Le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a déclaré que la France devra faire “un effort supplémentaire de 40 milliards d’euros” d’économie en 2026. Mais quelles sont les pistes d’économies étudiées par le gouvernement, et est-ce que ces économies vont réveiller les velléités de censure de la part de la gauche et du Rassemblement national? Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste, était l’invité de Benjamin Duhamel.
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00:00L'invité du jour qui est en train d'arriver sur ce plateau, qui est premier secrétaire du parti socialiste, en campagne pour le redevenir.
00:11Mais ce n'est pas gagné, on en dira un mot à la fin de cette interview. Bonsoir Olivier Faure.
00:15Bonsoir, bonsoir, bonsoir.
00:16Merci d'être avec nous ce soir. La France qui fait face à un mur budgétaire.
00:2140 milliards d'euros d'économie à trouver dans le prochain budget pour tenir les objectifs de déficit.
00:25Le tout sans augmentation d'impôts, dit le gouvernement. On va rentrer dans le détail de ce qui pourrait être fait, de vos propositions pour faire des économies.
00:34Mais d'abord Olivier Faure, il y a quelques semaines, vous disiez à nos confrères du Parisien, je cite,
00:37la question de la censure se repose à nouveau et cela devrait faire réfléchir tout le monde.
00:41Est-ce que les déclarations du gouvernement, du ministre de l'économie et des finances, cette perspective de 40 milliards d'euros, vous font dire, si ça continue, on censure ?
00:49Bien sûr que cette question n'a jamais été retirée.
00:53Vous avez bien compris que ce que nous avons fait au mois de février, lorsque nous avons accepté de ne pas censurer le gouvernement,
01:01c'était une manière de dire que nous ne pouvions pas avoir un pays qui continue à être gouverné sous l'empire d'une circulaire sur les services votés
01:08et qui amputait très largement nos capacités d'action.
01:12Et il fallait que les collectivités locales, les associations, les entreprises puissent savoir à quoi elles allaient pouvoir se fier pour l'année 2025.
01:20Nous ne sommes plus dans cette situation. Nous sommes aujourd'hui dans une situation où le budget existe, où l'État peut fonctionner et où il y a plusieurs sujets sur la table.
01:28Le premier sujet, c'est d'abord le sujet des retraites.
01:31Nous avons accepté, évidemment, de ne pas censurer, mais en échange de quoi ?
01:36Le gouvernement a admis le fait qu'il y aurait ce que le premier ministre a appelé un conclave, à l'issue duquel le Parlement serait saisi des conclusions de ce conclave ou de ses absences de conclusions.
01:47Et on va en parler dans un instant, Lidié.
01:47Ce n'était pas le cas. Évidemment, la censure se poserait une manière immédiate.
01:50Il y a la question de la censure autour de la réforme des retraites, mais il y a là les efforts qui vont être demandés à l'occasion du budget 2026.
01:5840 milliards d'euros d'économie. Là encore, je le répète, sans augmentation d'impôts, mis à part le fait de pérenniser une contribution pour les plus aisés.
02:05On en parlera dans un instant. Est-ce que ça, 40 milliards d'euros demandés, 40 milliards d'euros d'économie, est-ce que ça vaut censure du Parti Socialiste ?
02:13Mais moi, je ne sais pas ce que cela veut dire. Si c'est 40 milliards...
02:16D'abord, ce n'est pas tout à fait juste de dire que c'est sans augmentation des impôts.
02:22Il y a un impôt sur les retraités, si on les désindexe.
02:25Il y a un impôt sur la santé, si on fait baisser les remboursements chez le médecin ou des médicaments.
02:32Il y a un impôt sur les services publics, sur l'éducation, sur la sécurité.
02:37Et ce sont à chaque fois les contribuables ou les concitoyens, plus exactement, les plus modestes, qui vont avoir en supporté le coût.
02:44Donc, ce n'est pas vrai de dire que ça n'a pas d'effet sur les...
02:48Là encore, pour essayer d'être très précis et concret, qu'est-ce qui vous ferait décider de passer de la non-censure,
02:53ce qui était le cas lors du précédent budget, à la censure ?
