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00:00IVG, histoire de combattante de Charlène de Vargas et Jennifer Aranda-Walker.
00:09Alors que la liberté de recourir à l'avortement vient d'entrer dans la Constitution,
00:13alors que ce droit existe dans la loi depuis 50 ans,
00:17ils rencontrent encore des obstacles.
00:19Lesquels ? Pourquoi ?
00:20Est-ce décidément un droit qui ne sera jamais complètement acquis pour les femmes ?
00:24On va en parler avec nos invités.
00:25Katia Apoursopoli, bienvenue à vous.
00:27Vous êtes sénatrice communiste du Pas-de-Calais,
00:29vice-présidente de la Commission des Affaires Sociales,
00:31co-rapportrice d'une mission d'information sénatoriale sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui.
00:35Vous avez présenté votre rapport il y a quelques jours,
00:38rapport intitulé « IVG, une liberté garantie mais un accès fragile ».
00:43On y reviendra.
00:44Marlène Schiappa, bienvenue à vous également,
00:46ancienne ministre déléguée et secrétaire d'État,
00:48notamment secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes
00:51et de la lutte contre les discriminations,
00:53militante féministe qu'on connaît bien,
00:55aujourd'hui associée au cabinet de conseil en communication Tilder,
00:58fondatrice et présidente de l'association Active,
01:01dont la mission est d'identifier les femmes capables
01:03de devenir les futures patronnes des entreprises du CAC 40.
01:06Professeur François Olivienne,
01:08bienvenue à vous également.
01:09Vous êtes gynécologue, obstétricien à Paris,
01:12spécialiste, grand spécialiste de la PMA,
01:14procréation médicalement assistée
01:16et auteur de ce livre « 1001 bébés » aux éditions Grasset.
01:20Marie Mathieu, bienvenue à vous également,
01:22post-doctorante en sociologie au Cermes III.
01:25Cermes, c'est le centre de recherche médecine,
01:27sciences, santé, santé mentale, société.
01:30Vous êtes co-autrice avec Laurine Tizi
01:32du livre « Sociologie de l'avortement » aux éditions de La Découverte,
01:34un ouvrage qui a pour objectif
01:36de déconstruire les préjugés sur l'avortement.
01:39Nous sortons d'un documentaire qui dit une réalité assez inquiétante.
01:42On va y venir, on va juste rappeler
01:44que nous vivons dans un pays qui autorise l'IVG
01:47et qui a inscrit la liberté d'y avoir recours dans la Constitution.
01:50Donc, pour ceux et celles qui nous regardent,
01:52ce ne sera pas un débat pour ou contre l'avortement.
01:55Les choses sont très claires.
01:57Le nombre d'avortements ne baisse pas en France.
01:59Il n'a même cessé d'augmenter depuis 1990.
02:02243 600 IVG en 2023, c'est un droit.
02:06Et pourtant, pourtant, Cathy Apoursopoli,
02:09vous parlez d'un accès fragile,
02:11exactement comme vient de le faire ce documentaire.
02:13Pourquoi ?
02:14D'ailleurs, moi, d'abord, je me félicite
02:16qu'on ait inscrit dans la Constitution le droit à l'IVG.
02:19Moi, j'ai voté pour.
02:21Un accès fragile...
02:22On a voulu faire cette mission flash
02:24parce que, justement, on se rend compte
02:26qu'il y a aujourd'hui des disparités territoriales importantes,
02:30qu'il y a eu quand même, en 12 ans,
02:32400 fermetures de maternité en France,
02:35qu'il y a eu des centres d'IVG qui ont été fermés,
02:38des plannings familiaux
02:40qui ont aussi vécu des moments difficiles.
02:43Et donc, nous voulions regarder, à travers la France,
02:47l'accès aux soins pour pouvoir pratiquer un IVG.
02:51Et on se rend compte qu'il est fragile, cet accès ?
02:53Oui, il est fragile.
02:54Il est fragile, d'ailleurs, dans plusieurs territoires.
02:56Il est fragile partout
02:58parce que nous sommes dans des aires médicaux importantes.
03:01Il faut se le dire.
03:03Que nous avons 10 ARS en France
03:05qui nous disent qu'aujourd'hui, pour pratiquer l'IVG,
03:08c'est très, très compliqué dans certaines régions
03:12et que nous ne sommes pas tous égaux.
03:15Et je pense notamment au Dom,
03:17où cette réalité est encore plus forte qu'ailleurs.
03:21Et donc, nous avons regardé un peu l'accès aux soins
03:24parce qu'il est bien que la Constitution
03:26ait inscrite le droit à l'IVG,
03:28mais il faut pouvoir le faire, cet IVG,
03:31et il faut que les femmes puissent pouvoir y avoir accès.
03:34C'est ça que je trouve assez fou, Marlène Schiappa,
03:36c'est que les textes n'ont jamais été aussi clairs.
03:38Officiellement, ça n'a jamais été aussi garanti, cette liberté.
03:41Et pourtant, c'est difficile d'accès.
03:43Il y a un paradoxe assez incisissable.
03:44C'est plus qu'un paradoxe, c'est qu'on a vraiment une différence
03:46entre le droit formel et le droit réel.
03:48Et l'IVG, c'est vraiment l'exemple majeur
03:50de cette différence entre le droit formel et le droit réel.
03:53Dans le droit formel, vous l'avez très justement dit,
03:55l'IVG est protégé.
03:56On ne peut pas aujourd'hui entraver.
03:58Entraver l'IVG est même un délit,
04:00y compris par exemple sur Internet.
04:02Et pour autant, ce droit est très difficile à exercer,
04:06si je peux le dire de cette manière un peu juridique,
04:08c'est-à-dire qu'avoir accès à un rendez-vous
04:10chez un gynécologue.
04:11Vous avez parlé de la question des territoires d'outre-mer,
04:13mais on peut parler de la question des zones rurales
04:15et même dans certains endroits à Paris
04:17où c'est difficile, où c'est long d'avoir un rendez-vous,
04:20de l'obtenir.
04:21Donc il y a une véritable différence.
04:23Et le terme de parcours du combattant est, je trouve,
04:25très bien choisi.
04:26Professeur Oliven, vous êtes gynécologue obstétricien.
04:28Est-ce que vous soulevez ces paradoxes et ces inquiétudes ?
