100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat. Année de Production :
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00:00:00 [Générique]
00:00:10 Bonjour à tous, ravis de vous retrouver pour un nouveau numéro de 100% Sénat,
00:00:13 l'émission qui vous fait vivre les travaux de la Haute Assemblée.
00:00:17 On va parler aujourd'hui des femmes sans-abri,
00:00:18 puisque le Sénat a organisé une table ronde sur le sujet.
00:00:21 Plusieurs chercheurs dénoncent la dégradation de la situation de ces femmes sans-abri,
00:00:25 avec des travailleurs sociaux surmenés, des hébergements d'urgence saturés
00:00:30 et une prise en charge de ces femmes qui est parfois inadaptée.
00:00:33 Je vous laisse écouter cette table ronde.
00:00:35 Merci beaucoup pour cette invitation à venir vous parler
00:00:38 de la situation très préoccupante des femmes sans domicile.
00:00:41 Mon intervention s'appuiera effectivement sur les travaux que je mène depuis une vingtaine d'années,
00:00:45 sur les trajectoires et la prise en charge institutionnelle des personnes en situation d'exclusion,
00:00:50 et donc plus particulièrement sur le mémoire d'habilitation à diriger des recherches
00:00:53 que j'ai soutenu il y a quelques mois,
00:00:55 et qui interroge le sans-domicilisme au prisme du genre.
00:00:58 Je voudrais insister sur les quatre résultats importants de ce mémoire,
00:01:01 qui s'appuient sur une enquête de terrain,
00:01:03 dans plusieurs structures d'accueil et d'hébergement,
00:01:06 et sur les rares données statistiques disponibles et fiables en population générale.
00:01:10 J'évoquera ensuite les leviers d'action et propositions concrètes
00:01:14 qui pourraient permettre d'améliorer les politiques de prise en charge.
00:01:17 L'augmentation récente du nombre de femmes sans domicile dans les dispositifs d'aide
00:01:22 et l'intérêt qu'on leur porte aujourd'hui ont tendance à laisser penser
00:01:25 que le sans-domicilisme féminin est un nouveau problème public.
00:01:29 Or, et c'est le premier résultat de mon travail, cette nouveauté est à relativiser.
00:01:34 En effet, les femmes sont longtemps restées dans l'ombre de l'histoire
00:01:37 de la construction du problème public du sans-domicilisme.
00:01:40 Si elles sont présentes autrefois parmi les populations dites déviantes et vagabondes,
00:01:45 elles font l'objet d'un désintérêt, puis d'un déni d'antériorité,
00:01:48 notamment parce qu'elles sont prises en charge par des institutions spécialisées
00:01:52 qui ne sont pas désignées comme des services d'aide à destination des sans-domiciles.
00:01:56 Couvents, asiles, prisons, maisons closes, refuges ouvroirs, maisons maternelles,
00:02:02 toutes ces institutions cherchent à rééduquer ou à soigner les figures de transgression
00:02:07 des normes de genre que sont principalement la prostituée, la fille mère et l'hystérique,
00:02:11 en les réassignant à leur rôle de mère et d'épouse.
00:02:15 Cette histoire de la prise en charge des femmes déviantes est toujours visible
00:02:19 dans les dispositifs actuels qui se développent dès les années 50
00:02:22 et se complexifient à la fin des années 80.
00:02:25 Lorsque les femmes sont prises en compte, elles font en général l'objet d'une intervention genrée
00:02:29 au titre de la maternité, de la prostitution et plus récemment des violences conjugales.
00:02:34 À partir des années 2010, le sans-domicilisme féminin devient un problème public
00:02:39 et des dispositifs d'aide d'urgence plus généralistes dédiés à ces femmes se développent.
00:02:44 Mais ces nouveaux dispositifs sont très androcentrés,
00:02:47 restent majoritairement aveugles aux besoins et aux caractéristiques des femmes
00:02:51 et notamment aux violences de genre.
00:02:54 C'est le second résultat important de mon travail.
00:02:57 Les portraits que j'ai réalisés à partir des entretiens menés avec des femmes
00:03:01 montrent que de l'enfance à l'âge adulte, les violences de genre structurent leur trajectoire.
00:03:05 Ces violences renvoient à une pluralité d'actes qui se répètent dans le temps,
00:03:09 sont majoritairement perpétuées par des hommes.
00:03:12 Maltraitance, mariage forcé, inceste, violence conjugale, excision, travail forcé,
00:03:17 persécution liée à l'orientation sexuelle ou bien encore sexe de survie forment un continuum.
00:03:23 Or les violences subies par ces femmes modifient leur rapport au logement
00:03:27 et leur trajectoire résidentielle.
00:03:29 Les violences intrafamiliales et conjugales les rendent "roomless at home"
00:03:33 comme le dit notre collègue sociologue britannique Julia Wardrow,
00:03:37 parce qu'elles ne peuvent pas être en sécurité dans leur logement.
00:03:40 Ces violences augmentent leur risque de devenir sans domicile
00:03:42 car elles sont souvent à l'origine du départ du domicile conjugal et familial.
00:03:47 Enfin, elles ont bien sûr des effets sur leur carrière de sans domicile
00:03:52 puisqu'elles déterminent les lieux informels et institutionnels que les femmes fréquentent.
00:03:57 Pourtant, ces violences ne sont pas mesurées et sont très souvent sous-estimées
00:04:01 dans l'accompagnement proposé par les institutions d'aide.
00:04:05 Les trajectoires des femmes sont en effet marquées par une ambivalence du genre
00:04:09 et c'est le troisième résultat de cette recherche.
00:04:12 S'ils soumettent nombre de femmes sans domicile aux violences,
00:04:14 le genre leur permet aussi d'être considérées comme prioritaires
00:04:18 et de bénéficier d'une prise en charge un peu plus rapide que les hommes,
00:04:22 notamment quand elles sont enceintes ou accompagnées d'enfants.
00:04:25 Cependant, le manque criant de place laisse aujourd'hui de nombreuses femmes enceintes
00:04:30 avec de jeunes, voire de très jeunes enfants dans la rue.
00:04:34 Le genre les réassigne aussi à la sphère domestique,
00:04:37 à la maternité et à leur corps féminin,
00:04:39 en particulier dans les institutions d'aide où il constitue un impensé.
00:04:44 Absent dans les discours mais présent dans les pratiques,
00:04:46 par la reproduction des stéréotypes de sexe,
00:04:49 le genre est performé au quotidien au sein des dispositifs d'aide
00:04:52 qui reproduisent des formes de domination.
00:04:55 Dans ces dispositifs, par exemple, il n'est souvent question pour les femmes
00:04:58 que de leur famille et notamment de leurs enfants,
00:05:01 de leur corps, de leur sexualité, à travers leur grossesse,
00:05:04 la question de la précarité menstruelle, de l'hygiène,
00:05:07 de leur santé gynécologique, de la beauté ou du maquillage.
00:05:11 Si ces éléments sont effectivement importants à prendre en compte,
00:05:15 ils ne peuvent suffire à définir ces femmes,
00:05:17 je pense que vous en conviendrez, elles ne sont comme nous,
00:05:20 pas seulement des utérus et ne peuvent être seulement ramenées à leur féminité.
00:05:25 Par ailleurs, cette protection accordée par les institutions
00:05:28 a tendance à figurer les femmes comme des victimes ou des proies passives et isolées.
00:05:33 Or, ces femmes, et notamment les exilées,
00:05:35 y compris quand elles ont subi de lourds traumatismes liés aux violences,
00:05:39 ont des capitaux, peuvent travailler, sont parfois diplômées, ont des compétences
00:05:44 et leur récit montre qu'elles cherchent à retrouver leur autonomie,
00:05:47 à s'émanciper de ces catégories d'usagères, de migrantes, de mères ou de femmes,
00:05:51 même si leurs possibilités d'agir sont souvent limitées.
00:05:55 Enfin, quatrième résultat, le genre contribue à la dimension cachée
00:05:59 du sans-domicilisme féminin.
00:06:01 L'adoption d'une perspective genrée permet en effet de comprendre
00:06:04 trois spécificités de l'expérience des femmes sans domicile.
00:06:08 Elles ont tout d'abord un rapport spécifique aux espaces publics.
00:06:11 On dit beaucoup qu'elles sont invisibles,
00:06:13 et c'est vrai qu'elles adoptent des stratégies d'évitement de certains lieux,
00:06:16 parce que comme toutes les femmes, elles se sentent par exemple en insécurité dans la rue.
00:06:20 Mais beaucoup de femmes ne sont pas repérées dans la rue
00:06:23 parce qu'elles ne ressemblent pas à des SDF.
00:06:26 Les entretiens que j'ai menés rejoignent les travaux d'autres chercheuses anglo-saxonnes,
00:06:30 notamment, qui montrent que les femmes sont présentes dans de nombreux lieux en réalité.
00:06:34 Bibliothèques, galeries d'art, musées, hôpitaux, librairies,
00:06:37 toilettes publiques, aéroports, parcs, parkings, métros, etc.
00:06:41 Elles se font passer souvent pour des femmes ordinaires, occupées, en mouvement.
00:06:46 Elles ne sont donc pas invisibles.
00:06:48 Elles sont seulement mal vues et non identifiées comme sans domicile.
00:06:53 La deuxième spécificité, c'est leur rapport spécifique au dispositif institutionnel.
00:07:00 Si l'on admet que les femmes ont toutes connu des violences de genre dans leur trajectoire de vie,
00:07:06 on peut comprendre que la mixité de beaucoup de lieux d'accueil et d'hébergement
00:07:10 puisse leur poser problème.
00:07:11 Beaucoup d'entre elles disent avoir peur de se rendre dans certaines structures
00:07:14 et préfèrent rester dans leur logement ou chez des tiers, quitte à subir des violences.
00:07:18 Et les femmes ont effectivement, c'est le troisième point, un rapport spécifique au logement,
00:07:23 puisque beaucoup restent dans celui-ci alors qu'elles sont victimes de violences conjugales.
00:07:27 Et d'autre part, elles ont davantage recours à des formes d'hébergement chez des tiers,
00:07:31 notamment les femmes exilées, qui sont souvent accueillies à leur arrivée en France par des compatriotes.
00:07:36 Cet hébergement informel se monnaie le plus souvent par des échanges économico-sexuels
00:07:41 et des rapports d'exploitation, mais il n'est pas considéré comme étant prioritaire pour les institutions.
