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Il y a près de 25 ans, plus d’une centaine de pays signaient le traité d’Ottawa. Un texte interdisant l’emploi, le stockage, la production et le transfert de mines antipersonnel. Début d’une grande vague d’espoir pour en finir avec ces armes conçues spécifiquement pour blesser ou mutiler des êtres humains.
Mais 25 ans plus tard, non seulement le fléau n’est pas endigué, mais le nombre de victimes augmente… Alors, le traité d’Ottawa sert-il encore à quelque chose ? Y a-t-il une vaste hypocrisie des États ? Une réglementation internationale sur les armes, est-elle un vœu pieux ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Année de Production : 2023

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Transcription
00:00Mines antipersonnelles, la guerre des lâches, un film réalisé par Arnoxante, un film qui montre l'ampleur de la tâche, si l'on veut, d'en finir avec ses armes.
00:09À moins, à moins, que certains n'aient pas du tout envie d'en finir avec les mines antipersonnelles.
00:14Ce sera tout l'objet de notre débat. Avec nous pour en parler, Caroline Brandao, bienvenue à vous.
00:18Vous êtes responsable du droit international humanitaire à la Croix-Rouge française et vous êtes enseignante chercheuse en droit humanitaire.
00:24Général Dominique Trinquant, bienvenue à vous également, spécialiste des relations internationales, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU et auteur de ce livre « Ce qui nous attend » chez Robert Laffont.
00:35Tony Fortin, bienvenue, chargé d'études à l'Observatoire des armements, observatoire qui est co-auteur d'un rapport intitulé « L'Union européenne prêche la paix et vend la guerre, comment l'Europe arme les régimes meurtriers du Moyen-Orient ».
00:49Yves Marek, bienvenue à vous également, ambassadeur, secrétaire général de la Commission nationale pour les mines antipersonnelles, représentant de la France pour la Convention d'Ottawa.
00:58Et vous êtes l'auteur de ce livre « Gouverner, c'est aimer, anthologie morale de l'art sublime de gouverner les hommes » aux éditions Ballon.
01:05Merci à tous les quatre d'être ici. Voilà un film qui nous a emmenés notamment en Colombie et au Sénégal, qui nous dévoile le fléau des mines antipersonnelles
01:14et qui nous montre le travail de fourmis, de handicaps internationaux pour déminer. On va peut-être commencer par un état des lieux.
01:20Tony Fortin, dans combien de pays y a-t-il de mines antipersonnelles et quels sont ces pays ? Quelle est l'ampleur du fléau ?
01:28Les mines antipersonnelles restent un fléau actuel. Alors certes, on a effectivement la Convention d'Ottawa qui interdit l'emploi et le transfert de ces mines.
01:40Il y a 133 États qui l'ont ratifiée, mais il y en a toujours qui continuent à les produire, à les exporter. On pense par exemple à la Russie, la Chine, notamment, et bien d'autres.
01:53Il y a aussi des groupes interétatiques qui continuent à les utiliser, notamment en Colombie et dans d'autres États.
02:00Bref, ça reste effectivement un problème qui est actuel, même si on est dans un certain nombre d'États qui ont éliminé la plupart de leur stock.
02:13Je lisais qu'il y avait plusieurs dizaines de millions de mines antipersonnelles encore enfouies et actives dans une soixantaine d'États. Vous me confirmez ces chiffres ?
02:22Oui, effectivement, il y a une soixantaine de pays qui ont encore des mines, mais le phénomène a plutôt changé de nature.
02:28Le documentaire montre très bien ce qu'a été l'origine des mines et le travail qu'a fait Handicap International, qui a commencé avec les prothèses au Cambodge.
02:37Et puis finalement, nous avions cet usage massif des mines qui dataient des années 50, 60, 70, qui étaient des mines industrielles, très souvent d'origine soviétique, yougoslave, même occidentale.
02:50Et nous croyons, jusqu'à des années récentes, qu'il suffisait en quelque sorte d'argent de la stigmatisation internationale, qui a réussi, parce qu'il y a 164 pays qui ont ratifié la Convention.
03:01Il y a un sentiment moral général qu'on ne doit plus utiliser ces mines. Et donc finalement, le phénomène était en extinction.
03:07Puis sont arrivés deux phénomènes nouveaux. Le premier, ce sont les engins explosifs improvisés.
03:12Et partout, en particulier Daesh, dans tout l'arc sahélien, s'est développé ce nouveau phénomène des mines improvisées, qui sont extrêmement meurtrières.
03:20Et puis en 2022, hélas, nous avons vu le grand retour de l'usage militaire des mines, des mines industrielles, des mines russes, pour l'essentiel, et qui ont fait à nouveau grimper le nombre de morts, alors qu'il était en baisse continue depuis des années.
03:34Donc effectivement, nous sommes à nouveau confrontés, d'abord au nettoyage, si j'ose dire, des guerres du passé, des contaminations résiduelles dans beaucoup de pays, mais aussi à de nouvelles contaminations massives.
03:47À l'ajout de nouvelles formes, nouvelles mines. 32 États sont en dehors de ce traité, Caroline Brandao, dont la Chine, les États-Unis et la Russie.
03:54Pardon pour cette question qui peut peut-être un peu déranger, mais est-ce que le traité d'Ottawa sert encore à quelque chose ? A-t-il encore une utilité ?
04:01Alors, ce traité a la force d'exister. On le voit dans ce documentaire. Il y a tout un travail de plaidoyer qui est mis en oeuvre.
