• il y a 8 mois
Patrick Pouyanné, le PDG du groupe TotalEnergies, était auditionné ce lundi 29 avril au Sénat, par la commission d’enquête parlementaire sur les obligations climatiques du géant tricolore. Le dirigeant a notamment été interrogé sur les partenariats liés avec la Russie après l’annexion de la Crimée en 2014.

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Transcription
00:00 Monsieur le Président, Monsieur le Président, Monsieur le Président général, merci. Votre entreprise a été historiquement très implantée en Russie et de ce fait une bonne connaissance de la situation énergétique et politique russe. Ainsi, très concrètement, pourquoi avez-vous poursuivi vos investissements en Russie en 2014, notamment en renforçant le partenariat avec Novatec sur Arctic LNG2, alors que la Russie était déjà internationalement condamnée à la suite de l'annexion de la Crimée ?
00:30 Nous savons que vous avez rencontré le président Emmanuel Macron en 2022 et 2023. Pour échanger notamment sur le gaz russe, pouvez-vous nous préciser la teneur des échanges de ces rencontres, notamment sur la position exprimée par le président de la République sur la présence de Total en Russie ?
00:46 Enfin, nous avons également appris que l'un des actionnaires russes de Novatec fait l'objet de sanctions de la part de l'Union européenne, propos confirmés par votre directeur général stratégie et développement durable Aurélien Hamel, dans le cadre des auditions pour notre commission.
01:02 Et dans le contexte géopolitique actuel, trouvez-vous sain de rester associé, même indirectement via Novatec, à une personne sanctionnée pour son rôle dans l'économie de guerre russe ?
01:13 Pour ces questions, M. le président directeur général, je vous demanderai, si vous le voulez bien, parce qu'on a eu à chaque fois ces réponses-là, de ne pas vous limiter au cadre des sanctions européennes que nous connaissons bien.
01:22 Il s'agit ici plus largement de la stratégie de votre entreprise, de la vision à l'international que vous portez pour votre entreprise. Merci.
01:31 Merci M. Tissot. M. le président.
01:34 Pourquoi avons-nous continué en Russie en 2014 ? D'abord, il n'y avait pas de sanctions contre la Russie. Beaucoup d'entreprises ont continué à investir en Russie.
01:45 Parce que, profondément, je poursuivais la politique de Christophe de Margerie, qui considérait que les entreprises pouvaient créer des ponts plutôt que créer entre des nations.
01:59 On était tous engagés dans cette idée-là, pas seulement TotalEnergie, dans l'idée qu'on pouvait ancrer la Russie sur l'Europe en développant les relations économiques.
02:07 C'était profondément ce qu'on a poursuivi après la chute du mur. On avait tort. On a mal évalué ce que Vladimir Poutine avait en tête, c'est clair.
02:18 Mais j'aurais bien aimé entendre plus de voix me dire que j'avais tort en 2014 ou 2015. Moi, j'ai plutôt entendu des voix me poussant à continuer à investir en Russie.
02:29 Et à faire du gaz naturel liquéfié en Russie. Bon voilà, on a eu tort. La vérité, c'est que TotalEnergie a quand même une politique.
02:35 Puisqu'il se trouve qu'il n'y a pas d'hydrocarbures en France, ou d'ailleurs je n'aurais pas le droit de les chercher.
02:39 Et c'est toute l'histoire de l'entreprise. On a construit l'entreprise uniquement dans des pays internationaux.
02:43 Et la politique que suit le PDG, de Gérard Tissard, c'est qu'aucun pays ne doit représenter plus de 10% du portefeuille de l'entreprise.
02:52 Ce qui fait que d'ailleurs, nous avons pu débrancher la Russie, 15 milliards, que nous avons dû faire disparaître de notre bilan, sans en voir profondément d'impact.
03:00 Voilà, et donc ça s'est passé là, ça se repassera peut-être ailleurs. C'est clair qu'après tout ça, comme je l'ai dit, c'est plus facile pour moi d'investir aux Etats-Unis plus qu'en Russie.
03:10 C'est le choix sans doute stratégique que nous sommes en train de faire. Ce qui ne veut pas dire d'ailleurs que les Russies...
03:16 Alors, rencontrer Emmanuel Macron, ou pas spécifiquement la Russie, vous savez que le président de la République, ou la première ministre, demande au patron de Total Energy,
03:24 au moins il y a une crise énergétique majeure, quel est son point de vue sur la crise énergétique, sur l'approvisionnement en gaz de l'Europe ?
03:31 Ce n'est pas en soi très surprenant, même de leur part je pense. Donc voilà, je n'irai pas plus loin pour révéler le fond de toutes les discussions que j'ai pu avoir avec les plus hautes autorités de l'Etat.
03:43 Parce que je ne pense pas que ce soit le lieu de le faire et puis parce que d'ailleurs, je pense que les deux personnes que je viens de citer ne l'apprécieraient pas.
03:51 Donc voilà, on a parlé d'énergie et encore une fois, ils ont considéré que le président de Total Energy pouvait les aider à comprendre et à éclairer la crise que nous visions.
04:01 Vous parliez de M. Timschenko. M. Timschenko possède effectivement je crois à peu près 23% de Novatec. Il était sous sanction américaine, pas européenne.
04:10 Il est devenu sous sanction européenne après la guerre. Et comme je l'ai déjà déclaré, bon d'abord, comme vous le savez, Novatec, on en est totalement sortis de la gouvernance.
