Dans cet épisode de La vraie vie de, StreetPress suit Amine Kessaci, un jeune des quartiers nord de Marseille, candidat aux élections européennes. Depuis l'assassinat de son frère en 2020, il ne cesse de militer pour les quartiers marseillais.
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00:00J'ai l'impression que je dors dans des trains, que j'ai une vie de nomade.
00:03C'est la finale canadienne aux élections européennes.
00:05S'il y avait cette police de proximité, s'il y avait une autre politique que celle de la répression,
00:09peut-être que mon frère aujourd'hui serait vivant et peut-être que tous ces jeunes qui ont été assassinés,
00:12ils seraient encore là aujourd'hui.
00:15La cité Fonvers, c'est une cité qui a perdu plus d'une trentaine de ses enfants.
00:19Plus de 30 jeunes qui ont été assassinés dans ces règlements de compte,
00:22dans cette guerre de la drogue.
00:23Il n'y a plus réellement de vie de quartier, ça devient mort.
00:30Je m'appelle Amine Kessassi, j'ai 20 ans, je suis candidat aux élections européennes
00:41et je viens des quartiers nord de Marseille.
00:42Ici, c'est le bâtiment où mon père vit actuellement et où j'ai passé toute mon adolescence.
00:47Ici, on est à Frévalon, c'est une des plus grandes cités de Marseille avec un peu plus de 1200 habitants.
00:52Et Frévalon, c'est le quartier où je suis né et où j'ai grandi.
00:55Et la particularité de Frévalon, c'est que c'est une des seules cités à Marseille
00:58où on a un métro dans le quartier, ce qui permet réellement de désenclaver le quartier.
01:02Moi, c'est ce qui m'a permis de faire l'école en dehors de mon quartier.
01:10On va passer par là.
01:16Moi, je suis l'avant-dernier d'une fratrie de six et on passait beaucoup de temps à l'extérieur
01:20dans le quartier puisqu'il y avait plein d'animations, en tout cas plus que ce qu'on a aujourd'hui.
01:24De par le fait qu'il y ait d'autres gens qui occupent le terrain et de par le fait que les parents ont peur
01:30maintenant de laisser leur enfant en pied d'immeuble, peur qu'il se prenne une balle,
01:33peur des fréquentations, peur de comment leurs enfants peuvent tourner.
01:36En juillet 2020, j'ai créé Conscience pour représenter les jeunes des quartiers,
01:40pour les pousser à se battre, à trouver un emploi et à sortir de la misère.
01:44Et ensuite, en décembre 2020, le 29 décembre, j'apprenais que mon frère aîné,
01:48qui avait 22 ans, a été assassiné avec deux de ses amis.
01:51Ils ont été retrouvés calcinés dans une voiture.
01:53Pris plus tard que c'était sur fond de trafic de stupéfiants.
01:55Et on attend encore aujourd'hui que l'enquête détermine comment les choses se sont passées,
01:59détermine comment la scène s'est déroulée et surtout comment et pourquoi.
02:04Initialement, j'étais anéanti.
02:05Je perds mon frère aîné, on avait cinq ans d'écart entre lui et moi.
02:09C'est mon frère qui m'a appris à me défendre, qui m'a appris un tas de choses.
02:12C'était un exemple pour moi, donc anéanti.
02:16Et par la suite, une prise de conscience, me dire que finalement, s'il m'était arrivé ça aujourd'hui,
02:20j'acquerre malheureusement une légitimité pour porter ce combat.
02:22Moi, ça m'a permis de construire le dispositif d'accompagnement des familles de victimes
02:28et permis de comprendre surtout, de comprendre que ces familles, elles ne sont pas accompagnées,
02:31qu'elles sont mal accompagnées, de comprendre leur douleur, de comprendre les attentes aussi.
02:34J'ai interpellé Emmanuel Macron quand il est venu à Marseille en septembre 2021.
02:38Ça ne sert à rien de venir avec un plan qui vient de Paris,
02:40avec un plan qui a été fait dans un avion ou je ne sais où.
02:43Il faut que ce plan, vous le construivez avec nous.
02:45La seule chose qui m'a répondu quand je l'ai interpellé pendant quatre minutes,
02:48où je lui parle de mon frère, où je lui parle d'un tas de choses,
02:50sa seule réaction, ça a été de me dire « quel âge avez-vous ? ».
02:53J'ai répondu que j'avais 17 ans à ce moment-là et il m'a juste applaudi.
02:55Moi, je n'ai pas besoin de tes applaudissements.
02:57Ce dont j'avais besoin, c'est d'un engagement concret de l'État,
02:59de dire « on va renvoyer une vraie police de proximité,
03:02on va entamer un débat autour de la gestion des drogues,
03:04on va faire un vrai travail de fond. »
03:06Moi, ici, dans ce quartier, à Frévalon, dans ce parc,
03:08j'ai accueilli plus d'une vingtaine de députés, une vingtaine d'élus,
03:13deux députés européens, j'ai accueilli du monde.
03:15Et à chaque fois, on nous dit « ah, mais bien sûr, c'est bon,
03:17on a compris ce qu'il faut qu'on fasse, on a compris le problème,
03:19on va faire, on va faire. »
03:20Du monde, on en a vu passer, mais le changement, on ne l'a pas encore vu.
03:25On l'attend toujours.
03:27Du coup, je me suis dit qu'est-ce qu'ils ont, eux, de plus que nous,
03:30pour que nous, on soit juste là-bas à les regarder,
03:33à leur apporter notre expertise, puisque c'est nous qui avons l'expertise.
