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  • il y a 6 jours

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00:01L'invité éco, Camille Reveille.
00:05Bonsoir à toutes et à tous. Quel remède pour assainir nos finances ?
00:08François Bayrou promet de présenter les grandes orientations et les grands choix pour le prochain budget
00:13d'ici le 14 juillet après sa conférence sur les finances publiques ce matin.
00:17Bonsoir François Eccal.
00:18Bonsoir.
00:18Ancien magistrat de la Cour des comptes, vous êtes président de Fipeco, association d'information.
00:22Ça tombe bien sur les finances publiques.
00:24Vous publiez demain mes comptes publics, conception et contrôle des politiques publiques depuis 1980 chez Odile Jacob.
00:31François Bayrou alerte sur le piège de la dette qui menace la survie de notre pays.
00:37On en est là ?
00:38Alors la survie c'est peut-être un peu excessif.
00:40D'ailleurs, comme je raconte dans mon livre, quand j'étais à la Cour des comptes il y a 15 ans,
00:44je lui disais toujours, attention ne dites pas qu'on est au bord du gouffre, au pied du mur,
00:49parce qu'on sait qu'il y a un mur devant mais on ne sait pas à quelle distance il se trouve.
00:53Alors la survie aussi, c'est peut-être un peu, dans le même registre lexical, c'est peut-être un peu exagéré quand même.
00:58Donc on n'est pas encore au pied du mur, on n'est pas encore droit dans le mur ?
01:01Alors, on sait qu'il y a un mur, parce qu'on sait que la dette publique augmente
01:05et qu'un jour nos créanciers finiront par s'inquiéter, par augmenter les taux d'intérêt
01:12et à ce moment-là, il peut y avoir tout d'un coup une crise très rapide
01:16et tout va dépendre à ce moment-là de ce que la Banque Centrale Européenne fera.
01:20Et donc, en fait, on ne met peut-être pas notre survie, mais on met notre souveraineté
01:25entre les mains de décisions qui seront prises à Francfort.
01:28Qu'est-ce qu'il faut surveiller le plus ?
01:29Il y a le montant de la dette, 3 300 milliards d'euros, il y a la charge de la dette aussi, 58 milliards à peu près.
01:36C'est quoi l'indicateur le plus inquiétant ?
01:38Alors, c'est la dette elle-même, parce qu'elle augmente durablement depuis très très longtemps,
01:44elle est sur une tendance à la hausse.
01:46Il faut quand même aussi regarder, alors non pas la charge d'intérêt,
01:50mais les économistes vont vous dire qu'il faut regarder la différence entre le taux d'intérêt de la dette
01:54et le taux de croissance de l'activité économique.
01:58Jusqu'à il n'y a pas si longtemps, cet écart était favorable,
02:01le taux d'intérêt de la dette était inférieur au taux de croissance.
02:03Maintenant, ça risque d'être l'inverse.
02:05Et si c'est l'inverse, ça veut dire que si on n'arrive pas à dégager un équilibre,
02:11alors un équilibre, ce qu'on appelle les économistes, l'équilibre primaire,
02:15c'est-à-dire hors charge d'intérêt justement,
02:17si on n'y arrive pas, la dette publique augmente toute seule et elle peut exploser.
02:21C'est mathématique.
02:23Et qu'est-ce qui se passe ?
02:24Et donc elle augmente, elle augmente.
02:25À ce moment-là, c'est sûr que les créanciers se mettent à avoir peur,
02:28parce qu'ils ne vont pas pouvoir rembourser.
02:31Mais on n'en est pas encore là.
02:31Mais on n'en est pas encore là.
02:34Mais ça peut arriver.
02:35Le gouvernement veut trouver 40 milliards d'efforts pour le budget 2026,
02:39celui qui est donc en train d'être préparé,
02:41afin de tenir ses objectifs de déficit.
02:44Ce serait passé à 4,6% du PIB l'an prochain,
02:46arrivé à 3% en 2029.