04:08Et ce qu'on aimerait, c'est une universalisation du traité, c'est-à-dire que l'ensemble des États, au même titre que les conventions de Genève de 1949, puissent être ratifiés par l'ensemble des États.
04:20Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Donc, 133 signatures et 164 ratifications avec les États que vous venez de citer, qui n'ont pas l'intention, en tout cas, qui n'ont pas de manifestation.
04:30Mais ça change tout. Ça vient rendre ce traité presque inutile.
04:35Alors, c'est l'une des grandes frustrations des juristes, c'est que le droit est fait pour les États par les États. Il n'y a personne au-dessus de ces États qui peut les obliger d'accepter une règle qu'ils ne veulent pas.
04:49Donc, on est face effectivement à une situation où on va utiliser des moratoires, on va utiliser un certain nombre d'articles dans ce traité pour demander des rapports, plus de transparence, des chiffres également sur la production, le transfert, la vente de ces armes.
05:03Mais on ne peut pas forcer un État d'accepter une règle qu'il ne veut pas.
05:08– Vous le voudriez contraignant, ce traité ? – Il est contraignant une fois qu'on l'a signé et ratifié, exactement.
05:16Mais aujourd'hui, dans le système international, du fait de la souveraineté des États, on ne peut pas forcer les États.
05:24On peut l'amener via la diplomatie, c'est aussi le travail des humanitaires.
05:29La force, je pense, de ce traité, du processus d'Ottawa, c'était aussi d'emmener la population, les organisations militaires et l'expertise des militaires.
05:40C'est-à-dire que lorsqu'on expliquait les conséquences de l'usage de cette arme, il y avait des militaires présents qui expliquaient techniquement,
05:49donc avec une expertise assez forte, assez poussée, qui permettait de convaincre et d'entamer un processus de négociation, etc.
05:59– Général Trinquant, on se demande s'il sert à quelque chose, ce traité, sans être signé par les États-Unis, la Russie ?
06:04– Bien sûr, il sert à quelque chose, tout d'abord pour nettoyer, si j'ose dire, les traces du passé.
06:10Toutes les mines, on le voyait dans le reportage, qui étaient des combats anciens, que ce soit en Colombie, que ce soit en Casamance, en ex-Yougoslavie.
06:19Et donc, il s'agit de nettoyer tout ça. Le gros problème, c'est le problème de la guerre, globalement.
06:25Il faut rappeler que les Nations Unies ont été créées pour bannir la guerre.
06:29Or, actuellement, vous avez des États, y compris membres permanents du Conseil de sécurité, qui ont décidé d'utiliser la guerre.
06:37Et qui, en plus, n'ont pas ratifié ces protocoles.
06:40Donc là, c'est difficile. Quel outil voulez-vous avoir ? Quel levier voulez-vous avoir ?
06:45À partir du moment où ils disent que pour régler les différents, on va utiliser la guerre,
06:50et tous les outils de la guerre, dont les mines, puisqu'ils n'ont pas ratifié le protocole.
06:56Mais pour qu'on comprenne bien les mines antipersonnelles, en particulier, si on reste vraiment sur ce point précis des mines antipersonnelles,
07:00pourquoi les États-Unis ne signent pas ? Pourquoi la Russie ne signe-t-elle pas ?
07:03Alors, les États-Unis, cela a été dit, le point principal, c'est la Corée, en fait.
07:09La ligne de démarcation entre Corée du Nord et Corée du Sud, il y a des milliers de mines,
07:13et ils pensent que cette zone serait moins hermétique, si j'ose dire, s'il n'y avait pas de mines antipersonnelles.
07:19Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, pourquoi les mines antipersonnelles ?
07:23Tout simplement parce que, quand elles restent, ce sont les populations civiles qui en souffrent beaucoup.
07:28Le Conseil de l'Europe vient de sortir un rapport sur le rapport entre ces mines et les déchets non explosés,
07:36parce qu'il n'y a pas que les mines, il y a aussi les obus non explosés, et l'influence sur les migrations,
07:41parce que les gens ne peuvent pas rester dans des zones qui sont polluées.
07:45Tout le travail de dépollution qui est fait.
07:48Les conséquences sont multiples, bien sûr.
07:50Voilà, exactement. Les mines anti-chars, j'allais dire, moi qui suis un cavalier,
07:54c'est quand même des trucs plus gros, plus importants, qu'on repère plus facilement.
07:58Les mines antipersonnelles, c'est une vraie saloperie, qui va partout,
08:02et qui avaient été utilisées en particulier au moment de la guerre du Vietnam,
08:05on les dispersait par avion, par exemple.
08:07Vous savez, ce qu'on appelait les mines papillons, qui étaient des petites mines qui se mettaient partout.
08:12Et alors, au fur et à mesure du temps...
08:14Alors d'abord, il n'y avait pas de plan qui existait vraiment pour la dissémination de ces mines,
08:18alors que les mines anti-chars, c'était plus souvent avec des plans.
08:21Et le deuxième point, c'est qu'avec la végétation, la météo qui change, etc.,
08:26elles disparaissent complètement.
08:28Et c'est extrêmement difficile.
08:30Moi, j'ai un souvenir, en Yougoslavie, d'une zone dans les Krajina,
08:33où on nous avait donné des plans.
08:35Il y avait 47 000 mines, dont des mines chimiques étaient là.
08:39Et bah oui, mais il n'y avait plus, le terrain avait glissé,
08:42c'était totalement impossible de retrouver les mines là où elles étaient indiquées sur le plan.
08:46Donc c'est un vrai problème sur le très long terme.