04:30Vous les vivez ?
04:31Moi, j'ai une position un peu particulière
04:33parce que j'ai participé à des centres d'IVG
04:35il y a longtemps et j'ai connu
04:37à Clamart, qui était un des centres militants
04:40avec une femme extraordinaire qui était Joëlle Brunerie,
04:43la femme de Jean-Paul Kaufmann,
04:45qui était une des pionnières de la lutte pour l'IVG.
04:49On se faisait envahir par les mouvements gâteaux
04:53qui s'enchaînaient aux tables d'opérations, etc.
04:56Donc j'ai connu tout ça.
04:57Après, mon chemin, c'est plutôt le contraire
04:59parce que je fais des bébés aux gens qui n'y arrivent pas.
05:03Mais j'ai toujours gardé en moi cette fibre
05:06de défendre cet accès, de considérer...
05:08J'ai pris des positions, même si je n'en fais pas.
05:11Récemment, je me suis d'ailleurs proposé dans certains centres
05:14parce que ça me tenterait de participer
05:16si jamais il y avait des difficultés.
05:18Mais il y en a ! C'est le constat.
05:20Les difficultés, elles sont liées à un manque d'accès aux soins.
05:24C'est quand même incroyable.
05:25D'ailleurs, c'est très bien dit par le médecin
05:27dans le documentaire qui dit que ça devrait être
05:30un soin comme un autre, mais ça ne l'est pas.
05:32Ça ne l'est pas pour les raisons qu'il explique très bien, d'ailleurs.
05:35Les gens trouvent ça...
05:38Ils préfèrent faire des actes, entre guillemets, plus nobles.
05:41Et il y a un problème de service public.
05:44C'est-à-dire que vous l'englobez dans un problème
05:46d'accès aux soins plus général ?
05:48Alors, il y a une particularité qui est bien mise en évidence,
05:52qui est cette fameuse histoire de la clause de conscience
05:55pour laquelle j'avais récemment fait une tribune
05:58qui, moi, je trouve choquant qu'un médecin
06:01embauché dans un centre public qui a un centre d'IVG
06:05puisse faire valoir une clause de conscience.
06:07Pourquoi ? Parce que ce médecin,
06:09il peut très bien aller exercer ailleurs.
06:11On ne fait pas d'IVG, on va, je ne sais pas,
06:13dans un hôpital où il n'y a pas de centre d'IVG,
06:15dans un centre privé où on fait ce qu'on veut.
06:17Et moi, je trouve que l'hôpital qui a un centre d'IVG
06:20devrait demander au médecin de s'engager
06:23à ne pas appliquer une clause de conscience
06:25et, je dirais même plus loin,
06:27mais je ne sais pas comment juridiquement le faire,
06:29que si, en cours de sa carrière,
06:31il devient objecteur de conscience,
06:33eh bien, il perd son poste.
06:34Parce que sinon, on va se retrouver avec des centres
06:36qui vont avoir des centres d'IVG,
06:37mais dont tous les médecins sont objecteurs de conscience.
06:39– Et invoquent, alors attendez,
06:41on parle même d'une double clause de conscience.
06:43Je vous avoue qu'à titre personnel,
06:45j'ai découvert cette double clause de conscience.
06:47Il y a donc deux clauses de conscience
06:49pour ce qui concerne l'IVG.
06:50Marie Mathieu, comment on peut regarder ça ?
06:52– Eh bien, en fait, au moment où on a fait la loi,
06:54au moment de la loi Veil,
06:56les professionnels de soins étaient très réticents
06:58à prendre en charge l'avortement.
07:00Donc, ça a été une forme de compromis qui a été faite
07:02de leur donner la possibilité
07:04de ne pas, effectivement, faire des avortements.
07:07– Qu'on pouvait entendre il y a 50 ans,
07:09qu'on peut un peu moins entendre aujourd'hui,
07:10d'autant plus qu'elle est entrée dans la Constitution,
07:12cette liberté.
07:13– Alors, d'une, cette clause de conscience,
07:15elle a évolué au travers du temps.
07:17Il y a une obligation pour les professionnels de soins
07:19de rediriger la femme qui est demandeuse
07:21vers un professionnel de soins qui pratiquerait l'avortement.
07:24Donc, il y a eu déjà une légère évolution.
07:26Cependant, l'inscription dans la Constitution,
07:29elle est quand même très symbolique.
07:31On n'est pas sur une liberté qui est garantie.
07:33Le texte en lui-même dit que, en fait,
07:36la loi fixe détermine les conditions
07:39dans lesquelles la liberté des femmes
07:41d'avoir un avortement est garantie.
07:43Donc, ce qui veut dire que si demain,
07:45la loi changeait, la liberté des femmes
07:47pourrait être relativement restreinte.
07:50Donc, on est toujours dans des choses un petit peu
07:52qui sont de l'ordre du compromis,
07:54que ce soit pour ce texte qui a été mis dans la Constitution.
07:57On rejoue exactement les mêmes choses
07:59qui se sont passées 50 ans avant.
08:01– Est-ce qu'il ne faut pas y mettre un terme
08:03à cette double clause de conscience ?
08:04Excusez-moi, est-ce qu'on ne peut pas…
08:05– C'est compliqué de…
08:06Enfin, la double clause de conscience est symbolique
08:08parce qu'elle est inscrite précisément
08:11pour l'acte spécifique de l'IVG.
08:13Mais ça va être difficile d'obliger des médecins
08:16à faire ce qu'ils ne veulent pas.
08:18Mais quand vous voyez, par exemple,
08:20il y a quelques années, le président du syndicat
08:22des gynéco-obstétriciens a fait une déclaration
08:24totalement incroyable et scandaleuse
08:26où il disait plus ou moins que faire une IVG,
08:29c'était comme un meurtre.
08:30Il avait quand même été le président du syndicat.
08:32Donc, il y a un vrai problème, je pense,
08:34de réussir à recruter dans ces centres
08:39des médecins qui ont…
08:41Il y a quand même des médecins qui ont envie
08:43de rendre service aux femmes.
08:44Il n'y a pas que des médecins qui ont envie de se…
08:46Parce qu'au départ, l'objection de conscience,
08:49c'était aussi pour répondre, il faut le dire clairement,
08:52aux lobbies chrétiens, qui sont aussi les mêmes,
08:54qui sont contre le mariage pour tous,
08:56qui sont contre l'analyse des embryons
08:59en fécondation in vitro.
