• l’année dernière
Le rapporteur général de la commission des finances s'est exprimé au Sénat ce 30 avril, lors d'un débat d'orientation des finances publiques. Il a dénoncé les prévisions inscrites dans le programme de stabilité du gouvernement.

Pour suivre toute l'actualité politique et parlementaire, abonnez-vous à notre chaîne YouTube : https://www.youtube.com/user/publicsenat?sub_confirmation=1

Notre site internet : http://www.publicsenat.fr

Abonnez-vous à notre newsletter : https://urlz.fr/iinC 

Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Facebook : https://www.facebook.com/publicsenat
Twitter : https://twitter.com/publicsenat
Instagram : https://instagram.com/publicsenat
LinkedIn : https://www.linkedin.com/company/2996809/

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00 Le programme de stabilité pour 2024-2027 qui doit être transmis aujourd'hui à la
00:06 Commission européenne est vraisemblablement, du fait de la réforme
00:10 des règles du pacte de stabilité de croissance, le dernier dans sa forme
00:14 actuelle. Peut-être faudrait-il s'en réjouir car
00:18 je vous l'annonce d'emblée, ce qui nous est présenté me paraît révélateur des
00:24 errements et des renoncements du gouvernement en matière de finances
00:27 publiques. Je voudrais d'abord revenir sur les
00:30 performances économiques de notre pays. Certes, si on se limite à 2023, nous
00:36 faisons légèrement mieux avec une croissance de 0,9% que la zone euro, mais
00:42 reconnaissons-le, cela est principalement dû à la récession allemande et je
00:47 comprends que le gouvernement utilise largement cette comparaison avec
00:51 l'Allemagne qui nous est favorable. Mais l'économie italienne a cru l'an dernier
00:55 au même rythme que la nôtre et les économies portugaises, grecques, espagnoles
01:00 par exemple, se montrent particulièrement dynamiques avec une croissance comprise
01:04 entre +2,3 et 2,5% nous laissant loin derrière.
01:09 Et si l'on élargit un peu le spectre, on constate qu'entre la fin 2019 et la fin
01:15 2023, le PIB de la France a progressé d'un point de moins que celui de la zone
01:22 euro sur cette même période. Messieurs les ministres, votre optimisme
01:27 forcené ne saurait masquer le faible dynamisme de notre économie par rapport
01:33 à notre environnement économique immédiat. Et le scénario macroéconomique de ce
01:37 programme de stabilité reflète finalement encore ce biais. Pour 2024, vous
01:43 aviez annoncé dès février, monsieur le ministre, que la prévision de 1,4%
01:48 serait caduque. Mais votre révision à la baisse, à hauteur de 1%, demeure la plus
01:55 haute et plus haute que toutes les autres prévisions officielles.
01:58 Elle est d'ailleurs déjà battue en brèche par les principaux instituts de
02:02 conjoncture, le consensus des économistes autour...
02:05 Ben écoutez, on verra s'il se trompe, monsieur le ministre, moi je pense qu'il
02:09 faut être un peu moins glorieux, permettez-moi de vous le dire, et pour
02:12 aujourd'hui c'est + 0,7% de croissance.
02:18 Alors je sais pas si on peut se féliciter de la prévision de croissance de l'INSEE
02:24 pour le premier trimestre 2024 qui, après 0,1% en décembre, est à 0,2% au dernier
02:31 semestre, par rapport au dernier semestre. En effet, tout cela reste quand même,
02:34 convenons-en, faible et ne préjuge ni dans un sens, ni dans l'autre de la
02:40 suite. La Banque de France a ainsi précisé que cette croissance de 0,2% est
02:46 finalement assez cohérente avec sa propre prévision de croissance annuelle à 0,8%.
02:51 Plus généralement, le scénario pour 2024-2027 n'est pas non plus partagé par
02:57 les conjoncturistes et me paraît très optimiste.
03:00 Ainsi, le programme de stabilité anticipe 1,5% de croissance annuelle moyenne,
03:07 là où le consensus des économistes est à 1,2%. Vous anticipez une forte reprise
03:13 de la consommation des ménages fondés, vous l'avez évoqué, sur une diminution du
03:18 taux d'épargne que vous n'expliquez pas et sur un redressement du pouvoir d'achat