00:07:48 Je voudrais terminer en évoquant plusieurs pistes de réflexion et d'action
00:07:51 qui me semblent partagées par une très grande majorité d'actrices.
00:07:54 Sur les femmes tout d'abord, la question du genre de la prise en charge reste un impensé dans le travail social
00:08:01 et il convient tout d'abord d'améliorer la formation des travailleurs et travailleuses sociales
00:08:05 pour éviter la reproduction des discriminations.
00:08:08 Si la question des femmes enceintes et accompagnées d'enfants est extrêmement préoccupante,
00:08:12 la question de la santé, hors maternité et soins gynécologiques, et du vieillissement des femmes,
00:08:18 qui se retrouvent en situation de très grande précarité en fin de vie, est totalement invisibilisée.
00:08:23 C'est la santé des femmes sans domicile dans sa globalité qui doit être repensée.
00:08:28 Il conviendrait aussi de réinterroger les catégories comme les termes "sans-abrisme" ou "famille", par exemple,
00:08:34 qui invisibilisent les femmes, et les critères de vulnérabilité institutionnelle
00:08:38 qui ne tiennent pas compte de leur expérience de sans-domicilisme.
00:08:42 L'étude des trajectoires et de la prise en charge de ces femmes révèlent aussi les dysfonctionnements
00:08:46 et les impasses des politiques publiques pour l'ensemble du système de lutte contre les exclusions.
00:08:51 Je voudrais notamment souligner l'indignité des dispositifs d'urgence pour les femmes.
00:08:56 Depuis 2010, on observe que de nombreuses places de mise à l'abri d'urgence ont été créées,
00:09:01 mais la configuration des espaces et la temporalité d'accueil de ces dispositifs
00:09:05 les rendent inadaptés à la prise en charge des femmes, car ils ne répondent pas à leurs besoins.
00:09:11 Dans certains de ces dispositifs, les personnes ne dorment pas sur des lits, mais sur des fauteuils,
00:09:15 n'ont pas de repas, mais des collations, n'ont aucune intimité
00:09:18 quand elles partagent des douches et des espaces avec 50 autres personnes.
00:09:22 Je ne parle pas des hôtels, parfois très loin de l'endroit où sont scolarisés les enfants,
00:09:26 dans lesquels les personnes ne peuvent pas cuisiner, recevoir, donner un bain à leur bébé.
00:09:30 Il faudrait également évoquer l'impossibilité parfois d'être hébergé avec un enfant tout juste majeur, par exemple,
00:09:36 la sexualité empêchée dans les règlements des structures,
00:09:40 la difficulté pour trouver un emploi quand on attend pendant plusieurs mois ou plusieurs années d'être régularisé,
00:09:45 ou bien encore les obstacles que ces femmes rencontrent pour avoir un suivi médical, notamment quand elles sont âgées.
00:09:51 Ce qu'il faut aujourd'hui, ce ne sont ni des places d'hôtel, ni des places de mise à l'abri,
00:09:55 mais des structures d'accueil de longue durée, à taille humaine, où l'on puisse se soigner,
00:09:59 se sentir en sécurité, recouvrer des droits et un emploi, et retrouver son autonomie.
00:10:05 Je voudrais également souligner l'indignité des dispositifs d'urgence pour les intervenants et intervenantes sociales.
00:10:10 Le livre blanc du travail social publié l'année dernière l'a démontré.
00:10:14 Les professionnels du travail social ne sont plus au bord du gouffre, ils sont dans le gouffre.
00:10:19 Nombreux sont celles et ceux, chefs de services ou salariés de première ligne, qui sont en burn-out,
00:10:24 parce qu'ils et elles ne trouvent plus de sens à leur travail.
00:10:27 Malgré leur engagement, ils et elles sont dans une très grande souffrance au travail,
00:10:31 malmenées par leurs propres institutions, du fait de leurs conditions de travail,
00:10:35 de leur rémunération et de leur absence de reconnaissance professionnelle.
00:10:39 Dans un contexte de crise de logement qui s'intensifie pour toutes et tous,
00:10:43 cette indignité des politiques publiques relève de choix politiques et pose d'autres questions beaucoup plus générales.
00:10:49 Celles du sens des politiques d'urgence, dans un secteur engorgé où les solutions pérennes ne sont plus financées.
00:10:54 Et je pourrais, à ce titre, peut-être tout à l'heure, évoquer la structure dans laquelle j'enquête depuis 7 ans,
00:10:59 et qui est particulièrement symptomatique de ce point de vue.
00:11:03 Cette indignité pose aussi la question des politiques migratoires et de l'accueil des personnes
00:11:07 qui pourraient travailler et contribuer à notre système social,
00:11:10 car beaucoup d'entre elles ont seulement besoin d'un coup de pouce et d'une prise en charge,
00:11:14 qui, si elle était adaptée, pourrait leur permettre d'être autonome dans des logements.
00:11:18 Cette indignité pose enfin effectivement la question des politiques du logement,
00:11:22 qui sont en train d'être abandonnées, au profit de politiques beaucoup plus répressives,
00:11:27 comme la récente loi anti-squat et les expulsions locatives grandissantes, par exemple.
00:11:30 Je vous remercie pour votre attention.
00:11:32 Merci beaucoup pour cette intervention.
00:11:37 Je me tourne maintenant vers Muriel Froment-Meurice, géographe, maîtresse de conférence à l'Université Paris-Nanterre,
00:11:45 qui a mené des travaux sur la construction et la gestion de la désirabilité des personnes sans abri dans l'espace public.
00:11:52 Je vous laisse la parole.
00:11:54 Madame, je vous remercie de m'avoir reçu.
00:11:58 Un micro, s'il vous plaît, parce que...
00:12:00 Nous sommes enregistrées, oui.
00:12:02 C'est vous ?
00:12:06 Monsieur...
00:12:08 Pardon.
00:12:10 Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui.
00:12:13 Je vous remercie pour le travail de la délégation et celui des personnes qui ont été auditionnées avant nous,
00:12:19 qui a un travail remarquable, très impressionnant, dont je n'avais pas connaissance.
00:12:24 Et donc je vous remercie également pour leur mise à disposition publique.
00:12:28 Ça me semble être un élément extrêmement important par rapport à ce que vous dites sur le travail sur les stéréotypes et les stigmates dont souffrent ces personnes.
00:12:37 Ça me semble être un axe essentiel de publiciser les travaux de la commission.
00:12:45 Ce que je vais vous dire aujourd'hui est un peu différent, parce que je ne travaille pas sur les femmes sans abri ou avec les femmes sans abri,
00:12:56 mais sur les acteurs institutionnels qui encadrent la présence des femmes sans abri dans les espaces publics.
00:13:05 Là où on vous a beaucoup parlé, donc, des dispositifs d'assistance et de leur défaillance,
00:13:11 moi, je vais vous parler plus directement des politiques répressives, qu'elles soient intentionnelles ou non,
00:13:17 qui contribuent aux multiples violences que subissent ces personnes.
00:13:23 J'ai écouté attentivement les travaux de la commission. Et je crois que même si on travaille depuis une perspective assez différente,
00:13:31 les constats sont partagés. Et ça m'interroge.
00:13:35 Ça m'interroge parce qu'il me semble que ces constats, ils sont partagés depuis un moment,
00:13:41 qui ne sont pas seulement le fait d'acteurs, d'actrices associatifs ou de chercheurs, mais aussi parfois d'institutions politiques.
00:13:49 Je pense par exemple au rapport de la Cour des comptes qui avait été mené, je crois, en 1997,
00:13:56 et qui pointait déjà la dichotomie du système d'hébergement entre un système d'hébergement d'urgence
00:14:04 et un système d'hébergement sur le plus long terme, qui, évidemment, était sous-doté par rapport au secteur de l'assistance.
00:14:13 Donc ces constats, ils sont, en tout cas, je crois, pour nous, chercheurs anciens.
00:14:19 Moi, je travaille sur ces questions depuis 2005, mon travail de licence.
00:14:25 Et je travaillais sur les femmes qui domestiquent l'espace public,
00:14:29 donc une frange particulière de la population sans-abri, femmes sans-abri,
00:14:34 notamment qui sont les femmes qui vivent, à proprement parler, dans les espaces publics,
00:14:40 et pas donc uniquement, également, les femmes qui ont recours au système d'hébergement,
00:14:47 qu'il soit d'urgence ou plus pérenne.
00:14:50 C'était un travail qualitatif qui me semblait rendu nécessaire,
00:14:54 parce qu'on avait des données quantitatives, qui étaient celles de la grosse enquête de l'INSEE,
00:14:59 qui, à l'époque, n'était pas si ancienne, qui avait été menée par Maryse Marsap, notamment,
00:15:05 et qui constatait également les mêmes points directeurs sur lesquels, je crois,
00:15:10 les intervenantes que vous avez auditionnées pointent de nouveau ces problématiques.
00:15:19 Donc ça m'interroge un petit peu. Il me semble que ces constats partagés,
00:15:23 on peut essayer de les rappeler. D'abord, peut-être, le premier élément,
00:15:28 c'est des stéréotypes qui sont encore ancrés, qui est un élément structurel important,
00:15:33 il me semble, qui freine l'action publique, comme la réaction du public, mais aussi l'action publique.
00:15:39 Que ces stéréotypes, ils agissent différemment selon le segment de population concerné,
00:15:46 selon les femmes incluses comme légitimes dans la catégorie sans-abri, destinataires de l'action publique.
00:15:54 Et j'y reviendrai après. On constate aussi un sous-financement chronique du secteur associatif,
00:16:02 à qui les pouvoirs publics délèguent pourtant de plus en plus de missions de services publics.
00:16:08 Ce sous-financement chronique, il a pour conséquence, non seulement des violences pour les personnes destinataires
00:16:15 de ces dispositifs publics, mais aussi, comme ça a été souligné par plusieurs intervenantes,
00:16:21 une souffrance très importante des travailleuses censées mettre en œuvre ces politiques d'assistance,
00:16:27 parce que c'est elles qui sont confrontées au quotidien à des choix cruciaux.
00:16:32 J'ai entendu certaines d'entre vous vous interroger sur les logiques de priorisation
00:16:38 qui ont pu être formalisées récemment, notamment en Ile-de-France.
00:16:43 Ces logiques de priorisation, elles sont à l'œuvre dans de multiples dispositifs.
