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  • 25/03/2025
Infirmières, aide-soignantes, caissières… Les métiers applaudis le soir à 20h sont exercés en majorité par des femmes, souvent mal payées. Pour l'économiste Séverine Lemière, il faut que ça change.
Transcription
00:00Les infirmières c'est 87% de femmes, les aides-soignants c'est plus de 90% de femmes,
00:07les agentes d'entretien plus de 73% de femmes, les caissières plus de 76% de femmes,
00:15tout ça ce sont des métiers qui sont très féminisés et souvent on oublie cette caractéristique des
00:21métiers que nous aplondissons tous les soirs à 20h. Toutes ces activités sont identifiées
00:28comme des activités féminines en lien presque avec de ce que je dirais entre guillemets la nature
00:36féminine des qualités personnelles liées en fait au fait d'être femme et cette façon d'assimiler
00:47en fait des compétences professionnelles à des qualités féminines participe à ce qu'on appelle
00:53la sous-valorisation salariale de ces métiers. Tout simplement parce qu'on ne reconnaît pas
00:59l'ensemble de ces activités comme des compétences professionnelles, comme des savoir-faires
01:06professionnels, comme des postures professionnelles, comme de la technicité. Le fait d'assimiler ça à
01:15des qualités retire la valorisation professionnelle et salariale de ces métiers. Alors ça c'est le
01:23fruit souvent d'une de la construction sociale du métier, de l'histoire du métier. Il ne faut pas
01:27oublier les infirmières, historiquement elles viennent des nonnes dans les hospices, lors de la
01:34vocation. La vocation c'est pas pro, ça se paye pas, c'est de la vocation. Ça teinte beaucoup ces
01:43métiers-là. Des métiers aussi qui sont dans le prolongement de ce qu'on fait dans la famille.
01:48Tous les métiers de service à la personne, ça serait comme ce qu'on fait avec ses grands-parents,
01:54ses parents, ses enfants. Ça nuit à leur professionnalisation. Et puis aussi ces métiers
02:00ils ont été mal parfois, historiquement, peu défendus ou pas assez bien défendus par les
02:09organisations syndicales qui pouvaient davantage focaliser sur des métiers plus industriels,
02:15plus masculinisés. Et même s'il y a eu de nombreuses luttes de femmes, de travailleuses,
02:21on pense aux luttes des soignantes dans les EHPAD il y a encore quelques mois, dans les hôpitaux
02:27il y a encore quelques mois, où également on a aussi des luttes, des très belles luttes de femmes
02:31de ménage dans les hôtels qui, ces luttes-là, cherchent à montrer, à faire reconnaître la
02:36compétence professionnelle de ces métiers. Néanmoins, ces luttes ne sont pas suffisamment
02:42entendues par rapport à d'autres luttes dans des métiers notamment plus masculinisés. En France,
02:47les infirmières touchent en moyenne 9% de moins que le salaire moyen français. D'accord ? Donc
02:55elles touchent un salaire plus bas, d'accord ? De 9% que le salaire moyen français. Alors que,
03:02par exemple, en Allemagne, les infirmières touchent en moyenne 10% de plus que le salaire
03:08moyen allemand. Ou en Espagne, elles touchent en moyenne 28% de plus que le salaire moyen espagnol.
03:16Cette sous-valorisation des métiers féminisés, elle participe aux inégalités de salaire entre
03:21femmes et hommes. En France, l'écart de salaire entre femmes et hommes, il est autour de 25%.
03:30Il y a donc, la femme est défavorisée, mais il est légalement très difficile de le prouver. Alors
03:35il faut une révision dans les entreprises des postes faits par les syndicats. Il le faudrait.
03:41Depuis 1972, le principe d'égalité salariale, il dit quoi ? Il dit un travail égal, salaire égal,
03:47mais il dit aussi un salaire égal pour un travail de valeur égale. C'est-à-dire que le législateur,
03:53depuis 1972, il a bien conscience que les femmes et les hommes n'occupent pas les mêmes métiers,
03:58qu'il y a ce qu'on appelle de la ségrégation professionnelle. Et que c'est très rare d'avoir
04:02la même situation. Et donc le législateur, il dit en fait, il faut l'égalité salariale,
04:07potentiellement pour des emplois différents, mais jugés de même valeur. Donc pouvoir comparer
04:13des emplois différents, et que s'ils sont de même valeur, il faut l'égalité salariale.
04:18Il y a des discriminations flagrantes. Et pour les réduire, il faut attaquer sur tous les terrains.
04:24Et en 1983, la loi d'Yvette Roudy a précisé comment on fait, comment on évalue,
04:31sur quels critères on évalue la valeur. Et notamment, il faut un niveau de connaissance
04:38comparable, de diplôme, de formation. Il faut également des capacités professionnelles
04:44comparables. Donc des savoir-faire, de l'expérience professionnelle comparable. Il
04:49faut des responsabilités comparables, des niveaux de responsabilité comparables. Et il faut également
04:54une charge physique et nerveuse comparable. Et donc si on compare tout ça, si l'emploi est jugé
05:01de même valeur, à ce moment-là, il faut le même salaire. Donc potentiellement, on pourrait comparer
05:08des emplois à prédominance féminine avec des emplois à prédominance masculine, voir s'ils
05:14sont de même valeur, et à ce moment-là, revendiquer l'égalité salariale. On pourrait
05:20comparer des infirmières avec des techniciens, des sages-femmes avec des ingénieurs informatiques.
05:27Ce sont des niveaux de diplômes qu'on peut comparer. On peut regarder après dans les
05:31tâches et voir si on est sur des emplois à valeur égale. A l'étranger, par exemple,
05:38en Suisse, il y a eu une mobilisation des infirmières vraiment passionnante où, au moment
05:44où il y a eu une renégociation de la grille des salaires dans le canton de Genève, les
05:50infirmières du canton de Genève ont revendiqué une revalorisation du salaire en se comparant
05:57aux gendarmes du canton de Genève. Les gendarmes étaient positionnés deux niveaux au-dessus
06:04d'elles dans la grille de salaire. Il a été donc fait vraiment un exercice d'évaluation et de
06:12comparaison des emplois. Alors, quel est le niveau de diplôme ? Quels sont les types de responsabilités ?
06:17Quelles sont les contraintes physiques ? Quels sont les éléments de charge mentale,
06:23de pénibilité, de responsabilité ? Bref, tous les critères. La lutte a duré plusieurs années et,
06:30à la fin, elles ont obtenu gain de cause et elles ont été revalorisées au même niveau que les
06:36gendarmes. Donc, vous voyez bien que tout l'intérêt est d'aller finement dans ces comparaisons. Et c'est
06:42vraiment le travail qui doit être mené par les partenaires sociaux, les syndicats salariés, les
06:48syndicats employeurs, dans les entreprises, dans les branches, mais aussi par l'Etat sur les métiers de
06:54la fonction publique. Et cet exercice d'évaluation non discriminante des emplois en intégrant tous
07:01les risques de bien et de revalorisation et de comparaison avec des métiers masculinisés, c'est
07:06vraiment ça l'enjeu. Et ça paraît, alors c'est mis à jour aujourd'hui dans la crise sanitaire, mais
07:11en fait c'est quelque chose qui est déjà là dans le cadre légal depuis 1972.

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