08:49Tony Fortin, on voit en plus que le phénomène non seulement n'est pas indiqué,
08:53mais le nombre de victimes augmente, c'est ce que vous disiez,
08:55les chiffres sont sortis, 414 victimes de mines antipersonnelles en 2021,
09:00628 en 2022, c'est une hausse d'un peu plus de 30%.
09:03On se l'explique, comment cette augmentation ?
09:06Parce qu'on continue, certains pays continuent aujourd'hui à produire,
09:11exporter des mines.
09:12Lesquels ? Qui ?
09:14On a par exemple effectivement la Chine ou la Russie,
09:18mais de façon générale, ce qu'on peut dire,
09:21c'est qu'on efface quand même face à un recul du droit international,
09:25pas uniquement sur les mines,
09:27mais aussi sur toute la réglementation autour du désarmement,
09:31c'est ce qu'il faut dire aujourd'hui.
09:33On a un certain nombre de textes qui ont été effectivement établis
09:37depuis cette convention d'Ottawa.
09:39Par exemple, la convention d'interdiction des bombes à sous-munitions.
09:43Cette convention, c'est pareil.
09:45On parle de l'Ukraine, mais l'Ukraine vient aussi de recevoir
09:49ces dernières semaines des bombes à sous-munitions
09:53qui ont été vendues par les États-Unis, notamment.
09:57Et puis les embargos internationaux,
09:59qui sont un peu le béabat du droit international dans ce domaine.
10:05Et qu'un certain nombre d'États contournent,
10:08ont pris actuellement l'embargo sur la Russie.
10:11On a réalisé une étude qui montrait comment
10:14des grandes entreprises françaises continuent encore actuellement
10:18à contourner l'embargo sur la Russie.
10:21C'est effectivement une dynamique générale aujourd'hui,
10:26parce que l'armement se transfère.
10:29Il faut se rendre compte aussi que l'armement se transforme,
10:34comme d'ailleurs vous venez de l'expliquer tout à l'heure.
10:37Les industriels s'adaptent pour produire un armement
10:41qui permet aujourd'hui de contourner aussi
10:43un certain nombre de réglementations en vigueur,
10:46en jouant effectivement sur les limites des textes.
10:49C'est le cas effectivement des munitions explosives.
10:53Ça peut être le cas aussi des blindés ou des hélicoptères
10:56ou des véhicules qui ne sont pas considérés
10:59comme du matériel militaire en tant que tel,
11:02mais parfois comme des biens double usage
11:05ou alors sont vendus en pièces détachées.
11:08Donc le problème, c'est que le droit ne s'adapte pas
11:11en fonction effectivement de la mobilisation,
11:14ne s'adapte pas en fonction des pratiques des industriels.
11:21Et pour que justement il évolue,
11:23il faut une pression constante de la société civile
11:26et cette pression est insuffisante aujourd'hui.
11:30Yves Marais, est-ce qu'il y a des États qui ont signé
11:32et ratifié la Convention d'Ottawa et qui ne la respectent pas,
11:34qui ne respectent pas le traité ?
11:36Non, fondamentalement non.
11:38On a peu de cas de ce type.
11:40Il peut y avoir des violations partielles,
11:42des retournements, le fait de ne pas respecter
11:45certaines obligations du traité comme de rendre ses rapports,
11:47de ne pas avoir détruit ses stocks à temps.
11:50Mais je ne serais pas si pessimiste sur la Convention d'Ottawa.
11:53Il y a des pays, naturellement, qui ne ratifient
11:55aucune des conventions internationales
11:57comme la Russie, même les États-Unis,
11:59la Corée du Nord et autres.
12:01Mais pour tous les autres, la Convention est efficace
12:04parce qu'elle crée une norme internationale,
12:06elle crée un cadre.
12:08Et si on regarde l'augmentation des morts récemment,
12:12parce que vous avez cité le chiffre 2021,
12:14mais en 2022 c'est encore plus, c'est 4721 victimes,
12:17dont 1661 morts.
12:20C'est dû essentiellement à des groupes non étatiques
12:23qui, de toute manière, seraient en dehors de la Convention.
12:26Daesh...
12:28Des groupes armés, des milices...
12:30Et puis de l'agression russe.
12:32Mais pour tout le reste du monde,
12:34la Convention fait tout de même son effet.
12:37Et je dirais même que son mécanisme,
12:39qui est très original, parce que c'est une convention
12:42qui a été signée un peu à côté des Nations Unies,
12:44et dans lequel, dans son fonctionnement même,
12:46les ONG travaillent avec les États.
12:48Et la Convention est une convention très pratique.
12:50C'est-à-dire qu'un État qui ratifie,
12:53a dix ans pour dépolluer son territoire,
12:55pour détruire ses stocks.
12:56Si elle n'arrive pas, par manque d'argent par exemple,
12:58dans ses dix ans,
12:59elle doit présenter des demandes d'extension.
13:01Ces demandes d'extension sont examinées
13:03par des comités avec d'autres États,
13:04mais avec les ONG qui prennent la parole en séance.
13:06Et qui disent que le plan de ce pays n'est pas crédible.
13:09Et puis d'autres États qui proposent leur aide.
13:12Donc il y a un contrôle, il y a un droit de regard,
13:14il y a une transparence.
13:15Il y a 900 millions de dollars qui sont consacrés chaque année,
13:18enfin l'année dernière, à la lutte contre les mines.
13:21Il y a des experts, avec des militaires, des ONG,
13:25qui savent très bien ce qu'ils font.
13:27Qui sont à la fois ONG, je dirais, militantes.