03:36Du coup, je me suis dit qu'il faut qu'on prenne notre destin en main,
03:38il faut qu'on fasse les choses par nous-mêmes.
03:43Yo.
03:44Ça va ?
03:44Oui, je suis trop contente d'arriver.
03:46Merci, je suis content que tu viennes.
03:48On vous récupère près de la gare et ce qu'on va faire,
03:52on va rapidement faire un peu de tractage sur la canne d'hier.
03:59Je suis avec Flora Ghebaly, on est candidats sur la liste des écologistes
04:03aux élections européennes.
04:04Moi, je viens de Marseille et Flora vient de Paris.
04:06Donc, on veut vraiment qu'il y ait des jeunes au Parlement européen.
04:09Et tout ce que je raconte à la télé, je veux le porter maintenant
04:11au Parlement européen.
04:12J'avais intérêt de faire tout pareil, parce que si après vous ne faites pas…
04:16C'est pas bon.
04:16J'ai besoin de vous pour aller voter alors.
04:18Oui, mais je vais voter pour vous.
04:19C'est le 9 juin.
04:20Bonjour monsieur, je vais vous donner un petit tract.
04:23Allez Louis, on y va, partout, c'est bien.
04:25Bon bah, profitez bien.
04:27C'est bien de faire la fête, mais il faut aussi aller voter.
04:30Les bobos, niveau blague, il faut innover un peu.
04:32Ah, mais les nerfs.
04:34Tu n'entendais pas ce qu'elle disait à côté ?
04:36Je faisais plein de commentaires de bobos.
04:38Et après, ils me gonflent.
04:39C'est les premiers à fumer du shit et à cause d'eux,
04:41il y a des jeunes qui meurent dans les quartiers.
04:43Et ils sont conscients de rien du tout, ils ne vont même pas voter.
04:46Moi, j'ai honte de me dire qu'on est en train de négocier
04:50pour que Le Pen ne soit pas présidente en 2027
04:52et que l'Europe, ce ne soit pas l'Europe de Bardella.
04:54Du coup, il y a un réel enjeu de mobilisation
04:58et il faut aller voir tout le monde.
04:59Moi, je refuse de croire que les choses sont perdues d'avance.
05:02On ne peut pas se dire, tant qu'on ne s'est pas pris la claque de plein fouet,
05:05que c'est perdu.
05:06On espère qu'au prochain, il y aura l'union de la gauche
05:09et que ça ne partira pas en ordre dispersé,
05:11alors qu'on est dans une période de fascisation.
05:14Amine a de très bons arguments politiques
05:16et qu'il s'engage avec les Verts, c'est très bien.
05:19Pour moi, ce qui compte, c'est de pouvoir unir les gauches.
05:24Demain, on est à l'après-m, on fait un meeting et un banquet populaire à midi.
05:28Si vous avez le temps et que vous voulez venir voir comment ça se passe.
05:34Alors, chouchou ?
05:35Ça va ?
05:36Tiens, il faut se commander, mon chéri.
05:38Voilà, et il ne repart pas tant qu'il n'a pas fini son 14.
05:41On est dans le 14e arrondissement de Marseille,
05:43on est au cœur de trois grosses cités,
05:45où on a la Busserine, on a Font-Vert, on a Picon, on a Le Maï un peu plus haut.
05:49Nous soyons à l'après-m, c'est hyper symbolique qu'on soit ici.
05:52Hyper symbolique parce que l'après-m, ça signifie la prise du pouvoir de la part du peuple.
05:56Ça signifie un tas de choses, ça signifie...
06:02Ça signifie que nous, les citoyennes et citoyens, on a appris à décider par nous-mêmes.
06:06Aujourd'hui, on ne doit plus mener une guerre aux petits jeunes qui sont aux pieds d'immeubles,
06:09mais la guerre, on va la mener ailleurs.
06:11Et c'est le Parlement européen qui va la porter.
06:13Cette guerre, c'est quand on va passer des accords économiques avec Dubaï,
06:17avec l'Arabie saoudite, avec la Thaïlande,
06:19on va leur exiger de nous renvoyer les narcotrafiquants qui sont cachés là-bas,
06:23qui préméditent des meurtres, qui commanditent des meurtres
06:26depuis des milliers de kilomètres de notre ville
06:28et qui entachent notre ville, qui bercent le sang dans notre ville.
06:36David ! David ! David !
06:38David, président de la République !
06:41Les politiques qu'on voyait avant, ils ne nous ressemblaient pas trop,
06:44ils n'étaient pas trop comme nous.
06:45On n'avait pas la même vision de la vie en général.
06:48Et là, d'avoir quelqu'un qui a grandi comme nous,
06:50qui nous représente vraiment, ça nous motive à nous aussi.
06:53Carrément, carte électorale, je l'ai faite avec lui.
06:55David ! David !
06:57J'en ai marre qu'on parle sans connaître le truc,
06:59qu'on parle sans avoir jamais mis un pied dans les quartiers.
07:02C'est le cliché de cette situation sauvage dans laquelle on serait,
07:05dans laquelle on vivrait, qui est agaçante,
07:08et de par le fait qu'on nous dise, moi c'est ce qui m'énerve le plus,
07:10qu'on vivrait de l'argent de la drogue,
07:12que nos mamans seraient contentes qu'on soit dans le réseau,
07:14que nos mamans nous pousseraient même à y aller pour payer la moitié du loyer,
07:17que nous on se contenterait de ça,
07:19et que la CAF et le RSA ça nous plaît.
07:21Et ça c'est le plus gros cliché qu'il faut combattre.