03:23 appuyé sur des hypothèses trop optimistes d'emploi. Sur le début de la
03:29 période du programme de stabilité, les effets du resserrement de la politique
03:32 monétaire opérée entre juillet 22 et septembre 23 sur l'investissement
03:38 semblent également fortement sous-estimés, comme je l'avais d'ailleurs
03:42 dit l'année dernière. Les hauts niveaux de croissance prévus sur la période
03:48 couverte par le programme de stabilité reposent en fait sur l'hypothèse que les
03:52 capacités de rebond de l'économie sont particulièrement fortes et que l'écart
03:56 de production est encore loin d'être résorbé. Au regard des difficultés
04:01 actuelles à recruter dans beaucoup de secteurs, les pénuries sont nombreuses
04:05 en termes d'emploi, il est permis de douter que notre économie fonctionne
04:08 actuellement en dessous de ses capacités. En ligne avec ces hypothèses, vous
04:13 évaluez d'ailleurs la croissance potentielle à +1,35 par an. Une nouvelle
04:18 fois, c'est un scénario très optimiste qui n'est pas partagé par la plupart des
04:23 conjoncturistes. Alors évidemment, messieurs les ministres, tout est toujours
04:26 possible, pourrez-vous me dire. Et la prévision économique, c'est d'ailleurs le
04:31 propre d'une prévision, elle n'est pas une science exacte,
04:33 oubliant d'ailleurs au passage la forte révision de votre prévision de croissance
04:38 en PLF 2024, que le Sénat avait d'ailleurs déjà critiqué, et vous vous en
04:43 réjouissez désormais pour celle du premier semestre. Mais les faits
04:46 finalement sont têtus. Le scénario macroéconomique que vous
04:50 présentez est assurément trop fragile. Il ne me semble pas sérieux d'utiliser
04:55 des prévisions non rigoureuses uniquement ou principalement parce que
05:00 cela permet de présenter une copie moins dégradée, et alors même que le
05:05 rétablissement de nos comptes publics nécessiterait aujourd'hui de s'appuyer
05:09 sur des hypothèses à la fois consensuelles et prudentes.
05:12 J'en viens à la trajectoire de nos finances publiques.
05:15 Vous avez renoncé à respecter la LPFP caduque quelques semaines à peine après
05:22 sa promulgation avec un déficit de 5,5% du PIB en 2023 et non 4,9% comme
05:30 c'était prévu. Là où la définition d'une loi de
05:33 programmation est finalement d'offrir une visibilité sur plusieurs années, alors
05:37 aux Français, aux acteurs économiques, à nos partenaires européens, la nôtre ne
05:41 dure que quelques semaines. Autant dire qu'elle ne sert à rien.
05:45 En matière d'endettement public, les prévisions sont aussi préoccupantes
05:50 qu'alarmantes. La dette qui devait progressivement diminuer pour atteindre
05:55 108,1 points de PIB en 2027 augmentera finalement sur la période pour passer de
06:02 110,6% en 2023 à 112% en 2027. Vous passez donc d'une perspective de
06:10 désendettement à une perspective d'accroissement de l'endettement.
06:14 Tel est en effet votre trajectoire. Sans aller aussi loin, la loi de finances
06:19 pour 2024 est donc déjà remise en cause avec une prévision de déficit passant de
06:23 4,4% à 5,1% du PIB pour cette année. On parle tout de même, excusez-moi, c'est
06:30 pas l'épaisseur d'un trait, 20 milliards d'euros de dégradation et nous ne sommes
06:34 qu'en avril. Il est dans ces conditions, messieurs les ministres, je vous le dis,
06:38 inacceptable que votre gouvernement et vous-même aient renoncé à présenter un
06:43 projet de loi de finances rectificative pour redresser les comptes.
06:46 C'est aujourd'hui probablement le plus grave. Le constat que je fais, c'est le
06:52 renoncement à redresser les comptes publics. Et je dois bien avouer que le
06:56 cumul d'un exécutif qui d'une part méprise le Parlement par un usage
06:59 extrême du 49-3, par la non prise en compte des votes
07:04 contributifs et vertueux du Sénat, par la non-présentation d'un PLFR et qui
07:09 d'autre part dégrade à ce point la situation budgétaire et financière du
07:13 pays, qui est pour moi une grande source d'inquiétude. Le présent PESTAB manque,