13:30Mais qui sont aussi des ONG opératrices.
13:32Donc qui savent très bien comment on fait.
13:34Et tout ça crée une espèce de communauté des déminages
13:37qui travaille ensemble avec des résultats
13:39tout de même très concrets.
13:40L'an dernier, on a dépollué définitivement
13:43219 kilomètres carrés sur la planète.
13:46Et ça veut dire autant de terres rendues aux paysans,
13:49autant de gens qui peuvent revenir dans leur village.
13:53Et tout de même, l'effet est bénéfique.
13:56Élargissons justement aux engins explosifs dont vous parliez
13:58et à leur provenance.
13:59Le rapport de l'Observatoire des Mines évoque les règles.
14:02Alors je ne connais pas bien les règles,
14:03c'est les restes explosifs de guerre.
14:05Je voudrais qu'on écoute cet humanitaire sénégalais
14:07dans le documentaire qui parle d'engins explosifs
14:09venant de différents pays.
14:11J'ai trouvé ça intéressant.
14:12C'est un passage qui interpelle.
14:14Nous, en tant qu'organisation humanitaire,
14:17on ne s'intéresse pas trop à savoir qui les a posées.
14:21Mais on sait que les deux parties au conflit
14:25ont posé effectivement des mines.
14:27On sait qu'avec la porosité de nos frontières,
14:30c'est très facile, en cette période,
14:32de faire entrer des mines.
14:34C'est la raison pour laquelle on trouve des mines
14:36d'origine belge, espagnole, portugaise, russe,
14:40donc tout ça, des engins explosifs d'origine française,
14:44on les trouve à Casamance.
14:46Comment ils ont atterri ici ?
14:48C'est la grande question que tout le monde se pose.
14:53Une grande question que tout le monde se pose.
14:54Est-ce que quelqu'un peut y répondre ?
14:55Général Trinquant ?
14:56Difficile.
14:57Alors on parlait effectivement de l'action des États,
14:59mais l'action des sociétés aussi.
15:01C'est-à-dire qu'il y a un commerce.
15:03Et donc, dans ce commerce,
15:05vous avez une diffusion importante
15:08de mines, j'allais dire, on parlait tout à l'heure,
15:11yougoslaves ou russes,
15:12qui sont vendues par une société sud-américaine
15:16pour un pays asiatique.
15:18Donc c'est extrêmement compliqué, le commerce.
15:20Vous dites commerce, trafic ou commerce ?
15:22Trafic un peu opaque ?
15:23Alors, c'est commerce pour les sociétés,
15:28c'est trafic si on pense à l'origine de mines
15:32qui pourraient venir de stocks de pays
15:35qui ont ratifié la convention
15:37et qui s'en sont séparés.
15:39Par exemple, la Russie,
15:41qui est probablement un des plus gros producteurs
15:43et détenteurs d'armes,
15:45ben non, il n'a pas ratifié,
15:47donc il vend à une société et ça part ailleurs.
15:49Il n'a pas de souci avec ce sujet-là.
15:52Mais il parle d'engins belges, portugais,
15:54d'origine française, Caroline Brandao.
15:56Ce sont des vieux engins explosifs
15:58qui datent du temps où nous n'avions pas encore
16:02signé le traité d'Ottawa.
16:03De quoi parle-t-il ?
16:04C'est toute la question de la traçabilité.
16:07Oui, c'est majeur.
16:09C'est là les enjeux aussi de la convention d'Ottawa.
16:11Et dans le processus,
16:13il y a un certain nombre d'articles
16:15qui visent justement à détruire les stocks,
16:19à ne pas produire,
16:21et à décontaminer.
16:23Dans ce processus d'Ottawa
16:25qu'on pourrait faire évoluer,
16:27puisqu'il y a un plan d'action
16:29qui s'appelle le plan d'action de Maputo
16:31qui a été adopté, qui dit la chose suivante,
16:33en 2025, on doit être un monde sans mines.
16:36Vous vous rendez compte ?
16:37On en est quand même loin.
16:38C'est ce que montre aussi ce recueillage.
16:40C'est même un peu désespérant
16:41quand on voit le travail d'Handicap International.
16:43C'est impossible, 2025, c'est impossible.
16:45Et en même temps, Handicap International
16:47le dit, c'est Baptiste Chapuis qui en parle
16:51lorsqu'il témoigne,
16:52il explique que ce processus
16:54a certainement des faiblesses aujourd'hui.
16:57Et effectivement, tout le travail de traçabilité,
17:00de savoir d'où vient cette mine antipersonnelle,
17:02pourquoi elle est là,
17:03c'est tout le travail de rechercher les données,
17:06de les identifier, de les cartographier
17:09et d'en tirer des conclusions et des analyses
17:12qui n'est pas fait aujourd'hui.
17:13Et puis, il y a quand même un élément
17:15qui est la faiblesse de cette convention d'Ottawa,
17:18c'est qu'il y a de plus en plus
17:20de demandes de prolongation,
17:22de prolongation,
17:23parce que c'est impossible pour certains Etats
17:26de procéder à la décontamination,
17:28à la destruction des mines.
17:30Et en 2022, on est quand même
17:32à 96 demandes de prolongation,
17:35c'est-à-dire pratiquement 331 années ajoutées
17:40pour procéder à un déminage.
17:43Et le déminage, c'est quand même
17:452000 victimes par an,
17:47donc c'est des personnes qui meurent derrière.
17:50Est-ce que la France et l'Europe sont très au clair
17:52avec ces armes non conventionnelles
17:55ou conventionnelles ?