00:16:49 Elles sont simplement rarement formalisées. Elles ne peuvent être discutées publiquement
00:16:54 que quand elles sont formalisées. Or, là où on a un certain nombre d'enquêtes depuis un certain temps
00:17:01 sur les personnes marginalisées, on a moins d'enquêtes sur les personnes qui exercent ces politiques répressives
00:17:08 et qui contribuent pourtant aux violences que ces femmes subissent au quotidien.
00:17:14 Donc c'est depuis ce point de vue-là que je parle et que je prétends apporter des connaissances
00:17:21 en complément de ce que mes collègues ont pu précédemment apporter,
00:17:27 ce qui justifie que je ne détaille pas des points qui ont été signalés de manière récurrente.
00:17:35 Ce sous-financement, il a pour conséquence une saturation du dispositif d'urgence,
00:17:41 saturation du dispositif d'urgence qui se retrouve à tous les niveaux,
00:17:45 le dispositif d'urgence d'abord, les dispositifs de réinsertion sociale ensuite,
00:17:50 puis évidemment le logement social, le logement de droit commun.
00:17:55 Ce sous-dimensionnement, cette absence de sortie par le haut des politiques d'hébergement temporaire
00:18:02 vers le logement, elle crée une pression extrêmement forte sur les structures
00:18:07 et aussi sur les personnels en charge de ces politiques d'assistance.
00:18:13 Ces personnes insistent notamment sur le besoin d'une approche globale,
00:18:18 c'est-à-dire une approche qui prendrait en compte d'abord le logement,
00:18:22 les politiques qu'on connaît notamment de logement d'abord, notamment dans des pays anglophones,
00:18:28 et puis également d'autres dimensions de cette précarité que sont le travail, la santé, les droits familiaux,
00:18:40 toute une série de politiques qui sont en général fragmentées, qui dépendent de différents acteurs,
00:18:48 ce qui complique évidemment leur mise en œuvre puisqu'elles soulèvent des problèmes propres
00:18:53 de coordination et d'adaptation dans des systèmes d'acteurs parfois très complexes.
00:19:01 Cette segmentation des acteuristes de l'assistance, elle se traduit aussi, et là je suis géographe,
00:19:07 par une segmentation des lieux de l'assistance.
00:19:11 Ça veut dire qu'on a des lieux d'accueil de jour, ça veut dire qu'on a des bagageries,
00:19:15 ça veut dire qu'on a des bains-douches, ça veut dire qu'on a des laveries,
00:19:19 ça veut dire qu'on a des lieux d'hébergement et que les femmes, elles se voient bien souvent contraintes
00:19:25 de circuler entre ces différents lieux.
00:19:28 Une des violences qu'elles subissent au quotidien, c'est donc le fait de devoir se déplacer dans les espaces urbains,
00:19:35 dans des conditions particulièrement compliquées, alors que les déplacements de toutes les femmes
00:19:41 dans les espaces urbains sont aujourd'hui compris comme plus compliqués que les déplacements des hommes.
00:19:50 Ces violences que ces femmes rencontrent au quotidien, elles sont renforcées par des violences institutionnelles
00:20:00 qui sont croissantes dans un contexte d'austérité budgétaire et de normalisation des discours
00:20:07 et des politiques d'extrême droite qui viennent freiner les politiques d'assistance,
00:20:12 voire les entraver par des politiques répressives plus particulièrement appliquées à certaines minorités visibles,
00:20:20 qu'il s'agisse des femmes en campement ou des femmes en bidonvie.
00:20:26 La première question donc, pour pouvoir répondre à votre question sur les violences que connaissent ces femmes,
00:20:32 c'est de quelles femmes parle-t-on ?
00:20:34 Les femmes sans-abri, nombreuses sont les intervenantes qui l'ont pointé ici, sont extrêmement diverses dans les situations qu'elles connaissent.
00:20:43 Ne pas décrire la diversité des difficultés auxquelles elles sont confrontées,
00:20:49 c'est ne pas se donner les moyens de répondre aux problématiques que leur situation soulève.
00:20:56 Je rejoins donc également toutes les intervenantes sur le besoin de production de connaissances,
00:21:01 quantitatives certes, mais aussi qualitatives.
00:21:06 On voit bien que vous aviez posé des questions sur les profils, notamment,
00:21:11 auxquels finalement vous n'aviez pas obtenu de réponse,
00:21:14 parce que justement on est aussi focalisé sur des questions de chiffres.
00:21:18 Les chercheurs en sciences sociales, au contraire, portent une approche qualitative,
00:21:23 une approche ethnographique qui permet de révéler d'autres faits
00:21:28 que ceux qui sont portés à votre connaissance par les actrices institutionnelles et associatives.
00:21:36 Dans les personnes que vous avez auditionnées, elles ont elles-mêmes indiqué qu'il était difficile,
00:21:44 quand on dépendait de financements publics, notamment,
00:21:47 de pouvoir critiquer les politiques qu'on est chargé de mettre en œuvre.
00:21:52 J'espère que c'est la liberté dont disposent encore les enseignants-chercheurs,
00:21:56 et c'est pourquoi je vais me permettre de vous parler de certaines situations.
00:22:02 On a beaucoup dit que ces femmes étaient invisibles.
00:22:05 Il me semble qu'au contraire, un certain nombre de ces femmes sont extrêmement visibles,
00:22:10 et que c'est bien pour ça qu'elles posent problème
00:22:12 et qu'elles sont construites comme indésirables dans les espaces publics.
00:22:16 Je pense notamment aux femmes en campement.
00:22:19 Les associations, les médias, les chercheurs ont toutes documenté les atteintes aux libertés fondamentales
00:22:24 pour les personnes qui cherchent à passer les frontières européennes.
00:22:28 Ces femmes, ces enfants, ces familles souffrent quotidiennement d'un traitement inhumain
00:22:33 qui porte atteinte aux valeurs de la République française.
00:22:36 C'est particulièrement le cas aux frontières, qu'il s'agisse de 20 000 ou de Calais.
00:22:41 Les politiques de repoussement ou de cantonnement sont mises en œuvre,
00:22:45 même si elles sont généralement peu formalisées, sauf dans le cas des JO, voire illégales.
00:22:52 L'absence de formalisation de ces mesures discriminatoires conduit des agents
00:22:57 à devoir opérer seuls sur le terrain des jugements en pratique
00:23:01 sur qui sont les personnes légitimement destinataires de l'assistance publique
00:23:06 et qui en sont les femmes exclus.
00:23:09 Ils doivent également porter seuls la responsabilité de pratiques de police
00:23:14 qui sont en réalité structurellement caractérisées par ce qu'on appelle parmi les chercheurs le chèque en gris.
00:23:21 C'est une notion qui sert à décrire la manière dont les agents, notamment de police,
00:23:26 sont censés accomplir des tâches d'une moment qu'on ne sait pas exactement comment.
00:23:32 La violence des formes de police aux frontières vient renforcer les multiples violences
00:23:36 que ces femmes et leurs enfants ont souvent connues.
00:23:39 Lorsque cette violence est documentée, elle est imputée à la responsabilité de l'agent
00:23:44 et non pas aux caractéristiques structurelles des politiques de non-accueil.
00:23:50 Les femmes en bidonville sont un autre exemple des violences institutionnelles
00:23:55 que subissent les femmes sans-abri.
00:23:58 Ces femmes qui vivent en bidonville avec leurs enfants sont particulièrement concernées
00:24:02 par les mesures de mise en ordre des espaces publics,
00:24:05 parfois tolérées lorsqu'elles sont situées en lisière des espaces urbains,
00:24:09 dans des espaces délaissés, à proximité d'infrastructures néfastes pour leur santé.
00:24:14 Inversement, à chaque projet d'aménagement, de valorisation de friches
00:24:19 ou d'espaces délaissés face aux plaintes des riverains,
00:24:22 leurs maisons sont détruites avec les affaires qu'elles n'ont pas pu emporter.
00:24:28 Il y a aussi toute une situation de femmes moins visibles, bien entendu,
00:24:33 dont on a déjà parlé et dont je ne cherche pas à nier les besoins spécifiques.
00:24:38 Je cherchais simplement à donner un regard complémentaire
00:24:42 sur les formes de violences que peuvent connaître les femmes sans-abri
00:24:46 et qui sont peut-être moins documentées parce que d'abord, elles sont difficiles à enquêter.
00:24:52 Les situations de contrôle de police, par exemple, vous le savez,
00:24:56 sont extrêmement difficiles à enquêter,
00:24:59 documenter les discriminations que subissent les personnes vivant à la rue,
00:25:05 hommes et femmes, puisqu'ici elles bénéficient de ce paradoxe du genre,
00:25:10 comme vous l'avez indiqué.
00:25:14 Eh bien, ces pratiques, elles sont très difficiles à documenter et encore plus à quantifier.
00:25:20 Et c'est pourquoi il me semble que le besoin de connaissances,
00:25:24 s'il concerne évidemment les personnes sans logement
00:25:27 et les personnes qui sont chargées de leur portée-assistance,
00:25:31 il doit également porter sur les pratiques des agents
00:25:35 qui sont en charge de cette répression au quotidien, dans les espaces publics,
00:25:41 parfois pour des raisons qui ne sont pas intentionnelles,
00:25:45 mais qui produisent, qui ont pour effet l'éviction
00:25:50 ou la détérioration des conditions de vie des femmes sans-abri dans la rue.
00:25:56 Je vous remercie pour votre attention.
00:25:59 – Merci pour vos remarques.
00:26:02 Alors effectivement, vous parlez de répression,
00:26:05 souvent c'est pas du tout le souhait des gens qui font ça.
00:26:09 Et c'est simplement les moyens qui éventuellement peuvent manquer,
00:26:13 qui peuvent être considérés comme violents par ceux qui reçoivent le refus,
00:26:17 mais évidemment pas une intention répressive de la part de ceux qui sont obligés de dire non.
00:26:24 Et je vais donc maintenant donner la parole à Marine Morin,
00:26:26 enseignante chercheuse et sociologue,
00:26:29 qui a mené des travaux sur la vulnérabilité de genre des femmes à la rue
00:26:33 et sur les politiques publiques d'hébergement d'urgence.
00:26:36 Vas-y.
00:26:38 – Merci, Madame la Présidente de la délégation
00:26:41 et Mesdames les rapporteurs de cette invitation,
00:26:44 je suis très ravie de pouvoir vous présenter une partie de mes travaux
00:26:48 et je salue aussi, comme ma collègue à côté, le travail qui est d'ores et déjà engagé.
