maternelles devaient se concentrer sur leur orientation.
01:30Mais en revanche, après il y a le principe de réalité qui arrive, c'est-à-dire qu'il faut quand même trouver un emploi.
01:36Et puis comptable, expert comptable, c'est quand même des beaux métiers.
01:38C'est un très beau métier, je ne dis pas ça.
01:41Mais on ne les met pas ça en valeur à l'école peut-être, pour orienter les enfants.
01:44C'est un des 5 métiers les plus en tension en France, qui a énormément de mal à recruter.
01:47Donc quelqu'un qui voudrait être expert comptable, par exemple, ou comptable, il aurait une carrière...
01:52Il y a du taf, ça oui, il a une carrière assurée. Je pense qu'on ne forme tout simplement pas du tout assez de comptables, et peut-être beaucoup trop de journalistes, par exemple.
01:59Alors ça, je vous confirme qu'il y a trop de journalistes, et trop de jeunes journalistes surtout, qui, bien sûr...
02:05Et c'est compliqué, parce que c'est plus difficile pour eux que ça ne l'était pour nous, mais c'est un métier très attractif, disons-le.
02:12Mais quels sont les domaines, ça, ça m'intéresse beaucoup, où on cherche précisément des gens ?
02:18Je le redis, le bâtiment est d'énormes tensions.
02:21Le métier le plus en tension, c'est tous les services à la personne, pour s'occuper, par exemple, notamment des personnes âgées.
02:27Mais parce que ça, alors ça, c'est dur !
02:28Il y a une question d'attractivité, et après, il y a une question, c'est vrai, de fidélisation.
02:32Il ne s'agit pas seulement d'attirer et de trouver des gens, il s'agit de les garder.
02:36Et comme ce sont des métiers difficiles, il y a énormément de turnover, comme on dit, sur ces métiers-là.
02:40Donc, la restauration, alors moi, il se trouve que j'ai eu...
02:44Je gère une agence de presse, donc plutôt avec des journalistes, donc moi, je ne connaissais pas ce sujet.
02:47Je savais qu'il y avait un problème de tension des marchés de l'emploi, mais je ne l'avais jamais vécu.
02:52Et vous savez, on est un peu égocentré, donc tant qu'on n'a pas vécu quelque chose, c'est un peu loin de nous.
02:55Et puis, un jour, j'ai racheté un resto, en 2020, j'avais le sens du timing.
03:00Et là, je prends de plein fouet qu'il n'y a personne qui veut bosser dans mon resto.
03:05Et donc, on galère pendant des années pour essayer de trouver suffisamment de monde.
03:09Et il y a un moment donné où je dis, on va arrêter de galérer, on va se poser les questions,
03:13et on va essayer d'imaginer des réponses.
03:15Avec nos équipes, en l'occurrence, on avait une équipe fixe.
03:17Et vous avez trouvé les réponses ?
03:18Oui, on était obligés.
03:18Quelles réponses ?
03:19Alors, les réponses, ça a été de travailler d'abord sur la rémunération.
03:22C'est le sujet, vous parliez du salaire, notamment sur ces métiers-là, les fameux métiers utiles.
03:27Quelle est la juste rémunération ?
03:29Et en même temps, je dis ça, quand on est patron d'un resto,
03:30où les marges moyennes en France sont de 6-7%, ce n'est pas évident.
03:34Un petit peu plus, le resto.
03:36Non, c'est parce que vous pensez qu'on fait du black, mais on n'en fait plus.
03:38Non, mais un petit peu plus, ce n'est pas 6-7%.
03:40Voyez, vous exagérez.
03:42Un petit peu plus.
03:42La moyenne nationale, je vous assure, c'est celle-ci.
03:44C'est un bon resto, théoriquement, tu dois sortir 15%.
03:46Avec le ciel des restaurateurs vous entendent.
03:49Mais moi, en tout cas, je n'ai pas connu ça.
03:52Mais en revanche, comment on peut quand même agir sur le salaire ?
03:55Ensuite, il y a une énorme question de rythme de travail en restauration, évidemment.
03:59Les week-ends, les coupures, les soirs.
04:01Donc, on s'est posé ces questions-là.
04:03Il y a la question des logements, il y a la question de la mobilité.
04:05Par exemple, nous, on avait rajouté dans nos annonces d'emploi,
04:08on avait pris des logements à quelques kilomètres du restaurant,
04:12donc 5 minutes en voiture.
04:13La deuxième décision qu'on a prise, c'est de rendre ces logements.
04:15Parce qu'on s'est aperçu que 90% des saisonniers qui postulaient
04:18n'avaient pas de voiture ou pas de permis.
04:20Parfois, ils avaient la voiture et pas le permis,
04:22mais ça, ça nous posait un peu de problème.
04:24Et donc, on a rendu ces logements,
04:25on a repris des logements à 20 mètres du bar.