02:49Alors il veut trouver 40 milliards,
02:50mais il y a une ligne rouge,
02:51c'est pas d'augmentation d'impôts ?
02:53Double question, François Eccal,
02:55comment on fait ?
02:56Et est-ce que c'est possible de faire l'économie de hausse d'impôts ?
02:59Alors, il faut d'abord voir que ça ne sera même pas suffisant.
03:02En fait, l'effort qui est nécessaire pour stabiliser la dette à son niveau actuel,
03:07en pourcentage du PIB, même pas en euros,
03:10c'est un effort qui est de l'ordre de 120 milliards.
03:13Il ne s'agit évidemment pas de le faire sur un an,
03:15mais ça veut dire que c'est 40 milliards.
03:17Normalement, on devrait déjà faire à peu près 25-30 milliards cette année,
03:20mais même si on fait encore 40 l'année prochaine,
03:22ça ne sera pas fini.
03:24Alors, ça va être très difficile.
03:26Il y a des pays qui l'ont fait,
03:27les Suédois l'ont fait,
03:29mais dans le contexte politique, culturel, social, français,
03:32je pense qu'on n'y arrivera pas.
03:34Et donc, en effet, la question des hausses d'impôts va se poser
03:38et il faudra certainement passer en partie par des hausses d'impôts, oui.
03:42Donc, ce ne sera pas possible, a priori, d'échapper à des hausses d'impôts ?
03:46Je ne vois pas comment on va y échapper.
03:49Moi, mon avis personnel, c'est qu'il faudrait mieux
03:52que l'essentiel de l'effort soit fait par des économies sur les dépenses.
03:56C'est possible, d'autres l'ont fait.
03:58On peut trouver des économies,
04:00mais je crains qu'on n'y arrive pas
04:02et qu'on se résigne à augmenter les impôts, oui.
04:05Pourtant, c'est ce que veut faire ce gouvernement.
04:07Réduire, principalement, passer par des réductions de dépenses,
04:10les dépenses de l'État, dépenses sociales,
04:12regardez, les dépenses des collectivités aussi.
04:15C'est sur quel bouton qu'il faut appuyer, en fait, tous ?
04:19Étant donné que l'effort est quand même considérable,
04:22il faut appuyer sur les postes de dépenses les plus importants.
04:27Et les postes de dépenses les plus importants, c'est quoi ?
04:29Le quart des dépenses publiques, c'est les retraites.
04:31Un cinquième des dépenses publiques, c'est les dépenses des collectivités locales.
04:35Un autre cinquième, c'est l'assurance maladie.
04:37Et disons à peu près 12% des dépenses, c'est les dépenses de fonctionnement de l'État et de ses agences.
04:43Tout ça, ce sont des dossiers très sensibles, voire inflammables, je pense typiquement aux retraites.
04:50Votre regard d'ailleurs sur le débat autour de l'âge de départ ?
04:53Je pense qu'une des meilleures méthodes pour réduire le déficit public,
04:59c'est de refaire en sorte que recule l'âge de départ effectif à la retraite.
05:04Parce que ça conduit à avoir plus d'actifs,
05:07donc en fait à moyen terme plus d'emplois, plus d'activités économiques et plus de recettes.
05:12On parlait d'ailleurs...
05:12Pas forcément très populaire.
05:14C'est pas populaire du tout, mais je pense que économiquement, c'est quand même la meilleure solution.
05:19Éric Lombard, le ministre de l'économie, qui était ce matin avec François Bayrou pour cette conférence sur les finances publiques,
05:26était auditionné par la commission des finances de l'Assemblée pour discuter justement déficit et notamment dérapage budgétaire en 2023-2024.
05:34Voilà ce qu'il dit, il veut rétablir la confiance dans la parole budgétaire de l'État
05:37en renforçant la transparence des prévisions macroéconomiques du gouvernement.
05:41Ça vous fait sourire avant même que je finisse la phrase.
05:43Parce que je raconte dans mes mémoires, il y a 30 ans, c'est moi qui faisais les prévisions de finances publiques au ministère des Finances.