07:18 de mon point de vue, totalement de crédibilité. Le scénario de finances
07:21 publiques n'est pas documenté alors qu'il représente un effort sans précédent,
07:25 encore accentué par rapport à la loi de programmation des finances publiques,
07:29 dont vous n'avez, je le redis, pas réussi à respecter la première année de
07:32 programmation. Autant le dire, sans vision claire des
07:35 politiques publiques prioritaires, le chemin est aussi impratiquable qu'inaccessible.
07:40 Alors vous pouvez là aussi, messieurs les ministres, me dire qu'il n'est pas temps de
07:43 détailler toutes les économies à voter jusqu'en 2027. Mais même pour 2024, rien
07:49 n'est clair. Vous annoncez 10 milliards d'euros supplémentaires d'économies en
07:52 plus de ce qui a été annoncé des coupes sombres de février, dont 5 milliards
07:58 reposent sur le budget de l'Etat et 2,5 milliards sur les collectivités, sans
08:02 aucune documentation. Mais quid, par ailleurs, des 16 milliards de recrédits
08:06 de 2023 reportés sur 2024, qui font au final plus que compenser les efforts
08:12 d'économies annoncés ? Grâce au report de crédits, et c'est un comble,
08:16 il y a encore en gestion 2024 plus de crédits disponibles qu'il n'y en avait à
08:21 l'adoption de la loi de finances initiales.
08:22 Mes chers collègues, le gouvernement s'est constitué ni plus ni moins qu'une
08:26 grosse cagnotte qui lui permet de financer ses dépenses sans repasser
08:31 devant le Parlement, comme par hasard et peut-être, vous dites vous, heureuses
08:35 circonstances. Sur l'ensemble de la période, le manque de crédibilité de
08:39 l'effort affiché est encore plus patent. Le PESTAB prévoit que le déficit
08:43 public passerait de 5,1 points de PIB en 2024 à 2,9 en 2027. En termes
08:50 structurels, c'est un ajustement de près de 67 milliards d'euros.
08:56 Pour rappel, en 2022, le Sénat avait adopté un projet de loi de programmation des
09:02 finances publiques dans lequel l'ajustement structurel était inférieur et
09:05 permettait pourtant d'atteindre une cible plus ambitieuse à 1,7 du PIB au
09:12 lieu des 2,9 du gouvernement. Et à l'époque, on nous critiquait pour la
09:15 brutalité et le caractère déraisonnable des choix que nous proposions.
09:20 Écoutez, avec la dérive des comptes publics que vous avez initiés, ces temps
09:24 sont bien révolus, malheureusement me semble-t-il. Au total, on voit combien
09:28 l'effort à fournir est massif et sans précédent dans un temps aussi court.
09:32 Pourtant, comme le dit pudiquement le Haut Conseil des Finances Publiques,
09:36 votre documentation à ce stade est lacunaire. Et pour ce qui concerne les
09:42 recettes, peu de changements. Après les ajustements pour 2023 et 2024,
09:46 aucune mesure de recettes nouvelles n'est prévue pour les années à venir.
09:51 S'agissant des collectivités, le dégagement d'un excédent de 0,4 points
09:54 de PIB pour 2027 repose en fait plutôt sur le cycle électoral et il relève
10:01 d'un vœu pieux plus que d'une réelle volonté de corriger le tir. Enfin, la
10:06 majeure partie de l'effort repose, dites-vous, sur la sphère sociale. Mais
10:10 vous venez de le rappeler, la sphère sociale est aujourd'hui la seule avec
10:14 des comptes à l'équilibre. Je trouve qu'il est un peu fort de
10:17 café de montrer du doigt cette sphère sociale, ne serait-ce que pour...
10:25 Monsieur le Rapporteur général, si vous pouvez vous rapprocher de votre conclusion s'il vous plaît.
10:28 Je m'y soustraie volontiers, monsieur le ministre. J'ai abordé donc plusieurs
10:33 sujets, à la fois le constat, les préconisations et les prévisions de
10:38 croissance, tout est en fait intimement lié. Mais, messieurs les ministres, je
10:44 regrette néanmoins, finalement, le triple renoncement qui est celui de votre
10:48 gouvernement. Le renoncement à la loi de programmation, le renoncement à la
10:52 trajectoire de désendettement et le renoncement à redresser les comptes du
10:58 pays par un PLFR. Je vous remercie.
11:02 [Musique]

Recommandations