00:26:54 Donc dans le temps qui m'est imparti, je vais aborder le travail de recherche doctorale
00:26:58 que j'ai mené entre 2011 et 2017,
00:27:01 qui fera écho en partie aux interventions précédentes.
00:27:05 Je fais ce choix aujourd'hui pour deux raisons principales.
00:27:08 Tout d'abord parce que ce travail concerne spécifiquement
00:27:11 l'expérience de femmes sans-abri située entre rue et assistance.
00:27:16 Cette expression, elle est à entendre dans un sens extensif,
00:27:19 car la rue ne se limite pas seulement à l'espace de la rue ou de la place publique,
00:27:24 elle englobe une multiplicité d'espaces urbains qui peuvent devenir des prises,
00:27:28 des repères, des ressources temporaires et incertaines
00:27:32 pour ces femmes qui sont exclues du logement.
00:27:35 C'est notamment le cas de services publics comme les hôpitaux, les gares
00:27:38 qui ont déjà été citées, mais aussi les transports en commun et j'y reviendrai.
00:27:41 Quant aux termes d'assistance que j'emploie aussi ici,
00:27:44 il renvoie également à une pluralité de services sociaux,
00:27:46 passant de l'accueil de jour aux différents hébergements sociaux institutionnels,
00:27:50 les centres d'hébergement multiples et variés,
00:27:52 mais aussi aux formes d'habitats et de secours en dehors de l'action publique,
00:27:57 comme l'hébergement chez des particuliers ou chez des tiers qui a également été cité.
00:28:01 La deuxième raison qui me pousse à vous parler de ce travail
00:28:04 concerne la démarche comparative que j'ai déployée.
00:28:07 J'en ai fait mener une enquête en France et au Québec,
00:28:10 plus précisément dans la ville de Saint-Etienne et ses abords en France,
00:28:13 et à Montréal au Québec.
00:28:15 La comparaison a plusieurs intérêts, je pense qu'elle peut vous intéresser à plusieurs égards.
00:28:20 Tout d'abord parce qu'elle permet de dénaturaliser ce qui semble aller de soi,
00:28:24 de déconstruire des représentations, des stéréotypes, parfois bien ancrés,
00:28:28 comme le fait que le sans-abri serait un phénomène masculin, par exemple.
00:28:33 Mais elle permet aussi d'appréhender des points communs
00:28:35 et des différences observées à différentes échelles,
00:28:38 du côté de l'expérience vécue des femmes,
00:28:40 du côté des pratiques professionnelles d'aide et de secours,
00:28:43 mais aussi du côté de l'organisation politique et institutionnelle.
00:28:46 J'y reviendrai également.
00:28:48 Quelques mots pour vous dire que ce travail s'appuie sur une enquête ethnographique
00:28:52 lors de laquelle j'ai mené des observations dans des accueils de jour,
00:28:55 dans des centres d'hébergement des deux côtés de l'Atlantique,
00:28:58 que j'ai mené des entretiens avec des femmes,
00:29:00 mais aussi avec des professionnels du travail social
00:29:02 qui les accueillent et les accompagnent au quotidien.
00:29:05 Et enfin j'ai pu suivre parfois pendant plusieurs mois, voire plusieurs années,
00:29:08 le parcours d'habitat précaire de certaines femmes, notamment à Saint-Etienne.
00:29:14 Le premier point que je souhaitais aborder aujourd'hui
00:29:16 concerne l'expérience commune et partagée de la nuit urbaine
00:29:20 vécue par les femmes que j'ai pu rencontrer à Saint-Etienne, à Montréal
00:29:23 et plus récemment à Lyon dans d'autres enquêtes.
00:29:25 Ce qui est frappant dans leurs discours et dans leurs pratiques
00:29:28 concerne l'importance d'être en veille, de veiller, pour reprendre leur terme,
00:29:32 voire de surveiller l'environnement qui les entoure
00:29:35 lorsqu'elles ne trouvent pas d'hébergement institutionnel ou privé,
00:29:39 que ce soit pour une nuit, pour plusieurs nuits,
00:29:41 pour des semaines, voire plusieurs mois.
00:29:44 Dans une certaine mesure, la catégorie de sans-abri utilisée par l'INSEE
00:29:48 qui insiste sur le fait de dormir dans des espaces non prévus pour l'habitation
00:29:52 est pas opérant en fait pour ces femmes puisqu'elles parlent de veille.
00:29:56 Elles insistent justement sur le fait de ne pas dormir,
00:29:59 de rester en veille, de rester en alerte.
00:30:02 Et cette veille, elle est indexée dans leurs discours
00:30:05 au sentiment d'insécurité dans la ville la nuit
00:30:07 et aux expériences vécues d'agression.
00:30:09 Ce sentiment, il est très proche de celui éprouvé par les femmes logées
00:30:13 mais qui engendre pour celles qui sont exclues du logement
00:30:16 un ensemble de pratiques qui visent à les rendre invisibles.
00:30:19 On s'en a déjà parlé mais je réinsiste.
00:30:21 Dans le sens où on peut même affirmer qu'elles sont des hyper-citadines
00:30:26 dans le sens où elles ont bien compris comment fonctionne la ville.
00:30:29 La ville est conçue comme un espace de passage et de circulation
00:30:33 qui permet une coprésence tout en maintenant l'anonymat.
00:30:36 Et c'est justement pour préserver leur anonymat,
00:30:39 pour ne pas être connue comme une femme
00:30:41 et encore moins comme une femme sans-abri,
00:30:43 qu'elles se déplacent, qu'elles marchent,
00:30:45 qu'elles utilisent des transports en commun
00:30:47 qui sont plus ou moins denses en fonction des villes d'ailleurs.
00:30:50 Lorsque cette circulation n'est pas possible
00:30:52 ou lorsqu'elle est limitée pour plusieurs raisons,
00:30:54 elles vont chercher des lieux où elles peuvent se réfugier
00:30:57 de manière temporaire, seule ou à plusieurs.
00:31:01 La gare et l'hôpital sont très souvent cités dans leurs discours.
00:31:05 Dans ces différents cas, la circulation ou le repli
00:31:08 dans un espace protégé révèle l'hostilité vécue dans la ville par les femmes.
00:31:14 Par exemple, la fermeture des gares pendant la nuit
00:31:17 les oblige à se déplacer en attendant soit la réouverture de la gare,
00:31:21 soit l'ouverture d'un accueil de jour
00:31:23 où elles pourront enfin se reposer et pourquoi pas dormir.
00:31:27 En creux, leurs expériences de la ville
00:31:29 questionnent la qualité hospitalière des villes pour ces femmes
00:31:32 mais aussi pour tout un chacun.
00:31:34 On peut se demander si on peut se reposer dans la ville,
00:31:36 si on peut dormir dans la ville,
00:31:38 si on peut vivre la ville autrement que par la déambulation.
00:31:42 Je souhaite désormais aborder le deuxième point
00:31:44 qui concerne plutôt les pratiques d'intervention sociale auprès des femmes.
00:31:48 Et ici, à la différence des expériences relatées précédemment,
00:31:51 ces pratiques marquent des différences notables entre les pays.
00:31:54 Au Québec, elles s'appuient sur un cadrage féministe
00:31:57 explicite de pensée et d'action, avec des variations,
00:32:01 qui visent néanmoins à protéger et à émanciper les femmes.
00:32:04 En France, ce cadrage féministe est parfois utilisé du côté des structures
00:32:08 qui hébergent des femmes victimes de violences conjugales,
00:32:10 mais il reste vraiment à la marge.
00:32:13 Plus précisément, au Québec, en termes d'action,
00:32:15 ce cadrage se traduit tout d'abord par des structures non mixtes
00:32:18 d'accueil de jour, de refuges,
00:32:20 qui sont l'équivalent de nos centres d'hébergement d'urgence,
00:32:23 ou de maisons d'hébergement,
00:32:25 qui seraient l'équivalent des CHRS en France.
00:32:28 Il s'agit vraiment de la norme dominante à Montréal,
00:32:31 alors qu'en France, les espaces non mixtes restent minoritaires
00:32:34 ou relèvent d'initiatives plutôt discrètes
00:32:37 de création d'espaces femmes pour faciliter l'accès aux femmes
00:32:40 aux incisions mixtes souvent surinvesties par des hommes.
00:32:43 Par ailleurs, au Québec, cette structuration de la non mixité
00:32:46 est aussi opérée du côté des professionnels ou bénévoles de l'intervention.
00:32:50 Ce sont des accueils qui sont pensés pour les femmes
00:32:52 et qui sont faits par des femmes.
00:32:54 Cet entre-soi féminin temporaire qui va de soi au Québec
00:32:58 est justifié par la nécessité de constituer des espaces sécuritaires
00:33:01 et sécurisés pour ces femmes.
00:33:03 Cette non mixité est pensée comme une condition de possibilité du repos,
00:33:07 mais aussi de reprise du pouvoir d'agir en lien avec les violences de genre
00:33:11 subies par les femmes dans leur parcours de vie.
00:33:14 En effet, il est admis du côté de ces refuges et maisons d'hébergement
00:33:20 qui interviennent auprès des femmes en situation d'itinérance,
00:33:23 comme on l'a utilisé là-bas,
00:33:25 que les violences de genre, parfois subies depuis l'enfance,
00:33:27 dans le couple, dans l'espace public et plus généralement dans la société,
00:33:31 constituent un ensemble de facteurs explicatifs et structurels
00:33:36 de l'exclusion des femmes du logement.
00:33:39 Pour répondre à ces situations de violence et à la vulnérabilisation de ces femmes,
00:33:43 l'intervention propose donc des espaces non mixtes,
00:33:46 ainsi que des activités, des thérapies et des accompagnements spécifiques,
00:33:50 des groupes de parole, de la socio-esthétique, de l'art-thérapie, par exemple.
00:33:55 J'en viens à mon dernier point qui découle du précédent
00:33:58 concernant la constitution du sans-abrisme des femmes
00:34:01 comme un problème public et pas seulement comme un fait social.
00:34:05 Là encore, les différences entre la France et le Québec sont intéressantes à relever.
00:34:09 En France, pendant l'enquête, et ça rejoint aussi les travaux de Marie Loison,
00:34:13 les femmes sans-abris ne sont pas intégrées dans la politique publique
00:34:17 de lutte contre le sans-abrisme.
00:34:19 Ça ne veut pas dire qu'elles n'existent pas.
00:34:21 Alors qu'au Québec, en 2014, par exemple,
00:34:23 la politique de lutte contre l'itinérance du gouvernement québécois
00:34:26 s'appuie sur une analyse différenciée selon les sexes.