04:27Donc, il y avait un sujet de mobilité.
04:29Et puis après, on a tenté ce qui a marché, nous.
04:31C'était notre réponse.
04:32C'est la semaine de 4 jours.
04:33On a posé dans nos annonces 3 jours de repos garantis par semaine,
04:37même en pleine saison.
04:38À partir du jour où on a fait ça,
04:39on s'est retrouvé avec beaucoup, beaucoup de candidatures et des listes d'attente.
04:43Vous êtes adapté.
04:44Finalement, c'est intéressant.
04:46Alors, vous dites, oui, il y a des gens qui ne veulent pas bosser, c'est vrai.
04:49Des personnes qui comptent chaque heure travailler
04:51pour calculer les droits au chômage qu'elles ont engrangés,
04:53pour rester chez elles, pour avoir du temps pour elles,
04:55pour être partout sauf au boulot.
04:57Un de mes salariés m'avait dit qu'il préférait
04:58ne pas enchaîner un CDI directement après un CDD
05:02parce que le nouvel opus d'un jeu vidéo
05:04qu'il affectionnait particulièrement
05:06sortait à cette période-là.
05:08Il comptait rester trois semaines au chômage
05:10entre les deux pour pouvoir y jouer.
05:12Cette réalité existe,
05:14elle ne peut être niée.
05:15Bon, alors, souvent j'utilise l'expression
05:17moi je n'aime pas faire le raisonnement par l'exemple.
05:19Bien sûr, ce n'est qu'un exemple
05:21et je n'en tiens pas un raisonnement.
05:24Mais c'est vrai que ça fait sourire.
05:26Oui, puis vous en parlez régulièrement à l'antenne.
05:27Cette réalité, ça énerve quand on le dit,
05:30mais elle existe.
05:31L'autre côté, ce que vont dire des gens très à gauche,
05:33vont nous dire, mais oui, mais en même temps,
05:34il y a aussi des patrons qui se comportent très mal
05:36tant que vous traiterez vos salariés de cette façon,
05:39vous les payez aussi mal, etc.
05:41C'est normal que vous ne trouvez personne.
05:42Et c'est vrai que, par exemple,
05:43la restauration paye quand même sans doute des décennies
05:45à avoir pas très bien traité les gens,
05:47notamment en cuisine.
05:48Les caricatures, elles existent.
05:49Il y a plein d'exemples qui le montrent.
05:51Ce sujet, il est beaucoup plus passionnant que ça.
05:53Et surtout, il ne laisse plus de place à la caricature.
05:55C'est-à-dire, quoi qu'on en pense,
05:56il y a un moment donné,
05:57où moi, je n'avais pas de salarié pour ouvrir mon resto.
05:59Et ça, quand vous êtes chef d'entreprise,
06:01c'est hyper douloureux.
06:02Ça vous retourne le bide.
06:03Vous passez vos journées à imaginer quelque chose,
06:06à imaginer comment je vais faire pour attirer des clients,
06:08la bonne déco, la bonne carte,
06:10le bon emplacement, etc.
06:11Vous avez des clients,
06:12et là, vous êtes obligé de fermer.
06:14De dire que vous êtes complet alors que vous ne l'êtes pas.
06:16Parce que vous ne pouvez pas servir les gens correctement.
06:18Et c'est ce que vous dites.
06:19Vous dites, ce n'est pas politiquement correct de le dire,
06:22mais tant pis, j'ose.
06:23Ne recevoir aucun CV pousse aussi à prendre des gens
06:25qui ne sont pas bons pour le job,
06:27pour lequel ils postulent.
06:28Oui, parce que quand vous n'avez pas assez de postulants,
06:31vous fermez.
06:32Vous êtes obligé de prendre des décisions difficiles,
06:35mais l'autre sujet, c'est vrai que ce n'est pas politiquement correct,
06:37c'est qu'on ne choisit plus.
06:39C'était quoi votre restaurant ?
06:41Une brasserie qui s'appelle le Bastion à Lectour, dans le Gers.
06:44Très jolie bourgade.
06:45Parce que c'est vrai que moi,
06:47je suis comme tout le monde dans Paris,
06:48je suis souvent dans des restaurants amis que je connais,
06:51et je m'aperçois quand même qu'ils ont su fidéliser
06:53les gens avec qui ils travaillent.
06:55Mais pour les connaître parfois un peu,
06:57c'est vrai qu'ils payent particulièrement bien.
07:00Parce que si tu veux fidéliser,
07:01bien sûr que le...
07:04Vous savez, une fois qu'on a tout dit,
07:06bien sûr que le nerf de la guerre,
07:09c'est souvent l'argent.
07:11Souvent.
07:11C'est tout à fait vrai.
07:13Voilà, souvent.
