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  • 08/04/2025
Code de procédure pénale
Article 719 dans sa rédaction issue de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire
Date de rendu de la décision : 25 avril 2025

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Transcription
00:00avec la question prioritaire de constitutionnalité numéro 2025 1135 QPC
00:09portant sur la conformité aux droits et libertés que la constitution garantit
00:14de l'article 9 de l'ordonnance numéro 45 2441 du 19 octobre 1945
00:23portant Code de la nationalité française.
00:29Madame la préfète va d'abord retracer les étapes de la procédure d'instruction
00:34qui a précédé cette audience de plaidoiries. Nous vous écoutons madame la préfète.
00:39Merci monsieur le président. Le conseil constitutionnel a été saisi le 30 janvier 2025
00:44par un arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation d'une question prioritaire
00:49de constitutionnalité posée par les consorts SIL portant sur la conformité aux droits et libertés
00:55que la constitution garantit de l'article 9 de l'ordonnance numéro 45 2441 du 19 octobre 1945
01:03portant Code de la nationalité française dans sa rédaction initiale.
01:08Cette question relative à la perte de la nationalité française par acquisition d'une nationalité étrangère
01:14a été enregistrée au secrétariat général du conseil constitutionnel sous le numéro 2025 1135 QPC.
01:22La SCP Lyon-Camp et Thirier a produit des observations dans l'intérêt des consorts SIL partie requérante
01:28les 19 février et 4 mars 2025. Le premier ministre a produit des observations le 19 février 2025.
01:35La SCP Spinozi a demandé à intervenir dans l'intérêt de la ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen
01:41et a produit à cette fin des observations à la même date. Seront entendues aujourd'hui l'avocat de la partie requérante
01:47l'avocat de la partie intervenante et le représentant du premier ministre.
01:51Merci madame la greffière. Maître Thomas Lyon-Camp vous êtes avocat au conseil et vous représentez les consorts SIL partie requérante.
01:59Nous vous écoutons.
02:01Merci monsieur le président, monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du conseil.
02:05Je tiens à préciser que je porte la parole ici en mon nom et en celui de ma consœur maître Mathilde Cougy-Delcourt
02:11qui a porté elle-même la QPC devant les juges Duchon.
02:15Et nous venons, elle et moi, vous demander d'appliquer le principe selon lequel la loi garantit à la femme dans tous les domaines
02:23des droits égaux à ceux de l'homme.
02:25Vous aurez bien entendu reconnu le texte du troisième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946.
02:33Il y a plus de dix ans maintenant, je me présentais à cette même barre pour descendre le cas de madame Djalilaka
02:39qui s'était vue elle-même retirer la nationalité française sur la base de dispositions discriminatoires à l'égard des femmes.
02:45Seules les femmes acquérant volontairement une nationalité étrangère se voyaient retirer la nationalité française.
02:51Il s'agissait des mêmes dispositions que celles que nous critiquons devant vous
02:55mais cette fois-ci prises, cette fois-là, prises dans une version postérieure à celle dont vous êtes saisie.
03:01Vous avez dans votre importante décision 2013-360 QPC du 9 janvier 2014 censuré ces dispositions comme portant atteinte au principe d'égalité entre les hommes et les femmes
03:13et dans cette décision dont on a pu dire qu'elle était fondatrice, vous vous êtes prononcé en double visa de l'article 6 de la DDHC et du troisième alinéa du préambule de 46
03:23dont je viens de vous donner lecture marquant par là même le contrôle renforcé que vous exercez en la matière.
03:29Aujourd'hui donc vous êtes saisie de l'article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité dans sa version en vigueur jusqu'au 1er juin 1951.