17:56Est-ce qu'on est très au clair sur le sujet ?
17:58Et je pense évidemment à la France,
17:59qui cite des mines françaises.
18:01Oui, tout à fait.
18:02Tous les pays européens ont ratifié
18:04la convention d'Ottawa.
18:06On aurait des progrès à faire
18:08dans des pays candidats,
18:10notamment les pays du Caucase.
18:12Je pense que l'Azerbaïdjan, la Georgie, l'Arménie
18:15sont des pays dont on pourrait souhaiter
18:17qu'ils ratifient la convention.
18:20Mais l'Europe est un acteur important
18:23et chacun des Etats européens aussi.
18:25L'Allemagne est le deuxième bailleur au monde
18:27derrière les Etats-Unis.
18:29L'Union européenne consacre des fonds
18:31assez importants, même si ces statistiques
18:33sont toujours très confuses
18:35et donc très difficiles de trouver un chiffre
18:37très précis.
18:39La France est un acteur important.
18:41Nous aidons au déminage en Irak,
18:43en Mauritanie, en Syrie,
18:45en Ukraine, en Birmanie, en Libye
18:48et dans beaucoup de pays.
18:50Nous contribuons aussi beaucoup à la formation
18:52parce que le déminage, c'est un métier dangereux,
18:54comme le documentaire le montre bien.
18:56On forme les populations locales.
18:5898% des opérateurs sont des opérateurs locaux,
19:01ce ne sont pas des expatriés des ONG occidentales.
19:04Par conséquent, pour ne pas risquer
19:06la vie des démineurs, la formation
19:08est un élément essentiel.
19:10Le problème, à mon avis, n'est pas seulement
19:12un problème juridique, c'est surtout un problème financier.
19:14C'est-à-dire qu'il faut beaucoup d'argent.
19:16Parce que ça coûte très cher.
19:18Il faut beaucoup d'argent.
19:20D'abord, il y a eu un accroissement récent
19:23de la part des Etats-Unis,
19:25de l'Union européenne.
19:27L'an dernier, en 2022,
19:30le montant des sommes consacrées au déminage
19:32a augmenté de 50% en une année.
19:34En grande partie à cause de l'Ukraine,
19:36mais contrairement à ce qu'on pourrait craindre,
19:38il n'y a pas eu d'effet d'éviction.
19:40C'est-à-dire que l'argent en plus donné à l'Ukraine,
19:42il y a eu aussi de l'argent en plus donné aux autres pays.
19:44Donc ça permettra aussi...
19:46On peut espérer aussi quelques progrès technologiques
19:48qui permettent d'aller plus vite.
19:50La France, quand elle a présidé l'an dernier
19:52le groupement mondial des pays donateurs,
19:55a commandé une étude très intéressante
19:58sur l'efficacité dans le déminage.
20:00Et je crois qu'il y a aussi des questions d'organisation.
20:03On le dit un peu dans le documentaire.
20:05Par exemple, on fait des enquêtes non techniques.
20:07Ça veut dire en gros interroger les villageois
20:09en disant est-ce que quelqu'un a déjà sauté ici ?
20:11Des enquêtes techniques où on détecte un peu avec du matériel
20:13et puis la dépollution probablement dite.
20:15Et dans beaucoup d'endroits,
20:17on peut rendre assez facilement
20:19et pas cher des terres aux paysans
20:21si on est bien organisé, par exemple,
20:23pour faire des enquêtes non techniques.
20:25Parce que dépolluer avec des machines
20:27des zones sans savoir si avant il y a eu des attaques,
20:29ça coûte beaucoup d'argent
20:31et on rend très peu de terres.
20:33Et donc dans les effets de productivité,
20:35d'organisation, et c'est là que
20:37cette convention d'Ottawa est très utile
20:39parce qu'il y a une communauté réellement du déminage
20:41et des échanges concentres.
20:43Les États, les autorités nationales du déminage,
20:45les ONG, qui tiennent parfois la main des États
20:47parce qu'elles ont l'expertise.
20:49Et on peut arriver à des gains de productivité
20:51et à des effets très bénéfiques
20:53pour les populations.
20:55Je crois qu'il y a
20:57deux problèmes bien séparés.
20:59La destruction des stocks
21:01et ne plus fabriquer des mines.
21:03Ce qu'on a fait, ce que la France a fait en 1999.
21:05C'est relativement facile et traçable.
21:07La dépollution, c'est un autre système.
21:09La dépollution, ça nécessite
21:11beaucoup de temps et beaucoup d'argent.
21:13Et vous l'avez vu dans le reportage,
21:15on voit très bien, à la main,
21:17ça prend du temps, tout ça.
21:19Une mine, il faut la détruire,
21:21on prend des tas de processus.
21:23Et ça nécessite beaucoup d'argent.
21:25On voyait un système de scarificateur
21:27qui permet de nettoyer le terrain avant.
21:29Il existe maintenant des systèmes de scanners
21:31qui permettent de voir directement,
21:33mais ça coûte extrêmement cher.
21:35Et donc, je crois que ça,
21:37c'est le deuxième sujet
21:39qui prend beaucoup de temps,
21:41beaucoup d'argent.
21:43Et puis, le dernier sujet sur la formation,
21:45pour les armées françaises,
21:47on a un centre à Angers qui est un centre du génie
21:49et qui travaille aussi bien sur les textes,
21:51où il y a des spécialistes
21:53qui viennent travailler sur les textes,
21:55que dans la formation,
21:57parce qu'on forme beaucoup de gens dans les pays
21:59qui sont liés par des accords de défense avec la France
22:01pour pouvoir les former.
