Xerfi Canal a reçu Dominique Turcq, diplômé d’HEC Paris, docteur en sciences sociales (EHESS, Paris), fondateur de l’Institut Boostzone, pour parler de la transformation des représentations de la performance.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00Bonjour Dominique Turc. Bonjour Jean-Philippe Denis. Dominique Turc, vous êtes ancien d'HEC Paris,
00:13vous êtes docteur en sciences sociales de l'EHESS, l'école des hautes études en sciences sociales,
00:18et vous êtes ancien président de l'AFPLAN, à l'époque où l'AFPLAN existait,
00:23et c'était l'association des directeurs de la stratégie, pour faire simple. Dirigeants et
00:28conseils d'administration, réveillez-vous, vous êtes hors sol face aux exigences du XXIe siècle,
00:33c'est l'ouvrage qui vous publiez chez EMS. Et pour faire simple, vous nous dites alors il y a une
00:40montée en intensité de la responsabilité, ça c'est évident, réveillez-vous, parce qu'un jour ou
00:46l'autre vous pouvez même a posteriori être rattrapé pour des diagnostics que vous n'auriez pas fait,
00:52des recommandations que vous n'auriez pas faites, votre responsabilité est de plus en plus engagée,
00:57les défis sont majeurs, notamment le défi climatique bien évidemment, et donc il faut
01:02faire évoluer notre représentation de la performance. Donc il faut faire aussi évoluer les KPIs, les KPIs,
01:09mais aussi peut-être les profils même des administrateurs, c'est-à-dire qu'ils doivent se
01:13former et qu'il faut en faire rentrer de nouveau.
01:15Ça veut dire effectivement qu'il faut faire rentrer dans les conseils d'administration des
01:20compétences assez avancées sur le plan scientifique, des gens qui comprennent ce qui va se passer,
01:26pas simplement ce qui est en train de se passer. Notamment face à l'effondrement environnemental,
01:31mais aussi face à la biologie par exemple, qui va être un bouleversement au cours du 21ème siècle aussi.
01:35Donc on a des vrais enjeux ici de compréhension du court terme, du moyen terme et du long terme,
01:42et de rétroplaner en quelque sorte de ce que ça veut dire pour aujourd'hui. Par exemple, identifier les
01:49actifs échoués, identifier les enjeux de fonctionnement qu'on va avoir si on manque d'eau ou si certains
01:57bâtiments deviennent trop chauds ou si certains équipements électroniques sont trop exposés à la
02:01chaleur et donc pètent. On va avoir des vrais enjeux qu'il faut prévoir aujourd'hui. Donc il y a un vrai
02:07travail ici qui est quasiment un travail de scientifique, notamment par rapport à l'effondrement
02:11environnemental, mais pas seulement. Je pense que la biologie aussi, il ne faut pas la négliger. Et donc,
02:15oui, ça veut dire dans le concret qu'il faut changer un certain nombre de KPIs. Bon. Et là,
02:21vous avez un exercice très intéressant aujourd'hui qui est la CSRD. La CSRD dit qu'on va commencer à
02:26regarder des nouveaux KPIs, même si on ne fait pas encore rentrer dans la comptabilité, on va au moins
02:31regarder pour évaluer là où en est une entreprise. Et ça, c'est une très très bonne chose. Malheureusement,
02:36et en ce moment, il y a un petit backlash contre la CSRD qui est soi-disant trop compliqué. Je pense que
02:41là, on exagère très largement. Trop conténiante, trop compliquée, trop loin de l'objectif de
02:46maximisation de l'intérêt de l'actionnaire en tant que créanciers résiduels. Absolument. C'est tout
02:51le paradoxe, d'ailleurs. Parce qu'il y a quand même son intérêt à cet actionnaire. C'est quand même
02:55qu'on l'éclaire aussi sur les risques qu'il prend. Voilà. Tout à fait. Et là, en fait...
02:59On peut se retrouver à zéro du jour au lendemain, passer de 100 à zéro. En fait, je crois que c'est un très bon point
03:04que vous faites là. Beaucoup n'ont pas compris, actionnaires et même dirigeants, que la CSRD peut être un avantage
03:11compétitif. Car elle va nous permettre de mieux comparer les entreprises, de mieux comprendre
03:17où on en est, de mieux comprendre les enjeux concrets auxquels on va être confrontés. Et finalement,
03:22pour certains investisseurs, de mettre un différentiel entre les entreprises qui auraient peut-être le
03:28même profit nominal, mais certaines ayant un bilan environnemental épouvantable, l'autre ayant un très
03:34bon bilan environnemental. Eh bien, si vous êtes investisseur et que vous regardez le moyen ou le long terme...
03:38Vous préférez diversifier. Eh bien, voilà. Donc, il y a un avantage compétitif potentiel à utiliser des
03:44nouveaux KPI, même s'ils ne rentrent pas encore dans la comptabilité réelle, parce que la comptabilité,
03:49elle reste financière. Il ne faut pas trop se faire d'illusions pour l'instant. Mais tout de même,
03:53elle va montrer un certain nombre de choses qui... Alors, il ne faut surtout pas déléguer ça uniquement
03:58aux experts comptables. Il faut vraiment que ça rentre dans la...
04:01La réflexion stratégique. La pensée stratégique des dirigeants avec la simplicité nécessaire. C'est-à-dire
04:08que la CSRD, si on veut, on en fait une montagne. Et si j'étais auditeur aujourd'hui, j'en ferais une
04:12montagne parce que j'ai intérêt à vous la vendre. Du coup, je vais travailler beaucoup plus pour vous,
04:16ça va vous coûter plus cher, j'aurai des bons... Ce n'est pas ça qu'il faut faire. Ce qu'il faut, c'est regarder
04:19en quoi elle nous concerne en tant que chaque entreprise. Regarder d'assez près et voir en quoi elle peut nous
04:24permettre d'avoir un avantage compétitif, effectivement, si j'ai un bon bilan sur mon
04:29impact environnemental et social. Merci Dominique. Merci Jean-Philippe Dominique.