03:43Mais je veux à ce stade vous dire un mot de la requérante et de ses ayants droit de madame Elisabeth Grillet dont je porte la parole à titre posthume aujourd'hui devant vous
03:59et ainsi qu'au nom de ses ayants droit qui sont présents dans la salle puisque ses fils ont tenu à venir ainsi que sa soeur, il s'agit tout simplement d'une héroïne de guerre
04:09et nous sommes aujourd'hui à un mois des 80 ans de la célébration du 8 mai 1945. Je rappelle qu'Elisabeth Grillet âgée de 17 ans en mars 1942 s'est engagée au sein de l'armée britannique
04:23dans le service de l'artillerie au sein du 54e régiment mixte d'artillerie en tant qu'étrangère française enrôlée afin de contribuer à la libération de la France et à la défense du Royaume-Uni.
04:37Et ce n'est que quelques jours après la fin de la guerre en Europe que madame Grillet a pu rejoindre la France et retrouver régulièrement son père et les relations qu'elle y avait conservées.
04:48C'est le 22 octobre 1949 que madame Elisabeth Grillet a épousé John Richard Seal de nationalité britannique et c'est ainsi qu'elle a acquis la nationalité britannique le 31 mars 1950.
05:00Et par l'effet de l'article 9 de l'ordonnance de 1945 à l'heure en vigueur, c'est par ce mariage qu'elle a automatiquement perdu la nationalité française.
05:12Je crois que pour censurer ces dispositions qui sont attaquées devant vous, vous n'aurez qu'à faire application de votre précédent, j'allie la cas, et l'essentiel à dire vrai ne me paraît pas là aujourd'hui.
05:28Il me paraissait dans l'évocation de la mémoire de madame Grillet d'abord. Et d'un point de vue juridique, l'essentiel me paraît être plutôt dans l'aménagement des effets de la déclaration d'incrationalité que, je crois, vous ne manquerez pas de prononcer aujourd'hui.
05:44Je m'en étais déjà ouvert à vous lorsque j'étais venu en avril 2024 plaider le cas de Mme Mercedes D. C'est votre décision 2024-1086-QPC du 25 avril 2024.
05:58Le gouvernement vous invite à aménager les effets de la déclaration d'incrationalité que vous êtes sur le point de prononcer. Il est vrai que vous avez modulé les effets de certaines de vos déclarations d'incrationalité en matière de nationalité.
06:16Cela a eu lieu d'ailleurs dans votre décision du 25 avril 2024 que j'évoquais il y a un instant. Je note cependant que dans votre décision, je dirais, fondatrice originelle de Djalila Khad 2014, que vous avez rendue dans des circonstances tout à fait analogues à celles que vous connaissez aujourd'hui,
06:36vous avez décidé que votre abrogation devait profiter non seulement aux femmes ayant perdu la nationalité française par l'application des dispositions abrogées, mais également aux descendants de ces femmes.
06:48Et vous avez également décidé que votre déclaration, votre abrogation, était applicable aux affaires nouvelles ainsi qu'aux affaires non définitivement jugées à la date de la publication de votre décision.
07:02Et c'est ce que je vous demande de juger aujourd'hui. Je ne vois pas en tout cas comment une éventuelle modulation des effets de votre annulation pourrait aujourd'hui mettre à l'écart les requérants que, avec ma consoeur, nous représentons devant vous aujourd'hui.
07:19Et cela d'autant plus quand l'espèce Mme Grillet a engagé l'action déclaratoire de nationalité de son vivant. Elle est malheureusement décédée en cours de procédure.
07:31Et cette action a été reprise par ses enfants à la suite du décès de leur mère, à la fois en leur qualité d'ayant droit et en leur nom personnel.
07:41Quoi qu'il en soit, de ce que vous direz de la modulation, je ne vois pas comment les consorciles que je représente devant vous aujourd'hui pourraient ne pas bénéficier de cette décision.
07:51Mais cela m'amène à une considération plus fondamentale pour conclure mon propos. Une invitation, en quelque sorte, à préserver autant que possible et à manager autant que possible l'effet utile de vos décisions.
08:06Vous savez qu'il y a dans cet effet utile, dans l'application concrète qui peut être faite de vos décisions, un élément essentiel qui peut faire l'attrait ou, au contraire, susciter un certain désintérêt pour la procédure QPC.