22:03Le Cambodge a été un terrain sur lequel
22:05la France a énormément travaillé.
22:07Tony Fortin, je vais élargir encore.
22:09Dans le rapport que je citais en vous présentant,
22:11vous parliez du Fonds européen de défense,
22:13cette enveloppe de 8 milliards d'euros
22:15financée par le contribuable et dirigée
22:17par la seule commission européenne
22:19sans le moindre droit de regard du Parlement européen.
22:21Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
22:238 milliards d'euros d'argent public, vraiment ?
22:25Oui, en fait,
22:27ça fait depuis plusieurs années déjà
22:29que les pays de l'Union européenne
22:31se sont accordés
22:33pour mettre au point
22:35un budget spécialement dédié
22:37sur la coopération industrielle
22:39en matière de défense.
22:41Il s'agit de financer
22:43la production de nouveaux armements
22:45mais sur l'argent européen.
22:47Vous savez que traditionnellement,
22:49l'Union européenne n'était pas en charge
22:51des questions de défense
22:53qui relevaient uniquement des États.
22:55Ça a changé depuis quelques années.
22:57Il y a une enveloppe de 8 milliards
22:59de 2021 à 2027, justement,
23:01qui est dédiée à la fabrication
23:03de nouveaux matériels.
23:05Le seul souci, c'est qu'on fait comme si
23:07c'était juste de l'économie
23:09et pas de la défense.
23:11Ça veut dire, en gros,
23:13qu'il n'y a pas de contrôle
23:15du Parlement européen
23:17parce que les parlementaires européens,
23:19comme l'Union européenne
23:21n'est pas compétente en matière de défense
23:23officiellement,
23:25ça ne fait pas partie
23:27du giron communautaire.
23:29Ils n'ont pas le droit de regard
23:31sur ces financements,
23:33sur à qui cet argent va être attribué,
23:35pour quel type de projet,
23:37à qui ça va être exporté plus tard.
23:39Donc, manque de transparence
23:41et puis discours officiel qui prône la paix
23:43mais qui, finalement,
23:45fait du commerce d'armes.
23:47Si vous n'avez pas de contrôle indépendant
23:49de la Commission
23:51par rapport à la Commission européenne
23:53et par rapport aux États,
23:55le risque, c'est que les industries
23:57soient tentées, par exemple,
23:59de transférer
24:01les propriétés intellectuelles
24:03des recherches développées sur les fonds
24:05européennes à des pays comme
24:07l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis.
24:09Et le problème, c'est que les États sont d'accord
24:11avec ça, c'est-à-dire qu'aujourd'hui,
24:13par exemple, la France réfléchit
24:15dans le cadre de ses projets européens
24:17à dire, en gros,
24:19sur des projets qui lient différents pays,
24:21il faut qu'une licence,
24:23que les industriels
24:25déposent une licence,
24:27qu'un seul des industriels de ces projets
24:29dépose une licence
24:31au lieu que ce soit, justement,
24:33les différents industriels
24:35qui déposent des licences, qui demandent
24:37des autorisations à chacun de leurs États.
24:39Du coup, vous avez un contrôle
24:41qui, mécaniquement, se réduit, en fait.
24:43C'est pour ça que je demandais tout à l'heure
24:45si on était très au clair en France et en Europe
24:47sur la question des armes. Est-ce qu'il y a,
24:49pour être clair, une forme d'hypocrisie des États ?
24:51Non, pas du tout. Simplement,
24:53pour reprendre, il est vrai que
24:55la politique de défense
24:57n'était pas dans le cadre européen.
24:59L'Europe
25:01se retrouve
25:03indirectement en guerre, du fait
25:05de l'agression russe, il y a deux ans et demi.
25:07Et donc, elle découvre un peu
25:09tous ces sujets-là.
25:11Le Fonds européen de défense, pardonnez-moi,
25:13mais c'est quelque chose de très spécifique.
25:15C'est quelque chose qui permet, non pas la production,
25:17mais la recherche. Et donc,
25:19c'est de l'argent qui est mis pour que trois entreprises
25:21de trois pays européens différents
25:23puissent faire de la recherche
25:25sur un sujet.
25:27Ensuite, la production, c'est un problème industriel,
25:29c'est autre chose. Mais on ne peut pas reprocher
25:31d'une part à l'Europe
25:33d'avoir exclu la guerre
25:35de son environnement, ce qui était son cas,
25:37et d'être obligé de s'y replonger
25:39parce qu'il y a un agresseur,
25:41et de ne pas s'y préparer.
25:43Donc, elle s'y prépare. Ensuite,
25:45les licences qui sont accordées pour la production,
25:47donc c'est après le Fonds européen de défense,
25:49c'est quand on va produire,
25:51et bien c'est encore chaque pays
25:53qui a son processus
25:55d'autorisation, de licence,
25:57de contrôle, etc.
25:59Et je pense que, si vous voulez, on va voir dans les années à venir
26:01se développer le contrôle sur les problèmes
26:03d'armement. Ça n'existait pas, donc on le découvre.
26:05Il y a des tas de choses. Il y a deux ans et demi,
26:07vous savez, on discutait du
26:09sexe des anges. On n'avait pas le droit
26:11de fournir de l'argent pour des
26:13pays africains qu'on équipait pour leur défense.
26:15On avait le droit de leur fournir des Rangers
26:17et des Trahis, mais surtout pas d'armement.
26:19Donc c'était totalement incohérent.