02:56D'abord, il y a un débat budgétaire qui va s'engager à l'automne prochain.
02:59Pour l'instant, on est dans des pré-annonces où le gouvernement cherche à nous expliquer que,
03:03attention, ça va être très difficile.
03:06Moi, je veux savoir où est-ce qu'on prend ces 40 milliards.
03:08Si on nous dit que les 40 milliards, c'est l'argent de la fraude.
03:12Très bien.
03:13Moi, je suis d'accord pour dire qu'il faut faire des économies sur les fraudeurs.
03:15Si on nous dit, par exemple, qu'il y a des prix trop élevés,
03:20l'industrie pharmaceutique prélève trop sur les médicaments qu'elle met en vente.
03:26Là aussi, je dis que ce sont des économies qu'on peut réaliser.
03:28Si on me dit qu'on peut revenir sur les cadeaux fiscaux qui ont été réalisés
03:32au profit des grandes entreprises et au profit des patrimoines les plus élevés,
03:39là aussi, je comprendrais qu'on fasse des économies.
03:41Il est fort que, visiblement, ce n'est pas la direction que s'en prend le gouvernement.
03:43Si on vous dit que les 40 milliards d'euros, c'est le fait de désindexer...
03:47Si c'est sur l'école, si c'est sur les retraités,
03:49si c'est sur les services publics, etc., la réponse est non.
03:53La réponse est non et donc la réponse est...
03:54Et donc la réponse sera une censure, effectivement.
03:56Donc si, par exemple, il y a un geste qui est fait sur les retraités,
04:00que ce soit ce qu'on appelle l'abattement partiel de 10%,
04:03l'abattement pour les retraités ou le fait de désindexer les pensions,
04:06ça, ça vaut censure immédiate du Parti Socialiste.
04:08Ce que je dis, c'est que moi, je suis prudent sur le moment
04:12auquel nous nous...
04:14Enfin, on s'adresse dans un moment qui est un moment
04:16où le gouvernement cherche à créer une ambiance.
04:19Cette ambiance-là, il faut qu'il comprenne
04:21que s'il persiste à nous expliquer que,
04:24non, on ne touchera pas au patrimoine des plus riches,
04:26qu'on ne touchera jamais aux grandes fortunes,
04:29mais qu'on fera tout payer à la classe moyenne et aux classes populaires,
04:31la réponse est immédiate.
04:32Oui, il y aura censure.
04:33Parce que c'est inimaginable pour des gens qui, comme nous,
04:36ont défendu des principes, ont défendu aussi d'une orientation
04:40au moment des élections législatives.
04:41On ne peut pas nous demander maintenant
04:43de faire exactement l'inverse de ce que nous avons proposé aux Français
04:46il y a quelques mois après.
04:48Je vais formuler aussi ce que vous dites.
04:49S'il n'y a pas de mise à contribution des plus aisés
04:51dans ce budget, il y aura censure.
04:54Mais oui.
04:55Et la pérennisation de la contribution,
04:59ce qu'on appelle l'outil pour lutter contre l'optimisation fiscale,
05:01ça ne suffit pas pour vous ?
05:02Ça ne suffit pas.
05:03Ça va rapporter combien ?
05:04Deux milliards ?
05:05Ça n'est pas à la hauteur du moment.
05:08Il y avait, d'ailleurs, une loi qui a été proposée
05:12par les partis de gauche, l'UNFP,
05:14qu'une taxe Zuckmann, qui rapporte, elle, beaucoup plus,
05:17qui a été votée en première lecture à l'Assemblée.
05:19Le gouvernement pourrait la mettre à l'ordre du jour du Sénat
05:21et considérer qu'il y a là aussi matière à avancer.
05:25Moi, ce que je souhaite, c'est qu'on puisse procéder avec équité.
05:28Je ne suis pas d'accord pour qu'on fasse une purge
05:30sur l'ensemble des services publics
05:32et qu'on résonne de manière totalement abstraite
05:35avec des coups de rabot
05:36où on prend à chaque fois la classe moyenne et la classe populaire.