09:00C'est tous la même chose.
09:01Donc, on voulait dire, en fait,
09:03qu'un médecin catholique pratiquant
09:05peut respecter l'idée qu'il n'a pas envie
09:08d'interrompre la vie.
09:09Moi, ça ne me choque pas.
09:10Mais là, aujourd'hui, comme le dit aussi
09:12dans le documentaire Le médecin,
09:13on voit bien qu'il y a des objections de conscience.
09:15Ils ne sont pas forcément le fait de catholiques pratiquants.
09:19C'est plutôt des médecins qui ont, entre guillemets,
09:21pour être vulgaire, pas envie de s'emmerder
09:23à faire des IVG.
09:24Et ça, c'est choquant.
09:25Mais la loi autorise aussi les établissements privés
09:27à refuser de pratiquer des IVG.
09:29J'ai l'impression qu'il y a un traitement spécial
09:31pour l'IVG, Marlène Schiappa.
09:33Non, mais je rejoins ce qui vient d'être dit complètement.
09:34C'est-à-dire qu'on ne peut pas forcer des gens.
09:36Moi, si il y a un médecin qui est anti-IVG,
09:37honnêtement, je préfère qu'il ne pratique pas mon avortement.
09:39Exactement.
09:40Parce qu'on sait trop ce que c'est d'avoir un médecin
09:42qui vous force à écouter le cœur du fœtus
09:46quand on l'entend, qui vous dit
09:48« je pense qu'il était bien accroché »
09:50ou qui vous dit « je suis sûre que ça aurait été un petit garçon,
09:52vous n'avez que des filles »
09:53ou « ça aurait été une petite fille, vous n'avez que des garçons ».
09:54Toutes ces phrases-là, on les connaît.
09:56Et ces phrases-là, elles sont dites parfois
09:58par des médecins qui sont militants anti-IVG.
10:00Elles sont aussi parfois dites, il faut le dire,
10:02par maladresse, ou parce qu'ils pensent
10:04dire des choses peut-être réconfortantes,
10:06je ne sais pas.
10:07Et c'est ce qu'on voit aussi dans ce documentaire,
10:09ce lien, en fait, on est au-delà de ça,
10:11on est sur la question aussi du lien de confiance
10:13entre la patiente et le médecin,
10:15et de la manière dont elle va pouvoir,
10:17un, avoir accès à lui, et c'est ce qu'on disait
10:19sur la désertification médicale,
10:21et deux, avoir un lien de confiance
10:23et se sentir en conscience pour le moment
10:25où elle va devoir pratiquer cet avortement
10:27qui peut être bien vécu, mais qui peut aussi
10:29ne pas être tout à fait anodin pour une femme
10:31qui va avorter, et ce n'est pas être anti-IVG
10:33que de dire cela.
10:34Et en même temps, on l'entend dans…
10:35Si vous permettez, sur ce problème,
10:37je pense qu'il y a tout ce qui a été dit,
10:39que je partage complètement les propos,
10:41mais il y a aussi la tarification à l'acte,
10:43la T2A, parce qu'aujourd'hui,
10:45ça a été dit,
10:47l'IVG est un soin.
10:49C'est un soin, et aujourd'hui,
10:51beaucoup de médecins sortent aussi
10:53cette cloche de conscience, parce que finalement,
10:55pratiquer un IVG,
10:57eh bien, ne rapporte pas assez.
10:59Et donc, je pense qu'au-delà,
11:01il y a évidemment ceux et celles,
11:03les mouvements catho,
11:05ça a été dit, et je partage,
11:07réactionnaires, moi, je dis même réac,
11:09parce qu'il y a des…
11:11Aujourd'hui, bien sûr,
11:13mais y compris,
11:15aujourd'hui, les mouvements réactionnaires,
11:17parce que vous l'avez fort bien dit,
11:19ceux qui sont contre l'IVG sont contre la PMA,
11:21sont contre le mariage pour tous,
11:23d'abord, on retrouve les mêmes dans les manifs.
11:25Et en même temps, on l'entend dans ce que disent ces femmes,
11:27parce qu'il y a une émotion quand elles parlent
11:29de ce moment où elles ont pratiqué une IVG,
11:31on a le sentiment quand même que c'est un acte
11:33pas banal, qui reste pas banal,
11:35et en disant cela, j'ai aussi peur de donner l'impression
11:37que comme c'est un acte pas banal,
11:39alors ça doit culpabiliser les femmes.
11:41On marche sur un fil avec cette IVG, Marie Mathieu.
11:43Alors,
11:45statistiquement, l'avortement
11:47est quelque chose de banal.
11:49Il y a une femme sur trois en France qui aura au moins une fois
11:51un avortement dans sa vie.
11:53On sait aujourd'hui que c'est une donnée structurelle des trajectoires des femmes,
11:55c'est pas quelque chose qui va soudainement disparaître,
11:57on a eu au travers du temps une énorme augmentation
11:59de la couverture contraceptive de la population,
12:01c'est pas pour autant qu'il y a une baisse du nombre d'avortements.
12:03Parce qu'on sait que si le nombre
12:05de grossesses non prévues diminue,
12:07elle diminue au travers du temps, les femmes, face à une grossesse
12:09non prévue, prennent plus
12:11la décision d'avorter, car notamment
12:13elles ne rejoignent pas ce qu'on appelle la norme procréative.
12:15La norme procréative, c'est ce que
12:17c'est les conditions socialement définies
12:19comme bonnes pour avoir un enfant.
12:21Donc, concrètement,
12:23statistiquement, c'est quelque chose de banal.
12:25Dans la vie des femmes, ça peut être un épisode
12:27totalement ordinaire, positif,
12:29car négatif. En fait, tout dépend des circonstances
12:31dans lesquelles survient la grossesse non prévue.
12:33En fait, on s'est aperçu, quand les femmes
12:35généralement sont engagées dans d'autres activités,
12:37une grossesse non prévue,
12:39en fait, la décision va s'imposer aux femmes
12:41et ça va pas être quelque chose
12:43d'horriblement éprouvant, si ce n'est
12:45peut-être lié à des prises
12:47en charge maladroites, voire
12:49même violentes.