26:21On est en train de réfléchir et de mettre en place
26:23tous ces processus-là,
26:25depuis deux ans et demi, parce qu'on a redécouvert
26:27en Europe que la guerre existait.
26:29C'est pas l'Europe qui l'a voulu,
26:31mais elle y a été contrainte.
26:33Ce Fonds européen de la défense, il date d'avant
26:35l'Ukraine.
26:37Il a été établi en 2019.
26:39Et les premières actions
26:41préparatoires, c'est en 2015.
26:43Donc ça s'inscrit quand même dans une dynamique
26:45d'augmentation
26:47des dépenses militaires, etc.
26:49Et pas en réaction à l'agression russe.
26:51Depuis le 11 septembre, oui, c'est une dynamique
26:53continuelle.
26:55Il était d'un milliard.
26:57Non, mais c'était en gestation.
26:59Et effectivement, aujourd'hui,
27:01on parle d'une enveloppe de 100 milliards
27:03dans les prochaines années. Mais cette dynamique-là,
27:05elle est...
27:07Elle est en gestation.
27:09Tout à fait.
27:11Et d'autre part,
27:13ce que je serais tenté d'ajouter,
27:15c'est qu'effectivement, la guerre en Ukraine,
27:17on dit qu'il faut se défendre contre la Russie.
27:19Simplement, aujourd'hui, vous regardez
27:21les rapports des groupes d'experts ukrainiens
27:23qui se chargent de la mise en place des sanctions sur la Russie.
27:25Qu'est-ce qu'ils vous disent ? Ils vous disent
27:27la base du matériel
27:29militaire qui est utilisé par la Russie
27:31aujourd'hui, il est russe et aussi
27:33iranien pour les drones.
27:35Mais la mise à niveau technologique
27:37de cet armement
27:39que la Russie utilise en Ukraine,
27:41il est opéré
27:43à travers des composants qui sont fabriqués
27:45à 70-80 %
27:47par l'Occident et qui ne sont pas
27:49considérés comme du matériel militaire.
27:51L'Occident, c'est l'Europe et les Etats-Unis.
27:53Est-ce que les enjeux
27:55financiers, Caroline Brandao, sont tellement
27:57colossaux que finalement, il y a une
27:59hypocrisie un peu générale des Etats
28:01sur le sujet des armes ?
28:03Je pense que les enjeux financiers sont déterminants
28:05et on l'a dit. Après,
28:07il y a également, dans ce traité,
28:09l'obligation
28:11de coopérer.
28:13C'est-à-dire que les Etats doivent s'entraider
28:15s'ils ont signé, ratifié
28:17la Convention d'Ottawa, il y a une
28:19assistance mutuelle qui se joue.
28:21La grande question, c'est pour ceux
28:23qui n'ont pas ratifié, ça veut dire que
28:25là, il n'y a pas
28:27d'espoir, de plan,
28:29quel est l'avenir pour ceux qui
28:31restent en dehors de cette convention ?
28:33Et puis, un autre élément,
28:35et là, on le voit, il y a
28:37l'aspect industriel, il y a l'aspect financier
28:39et puis surtout, il y a les humanitaires
28:41et les survivants.
28:43Des restes explosifs,
28:45des mines antipersonnelles. Il y a toute la présence
28:47en charge psychologique,
28:49le pouvoir retourner dans son champ,
28:51pouvoir travailler, pouvoir
28:53reprendre une vie, pouvoir évoluer.
28:55Et ça aussi, c'est la force de ce documentaire,
28:57de voir l'évolution
28:59d'un parcours d'une survivante
29:01de mine antipersonnelle
29:03avec le couple
29:05Richardier, qui est quand même à l'origine
29:07aussi de cet esprit,
29:09de cette idée de dire que dans la guerre,
29:11il y a des limites et qui repose
29:13quand même sur un élément qui est fondamental.
29:15Et ça, même si on n'a pas ratifié,
29:17si on n'a pas accepté la convention d'Ottawa
29:19qui dit la chose suivante,
29:21dans la guerre, il y a des limites.
29:23Il y a deux principes qu'on doit respecter.
29:25Le premier, principe de distinction.
29:27Donc, on doit faire la distinction
29:29entre des combattants
29:31et des civils, des humanitaires
29:33et des combattants.
29:35Et interdiction de provoquer
29:37des souffrances inutiles.
29:39C'est le principe d'interdiction
29:41de mots superflus.
29:43Ça, c'est fondamental.
29:45C'est-à-dire que, quel que soit aujourd'hui
29:47l'état des ratifications,
29:49ça s'impose à tous les États.
29:51– J'ai une dernière question,
29:53ce sera la dernière question de ce débat
29:55et je vais vous laisser tous répondre.
29:57Est-ce qu'une réglementation claire
29:59avec des limites internationales
30:01sur les armes dans le monde
30:03est un vœu pieux ? Yves Marrec.
30:05– Non, il y a des progrès qui ont été faits.
30:07Évidemment, la difficulté,
30:09la réglementation s'applique à ceux
30:11qui les signent, aux ceux qui signent
30:13les traités. Donc, pour l'instant,
30:15la plupart, qu'il s'agisse des mines
30:17ou des bombes à sous-munitions,
30:19ceux qui les utilisent, parce que l'usage
30:21des bombes à sous-munitions ne faisait plus
30:23de victimes jusqu'à l'usage russe
30:25massif en Ukraine,
30:27la plupart des pays
30:29ou avaient ratifié ou ne les utilisaient pas.