00:34:29 C'est une approche issue de la 4e conférence mondiale sur les femmes de l'ONU
00:34:33 qui implique d'analyser et de recourir à des modes d'intervention spécifiques
00:34:37 pour les femmes et pour les hommes,
00:34:39 et de lutter contre les discriminations systémiques dont sont victimes les femmes.
00:34:44 L'adoption de cette approche par le gouvernement québécois
00:34:47 a participé à reconnaître publiquement le problème public des femmes
00:34:51 et l'importance des violences envers les femmes
00:34:54 comme étant des facteurs aussi explicatifs de leur situation.
00:34:57 Ce point me parait intéressant car il ne s'appuie pas seulement
00:35:00 sur l'augmentation du nombre de femmes à la rue
00:35:03 qui amènerait à ouvrir des places supplémentaires en hébergement,
00:35:07 mais il y a vraiment une analyse en termes de vulnérabilité et de violence
00:35:11 qui a été menée pour penser et agir sur le sans-abrisme des femmes en général.
00:35:15 Et dans cette perspective, ce ne sont pas les femmes
00:35:18 qui doivent apporter la preuve de leur vulnérabilité
00:35:21 pour bénéficier des services d'accueil et de protection.
00:35:24 De manière simplifiée et rapide,
00:35:26 si on prend les lunettes de la sociologie des problèmes publics,
00:35:29 on peut dire que cette mise en politique publique
00:35:32 du problème des femmes en situation d'itinérance n'est pas sortie de nulle part.
00:35:36 Cela a nécessité tout un processus
00:35:39 avant que l'État se saisit du problème et le mette à l'agenda
00:35:42 dans ses différents plans interministériels.
00:35:45 Mon enquête a permis d'observer un ensemble d'activités
00:35:49 menées par des entrepreneurs de cause,
00:35:52 j'ai nommé entrepreneuses de vulnérabilité,
00:35:55 c'est-à-dire des actrices individuelles et collectives
00:35:58 qui vont participer à rendre public le problème des femmes sans-abris.
00:36:03 Au Québec, il s'agit essentiellement de femmes
00:36:06 issues du mouvement communautaire et féministe
00:36:09 qui mettent en charge au quotidien les femmes en situation d'itinérance.
00:36:13 Autrement dit, il ne s'agit pas d'individus extérieurs,
00:36:16 mais des professionnels et des bénévoles situés au plus près des femmes qu'elles accueillent.
00:36:21 Et c'est d'ailleurs par cette proximité avec les femmes accueillies et hébergées
00:36:25 que ces entrepreneurs de cause ont observé et se sont inquiétés,
00:36:28 d'une part de l'augmentation du nombre de femmes itinérantes
00:36:31 et de la sur-occupation de son hébergement,
00:36:34 qui a été d'ailleurs particulièrement relayé dans les médias
00:36:37 dès les années 2000, début 2010.
00:36:40 Mais au-delà de cette augmentation du nombre de femmes touchées par l'itinérance,
00:36:44 ces intervenantes ont pu identifier, à partir des récits effectués par les femmes
00:36:48 qu'elles accueillent, les raisons de leur situation,
00:36:51 provoquant des malaises importants et une attention focalisée
00:36:55 sur les violences fondées sur le genre.
00:36:58 Donc à côté de la pauvreté vécue, des difficultés d'accès à un logement imbordable,
00:37:02 qui existent bien sûr, ces récits sont aussi marqués par des violences de genre.
00:37:06 À nouveau, ça fait écho au travail de Marie Loison,
00:37:10 et ici, on voit bien que ce sont des violences sexuelles,
00:37:13 de violences physiques ou psychologiques, d'homophobie ou de transphobie,
00:37:17 qui ont pu être vécues pendant l'enfance, dans le couple, dans la rue,
00:37:22 et dans différentes sphères de la société.
00:37:24 Donc ce n'est pas seulement des violences qui existent dans la rue,
00:37:27 mais qui peuvent préexister à leur situation d'itinérance.
00:37:30 À l'appui de ces récits, ces entrepreneurs de cause,
00:37:33 elles ont multiplié les manières de publiciser le problème
00:37:36 dans différentes arènes publiques,
00:37:38 par des mobilisations très classiques comme des manifestations,
00:37:41 avec le réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes à Montréal,
00:37:45 mais aussi par des interventions dans les médias,
00:37:48 par des documentaires, par des films,
00:37:50 par des campagnes de sensibilisation dans le métro et dans les abribus,
00:37:54 mais aussi en accrochant d'autres personnes,
00:37:56 issues d'autres mondes sociaux, qui ont pu devenir des porte-parole.
00:37:59 Je pense à des comédiennes, des chanteuses,
00:38:02 des entrepreneuses du monde industriel, très reconnues au Québec.
00:38:07 Finalement, si je vous raconte ça aujourd'hui,
00:38:11 et je vais conclure là-dessus,
00:38:13 ce qui me semble important à considérer,
00:38:15 c'est qu'il y a tout un travail de concernement
00:38:17 qui a été mené dans la sphère publique,
00:38:19 et qui continue d'être mené d'ailleurs,
00:38:21 notamment par la production de recherches collaboratives
00:38:24 avec des femmes concernées,
00:38:26 pour sensibiliser l'État et pour infléchir les politiques publiques
00:38:30 en termes de définition du problème
00:38:32 et en termes de réponses à apporter
00:38:34 pour lutter contre le sans-abrisme des femmes.
00:38:36 Je vous remercie de votre attention.
00:38:38 – Merci beaucoup pour cette comparaison importante.
00:38:44 Nous venons de Marseille, et je pensais à Montréal
00:38:49 en me disant que les conditions de jour ou de nuit
00:38:53 ne devaient pas tout à fait être les mêmes au niveau climatique,
00:38:57 ce qui double le problème.
00:39:00 Merci beaucoup.
00:39:01 Enfin, notre dernière intervenante de la matinée
00:39:04 est Émilie Moreau, urbaniste et directrice d'études
00:39:07 à l'Atelier parisien d'urbanisme,
00:39:09 une association qui publie régulièrement des études
00:39:11 sur les personnes sans-abri à Paris,
00:39:13 ainsi que des analyses des nuits de la solidarité à Paris
00:39:17 et dans la métropole du Grand Paris.
00:39:19 Donc, je vous laisse la parole Madame.
00:39:22 – Bonjour à toutes, Madame la Présidente, Madame la Sénatrice.
00:39:26 Merci beaucoup pour cette invitation
00:39:28 et pour le travail que vous avez engagé.
00:39:31 Je voulais pour commencer dire un mot rapide
00:39:35 de ce qu'est l'APUR, l'Atelier parisien d'urbanisme.
00:39:38 Donc, nous sommes une agence d'urbanisme
00:39:40 de ce statut associatif, loi 1901.
00:39:43 Nous intervenons à l'échelle du Grand Paris,
00:39:47 avec pour mission principale d'analyser
00:39:50 les dynamiques urbaines, sociales, économiques
00:39:52 à l'échelle de ce territoire
00:39:54 et d'accompagner nos partenaires,
00:39:56 donc une trentaine d'acteurs publics du Grand Paris
00:40:00 dans la définition et la mise en œuvre de leurs politiques publiques,
00:40:02 donc sur différents champs, touchant à l'aménagement,
00:40:05 aux questions de logement, aux questions d'économie,
00:40:07 liées à l'environnement.
00:40:08 Et donc, comme vous l'avez rappelé, nous menons également
00:40:10 des travaux dans le champ du social
00:40:13 et autour des enjeux de la grande exclusion en particulier,
00:40:16 avec des études sur les publics sans-abri.
00:40:20 Nous accompagnons plus spécifiquement depuis 2018
00:40:24 la ville de Paris dans la mise en œuvre
00:40:26 de la Nuit de la Solidarité
00:40:28 et la métropole du Grand Paris
00:40:30 qui déploie cette opération
00:40:32 également à l'échelle du Grand Paris depuis 2021.
00:40:35 Nous sommes chargés en particulier d'en exploiter les résultats,
00:40:40 ce qui donne lieu à la publication d'études chaque année
00:40:43 qui restitue les résultats détaillés de ces deux démarches.
00:40:48 Alors, je voulais dire également que nous avons publié récemment
00:40:52 une étude sur l'offre d'hébergement
00:40:54 et sur les services du quotidien qui s'adressent
00:40:57 aux personnes sans domicile à l'échelle du Grand Paris.
00:41:01 Alors, j'ai structuré mon intervention en deux temps.
00:41:06 D'abord, rappeler quelques éléments relatifs
00:41:09 aux besoins de connaissance de ce public,
00:41:11 des femmes sans abri et en particulier l'enjeu d'accès aux données
00:41:14 sur ce public, même si ça a été déjà évoqué
00:41:17 par les autres intervenantes.
00:41:19 Et puis présenter les enseignements des Nuits de la Solidarité
00:41:23 qui me semblent intéressants de partager avec vous ce matin.
00:41:27 Alors, d'abord, finalement, s'intéresser aux femmes sans abri
00:41:31 et sans domicile, c'est faire face à un certain nombre
00:41:35 de défis méthodologiques en matière d'études
00:41:39 puisque les personnes sans domicile ou sans abri,
00:41:42 de manière générale, sont des publics pour lesquels
00:41:45 il existe peu de données précises, peu de données territorialisées
00:41:49 et également suivies dans le temps.
00:41:52 Alors, on a des études qui existent à l'échelle nationale
00:41:55 mais qui sont faites à un rythme relativement peu soutenu.
00:41:58 Des travaux, des recherches qui, évidemment, existent,
00:42:01 qui sont souvent qualitatives et qui ciblent des sujets,
00:42:04 des enjeux très spécifiques ou sur des territoires particuliers.
00:42:08 Alors, c'est dû en partie au fait que peu de sources de données
00:42:11 sont disponibles. On a cité la dernière enquête de l'INSEE,
00:42:15 ancienne enquête sans domicile qui date de 2012.
00:42:18 La prochaine aura lieu en 2025.
00:42:21 Sur les personnes sans domicile, sur les femmes en particulier,
00:42:24 on peut se référer aux enquêtes ESDS, vous savez,
00:42:28 sur les personnes hébergées dans les structures d'hébergement,
00:42:31 donc des enquêtes qui datent de 2008, 2016, 2020.