12:51Par contre, ça peut devenir un drame dès lors
12:53que ça exprime
12:55qu'une femme a envie d'avoir un enfant,
12:57mais qu'elle ne peut pas
12:59investir ce projet parental seule. Soit
13:01parce qu'elle a besoin d'une solidarité
13:03conjugale pour pouvoir accueillir dans des bonnes conditions
13:05matérielles un enfant, ou soit
13:07parce que, simplement, elle ne veut pas déroger un modèle
13:09de famille traditionnelle, avec un père,
13:11une mère, et
13:13quelque part, placer un enfant dans
13:15le rejet de son père biologique.
13:17Donc, les femmes, elles réfléchissent toujours aussi
13:19en fonction du bien-être
13:21d'un être potentiel, en fait.
13:23Et professeur Oliven, il y a cet aspect technique
13:25qui est relevé dans ce documentaire
13:27et qui est assez long, d'ailleurs. On parle de
13:29IVG médicamenteuse,
13:31IVG par aspiration. Dans le film,
13:33on a l'impression que par aspiration,
13:35c'est très simple et même
13:37souhaitable pour les femmes, alors que la médicamenteuse
13:39serait...
13:41Ça m'a un peu choqué, parce que
13:43j'ai trouvé que c'était présenté
13:45de manière un peu dans un seul sens.
13:47C'est-à-dire, il faut quand même rappeler
13:49qu'une aspiration,
13:51ce qu'on appelle un curtage, mais ce n'est pas le bon terme,
13:53parce qu'avant, c'était un curtage. Maintenant, c'est une aspiration,
13:55comme c'est expliqué dans le film.
13:57Oui, c'est même bien expliqué dans le film.
13:59L'aspiration, comme toute intervention
14:01chirurgicale intra-utérine,
14:03elle peut produire des effets
14:05néfastes et en particulier une infection
14:07et ce qu'on appelle
14:09une synéchie, qui est l'accolement
14:11des parois de l'utérus. Et ça, ça peut être
14:13très grave. Évidemment, c'est rare,
14:15c'est peut-être même très rare,
14:17en particulier par des gens expérimentés,
14:19mais c'est quand même un risque. Donc, je pense
14:21que le médecin, il a tendance
14:23à vouloir privilégier chez la femme
14:25quand c'est possible, la méthode
14:27médicamenteuse qui, elle, va donner beaucoup
14:29moins de risques, puisque c'est, entre guillemets,
14:31une expulsion naturelle, provoquée,
14:33certes, mais naturelle. Mais à la maison seule,
14:35pas accompagnée. Alors, voilà. Donc, moi, je trouve
14:37que ce qui est bien dit, c'est que peut-être
14:39que la prise médicamenteuse n'est pas bien
14:41accompagnée. Ça, c'est sûrement
14:43vrai. Mais par contre, dire
14:45que c'est tellement plus simple de faire une aspiration,
14:47c'est peut-être plus simple,
14:49mais ça a quand même plus de risques.
14:51Donc, il faut quand même ne pas oublier ce petit
14:53aspect qui n'est pas négligeable.
14:55Je veux pas effrayer le monde,
14:57mais on peut se retrouver avec
14:59une grande difficulté à avoir des enfants
15:01si on a une complication grave
15:03d'une aspiration. Donc, il faut
15:05quand même essayer de l'éviter, si on peut,
15:07sans, évidemment, imposer aux femmes
15:09une souffrance. Moi, je trouve que
15:11je voulais faire un point par rapport à ce qui a été
15:13dit, c'est que ce qu'on note, quand même, dans le
15:15documentaire, c'est que les personnes, en dehors
15:17d'un médecin, les personnes bienveillantes,
15:19c'est quand même des femmes. Vous avez ce côté,
15:21justement, où l'homme se retrouve,
15:23comme c'est dit, d'ailleurs, dans le documentaire,
15:25les hommes, souvent, dans les coupes,
15:27ils considèrent que c'est pas leur problème.
15:29– Eh ben oui. – Et
15:31les femmes sont souvent mal
15:33accompagnées par la personne qui est à l'origine de la grossesse.
15:35Et je pense que c'est quelque chose
15:37qui n'est peut-être pas assez
15:39inculqué au médecin homme
15:41de considérer ce soin
15:43comme un soin tout à fait prépondérant.
15:45Il est considéré comme secondaire.
15:47– Médecin homme et homme tout court, pardon,
15:49est-ce que ça vous a frappé de voir à quel point les hommes étaient
15:51absents de cette question de l'IVG ? Je ne sais pas,
15:53Marie Mathieu, les hommes ne se sentent pas concernés par…
15:55– Alors, moi, ça ne me frappe pas, puisque, effectivement,
15:57c'est ce que j'avais observé pendant mes années,
15:59enfin, pendant ma thèse, et après,
16:01dans une recherche postdoctorale sur les avortements
16:03dès les dépassés des femmes qui partent à l'étranger,
16:05les femmes, généralement, partagent
16:07l'information avec d'autres femmes,
16:09ayant peur, effectivement, d'une forme de stigmatisation.
16:11Il y a,
16:13effectivement, des hommes qui ont envie de s'investir,
16:15c'est ce qu'a montré une recherche de l'Homme Psych
16:17à l'époque, qui avait vraiment une préoccupation
16:19sur… et les hommes dans tout ça.
16:21Les hommes, ponctuellement,
16:23sont prêts à s'investir, mais, en fait, sont prêts
16:25à s'investir aux côtés d'une partenaire pour un
16:27avortement, mais ne veulent pas assumer
16:29la responsabilité de la contraception.
16:31Alors que, en fait, pour qu'il y ait une grossesse,
16:33il y a deux partenaires, c'est pas juste
16:35aux femmes d'assumer la responsabilité
16:37contraceptive et le travail que ça demande,
16:39et aussi les dépenses que ça demande, en fait.
16:41C'est un investissement personnel.