05:39Mais est-ce que vous avez le sentiment que c'est ce que va annoncer demain François Bayrou ?
05:42Là encore, au jeu des comparaisons,
05:43Jean-Luc Mélenchon, lui, il a visiblement écouté
05:45ce qui a été dit hier par divers ministres.
05:47Il a fait le parallèle avec la Grèce en 2010
05:50en expliquant que ce que préparait le gouvernement,
05:53c'était la même potion qui avait été servie aux Grecs en 2010.
05:56Est-ce que vous reprenez à votre compte cette comparaison ?
05:59Je comprends ce qu'il a voulu dire, mais ce n'est pas le cas.
06:01La Grèce, en 2010, c'est des salaires dans la fonction publique
06:05qui baissent entre 20 et 40 %.
06:08C'est des retraites qui baissent de moitié.
06:10C'est des privatisations dans tous les sens.
06:13On n'en est pas là, et fort heureusement.
06:14Donc on n'en est pas à la Grèce.
06:16Mais ça ne veut pas dire que l'équilibre
06:18qui est aujourd'hui proposé par le gouvernement
06:19est un équilibre juste.
06:21C'est même tout l'inverse.
06:22Qu'il y ait besoin de se dire
06:23qu'à un moment donné, il y a des économies à réaliser
06:26sur ce qui n'est pas productif.
06:29Vous êtes quand même, Olivier Faure,
06:30beaucoup plus bavard quand il s'agit de parler
06:32de l'outil de la fiscalité
06:33que quand il s'agit de trouver des endroits
06:35où on pourrait couper dans la dépense
06:37ou faire des économies.
06:39Je vous l'ai dit à l'instant,
06:40je suis pour me battre contre toutes les formes de fraude,
06:43qu'elles soient fiscales, sociales.
06:45C'est une économie à réaliser.
06:47Je suis d'accord pour dire qu'il y a des gens
06:48qui se sont enrichis avec chaque crise.
06:52Et ça a été les crises sanitaires,
06:54crises géopolitiques, crises énergétiques,
06:56que ces gens-là doivent payer.
06:58Ce qu'on appelle les super profits,
07:00c'est-à-dire des profits qui ne sont pas liés
07:01à une innovation,
07:03qui ne sont pas liés à une compétitivité,
07:05qui ne sont liés à rien d'autre
07:06qu'à profiter des crises,
07:08eh bien ceux-là doivent payer effectivement.
07:10Je pense qu'il y a un moment,
07:11la justice, elle doit passer partout.
07:13Vous connaissez ce chiffre qui a été donné
07:15au départ par Thomas Piketty.
07:18Les 500 familles les plus riches de France
07:20ont vu en 7 ans leur patrimoine doublé,
07:23passant de 600 milliards à 1 200 milliards.
07:26Et vous voulez m'expliquer que là,
07:28on a 40 milliards à trouver,
07:29mais qu'on ne peut rien prendre
07:30à ceux qui se sont enrichis
07:32de manière aussi importante en 7 ans ?
07:34Mais moi, je vous prétends le contraire.
07:36Olivier Faure, est-ce que vous partagez
07:37le constat de gravité
07:39qui va être celui du Premier ministre demain ?
07:41Est-ce que la situation est grave
07:42sur le plan des finances publiques ?
07:44Est-ce qu'on est face à un mur ?
07:46François Bayrou utilise plusieurs métaphores,
07:48l'Himalaya.
07:49Est-ce que vous partagez au moins
07:50ce sentiment de gravité ?
07:52Mais bien sûr que je partage
07:53le sentiment de gravité.
07:54Et simplement, j'aimerais que...
07:56Enfin, ce qui est assez extraordinaire
07:57avec ce gouvernement,
07:58c'est que cet Himalaya,
08:00il n'est pas né tout seul,
08:02il n'est pas tombé du ciel,
08:03il n'y a pas d'un seul coup
08:04des gens qui se seraient abattus
08:06comme la grêle sur la France
08:08et qui nous auraient créé une dette.