30:31Les réglementations nouvelles,
30:33elles ont un intérêt
30:35parce qu'elles posent une norme,
30:37elles créent une pression psychologique mondiale,
30:39elles ont un effet de long terme,
30:41mais par définition,
30:43elles ne s'imposent pas aux États voyous.
30:45Donc, c'est un exercice,
30:47mais la pression psychologique
30:49s'y compte.
30:51Le fait qu'une norme s'impose
30:53finit par diffuser
30:55et nous avons tout de même, progressivement,
30:57lentement, je sais bien, pas forcément
30:59assez vite, nous avons
31:01tout de même accompli des progrès
31:03dans l'application du droit humanitaire
31:05On voit bien, d'ailleurs, que quand
31:07un État les viole
31:09de manière très claire, ou qu'un groupe
31:11comme Daesh le fait,
31:13il y a tout de même un sentiment
31:15d'horreur générale.
31:17Le seul fait qu'il y ait un documentaire et qu'on en parle ce soir.
31:19Et même quand, par une bavure,
31:21si j'ose dire, un État,
31:23membre ou pas membre de la Convention,
31:25emploie une fois, par exemple,
31:27des bombes à sous-munitions ou utiliserait des mines,
31:29il est obligé de le nier,
31:31de le cacher, de ne pas recommencer
31:33parce qu'il ne peut pas s'exposer à une stigmatisation
31:35générale. Donc, tout de même,
31:37cela reste positif
31:39et pas de raison de désespérer.
31:41Je crois que c'est un vœu pieux
31:43effectivement, ce qui n'empêche pas
31:45de l'imiter et de faire des progrès,
31:47bien sûr. Mais c'est un vœu pieux à partir du
31:49moment où vous avez des États qui ont considéré
31:51que ce qu'ils avaient signé, c'est-à-dire
31:53le bannissement de la guerre,
31:55ils ne le respectaient pas. Et qu'ils ont décidé
31:57lorsque
31:59ils ne veulent pas respecter un traité
32:01ou bien
32:03que l'esprit,
32:05que ceci leur vient à l'esprit
32:07de remplir
32:09leur volonté de puissance
32:11en utilisant la guerre,
32:13ils vont utiliser la guerre et c'est ce qu'on voit actuellement.
32:15Donc, si vous voulez, tant que ces États
32:17considéreront que la guerre,
32:19c'est leur droit,
32:21évidemment, ça reste un vœu pieux.
32:23Mais ça n'empêche pas de faire des efforts
32:25pour limiter ça aux autres,
32:27bien sûr.
32:29Oui, mais je dirais que
32:31en fait, la convention
32:33d'Ottawa, elle est aussi le signe
32:35de cette époque, effectivement,
32:37des années 90 où, effectivement,
32:39il y avait certes des exportations
32:41d'armes absolument massives
32:43avec la guerre du Golfe, le Rwanda,
32:45mais il y avait parallèlement cet espoir
32:47qui naît de la société civile
32:49de pouvoir, effectivement,
32:51peser davantage et par les mobilisations
32:53arriver à gagner des taxes.
32:55Et c'est le cas, cette convention d'Ottawa
32:57est quand même globalement respectée,
32:59a permis l'élimination
33:01d'un grand nombre de mines
33:03et de destruction des stocks.
33:05Mais vous dites que ça s'essouffle un peu.
33:07Non, mais c'est surtout aussi par rapport à la relation aux autorités françaises
33:09puisque, effectivement, sur ce plan-là
33:11et en cela, la création de la CNEMA,
33:13qui est une commission qui lie, effectivement,
33:15à un moment, ministère, ONG...
33:17Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnelles.
33:19Antipersonnelles, désolé, j'aurais dû détailler.
33:21Non, non, mais je suis là pour ça.
33:23Effectivement, c'est un progrès dans ce dialogue-là
33:25mais aujourd'hui, on voit bien qu'on est en plein recul.
33:27L'un des exemples,
33:29aujourd'hui, c'est, par exemple,
33:31les négociations en cours pour l'élaboration
33:33d'un traité d'interdiction des robots tueurs.
33:35Là, la France n'est pas du tout sur la même ligne
33:37que sur les mines antipersonnelles à l'époque.
33:39Au contraire,
33:41elle ne se prononce pas en faveur
33:43d'un instrument contraignant
33:45à l'heure actuelle.
33:47Elle se dit qu'elle doit compter sur les développements
33:49en matière d'IA,
33:51en matière aussi d'électronique
33:53pour pouvoir développer
33:55toujours plus d'armements à exporter.
33:57Rappelons quand même que la France
33:59est troisième vendeur d'armes
34:01dans le monde
34:03et donc il est important,
34:05il est quand même important à nous, citoyens,
34:07de nous réveiller.
34:09Les enjeux du futur,
34:11ça va être le déplacement du conflit armé
34:13dans l'espace extra-atmosphérique,
34:15ça va être l'intelligence artificielle,
34:17ça va être effectivement les robots.
34:19Pour les juristes, les enjeux sont monstrueux
34:21en termes juridiques.
34:23Les engagements financiers à prendre également.
34:25Ce sont des défis importants
34:27dont il faut parler à travers ces documentaires
34:29qui l'illustrent très bien.
34:31Et ce débat. Merci infiniment
34:33à tous les quatre d'y avoir participé.
34:35Merci à vous de nous avoir suivis comme chaque semaine.
34:37Documentaires et débats à retrouver en replay
34:39sur notre plateforme publicsena.fr.
34:41A très bientôt sur Public Sénat. Merci.
34:51Sous-titrage Société Radio-Canada

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