16:43Sur le sujet de la contraception, je rejoins tout à fait ce qui a été dit,
16:45et la question de la contraception, notamment de la pilule masculine,
16:47elle est toujours sur la table depuis des dizaines
16:49d'années. Après, c'est vrai qu'il n'y a pas de cas général,
16:51il y a aussi des moments dans lesquels il n'y a pas
16:53de partenaire. C'est pas parce qu'il y a une grossesse
16:55qu'il y a un partenaire et qu'il y a un couple,
16:57d'une part. D'autre part,
16:59il peut y avoir aussi une volonté de
17:01vivre ça en étant
17:03replié sur soi-même, en étant seule,
17:05et c'est pas un jugement de ma part que de dire ça,
17:07et je pense que toutes les situations sont
17:09entendables, et de la même manière que pour
17:11le choix de la méthode, ça dépend de tellement
17:13de facteurs, de l'antériorité de la femme,
17:15est-ce qu'elle a déjà accouché ou non, est-ce qu'elle est en couple
17:17ou pas, est-ce qu'elle hésite quelque part où elle est seule,
17:19est-ce que c'est un soulagement pour elle
17:21d'avorter parce qu'elle va pouvoir poursuivre
17:23d'autres choses ou parce qu'elle ne voulait pas cette grossesse,
17:25ou au contraire, est-ce qu'elle le fait
17:27en ayant le cœur serré ?
17:29Et la question de la place des femmes soignantes,
17:31pour moi, c'est la question aussi des sages-femmes,
17:33et du rôle que les sages-femmes peuvent jouer,
17:35et des compétences qu'on leur donne, qui ont été élargies
17:37dans la loi récemment, mais
17:39qui doivent pouvoir aussi accompagner
17:41au-delà de la question de l'accouchement, pour les questions
17:43de contraception, d'endométriose, et justement
17:45d'accès aussi à l'avortement, par exemple.
17:47Moi, sur ça,
17:49je pense que d'abord, chaque femme est libre
17:51de son corps, et
17:53il y a aujourd'hui 31% des
17:55femmes en France à qui on ne propose
17:57qu'une solution.
17:59L'avortement, donc,
18:01l'IVG médicamenteuse.
18:03Ça, c'est un problème. Parce que
18:05lorsque l'on se rend
18:07chez un médecin
18:09pour pouvoir faire un avortement,
18:11on doit avoir toutes les cartes en main.
18:13Et donc, il faut accompagner
18:15beaucoup plus. D'abord,
18:17que ce soit une IVG médicamenteuse
18:19ou instrumentale,
18:21je pense qu'il faut accompagner beaucoup plus
18:23les femmes. Parce que, y compris
18:25celles qui font le choix
18:27d'un avortement médicamenteux,
18:29ne sont pas accompagnées.
18:31Le chiffre qui m'a le plus impressionné,
18:33dans les tableaux,
18:35c'est 72%,
18:37je m'en souviens encore,
18:39des femmes qui font une IVG sont sous contraception.
18:41Moi, je trouve ça,
18:43j'ignorais ce chiffre,
18:45j'ai trouvé ça tout à fait renversant.
18:47Et d'ailleurs, les médecins ne les croient pas, c'est ce qu'elles nous expliquent.
18:49Et donc, je pense quand même que
18:51ça, c'est quand même un sujet
18:53majeur. Il y a un
18:55problème d'information.
18:57Donc, il y a tout cet aspect-là autour de la
18:59contraception, mais en tout cas, je trouve qu'il y a quelque chose
19:01à analyser là-dedans.
19:03Vous avez relevé ce chiffre, j'en ai relevé d'autres qui sont extrêmement inquiétants.
19:05Moins de 5% des gynéco-de-ville pratiquent
19:07l'IVG. En 50 ans, les 3 quarts
19:09des maternités qui pratiquent l'IVG ont disparu.
19:11En 12 ans, le nombre de centres
19:13IVG est passé de 820 à
19:15460, soit une baisse de 40%.
19:17Dans votre rapport, Katia Poursopoli,
19:19on apprend que 27% des femmes interrogées
19:21par Ipsos, ayant eu recours
19:23à une IVG au cours des 5
19:25dernières années, ont été confrontées à un refus.
19:27Alors, que se passe-t-il
19:29dans le corps médical ? C'est quand même aussi une question.
19:31On l'a un tout petit peu abordée, je voudrais qu'on l'approfondisse.
19:33Les médecins ne sont évidemment pas tous
19:35idéologiquement opposés à l'IVG,
19:37c'est certain. Il y a d'autres raisons,
19:39et il y en a quelques-unes, invoquées par Annie Chemla,
19:41qui est une militante du mouvement pour la liberté
19:43de l'avortement et de la contraception. On l'écoute et on en parle après.
19:47Pour un médecin, l'avortement
19:49n'est pas souhaitable,
19:51pour au moins trois raisons. La première,
19:53c'est qu'il est mal payé.
19:55La cotation de l'avortement est basse,
19:57elle vient d'être un peu rehaussée,
19:59mais elle reste basse, c'est moins
20:01payé qu'une fausse couche, par exemple.
20:03Scientifiquement,
20:05parce que ça fait partie de la carrière d'un médecin,
20:07d'écrire des articles,
20:09parce que c'est comme ça qu'on progresse
20:11dans l'univers universitaire et scientifique.
20:13Mais la pratique d'un avortement
20:15aujourd'hui, c'est une aspiration.
20:17Une aspiration, j'en ai pratiquée,
20:19tout le monde peut en pratiquer,
20:21c'est un geste
20:23avec assez peu de technicité
20:25et sur lesquels on n'écrit pas d'article.
20:27Et troisièmement, ce sont les femmes
20:29qui décident. Et ça, le corps médical
20:31a toujours la même réticence
20:33à accepter le fait
20:35que ce soit le patient qui dise
20:37ce qu'il faut qu'on lui fasse.
20:41Plein de choses intéressantes de dites dans cet extrait.
20:43Je vais évidemment vous faire réagir
20:45dans un instant, professeure Olivenne, puisque vous êtes concernée.
20:47Marlène Schiappa, ça vous a fait réagir.
20:49C'est passionnant, je me souviens quand j'étais au gouvernement
20:51et j'ai lancé la mission auprès du Haut Conseil
20:53à l'égalité femmes-hommes sur les violences gynécologiques
20:55et obstétricales que vivaient les femmes.
20:57Mais j'ai été traitée de tous les noms
20:59par une partie du corps médical
21:01qui ne supportait pas finalement que les femmes
21:03prennent la parole sur la manière dont elles sont parfois
21:05traitées. Alors il y a évidemment
21:07beaucoup de médecins qui sont les alliés des femmes,
21:09qui les soutiennent et qui sont très bienveillants dans leurs actes.