08:10Cette dette, elle est liée à quoi,
08:12Benjamin Duhamel ?
08:13Elle est liée au fait que
08:1480 milliards d'euros par an,
08:17et faites le calcul,
08:18en disant ça fera 800 milliards d'euros
08:21de cadeaux fiscaux aux grandes fortunes,
08:23aux grandes entreprises,
08:24qui ont contribué à alourdir
08:26le fardeau de la dette.
08:27Et donc, c'est là qu'il y a effectivement
08:29matière à réflexion.
08:31Et quand vous avez un gouvernement
08:31qui dit...
08:32– Attendez, vous dites 800 milliards d'euros
08:34de cadeaux fiscaux ?
08:36– Oui, bien sûr.
08:37– Je crois que sur le chiffre,
08:38le rapport de la Cour des comptes
08:39disait en 2022
08:39qu'on était à 60 milliards par an.
08:41– Non, c'est 80 milliards par an.
08:43– Mais je ne suis pas certain
08:44que ce chiffre de 800 milliards,
08:45on vérifiait.
08:45– Mais vous vérifierez.
08:4680 milliards par an
08:47que vous prolongez sur 10 ans,
08:49ça fait 800 milliards.
08:50Et donc, moi, ce que je vous dis,
08:51c'est qu'aujourd'hui,
08:53on ne peut pas à la fois nous expliquer
08:54qu'on est le problème et le remède.
08:58Et en ce moment,
08:59le gouvernement nous explique
09:00que...
09:00Il nous explique même...
09:01J'ai entendu M. Bérou parler
09:02de pathologie.
09:03Eh bien, la pathologie,
09:04elle est liée à une maladie.
09:05La maladie, c'est la maladie
09:06des cadeaux fiscaux
09:07qui ne sert à rien
09:07parce qu'il n'y a pas eu
09:08de ruissellement sur les autres.
09:09– Donc, un dernier mot, Olivier Faure.
09:11J'écoutais ce patent
09:12Emmanuel Bompard
09:12au micro de BFMTV
09:13qui, voilà,
09:14semblait espérer
09:15que vous votiez la censure
09:16par rapport à la dernière fois.
09:19Aujourd'hui,
09:19vous êtes encore plus proche
09:21de la censure du gouvernement
09:21que vous ne l'étiez
09:22il y a quelques jours,
09:23quelques semaines.
09:24– Mais aujourd'hui, effectivement,
09:26je vois un certain nombre
09:27de phénomènes coagulés.
09:29Et entre les annonces
09:31sur le budget
09:31avec une décision
09:34qui est de dire
09:34tout ça sera prélevé
09:35sur les services sociaux,
09:37sur les services publics
09:39et rien sur les grandes fortunes.
09:40Et qu'en même temps,
09:41on nous dit sur les retraites,
09:42on ne touchera pas
09:43à la loi Borne.
09:44Effectivement,
09:45ne comptez pas sur moi
09:46pour approuver.
09:47– Merci beaucoup Olivier Faure,
09:48premier secrétaire
09:48du Parti Socialiste.
09:49On parlera de cette campagne interne
09:51puisque ça a l'air
09:52un peu mal barré pour vous
09:53puisque visiblement
09:53tous vos opposants
09:54sont en train de se lier contre vous.
09:56– Mais ça peut être…
09:57– Le congrès est en juin,
09:57vous avez le temps
09:58de prendre des grandes vacances
09:59l'été prochain, non ?
10:01– Peut-être que ça vous ferait plaisir
10:02mais moi ce que je vous dis
10:04c'est que ceux
10:04qui étaient contre moi
10:05il y a deux ans
10:05le sont encore aujourd'hui.
10:07C'est les mêmes
10:07et on continue,
10:09on débat
10:09et c'est l'honneur
10:10d'un grand parti démocratique
10:11que d'avoir un congrès.
10:12– Et on aura l'occasion
10:13d'en reparler.
10:14Merci Olivier Faure.
10:15– Merci à vous.
10:15– Merci à vous.