08:20Et il me semble que vous devriez, à cet égard, toujours réserver le sort du requérant qui se présente devant vous.
08:26D'ailleurs, en 2010, au premier temps de la QPC, vous avez affirmé qu'en principe, une déclaration d'abrogation devait bénéficier à la partie qui avait présenté la QPC.
08:38On trouve la même préoccupation dans le considérant de principe du fameux arrêt AC par lequel le Conseil d'État a ouvert la voie à la modulation dans le temps des effets d'une annulation contentieuse
08:50qui, dans ce considérant de principe originel en tout cas, faisait la réserve des actions contentieuses engagées à la date de l'annulation.
08:58Et la Cour de justice de Luxembourg, elle-même familière de l'aménagement des effets de ces annulations qu'elle prononce, elle-même réserve le plus régulièrement, en tout cas par principe, le cas du requérant qui se présente devant elle.
09:14En un mot commençant, lorsque vous moduliez les effets de l'annulation, il me semble que vous devriez ériger en principe que cette abrogation doit toujours, sinon le plus souvent et sauf circonstances exceptionnelles,
09:26profiter au requérant lui-même que celui-ci entre ou non par ailleurs dans le champ de la modulation que vous pourriez prévoir.
09:34Il en va, comme je vous l'ai dit, de l'effet utile du recours et partant de son attractivité. Il en va plus fondamentalement de l'effectivité du recours,
09:42lequel doit vous amener à protéger les droits et libertés garantis par la Constitution, non pas de façon théorique et abstraite, mais de manière effective et concrète.
09:53Je vous remercie de votre attention.
09:56Merci, maître. Maître Patrice Spinozzi, vous êtes avocat au Conseil. Vous représentez la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, partie intervenante.
10:08Nous vous écoutons, maître.
10:10Merci, monsieur le Président, mesdames, messieurs les membres du Conseil constitutionnel. Je serai éminemment court, évidemment.
10:16Vous avez déjà tranché cette question dans votre précédente 2014, mutatis putantis. Il n'y a aucune raison de vous en départir, au point que le secrétaire général du gouvernement,
10:25dans un instant, va vous dire la même chose. Donc il n'y a pas tellement de doute sur la nature de la décision que vous avez vocation à rendre.
10:32La question, évidemment, qui se pose est celle des effets dans le temps de la décision que vous rendrez. Il n'y a pas de raison de se départir de la solution que vous aviez retenue en 2014.
10:43Il n'y a pas de raison de priver les requérants du droit de pouvoir bénéficier de la solution que vous rendrez. Et dans ces conditions, nous sommes ici présents pour soutenir les requérants
10:54et vous inciter à donner, comme le plus souvent, un effet utile à votre décision.
11:04Je donne la parole à monsieur Benoît Camguilhem, chargé de mission au secrétariat général du gouvernement, pour le Premier ministre. Nous vous écoutons.
11:11Je remercie monsieur le Président, mesdames, messieurs les membres du Conseil constitutionnel. Alors, le sens de mon propos vient d'être défloré, mais je dirais quand même quelques mots.
11:19De manière périodique sont soumises à votre contrôle des dispositions du Code de la nationalité abrogées de longue date et pourtant applicables au litige au fond.
11:28Les dispositions qui sont aujourd'hui soumises à votre contrôle s'inscrivent dans ce mouvement jurisprudentiel. Elles ont pour leur part, et ce n'est quand même peu commun,
11:34ne sont plus en vigueur depuis près de 74 ans maintenant. Elles sont relatives aux règles relatives à la perte de la nationalité française par acquisition volontaire d'une nationalité étrangère,
11:43dont le principe était posé par l'article 87 du Code de la nationalité, issu de l'ordonnance du 19 octobre 1945. Mais l'article 9 de cette ordonnance, qui fut en vigueur entre le 20 octobre 1945 et le 1er juin 1951,
11:56instaurait une dérogation à ce principe général. Il prévoyait en effet que jusqu'à l'expiration d'un délai de 5 ans à compter de la cessation légale des hostilités, soit le 1er juin 1951,
12:07le ressortissant français de sexe masculin et âgé de moins de 50 ans qui acquiert volontairement une autre nationalité ne perd la nationalité française qu'avec l'autorisation du gouvernement français.