21:11Mais il y a aussi des cas où ça ne se passe pas bien
21:13et d'un point de vue de l'organisation
21:15de la société, ça fait à peu près 40 ans
21:17qu'Antoine clamait qu'on voudrait
21:19la pilule en ventre libre dans les monoprix.
21:21On l'attend toujours et moi je considère que c'est
21:23une infantilisation inadmissible
21:25des femmes que de
21:27considérer que nous ne sommes pas en fait aujourd'hui
21:29maîtresses de notre propre contraception. Nous devons
21:31faire la démarche de prendre un rendez-vous médical,
21:33de nous soumettre à des examens,
21:35d'avoir une ordonnance, d'aller faire renouveler
21:37notre ordonnance. Alors j'avais fait
21:39avec Olivier Véran le principe
21:41de prolongation implicite des ordonnances,
21:43vous pouvez aller maintenant en pharmacie avec votre
21:45vieille ordonnance de pilule, mais enfin je considère
21:47qu'on ne responsabilise pas les femmes
21:49et c'est vrai qu'on ne leur donne pas forcément non plus
21:51toutes les informations sur la manière dont la pilule
21:53se prend, dont elle est efficace, sur les différentes
21:55sortes de pilules et je crois qu'il y a une
21:57éducation quasiment
21:59à la contraception qui devrait être
22:01bien plus renforcée pour les femmes et pour les hommes
22:03pour que chacun puisse décider
22:05en son âme et conscience sans savoir
22:07ce sentiment d'être infantilisé, de devoir
22:09aller demander, s'il vous plaît, si on peut
22:11avoir une petite ordonnance pour une pilule.
22:13Quémander ! Les femmes en fait
22:15sont obligées déjà d'assumer
22:17cette responsabilité contraceptive
22:19quasiment de leur
22:21puberté jusqu'à leur ménopause
22:23exonérant les hommes de ce travail-là
22:25parce qu'en fait les hommes ne vont jamais consulter
22:27régulièrement des médecins pour un suivi
22:29comme les femmes le font au niveau du suivi
22:31gynécologique qui pose quand même cette question de
22:33répartition des responsabilités et des tâches
22:35mais au-delà de ça en fait il y a
22:37vraiment cette idée que
22:39en France en fait on a vraiment
22:41eu un modèle de contraception qui est très
22:43pilulo-centré. Dès qu'on fait un pas de côté
22:45dans les pays à côté
22:47en Europe, aux Etats-Unis, ailleurs
22:49on voit que ce n'est pas toujours le cas
22:51et qu'en France on a vraiment une caractéristique
22:53spécifique qui fait que les médecins
22:55ont tendance à focaliser sur
22:57l'observance des femmes, à dire
22:59les femmes il faut qu'on les informe plus pour que
23:01ça rentre dans leur tête, qu'une pilule
23:03ça se prend comme ci, une pilule ça se prend comme ça
23:05en fait si on responsabilisait
23:07collectivement la société, les jeunes
23:09dès le plus jeune âge dans les cours
23:11sur la vie affective et la sexualité
23:13donc les partenaires, les garçons comme les filles
23:15sur la responsabilité parce qu'on voit même
23:17quand la méthode de contraception
23:19elle est dite masculine, je vous donne l'exemple
23:21du préservatif, c'est souvent les femmes qui
23:23l'achètent, qui l'initient dans
23:25le rapport sexuel, donc ça pose quand même
23:27la question de
23:29on a tendance à culpabiliser les femmes
23:31dès qu'il y a une hausse du nombre d'avortements tout de suite
23:33tout le monde s'enflamme en disant
23:35c'est très grave, on pose jamais la question
23:37de les hommes là-dedans
23:39si effectivement il y a des
23:41avortements, c'est qu'il y a quand même des hommes
23:43si on s'y maîtrisait qu'ils seraient
23:45irresponsables, mais voilà
23:47donc ça amène quand même à une vraie discussion sur
23:49aujourd'hui comment on peut penser
23:51une responsabilité collective
23:53et qu'il ne soit pas délégué à un groupe simplement
23:55de personnes, et pour rebondir sur
23:57la question des méthodes, moi je pense que c'est
23:59comme un questionnement
24:01qui est légitime d'avoir sur la question de l'avortement
24:03médicamenteux, notamment parce qu'il y a
24:05de nombreux établissements qui ne le proposent plus
24:07et que en quelques années on a eu une
24:09augmentation absolument hallucinante du
24:11nombre d'avortements médicamenteux sur la totalité
24:13des avortements, on est à 79%
24:15aujourd'hui, quand vous
24:17faites le comparatif avec d'autres régions
24:19c'est quand même pas un chiffre anodin
24:21Et professeur Oliven, est-ce que c'est vrai que le corps médical
24:23a toujours la même réticence à accepter
24:25que ce soit une patiente qui vienne lui dire
24:27ce qu'il a à faire, c'est-à-dire pratiquer une IVG
24:29si on est très honnête ?
24:31Je ne suis pas spécialiste de ça
24:33je ne suis pas comme ça
24:35je pense qu'il y a
24:37des tas de médecins qui sont contre
24:39que la femme aille prendre un deuxième avis
24:41je ne pense pas être le bon reflet
24:43ça me parait
24:45très choquant si c'est le cas
24:47moi je pense que ce serait logique
24:49que le médecin puisse
24:51informer la femme des différentes
24:53méthodes, des plus, des moins, etc.