00:42:34 Leurs périmètres ont évolué, ce qui rend difficile
00:42:37 l'analyse, finalement, dans le temps, en dynamique.
00:42:41 Ce que l'on peut dire, et puis on n'a pas non plus
00:42:43 d'exploitation possible de ces données à une échelle fine,
00:42:46 à une échelle départementale. Ce qu'elles montrent, néanmoins,
00:42:49 c'est une augmentation de la part des femmes accueillies
00:42:53 dans ces structures sur la période considérée,
00:42:57 avec des périmètres qui ne sont pas strictement les mêmes
00:43:01 entre ces différentes enquêtes. Mais si l'on se centre
00:43:04 sur les femmes en CHRS, on voit qu'elles représentent
00:43:07 35% des publics accueillis en 2008, 36% en 2013,
00:43:12 44% en 2016 et 46% en 2020.
00:43:16 Notre donnée montre que 38% des publics dans le DNA,
00:43:21 donc dispositif national d'accueil, sont des femmes en 2020,
00:43:26 avec des variations importantes selon les dispositifs,
00:43:29 donc 47% en CADA contre 33% en CPH.
00:43:34 Le suivi de ces données, je le disais, est rendu particulièrement complexe
00:43:38 par le changement dans les dispositifs, ce qui rend l'analyse
00:43:42 une analyse difficile dans le temps, avec également
00:43:45 des changements de périmètre, des structures qui sont considérées
00:43:48 dans certaines enquêtes et pas dans d'autres.
00:43:50 Et enfin, dernier point sur cette question de la connaissance
00:43:53 et des données, on a, cela a été dit, des données disponibles
00:43:57 qui contribuent à invisibiliser les femmes sans domicile,
00:44:02 puisqu'elles ne permettent pas toujours cette décomposition
00:44:05 femmes-hommes. Donc, quelques exemples, les données sur les nuits hôtelières,
00:44:09 on a des entrées qui ne nous permettent pas cette décomposition
00:44:13 femmes-hommes, on a des entrées adultes, enfants, familles, par exemple.
00:44:17 S'agissant du nombre de places d'hébergement, on est confronté
00:44:22 à la même difficulté, puisque les données de suivi,
00:44:24 notamment consolidées par les services de l'État chaque année,
00:44:27 ce qu'on appelle les données du socle drill,
00:44:29 rendent compte d'un nombre de places, de manière globale,
00:44:32 sans distinction par public. Et on a un autre fichier,
00:44:37 qui est le fichier Finesse, que vous connaissez peut-être,
00:44:40 Fichier national des établissements sanitaires et sociaux,
00:44:42 qui permet une donnée par public, mais dont l'utilisation est complexe
00:44:47 et ne donne pas accès à, finalement, une photographie de l'offre
00:44:51 à date en matière d'hébergement. Alors, sur ce besoin de connaissance,
00:44:57 je voulais dire également qu'on a un besoin particulier
00:45:02 sur certains profils et sur les questions de parcours de ces personnes.
00:45:06 Donc, certaines situations ou profils spécifiques sur lesquels
00:45:09 on ne dispose que de très peu d'informations,
00:45:13 et notamment pas d'informations récentes,
00:45:15 alors c'est la question des parcours migratoires.
00:45:18 D'après les dernières données ESDS en 2020,
00:45:21 81% des personnes hébergées sont de nationalité étrangère.
00:45:25 Un déficit également, cela a été dit lors des précédentes auditions,
00:45:30 sur les femmes hébergées chez des tiers, dont il est difficile d'estimer
00:45:35 le nombre qu'on imagine important, et puis de connaître de manière précise
00:45:42 leur situation. Et enfin, un besoin, et cela a été également rappelé,
00:45:47 d'approfondir la connaissance de certaines situations,
00:45:50 les femmes victimes de violences, qui sont extrêmement nombreuses
00:45:53 dans ces publics, les femmes en situation de prostitution,
00:45:56 les travailleuses du sexe, les femmes roms, les femmes enceintes
00:46:00 ou venant d'accoucher sans solution d'hébergement.
00:46:03 Alors, à ce besoin de connaissance assez important, assez global,
00:46:08 finalement, le décompte de la nuit de la solidarité contribue
00:46:11 à apporter une réponse modeste sur un champ très spécifique,
00:46:14 je le préciserai dans un instant, et bien sûr, à un niveau local.
00:46:19 Alors, je voulais rappeler ce qu'est cette opération,
00:46:23 et présenter cette démarche.
00:46:27 Donc, la première nuit de la solidarité a été organisée en 2018
00:46:30 par la ville de Paris, et a lieu tous les ans à la même période depuis.
00:46:35 Cette méthode a été définie et encadrée par un comité scientifique
00:46:40 qui se réunit régulièrement pour apporter des justements,
00:46:43 notamment sur le questionnaire, et puis pour approfondir l'analyse des résultats.
00:46:47 Et on a cette méthode qui a été, cette même méthode, déployée depuis 2022
00:46:52 à l'échelle de la métropole du Grand Paris, avec de plus en plus
00:46:56 de communes participantes. En 2022, c'était 9 communes,
00:46:59 2023, 27 communes, et cette année, 2024, 32 communes
00:47:04 qui ont participé à l'opération. On assiste également,
00:47:07 vous l'avez vu, à un essai national de la démarche,
00:47:10 la nuit de la solidarité nationale, organisée depuis 2022,
00:47:15 qui est une opération qui est coordonnée par la DIAL.
00:47:20 Ce que l'on peut dire, c'est que la démarche, la méthode,
00:47:22 entre ces différentes nuits de la solidarité est proche,
00:47:26 même si on peut constater quelques nuances méthodologiques
00:47:29 selon les territoires, donc sur l'horaire, sur le questionnaire,
00:47:33 sur les territoires couverts, l'ensemble de la commune
00:47:36 ou le centre-ville uniquement.
00:47:38 Ce que permettent ces opérations, c'est qu'elles apportent
00:47:42 finalement une photographie, à un instant donné,
00:47:45 du nombre de personnes sans-abri sur un territoire délimité.
00:47:48 Vous le savez peut-être, ce sont des équipes de bénévoles,
00:47:51 de 3 à 5 volontaires, citoyens, élus, professionnels, associations,
00:47:55 qui sillonnent l'ensemble d'un territoire communal,
00:47:58 ou parfois plus réduit, sur une durée de 3 heures environ,
00:48:01 pour aller à la rencontre de personnes sans-abri,
00:48:03 les décompter et leur proposer, si elles en sont d'accord,
00:48:07 de répondre à un questionnaire.
00:48:09 Tous les espaces publics sont couverts,
00:48:12 de même que certains espaces privatifs,
00:48:15 dans le cadre de partenariats qui sont établis
00:48:18 avec les gestionnaires de ces espaces,
00:48:20 donc des espaces dont on sait qu'ils concentrent
00:48:23 un nombre important de personnes sans-abri,
00:48:26 ce sont par exemple les stations de métro, les gares,
00:48:29 les salles d'attente des hôpitaux, certains parkings,
00:48:32 parcs et jardins, ou pour Paris, talus du périphérique.
00:48:36 Au-delà de cette opération, de cette dimension
00:48:39 de décompte et de connaissance, l'opération vise également
00:48:42 à sensibiliser le grand public aux enjeux de la grande exclusion,
00:48:45 permet de rassembler à la fois les acteurs locaux,
00:48:48 les associations et les habitants, des citoyens,
00:48:51 qui souhaitent s'engager autour de ces enjeux,
00:48:53 et elle peut donner lieu à un centre d'action de solidarité
00:48:56 le soir même, ou autour de l'opération.
00:48:58 Alors, je voulais bien sûr présenter quelques résultats
00:49:01 issus de ces opérations, en particulier sur les failles
00:49:05 sans-abri qui ont été rencontrées, en reprécisant le périmètre
00:49:10 qui est très spécifique, et qu'il serait d'ailleurs intéressant
00:49:14 de pouvoir compléter pour disposer d'une vision plus complète
00:49:17 du sans-abrisme et au-delà du sans-domicilisme.
00:49:21 Alors, dans ces décomptes, seules les personnes sans-abri
00:49:25 sont comptées, ce qui correspond aux personnes
00:49:29 sans solution d'hébergement une nuit donnée,
00:49:32 et ne sont décomptées également, vous l'avez compris,
00:49:35 que les personnes rencontrées dans l'espace public
00:49:37 et dans certains espaces spécifiques qui ont pu être couverts.
00:49:41 Donc, ces résultats sont toujours à considérer
00:49:45 comme des décomptes à minima, puisque certaines personnes
00:49:49 ne sont pas visibles pendant l'opération,
00:49:51 ils ne sont donc pas décomptés, et puis, je le disais,
00:49:55 les espaces privatifs ne sont pas couverts de manière exhaustive,
00:49:58 donc ne peuvent pas rendre compte de l'ensemble
00:50:00 de la population du sans-abrisme.
00:50:02 Ils apportent une estimation basse du nombre de personnes concernées
00:50:07 qu'il est intéressant d'avoir, en particulier sur ces personnes
00:50:10 dont on ne dispose d'aucune information par ailleurs,
00:50:13 puisqu'elles sont, par définition, sans aucune solution
00:50:16 sans solution d'hébergement.
00:50:18 C'est un chiffre qui peut également, du fait de l'organisation régulière
00:50:22 de ces opérations, peut être suivi dans le temps,
00:50:25 avec la même méthode qui est conservée chaque année,
00:50:28 et donc qui rend possible une analyse en tendance
00:50:34 de la présence des personnes sans-abris sur un territoire.
00:50:38 En complément de ces situations, vous l'avez compris,
00:50:42 les personnes sans domicile ne sont pas comptées
00:50:48 dans ce périmètre de l'opération de la université,
00:50:50 et donc renvoient à l'ensemble des personnes hébergées
00:50:54 en structure ou chez des tiers, ou en squat,
00:50:57 ce qui implique de réaliser des travaux complémentaires.
00:51:01 Alors, quelques résultats issus des dernières opérations.
00:51:04 Dans la nuit du 25 au 26 janvier 2024, a eu lieu une 7e édition
00:51:09 de la nuit de la solidarité à Paris, une 3e édition à l'échelle
00:51:13 de la métropole du Grand Paris. Ce sont près de 4000 volontaires,
00:51:17 citoyens, professionnels, qui ont sillonné environ
00:51:20 730 secteurs de décompte de manière simultanée.
00:51:24 Ce qui représente à peu près 50% du territoire,
00:51:28 des habitants du Grand Paris de manière globale.
