Le rapporteur général de la commission des finances critique la gestion budgétaire et accuse "l'enfermement du gouvernement" en la matière.
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00:00 Bonjour Jean-François Husson, merci de nous avoir rejoint au micro de Public Sénat.
00:03 Vous remettez ce matin ce rapport sur la dégradation des finances publiques,
00:07 un rapport qui parle d'une dégradation des finances publiques entre Paris et Dénis.
00:12 Qu'est-ce que vous dénoncez avec votre rapport ce matin ?
00:15 D'abord, on a essayé de comprendre comment ce dérapage entre les prévisions budgétaires
00:24 du gouvernement et l'exécution, avec un dérapage du déficit,
00:29 est-ce que c'était un accident de parcours ?
00:34 Est-ce qu'il y avait plutôt un pari politique ?
00:37 Je pense qu'il y a eu un peu des deux.
00:41 Donc des recettes de l'État moindre, les recettes ça veut dire notamment le produit des impôts,
00:46 c'est l'impôt sur les sociétés, c'est la TVA, c'est l'impôt sur le revenu,
00:50 il y a mille et une recettes.
00:52 Et puis certainement un certain enfermement du gouvernement,
00:57 peut-être trop isolé, trop content et sûr de lui,
01:01 considérant qu'il y aurait eu un petit accident de parcours
01:06 mais que les choses pourraient se rétablir, ça n'a pas été le cas malheureusement.
01:09 Vous parlez du fait que face aux données et remontées d'informations,
01:12 il y a eu une imprudence et une inaction du gouvernement,
01:16 et vous avez parlé d'un manque de prudence du gouvernement,
01:18 c'est ça en fait qui s'est joué depuis l'automne dernier ?
01:21 Oui, assurément, d'ailleurs les notes de Bercy, alors Bercy est souvent critiquée,
01:27 mais je dois dire également d'abord que lorsque,
01:31 personnellement j'ai fait le contrôle sur place et sur pièce,
01:35 Une sorte de petite perquisition que vous avez pu faire, oui ?
01:37 Appelons-la comme ça en tous les cas,
01:39 et lorsque nous avons auditionné les hauts fonctionnaires,
01:42 on a bien senti la difficulté qui était la leur,
01:46 et parfois la gêne,
01:48 à avoir été écarté de la rigueur de la gestion.
01:55 Parce que eux savaient ?
01:56 Dans les notes, un certain nombre d'alertes sont données,
02:00 et le gouvernement ne les entend pas.
02:02 Il reste sourd, peut-être il ne veut pas les entendre,
02:05 et donc si on était dans une période de forte croissance,
02:09 avec une France très en avant, en pleine réussite,
02:13 on est quand même à l'échelle européenne un des derniers de la classe,
02:16 donc c'est une vraie difficulté,
02:19 avec en plus le risque que ça s'aggrave dans les années qui viennent,
02:23 parce que c'est quand même la tendance aujourd'hui
02:26 qui est posée par le gouvernement lui-même,
02:29 c'est donc préoccupant,
02:30 on n'a pas le droit de jouer avec les chiffres de la réussite de notre pays.
02:34 On termine avec le constat,
02:35 et après on ira sur vos propositions si vous le voulez bien.
02:37 Vous écrivez également la procrastination coupable du gouvernement,
02:40 qui ne tient pas compte des alertes de son administration,
02:43 là c'est directement lié aussi au caractère de Bruno Le Maire,
02:46 vous le croyez.
02:47 Un septennat, vous avez dit en conférence de presse qu'il est à Bercy,
02:51 ça a pu jouer aussi sur sa façon de gouverner,
02:53 sa façon de diriger Bercy aussi ?
02:55 Je pense que quand vous exercez longtemps et durablement la même fonction,
03:00 vous vous sentez à l'abri de nombreux aléas.
03:03 Et puis comme j'ai le sentiment que c'est aussi
03:06 un peu un trait de caractère du président de la République,
03:09 qui est arrivé alors en roi des chiffres,
03:13 banquier d'affaires, réussite, etc.
03:16 Tout ça s'est un peu fracassé sur le mur, les rochers de la réalité,
03:20 c'est donc douloureux,
03:22 et c'est contre-productif.
03:24 Alors allons maintenant sur la suite,
03:26 vous parlez d'un parlement privé de l'information nécessaire
03:29 à l'exercice de ses prérogatives, notamment le vote du budget.
03:32 Vous faites des propositions pour avoir davantage d'informations
03:35 et d'avantage aussi au sein de la machine de Bercy ?
03:39 En fait, on a besoin d'une bonne qualité de dialogue et d'échange.
03:43 Et si vous voulez, quand les choses fonctionnent normalement,
03:48 que les prévisions sont au rendez-vous,
03:51 que la croissance est là,
03:53 les difficultés ne sont pas les mêmes.
03:55 Mais aujourd'hui, on voit bien qu'il y a eu
03:58 un espèce d'emballement négatif, une dégradation,
04:02 les prévisions ont dévissé et il y a eu une forme de déni.
04:07 Et parce qu'on a constaté en même temps qu'à l'Assemblée nationale,
04:10 par la procédure du 49-3, liée à une majorité relative,
04:14 le gouvernement passe en force, contourne finalement,
04:18 puisqu'il n'y a pas d'examen budgétaire ou à minima,
04:20 et alors qu'on fait trois semaines d'examen budgétaire
04:23 avec des propositions inédites,
04:25 jamais vues sous la Ve République,
04:28 de baisse de dépenses publiques,
04:30 le gouvernement dit "tchao bye, je m'occupe pas de vous".
04:33 On voit bien que notre démocratie dysfonctionne,
04:36 elle est essoufflée et aujourd'hui, vous voyez bien qu'elle est en danger.
04:40 Et en 30 secondes, quels outils pour être davantage au cœur de la machine,
04:44 de la construction du budget pour le Parlement ?
04:46 Dans les outils, je pense qu'il faut davantage d'échanges des données,
04:50 de manière plus régulière,
04:52 évidemment avec ce qu'il faut de confidentialité,
04:54 mais je crois que l'accord unanime,
04:58 pour un 6 ou 7 abstentions de la Commission des finances,
05:01 démontre bien que la volonté c'est de travailler au service de notre pays.
05:04 [Musique]