24:55d'abord, pour la méthode médicamenteuse
24:57il y a quand même des règles, donc si on
24:59s'aperçoit qu'on a fait
25:01des méthodes médicamenteuses
25:03plus tardivement qu'on ne devrait le faire
25:05et que c'est effectivement les centres
25:07qui se déchargent de l'activité
25:09d'aspiration pour favoriser
25:11la méthode médicamenteuse, il faut pouvoir
25:13l'encadrer et le
25:15contrôler, mais disons que je pense
25:17qu'informer
25:19la femme, et la femme et l'homme
25:21en l'occurrence, et qu'il soit
25:23à même de décider
25:25de la méthode, me parait très bien
25:27il faut faire attention
25:29au cas contraire, moi j'ai travaillé un peu aux Etats-Unis
25:31où le médecin devient un prestataire
25:33de service, le patient décide
25:35de tout, et le patient
25:37peut décider de choisir
25:39quelque chose qui lui est préjudiciable
25:41et le médecin n'a qu'à s'exécuter, donc
25:43il faut trouver le bon équilibre
25:45entre un système
25:47d'infantilisation des patients
25:49je suis tout à fait d'accord avec
25:51ce que vous avez dit Mme Schiappa
25:53qui est embêtant et qui
25:55était historique, et un truc
25:57où la patiente viendrait et dirait moi je veux
25:59ça, et puis finalement
26:01votre point de vue je m'en fiche
26:03Et rendre l'IVG plus attractive
26:05financièrement, plus qu'une
26:07fausse couche par exemple, est-ce que c'est important ?
26:09Il faut revoir la tarification, c'est ce que je vous disais
26:11tout à l'heure en avant-propos
26:13il faut revoir absolument la tarification
26:15des IVG
26:17Vous seriez pour ? Bien sûr, parce que
26:19il faut mettre en pratique
26:21ce qui a été voté, enfin
26:23ça a été inscrit dans la constitution
26:25il faut maintenant pour un accès aux soins
26:27plus importants, et bien
26:29que l'IVG puisse être
26:31valorisé, enfin voilà
26:33et payé comme un
26:35soin tout à fait normal
26:37parce que c'est un soin
26:39normal. Moi j'aimerais revenir
26:41juste deux minutes par rapport à ce que Mme Schiappa
26:43disait, et que
26:45je partage pour par exemple
26:47la prise de pilules
26:49etc. Aujourd'hui
26:51nous n'avons plus de médecins traitants dans nos
26:53territoires, y compris moi je rencontre
26:55des femmes, de nombreuses femmes
26:57je suis des Hauts-de-France, vous voyez on n'est pas les mieux lotis
26:59d'abord on est plein de régions
27:01en France, puisqu'il y a 85%
27:03des territoires qui sont
27:05en déserts médicaux, donc
27:07c'est un vrai souci, on rencontre
27:09des femmes aujourd'hui qui aimeraient prendre
27:11une contraception, et
27:13elles n'ont plus de généralistes
27:15donc elles ne peuvent même pas
27:17se faire prescrire une ordonnance
27:19les plannings
27:21familiaux, ce que je vous disais
27:23tout à l'heure, quand on était mineure
27:25quand on est jeune, on allait facilement
27:27dans les plannings familiaux, qui pouvaient
27:29délivrer aussi des ordonnances
27:31et bien avec
27:33les plannings familiaux qui ont été
27:35mis à mal dans plusieurs départements
27:37nous n'avons plus cet accès
27:39et donc c'est quand même un vrai souci.
27:41Puisqu'on arrive à la fin de cet échange, je voudrais dézoomer un tout
27:43petit peu si vous êtes d'accord, regardez un peu
27:45la tendance mondiale, parce qu'évidemment la France n'est pas
27:47imperméable aux lobbys
27:49anti-IVG qui se développent dans le monde, et le film
27:51nous parle même de financement russe et américain
27:53on va regarder cette carte reprise
27:55par nos confrères du monde, en vert
27:57vous allez le voir, les pays où l'IVG
27:59est possible sur demande, en jaune
28:01sur justification médicale
28:03en rouge seulement si la vie de la mère est en danger
28:05en rouge interdiction absolue
28:07en vert kaki, et c'est variable
28:09selon les états comme on le voit évidemment aux Etats-Unis
28:11selon une ONG américaine
28:13citée par Le Monde, plus de 40%
28:15des femmes en âge d'avoir
28:17des enfants vivent dans des états
28:19où la législation empêche ou limite
28:21le droit d'interrompre
28:23une grossesse. Est-ce qu'on est de toute façon
28:25dans une tendance mondiale
28:27qui pourrait aussi expliquer les
28:29réticences en France ?
28:31Regardons les débats qui ont eu lieu autour de Kamala Harris
28:33et Donald Trump, un des grands sujets
28:35ça a été l'arrêt Roe versus Wade, et donc
28:37le droit à avoir un accès à l'IVG
28:39aux Etats-Unis. Quand j'étais
28:41à la convention mondiale des droits des femmes, à la CSW
28:43à l'ONU, il y a quelques années on faisait un événement
28:45sur l'IVG, et nos
28:47téléphones ont été hackés
28:49dans le centre même des Nations Unies
28:51par des mouvements anti-choix
28:53qui nous ont fait envoyer
28:55par Bluetooth sur nos téléphones, parce qu'on était connectés
28:57au réseau, des photos
28:59de fœtus, d'embryons
29:01de sang, pour nous
29:03impressionner. Donc on voit qu'il y a une mobilisation
29:05une organisation qui sont très
29:07financées, et puis vous avez aussi la question
29:09qu'on n'a pas encore abordée
29:11des théocraties et des régimes
29:13ultra-religieux. On peut parler de l'Afghanistan
29:15de l'Iran et de bien d'autres pays dans lesquels
29:17cette idéologie, on en est à interdire
29:19aux femmes de parler entre elles, alors l'avortement
29:21c'est vous dire si on en est très très
29:23loin dans les combats. Et hélas
29:25oui, ça recule. Et c'est en train
29:27de pénétrer. C'est très violent. Enfin moi
29:29ce qui me frappe, ça m'avait déjà frappé
29:31il y a 30 ans, j'ai fait un stage aux Etats-Unis
29:33et j'ai une image qui
29:35m'a profondément marquée, c'était un
29:37enfant d'un médecin qui faisait des
29:39IVG, tous les matins
29:41il partait de chez lui pour aller à l'école
29:43il était entouré de
29:45ces militants IVG avec une
29:47pancarte, ton père est
29:49un assassin, tous les matins.
29:51Et je trouvais ça tellement violent
29:53et aujourd'hui on le voit avec
29:55il y a quand même eu aux Etats-Unis des meurtres
29:57de médecins qui faisaient des IVG.
29:59Et c'est ça que je trouve
30:01terrible, c'est cette
30:03espèce de radicalisation
30:05de ces mouvements qui deviennent
30:07quand vous voyez l'argent qu'on y consacre
30:09mais ça peut être brutal.