00:51:32 Alors, le premier dépouillement de cette 7e opération
00:51:37 établit un total de 3492 personnes rencontrées à Paris,
00:51:42 ce qui marque une hausse de 16% par rapport à l'édition précédente
00:51:46 de janvier 2023, et on a également décompté
00:51:51 785 personnes sans-abri dans les 32 communes du Grand Paris
00:51:56 qui participaient à l'opération. Donc, ce sont des premiers résultats
00:52:00 qui seront consolidés d'ici l'été 2024.
00:52:04 Alors, ce que l'on a pu voir, c'est que finalement,
00:52:09 cette dernière édition marque une hausse du nombre de personnes
00:52:12 sans-abri, là, entre 2023 et 2024. Après, une baisse que l'on avait
00:52:17 observée du nombre de personnes décomptées au cours de la crise sanitaire,
00:52:21 notamment en 2021 et 2022, du fait d'une hausse à ce moment-là
00:52:27 du nombre de places d'hébergement qui avait été assez importante.
00:52:33 Alors, sur ce total, à Paris, on a pu décompter 316 femmes en 2023,
00:52:41 puisque les derniers chiffres, vous l'avez compris, ne sont pas encore exploitées,
00:52:44 1969 hommes et 730 personnes dont le sexe n'a pas pu être renseigné
00:52:50 puisqu'elle n'était pas visible. Dans les 32 communes hors Paris,
00:52:55 on a pu rencontrer 34 femmes, 326 hommes et 259 personnes
00:53:01 dont le sexe n'a pas pu être renseigné. Donc, ce qui correspond à 12%,
00:53:07 finalement, en tout cas pour le territoire parisien, de femmes
00:53:10 qui ont été rencontrées lors de cette dernière opération.
00:53:12 Une proportion qui est relativement stable, c'est important de le noter,
00:53:16 et qui est proche également dans les résultats des décomptes
00:53:20 qui sont faits dans les autres villes en France.
00:53:22 On est dans ces proportions entre 10 et 14% de femmes
00:53:27 qui sont rencontrées dans le cadre de ces opérations de décompte.
00:53:30 Alors, au niveau des résultats, il me semble important de retenir
00:53:38 ces quatre enseignements principaux.
00:53:40 Le premier, c'est qu'on a des résultats qui confirment
00:53:43 les stratégies d'invisibilisation et de recherche de protection
00:53:46 qui ont été largement évoquées par les autres intervenantes.
00:53:50 Donc, on a des femmes qui sont moins souvent rencontrées seules
00:53:54 que les hommes. Donc, 54% sont rencontrées seules
00:53:57 contre 77% des hommes, et plus souvent rencontrées en couple
00:54:01 ou en famille ou alors en groupe. Ce que l'on constate en dynamique,
00:54:06 c'est que depuis six ans, la part des femmes rencontrées seules
00:54:08 a diminué. Elles sont plus souvent rencontrées en campement
00:54:12 en particulier ou en famille et en couple.
00:54:15 La part des femmes indiquant avoir des enfants, 6% en 2023,
00:54:20 est en hausse comparée aux dernières éditions,
00:54:23 ce qui peut témoigner aussi du fait que ces femmes avec enfants
00:54:26 sont moins hébergées là depuis ces derniers mois
00:54:32 et ces dernières années.
00:54:34 On constate aussi que les femmes rencontrées dans le cadre
00:54:37 de ces opérations sont moins souvent rencontrées dans la rue
00:54:40 en proportion que les hommes et plus souvent dans des espaces
00:54:43 spécifiques, dans des espaces de retrait.
00:54:46 Donc, 29% d'entre elles ont indiqué dormir dans la rue
00:54:51 contre 49% des hommes. Elles dorment plus souvent en campement,
00:54:55 21% d'entre elles contre seulement 4% des hommes,
00:54:59 et plus souvent également dans les salles d'attente des hôpitaux,
00:55:02 par exemple. 9% d'entre elles dorment dans ces salles d'attente
00:55:05 des hôpitaux contre 1% des hommes seulement.
00:55:08 Ce que l'on voit aussi dans ces résultats, c'est qu'elles soulignent
00:55:11 un meilleur accompagnement et recours à certains dispositifs
00:55:16 pour les femmes que pour les hommes, bien que les niveaux soient
00:55:19 quand même globalement extrêmement faibles.
00:55:21 Quelques données pour l'illustrer. La moitié des femmes indiquent
00:55:25 avoir une domiciliation administrative, 54%,
00:55:28 contre moins de la moitié des hommes, 47%.
00:55:31 Les femmes rencontrées, toujours dans le cadre
00:55:34 de la Nuit de la Solidarité, les femmes sont plus souvent
00:55:37 accompagnées par un travailleur social que les hommes,
00:55:40 42% contre 34% des hommes. En 2023, les trois quarts des hommes
00:55:45 indiquent ne pas ou plus appeler le 115, contre seulement
00:55:50 deux tiers des femmes. Un tiers d'entre elles n'appellent jamais
00:55:53 et un autre tiers indique avoir abandonné ses appels au 115.
00:55:57 Un chiffre important, c'est que plus d'une femme sur dix, 11%,
00:56:01 rencontrée dans le cadre de la Nuit de la Solidarité,
00:56:04 indique appeler le 115 tous les jours, et donc sans obtenir de solution.
00:56:10 Un autre résultat important, c'est que malgré ce recours
00:56:15 à certains dispositifs d'accompagnement qui semblent plus importants
00:56:19 que les hommes, bien que faibles, on voit, les dernières données
00:56:22 de la Nuit de la Solidarité montrent un accès moindre des femmes
00:56:25 à un certain nombre de services du quotidien.
00:56:28 On avait une question du questionnaire qui était,
00:56:31 quand vous en avez besoin, avez-vous accès aux équipements ou services
00:56:34 vous permettant de prendre une douche, de laver vos vêtements,
00:56:37 de stocker vos affaires, de trouver de l'aide pour vos démarches, etc.
00:56:40 Comparé aux hommes, dans leur réponse, elles font part d'une moindre
00:56:45 accessibilité, de manière générale, à ces services, du fait peut-être
00:56:48 de services, on le disait tout à l'heure, non mixtes, avec un maillage,
00:56:53 j'y reviendrai tout à l'heure, moins dense du territoire,
00:56:55 et par ailleurs, sur la dernière année, ce qui est important de noter,
00:56:58 les femmes indiquent moins souvent avoir accès à ces services
00:57:02 proposés par le questionnaire qu'en 2023, donc avec, semble-t-il,
00:57:06 une dégradation dans l'accès à ces services.
00:57:10 Et enfin, les résultats, et ça c'est un résultat plus général
00:57:14 sur l'ensemble des publics rencontrés, montrent que la situation globale
00:57:18 se dégrade sur la période récente, avec un temps à la rue qui augmente
00:57:24 pour les personnes qui ont été rencontrées, c'est-à-dire une part de personnes
00:57:27 qui indiquent être à la rue depuis plus d'un an qui augmente,
00:57:31 et c'est particulièrement le cas pour les femmes qui ont été rencontrées,
00:57:35 un recul des appels aux 115 de manière très nette, donc des abandons
00:57:39 qui augmentent du fait de non-réponses, en particulier, et je le disais
00:57:44 à l'instant, un accès aux services du quotidien qui recule,
00:57:48 c'est-à-dire elles indiquent, en particulier les femmes,
00:57:50 mais aussi l'ensemble des publics, avoir moins souvent pouvoir
00:57:53 quand elles en ont besoin, prendre une douche, laver leurs vêtements,
00:57:57 stocker leurs affaires, etc. Un chiffre pour l'illustrer
00:58:01 sur cette dégradation, en 2023, 61% des femmes rencontrées
00:58:08 ont indiqué être sans logement depuis plus d'un an, leur part n'a cessé
00:58:12 d'augmenter depuis les 6 éditions, elle n'était que 45% en 2018.
00:58:16 On voit là nettement une dégradation de leur situation.
00:58:21 Alors, pourquoi finalement c'est utile d'avoir ces données ?
00:58:26 Quelques illustrations, d'abord le premier résultat en 2018,
00:58:31 cela a été évoqué je crois précédemment, donc avec cette proportion de femmes
00:58:35 de 12%, très supérieure au dernier chiffre qui était connu,
00:58:39 celui de l'enquête sans domicile de l'INSEE, qui indiquait seulement
00:58:42 une fois une proportion de 2% de femmes sans abri seulement.
00:58:46 Donc c'est sans doute minoré, on l'a dit, on a des contraintes
00:58:51 pour pouvoir identifier ces femmes sans abri, pour les compter,
00:58:55 pour les rencontrer, mais c'est une proportion très largement supérieure
00:59:01 à ce qu'on pouvait avoir jusqu'à présent.
00:59:05 Ces données se sont traduites par la mise en œuvre de réponses
00:59:13 en termes de politique publique, avec en particulier l'ouverture
00:59:17 de dispositifs dédiés, c'est le cas des haltes de nuit qui se développent
00:59:22 depuis 2018 à Paris, avec des haltes qui sont de plus en plus
00:59:27 à destination des femmes, donc 10 haltes de nuit au total,
00:59:31 9 à Paris, 1 à Saint-Denis, 5 sont dédiées aux femmes et 2 sont mixtes.
00:59:39 Donc ce sont des dispositifs intéressants car ils s'adressent
00:59:43 au public les plus éloignés, aux dispositifs notamment d'hébergement,
00:59:47 avec des principes de souplesse, et puis permettent cet accueil
00:59:51 non mixte avec des dispositifs qui s'adressent particulièrement aux femmes.
00:59:59 L'étude sur l'offre d'hébergement que j'évoquais tout à l'heure,
01:00:04 que nous avons menée récemment, a permis d'identifier d'autres
01:00:07 dispositifs dédiés, c'est le cas des accueils de jour,
01:00:11 qui sont aussi des dispositifs pour lesquels l'accès peut être conditionné
01:00:16 aux femmes, on en compte environ une trentaine à l'échelle du Grand Paris,
01:00:21 ce qui représente 15% de l'offre d'accueil de jour au total.
01:00:26 Donc on peut dire que c'est relativement peu au regard de la proportion
01:00:30 des femmes sans abri rencontré, et au-delà des femmes sans domicile,
01:00:35 dont on a vu que leur proportion était largement supérieure.