04:18 Nous avons totalement déconsolidé Novatec. Novatec, j'ai tout, comment on dit, déclassé. Il n'y a plus d'actifs Novatec dans mon bilan.
04:27 Donc vous voyez, quelque part, simplement il y a une difficulté pratique, c'est que le pacte d'actionnaire que nous avons m'obligerait à vendre à M. Timschenko.
04:36 Or, je n'ai pas le droit de vendre et de faire une quelconque transaction financière avec quelqu'un sous sanction.
04:41 Et lui abandonner mes actions pour zéro, il n'en est pas question. Pour d'autres raisons que vous comprendrez, parce que ça aussi on pourrait me dire.
04:48 Voilà ce qui se passe. Nous sommes dans un point, donc comme d'ailleurs d'autres entreprises européennes, je pense à mon concurrent britannique, on est dans la même situation.
04:55 Ces actions aujourd'hui ne valent plus rien. Il n'y a plus de dividendes qui nous reviennent, bien évidemment.
05:01 Ils les gardent quelque part, je ne sais pas quoi, sur un compte C, je ne sais pas quoi, où ils sont cachés. Mais nous ne sommes plus dans la gouvernance.
05:06 Voilà ce qui se fait, qu'aujourd'hui, nous ne pouvons pas couper le lien. C'est que je devrais, si je voulais le couper, je devrais donner pour rien des actions à quelqu'un qui est sous sanction.
05:15 Ça ne marche pas. Ça ne marche pas. Voilà ce qui se passe.
05:20 Très bien. Voilà. Alors, vu le délai, 30 secondes.
05:24 C'est bientôt fini. M. le Président, le Directeur Général, notre récent déplacement de la semaine dernière à Bruxelles, dans le cadre de cette commission d'enquête,
05:37 où nous avons notamment pu rencontrer les représentants de la Direction Générale d'Energie, nous a permis de voir que le choix de continuer d'importer du gaz russe est purement politique.
05:46 Nous voyons donc que vos activités sont intimement liées avec les choix faits par les États.
05:50 Et sur ce point, je me permets quelques questions complémentaires sur la stratégie d'influence que nous a présentée l'ancien ministre, M. Le Drian.
05:57 Non, non, non, M. Tissot, ne détournez pas la procédure. C'était une réplique à ce qu'avait dit le Président.
06:03 Ce n'est pas de nouvelles questions, sinon la moitié de vos collègues ne pourront pas poser de questions.
06:08 C'est une question, c'est une réplique suite à la politique...
06:14 Non, non, allez, M. Tissot, bien répondre sur le GNL russe parce que je pense qu'il faut en parler deux secondes.
06:20 Deux secondes, je vais être très bref. Il y a eu une importation de GNL russe en Europe.
06:24 Aujourd'hui, moi je regardais les chiffres avant de venir, 15 millions de tonnes, 14 millions de tonnes ont été importées en 1922 et en 1923 de Russie.
06:31 14 millions de tonnes, on importe en Europe en ce moment à peu près 105 à 110 millions de tonnes.
06:37 C'est plus de... c'est 12-13% des importations.
06:42 Si nous décidons, Européens, de bannir ce GNL russe, ces 14 millions de tonnes, il faudra aller les chercher ailleurs en payant plus cher.
06:48 Il n'y a pas 14 millions de tonnes de GNL disponibles sur le marché mondial.
06:52 Ils vont être disponibles en les piquant aux Asiatiques comme on l'a fait en 2022 en payant plus cher qu'eux.
06:58 Donc, attendez, et je vais être très clair, moi patron de TotalEnergie, ce n'est pas un problème.
07:03 Il n'y a pas de stratégie d'influence.
07:06 Vu le portefeuille de gaz naturel liquéfié que j'ai, qui est de 40 millions de tonnes,
07:11 si j'en perds, je n'en perdrai pas 14 parce que moi, en fait, c'est 3 millions de tonnes sur les 14 que j'amène en Europe, de Yamal,
07:16 3, je ne sais plus combien, eh bien, la vérité, c'est que les prix du GNL vont monter plus haut
07:23 et je gagnerai plus d'argent sur mon portefeuille mondial qu'avoir perdu les 3 millions de tonnes de GNL.
07:27 Maintenant, je ne recommande pas. Je ne recommande pas.
07:31 Oui, d'accord, mais je vous le dis clairement.
07:34 A partir d'ici 2027, on est en train de construire des capacités aux États-Unis, au Qatar.
07:40 A partir de là, on n'a pas de capacités supplémentaires de GNL.
07:42 Donc, si on bannit le GNL russe, les prix du gaz en Europe repartiront vers le haut alors qu'on a réussi à les ramener.
07:49 Après, c'est une décision que les autorités politiques peuvent prendre, mais si elles le prennent, encore une fois,
07:54 dans le contrat que nous avons, il y a une clause de force majeure que je peux exercer en cas de sanction européenne
07:59 et nous les exercerons sans aucun état d'âme.
08:02 Nous arrêterons les importations de GNL.
08:04 Dans l'intervalle, je ne peux pas le faire parce que c'est un contrat qu'on appelle "tech or pay",
08:09 je prends ou je paye.
08:10 Plutôt que de payer les Russes, je préfère au moins avoir le GNL dont l'Europe a besoin en échange.
08:14 Voilà le cadre dans lequel je sors.
08:17 Merci, M. le Président.
08:19 [Musique]

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