12:19Il est donc reproché à ses dispositions de méconnaître le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité entre les sexes garantis par le 3e alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
12:29Et eu égard à ce grief, la présente question prioritaire de constitutionnalité ne porte donc que sur les termes du sexe masculin figurant au 1er alinéa de l'article 9 de l'ordonnance de 1945.
12:42Effectivement, cela a été brièvement rappelé. Vous avez déjà été amené à 4 reprises maintenant à déclarer contraire à la Constitution des dispositions abrogées au moment de votre décision et qui instaurait une distinction fondée sur le sexe pour l'acquisition ou la perte de la nationalité française.
12:57Votre décision la plus récente est la décision 1086-QPC relative à l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française par la mère au bénéfice de ses enfants mineurs.
13:07Et la décision qui a été qualifiée de fondatrice est effectivement très proche des faits de notre espèce car elle concernait également les dispositions de l'article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945, pardon, dans leur version en vigueur immédiatement après celle qui nous intéresse aujourd'hui.
13:24Et vous aviez alors admis que le législateur pouvait prévoir que le gouvernement puisse s'opposer à la perte de la nationalité française en cas d'acquisition d'une nationalité étrangère pour les seuls Français de sexe masculin soumis aux obligations du service militaire.
13:37Vous aviez en revanche considéré qu'en réservant aux Français de sexe masculin le droit de choisir de conserver leur nationalité.
13:44Quelle que soit leur situation au regard de leurs obligations militaires, le législateur avait instauré une discrimination injustifiée.
13:52En l'espèce, les dispositions contestées instauraient également une distinction fondée sur le sexe pour la perte de la nationalité française.
14:00Si vous deviez déclarer les dispositions contestées contraires à la Constitution, il vous serait demandé de faire usage du pouvoir de modulation des effets de votre décision.
14:10Dans les quatre décisions précédemment évoquées ou dans lesquelles vous avez censuré des dispositions déjà abrogées en matière de nationalité, vous avez systématiquement restreint le champ de l'invocabilité de l'inconstitutionnalité des dispositions en cause.
14:23Il vous est donc demandé, comme vous l'aviez fait dans votre décision 360 QPC, et sur ce point je m'associe à ce qu'a dit le maître Lyon-Camp,
14:33de limiter la possibilité de se prévaloir de cette inconstitutionnalité aux seules femmes qui ont perdu la nationalité française par l'application des dispositions de l'article 87
14:47entre le 20 octobre 1945 et le 1er juin 1951, ce qui est le cas de Mme Sill, qui a perdu sa nationalité dans cette période et qui a fait une action déclaratoire en avril 2020, si je ne me trompe pas.
15:06Comme dans cette décision, vous pourrez également préciser que les descendants de ces femmes peuvent également se prévaloir des décisions reconnaissant que ces femmes ont,
15:15compte tenu de cette inconstitutionnalité, conservé la nationalité française.
15:20Merci, M. Canguilhem. Y a-t-il des questions sur ce sujet ? Oui, M. Bach.
15:30Merci, M. le Président. J'aimerais demander à M. Canguilhem s'il peut nous indiquer l'évolution de l'âge ultime auquel cessent les obligations militaires entre 1871 et 1945.
15:46Alors, si vous en êtes d'accord, pour ne pas dire de bêtises, je complèterai par une note en délibéré les dispositions contestées évoquées cet âge de 50 ans.
16:03Mais si vous en êtes d'accord, par une note en délibéré, je vous répondrai de manière certaine et exacte.
16:09Y a-t-il d'autres questions ? Bien. Donc les deux questions prioritaires de constitutionnalité que nous avons examinées ce matin sont mises en délibéré.
16:22La décision sur les deux questions sera rendue publique le 25 avril 2025. Et vous pourrez donc en prendre connaissance sur notre site Internet. L'audience est levée. Je vous remercie.