30:11Moi j'ai quand même des souvenirs
30:13je racontais à Béclair de ce groupe
30:15de gens enchaînés, chantant
30:17des cantiques, c'était mais surnaturel
30:19on avait l'impression d'être chez les fous.
30:21Dans quelles mesures sont-ils présents en France ?
30:23Est-ce qu'on doit s'inquiéter de cette tendance ?
30:25Oui, on doit s'inquiéter.
30:27On doit protéger le fait
30:29que les femmes aient accès à l'IVG.
30:31C'est pas parce que c'est dans la loi que ça peut être fait
30:33parce que petit à petit
30:35on peut imaginer que ça soit remis
30:37en cause, pas forcément dans la loi
30:39mais physiquement.
30:41C'est inquiétant.
30:43Il y a des registres d'action qui ont évolué au travers du temps
30:45les commandes ou
30:47anti-avortements des années 90
30:49qui ont été condamnées avec la loi NERDS
30:51c'était un registre d'action particulièrement violent
30:53qu'on voit encore aussi en Amérique du Nord
30:55mais on a vu apparaître
30:57il y a quelques années les premières marches pour la vie
30:59alors ce qui se dit des marches pour la vie
31:01dans certaines villes de France hexagonale
31:03mais il y a aussi
31:05tout un ensemble d'actions
31:07qui sont un petit peu plus sournoises
31:09au-delà de ce qui se passe sur internet
31:11la désinformation
31:13qui a lieu, ce genre de choses
31:15il y a quand même des actions
31:17qui tendent à vouloir se présenter comme des actions
31:19de défense des droits des femmes
31:21typiquement des projets de loi
31:23qui voudraient doublement condamner
31:25un double homicide pour le fait
31:27qu'on ait tué une femme enceinte
31:29qui vise à faire reconnaître derrière
31:31les droits d'un potentiel
31:33fœtus
31:35ou alors par exemple
31:37la question des avortements sexo-sélectifs
31:39comme on a pu le voir par exemple au Canada
31:41en disant oui mais en fait vous vous rendez compte
31:43si on sélectionne toujours les petites filles
31:45et qu'on enlève les fœtus filles
31:47c'est affreux
31:49donc il y a des stratégies comme ça
31:51qui soi-disant seraient pour
31:53même en France on le voit le discours
31:55que finalement l'avortement serait toujours un drame
31:57mais en fait non
31:59ce n'est pas toujours un drame
32:01et en Amérique du Nord il y a même une tendance
32:03comme s'il y avait un syndrome post-abortif
32:05qui ne correspond aujourd'hui
32:07à aucune entité médicale qui n'a été prouvé nulle part
32:09donc il y a vraiment ce truc-là
32:11de présenter aujourd'hui
32:13leur motivation comme étant
32:15soi-disant la santé des femmes
32:17le bien-être des femmes alors que finalement
32:19c'est aller totalement à l'encontre
32:21de leur autonomie
32:23Donc pour conclure Cathy, il y a plus d'avortements en France
32:25et c'est en constante
32:27augmentation, c'est inscrit dans la constitution
32:29et pourtant il faut être inquiet
32:31je ne suis pas non plus plaiteur
32:33c'est plutôt stable
32:35ça stagne plutôt
32:37il n'y a pas une inflation
32:39de l'avortement en France, il faut se le dire
32:41par rapport à ce qui est dit
32:43moi ce qui m'inquiète
32:45énormément c'est que par exemple
32:47je tape sur internet
32:49comment pratiquer une IVG
32:51les premières
32:53informations que vous avez
32:55ce sont tous ces commandos
32:57moi je les appelle les commandos anti-avortement
32:59anti-avortement qui apparaissent
33:01ce n'est même pas le ministère de la santé
33:03qui apparaît en premier
33:05c'est tous ces commandos
33:07donc la bataille se mène aussi en ligne
33:09elle se mène évidemment
33:11partout et puis on parle
33:13de l'Amérique etc. mais je rappelle
33:15qu'en Europe on a des pays aussi
33:17à quelques kilomètres de chez nous
33:19milliers, centaines
33:21de kilomètres où l'avortement
33:23est remis en cause et durement
33:25et on l'a vu sur la carte
33:27il y a évidemment
33:29dans le monde l'Amérique
33:31les financements
33:33occultes etc. mais il y a
33:35aussi ici en Europe et ici
33:37en France on voit la prépondérance
33:39que c'est en train de prendre
33:41c'est quand même assez inquiétant
33:43Un dernier mot de conclusion ?
33:45Oui sur la question des sites qui font dans la désinformation
33:47il y a eu des lois
33:49qui ont été mises en place qui
33:51ont étendu le délit d'entrave
33:53sauf qu'on voit que ces lois ne sont pas effectives
33:55en fait il n'y a eu aucune condamnation
33:57qui a eu lieu. Je trouve que
33:59c'est important de se poser la question du pourquoi
34:01parce qu'on sait, moi je l'ai documenté
34:03notamment dans mes travaux, qu'il y a
34:05effectivement des sites anti-choix qui ensuite
34:07harcèlent les femmes via des
34:09choses comme WhatsApp
34:11pour les dissuader d'avorter
34:13cependant il n'y a pas eu
34:15de procédure
34:17parce que d'une les femmes ne savent
34:19déjà peut-être pas qu'elles ont été
34:21victimes de désinformation, de deux
34:23elles viennent d'avorter, elles n'ont peut-être pas
34:25forcément envie d'aller faire des démarches en justice
34:27pour dire, et finalement
34:29on se retrouve avec des anti-choix
34:31qui continuent leurs actions de façon
34:33une quantité de
34:35journalistes l'ont montré, donc
34:37il faut peut-être se poser la question de comment rendre
34:39cette loi efficace, effective
34:41pour qu'on arrête effectivement
34:43d'empêcher les femmes de
34:45faire un choix libre
34:47Et on s'arrêtera sur cette interrogation, merci
34:49merci beaucoup à tous les quatre d'avoir participé à cet échange
34:51merci à vous de nous avoir suivis comme chaque semaine
34:53émissions et documentaires à retrouver sur notre plateforme
34:55publicsenat.fr, à très vite sur Public Sénat
34:57Merci
34:59Musique
35:01Musique
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