07:14C'est-à-dire que si vous dites,
07:15par exemple,
07:16les week-ends, tout ça,
07:18vous dites les jeunes gens
07:19ne veulent pas travailler le week-end.
07:20si tout d'un coup vous dites
07:21je vais payer trois fois le week-end,
07:23vous allez voir s'ils ne veulent pas venir,
07:24si vous payez 300%.
07:26Après, c'est la loi qui vous embête.
07:27Vous avez vu l'histoire sur le 1er mai.
07:28Après, c'est la loi qui vient vous emmerder.
07:29Alors ça, c'est absolument incroyable.
07:30D'ailleurs, écoutons,
07:31parce qu'on ne l'a pas écouté François Bayrou,
07:32c'est-à-dire qu'au moment où François Bayrou
07:34disait, on ne travaille pas c'est,
07:36on recevait ici quasiment le même jour,
07:38Dominique Enracht,
07:39le président des boulangers
07:40qui expliquait qu'il ne peut même pas ouvrir
07:42le 1er mai
07:43et on entendait également
07:45Olivier Andriès,
07:46le directeur général de Safran
07:50qui expliquait que lui,
07:51lorsqu'il a voulu implanter son usine à Rennes,
07:55il s'est fait accueillir par des tomates.
07:57Donc c'est ça le paradoxe français.
07:59Écoutez ce que dit M. Bayrou.
08:00Le taux d'emploi des jeunes français
08:01est beaucoup plus faible
08:03que chez nos voisins européens
08:07et le taux d'emploi des seniors
08:09est aussi plus faible
08:11que chez nos voisins européens.
08:13C'est l'explication brute
08:15du taux d'emploi
08:16qui est faible
08:17chez les travailleurs français.
08:20Voilà la première série d'explications.
08:24Nous ne produisons pas assez
08:25et nous ne travaillons pas assez.
08:27Et puis la question de l'argent,
08:29vous la posez,
08:30comment augmenter les salaires enfin
08:31dans un métier où pleuvent
08:32les témoignages de patrons
08:33qui ne s'en versent pas.
08:3547% des patrons de TP
08:36gagnent moins de 1500 euros par mois,
08:39plus d'un quart
08:39et marge à moins de 1000 euros
08:41en dessous du seuil de pauvreté.
08:43Mais c'est vrai que les salaires
08:44sont trop bas, Julien Leclerc.
08:46Oui, et un truc tout à fait vrai
08:47dans ce que vous venez de dire,
08:48c'est qu'on a passé des décennies
08:49à dire que le salaire
08:51n'était plus un critère essentiel
08:52de bonheur au travail.
08:54Ça fait 30 ans qu'on le raconte.
08:56Là, depuis 2022,
08:57il est vraiment complètement revenu
08:58sur le dessus de la pile
08:59et ne pas démarrer mon bouquin
09:00par ce sujet de l'argent
09:01aurait été de très mauvaise foi.
09:03Donc il y a un sujet de salaire
09:04à de juste rémunération des métiers,
09:06notamment d'un certain nombre
09:07de métiers essentiels,
09:09pour reprendre cette terminologie affreuse,
09:11dont on vient de parler tout à l'heure.
09:13Sur l'intervention de François Bayrou,
09:15sur le fond, évidemment qu'il a raison.
09:18Il y a trop de gens
09:19qui ne travaillent pas en France
09:20alors que le budget de l'État,
09:22il repose énormément sur le travail
09:23et essentiellement sur le travail.
09:25Donc on ne peut qu'être d'accord.
09:26Moi, ce que je regrette en revanche,
09:28c'est qu'expliquer,
09:29donner cette explication,
09:30après, je ne sais pas depuis combien de temps
09:31il fait de la politique à haut niveau,
09:33mais ça fait un bail,
09:34ça c'est digne d'un enfant de CM2.
09:37C'est-à-dire qu'un élève de primaire
09:38est capable de dire ça,
09:39est capable de dire
09:40il faut faire des économies
09:40parce que l'État perd de l'argent
09:42tous les ans.
09:43En revanche, moi,
09:43ce que j'attends ensuite,
09:45une fois qu'on a dit ça,
09:45c'est quel projet sociétal ?
09:47Si on emmène nous dire,
09:48aller dans les médias
09:49et dire les Français
09:50doivent travailler plus,
09:51pardon,
09:51mais ça ne sert à rien.
09:52Mais vous avez raison,
09:52d'autant qu'il a voté
09:53tous les budgets
09:54depuis des années,
09:55par définition.
09:56Il est 12h26,
09:56on est avec Julien Leclerc,
09:58il reste avec nous.
09:59Recherche désespérément salarié
10:00aux éditions Fire.
10:02A tout de suite.
10:02Et si vous voulez échanger
10:03avec notre invité Julien Leclerc,
10:05vous pouvez composer le 01-80-20-39-21.
10:08A tout de suite sur Europe 1.

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