05:50Et on avait deux jeux de prévisions.
05:52Il y avait les prévisions officielles qui conduisaient à un déficit public.
05:55À l'époque, c'était zéro.
05:58Maintenant, on se limite à ramener le déficit à 3% du PIB.
06:01Et puis, on avait les prévisions internes, les nôtres, les vraies,
06:04qui étaient totalement différentes, évidemment beaucoup plus pessimistes.
06:07Et les prévisions officielles, à moyen terme, n'ont jamais été respectées.
06:12Parce qu'aucun gouvernement n'a expliqué comment il allait faire.
06:16Et donc ça, c'était il y a 30 ans comme ça.
06:18Après, j'ai fait les audits de la Cour des Comptes à Bercy sur les finances publiques.
06:22Ça était toujours comme ça.
06:23Très bien pour la transparence, mais j'attends de voir.
06:26Les gouvernements sont trop optimistes sur leur capacité à réduire le déficit.
06:30Et je ne parle pas seulement de celui-là.
06:31Je vous pose la question sur depuis des années et des années.
06:35Je pense qu'ils sont parfaitement conscients, tous les ministres des Finances sont parfaitement conscients
06:39d'annoncer des programmes à moyen terme de finances publiques qu'ils n'arriveront pas à mettre en œuvre.
06:45Mais ils sont un peu obligés de le faire vis-à-vis de nos partenaires européens.
06:48Parce qu'il y a des règles budgétaires européennes qu'on est supposées respecter, qu'on ne respecte pas.
06:53Mais on fait semblant de les respecter.
06:54Et puis, au moins jusqu'à ces dernières années, en tout cas, ça rassurait quand même d'autres créanciers.
06:59Qu'on leur dise, écoutez, oui, on va faire des efforts, le déficit va être réduit.
07:05Le problème, c'est qu'ils vont peut-être finir par ne plus y croire.
07:07Est-ce que c'est possible de tenir l'objectif de passer à 3% en 2029 ?
07:13Moi, je n'y crois pas.
07:14D'accord.
07:14Dans le contexte politique, culturel, déjà, les 40 milliards, là, on n'y arrivera pas.
07:21Étant donné la composition de l'Assemblée nationale, je ne vois pas comment on peut trouver 40 milliards à trouver un minimum de consensus et à faire voter l'Assemblée sur 40 milliards d'économies.
07:32Donc, on n'arrivera pas à revenir à 3% en 2029 ?
07:34On n'arrivera pas.
07:34Donc, la dette va continuer à augmenter.
07:36Je pense qu'elle atteindra 130% du PIB et au-delà avant 2030.
07:42Et ça va continuer jusqu'au jour où il y aura un pépin sur les marchés.
07:46Vous pensez que ça va continuer comme ça jusqu'à ce qu'il y ait vraiment un problème ?
07:49Oui, j'en suis de plus en plus inconvaincu.
07:52Je vous pose quand même une dernière question.
07:53Est-ce que c'est possible de tenir l'objectif d'un déficit cette année à 5,4% ?
07:57Ça va être très difficile.
07:59Bon, mais vous n'avez pas dit impossible ?
08:00Non, ce n'est pas impossible.
08:02Mais je crains que la principale menace, c'est que l'activité ne soit pas au rendez-vous.
08:07C'est-à-dire que ça repose pour le moment sur une hypothèse de croissance de 0,9% qui déjà va être sans doute abaissée à 0,7% et qui pourrait être abaissée encore plus.
08:16Ça, ça dépend beaucoup de l'environnement international, de ce que M. Trump va faire en matière de droits de douane.
08:22Mais si l'environnement est plus mauvais, je crains qu'on n'y arrive pas.
08:26Merci beaucoup François Eka, l'ancien magistrat de la Cour des Comptes, président de l'Association d'Information sur les Finances Publiques, Fipeco.
08:33Votre livre apparaît demain chez Odile Jacob, « Mes comptes publics ».
08:36Vous étiez l'invité Éco de France Info.

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