01:00:39 Donc seulement 15% de l'offre, et surtout un maillage moins dense,
01:00:44 qui peut induire des trajets parfois longs, cela a été dit tout à l'heure,
01:00:49 donc un accès contraint pour les femmes, puisque justement la couverture
01:00:54 du territoire n'est pas totale.
01:00:57 Un autre point renvoie au fait qu'on a, au travers de ces dispositifs,
01:01:02 des entrées ou des accompagnements très spécifiques,
01:01:07 qui s'adressent par exemple à certains publics, les femmes victimes
01:01:11 de violences, de réseaux de prostitution, les femmes atteintes du VIH,
01:01:15 qui ne permettent pas de répondre à l'ensemble des besoins,
01:01:19 et qui obligent finalement de renvoyer vers certains de ces dispositifs
01:01:24 et des parcours qui peuvent être complexes.
01:01:28 Je ne vais pas détailler l'ensemble des dispositifs,
01:01:30 mais je voulais rajouter un point pour dire que certains de ces dispositifs
01:01:34 ou services évidemment sont mixtes, avec du coup des enjeux en termes
01:01:38 d'accès et de fréquentation par les femmes, en particulier pour ce qui
01:01:42 concerne l'hygiène, mais aussi l'alimentaire ou encore la santé.
01:01:48 Un point sur l'aide alimentaire, pour dire qu'on compte seulement
01:01:51 une vingtaine de lieux dédiés aux femmes dans le Grand Paris,
01:01:56 principalement dans des accueils de jour eux-mêmes dédiés aux femmes,
01:02:00 ce qui peut être problématique par rapport aux repas servis,
01:02:06 puisque ce n'est pas l'objectif premier des accueils de jour que de proposer
01:02:10 des repas chauds et complets, donc on est plutôt sur des collations,
01:02:14 généralement. Et par ailleurs, ce que l'on a pu noter,
01:02:17 ce qui remonte à beaucoup des acteurs de terrain,
01:02:19 c'est que la restauration assise est moins voulue par les femmes,
01:02:26 avec plutôt des paniers repas qui sont privilégiés par elles,
01:02:30 puisque un centre d'acteurs ont constaté la présence de femmes
01:02:33 sur les points de distribution alimentaire lorsqu'ils ont commencé
01:02:36 à proposer des colis à emporter et non plus des repas assis.
01:02:41 On comprend bien pour quels en sont, quelles en peuvent en être les raisons.
01:02:48 Je voulais terminer en évoquant un besoin particulier pour les femmes
01:02:54 enceintes à la rue, dans un contexte d'augmentation de la mortalité infantile
01:03:00 en Ile-de-France, ce qui est quand même un résultat alarmant
01:03:07 et qui concerne en particulier des publics en situation de grande exclusion.
01:03:12 Donc pour ces femmes, un certain nombre de dispositifs existent,
01:03:16 en particulier des équipes mobiles de PMI. Il en existe une à Paris,
01:03:22 une en Seine-Saint-Denis. Donc des dispositifs particulièrement intéressants
01:03:26 pour aller vers ces publics, leur permettre un accès aux soins
01:03:31 et à la prévention, mais dont on mesure aussi la limite du fait
01:03:37 d'un faible nombre d'équipes de ce type.
01:03:44 Un point pour dire que ça a été beaucoup médiatisé, l'augmentation des familles
01:03:49 à la rue, notamment l'année dernière, à la suite, donc au sortir de la crise sanitaire,
01:03:56 mais qui ne doivent pas masquer le fait que les femmes isolées
01:04:01 augmentent également en nombre et sont parfois invisibilisées.
01:04:06 Peut-être quelques chiffres sur les demandes non pourvues aux appels,
01:04:12 en lien avec les appels aux 115, pour dire qu'en février 2024,
01:04:18 les demandes non pourvues pour des femmes seules s'élevaient à 156 pour Paris,
01:04:26 donc une augmentation de 37% par rapport au nombre de demandes non pourvues
01:04:32 en février 2023.
01:04:37 Pour conclure, je voulais simplement insister sur deux points en particulier,
01:04:46 qui renvoient à ce besoin de connaissance qui reste très important relativement
01:04:52 à ces publics, besoin d'accès à des données, de les systématiser,
01:04:57 avec évidemment une entrée justement qui permette d'analyser les particularités,
01:05:06 les besoins spécifiques des femmes, avec un besoin également de territorialiser
01:05:10 ces analyses, puisque ce que l'on constate, c'est qu'on a des enjeux extrêmement différents
01:05:15 selon les territoires, avec en particulier une concentration très forte des publics
01:05:19 à Paris et dans le Grand Paris.
01:05:23 Et je voulais insister également sur le fait qu'on assiste à une dégradation globale
01:05:28 des situations, comme l'ont montré les dernières données de la nuit
01:05:32 de la solidarité en particulier, avec évidemment un besoin très important
01:05:38 de s'intéresser à la situation des femmes sans-abri, qui sont extrêmement vulnérables,
01:05:43 on l'a dit, mais qui ne doivent pas faire oublier l'aggravation globale des situations,
01:05:49 y compris des hommes sans-abri, avec certaines situations pour lesquelles
01:05:54 on ne dispose aujourd'hui d'aucune réponse ou d'aucune perspective de solution,
01:05:59 en particulier aux jeunes adultes, aux jeunes en recours, qui expliquent
01:06:04 de manière très significative l'augmentation du nombre de personnes rencontrées
01:06:09 lors de la dernière nuit de la solidarité à Paris, et en particulier dans certains arrondissements.
01:06:15 Je vous remercie.
01:06:18 – Merci, c'était très intéressant.
01:06:22 Il me reste maintenant à me tourner vers mes collègues rapporteurs,
01:06:28 qui, je suis sûre, ont des questions à vous poser.
01:06:32 Pas plus que ça, nous, Agnès Evrenne.
01:06:36 Oui, Agnès Evrenne se lance.
01:06:38 – Merci beaucoup. D'abord, merci en effet pour tous les éléments que vous nous avez donnés
01:06:44 qui sont extrêmement éclairants, et ce que l'on aura d'ailleurs sur papier,
01:06:49 les chiffres, les données, extrêmement précises,
01:06:52 si vous pouviez nous les transmettre, ce serait très précieux pour nous.
01:06:56 Ça, c'est la première chose.
01:06:58 Alors, j'avais plusieurs questions à vous poser.
01:07:00 La première à Marie Loison.
01:07:04 Vous avez pointé l'inadaptation des dispositifs qui sont mis en place,
01:07:08 qui sont pensés, vous le dites, sur le modèle masculin,
01:07:11 et qui nie les besoins d'accompagnement spécifiques des femmes.
01:07:15 Qu'est-ce que vous proposez concrètement ?
01:07:18 Est-ce que l'observation sociologique permet de repérer des points communs
01:07:22 dans les trajectoires de ces femmes sans-abri ?
01:07:26 J'avais une question pour Muriel Frambois-Meurice.
01:07:30 Vous avez souligné la violence concrète des mesures qui sont prises,
01:07:37 et vous expliquez qu'elles sont prises pour limiter l'appropriation des espaces
01:07:41 par des groupes jugés indésirables.
01:07:45 Je voulais que vous nous en disiez plus là-dessus.
01:07:48 J'ai noté toutes les questions au fur et à mesure.
01:07:51 Je vais la poser pour Marine Morin.
01:07:55 Oui, c'est vrai qu'elles ne dorment pas, elles sont sur le qui-vive,
01:08:00 elles sont en veille permanente.
01:08:02 C'est d'une violence inouïe pour elles,
01:08:04 et on imagine les conséquences psychiques sur le mental de ne pas dormir.
01:08:08 Déjà nous, quand on ne dort pas de nuit,
01:08:11 je voudrais savoir si vous avez des données précises là-dessus,
01:08:14 parce que sur le plan mental, c'est absolument inouï.
01:08:18 Je ne sais pas comment est-ce qu'on peut vivre sans dormir,
01:08:21 sur le qui-vive permanent,
01:08:24 sachant qu'en plus elles sont évidemment une proie pour les hommes,
01:08:27 et c'est de ça dont elles ont peur, je pense,
01:08:30 puisqu'on me dit qu'une femme à la rue est violée dans les 24 heures.
01:08:34 Après on a une semaine, un an, c'est variable.
01:08:38 En tout cas, toujours violée.
01:08:40 Voilà, 100% sont violées.
01:08:42 100% un an.
01:08:44 Et puis, pour Emilie Moreau, sur les chiffres alors,
01:08:47 vous avez donné tellement de chiffres que du coup je m'y perds un peu.
01:08:50 Concrètement, s'il y a un chiffre qui résumait la recrudescence
01:08:53 du nombre de femmes à la rue.
01:08:55 On était à 2% en 2012,
01:08:57 et vous dites qu'en 2024, nous sommes à 14%.
01:09:00 D'après la Nuit de la Solidarité.
01:09:03 C'est 12%.
01:09:06 12% en 2024.
01:09:08 Si j'ai bien compris, il y a une augmentation globale des sans-abris,
01:09:12 mais on garde toujours les 12% de femmes au sein de ces...
01:09:15 Oui, est-ce que vous pouvez nous préciser ça ?
01:09:17 Vous voulez que je commence peut-être ?
01:09:19 Oui, les chiffres sont importants.
01:09:21 Alors, pour dire, et c'est complexe encore une fois,
01:09:24 puisque je l'ai rappelé, on manque de données,
01:09:26 donc les analyses dans le temps sont difficiles,
01:09:28 ce n'est pas exactement les mêmes périmètres,
01:09:30 donc il faut rester prudent par rapport à l'analyse de ces informations.
01:09:33 Alors c'est vrai que jusqu'à présent,
01:09:35 puisqu'on était sur l'enquête sans domicile,
01:09:37 on avait une sous-estimation des femmes sans-abris.
01:09:39 Donc cette enquête indiquait 2% de femmes sans-abris.
01:09:43 D'autres travaux plus anciens étaient sur des proportions plus importantes,
01:09:46 mais voilà, c'est à prendre avec précaution.
01:09:49 En revanche, depuis les décomptes de la nuit de l'austérité,
01:09:52 on peut avoir un suivi dans le temps.
01:09:54 Ce que l'on constate depuis 2018, à Paris en particulier,
01:09:57 c'est effectivement une proportion relativement stable, 12%,
01:10:02 mais là, sur les dernières années,
01:10:04 une augmentation du nombre de personnes rencontrées globale,
01:10:07 ce qui se traduit par une augmentation du nombre de femmes.
01:10:11 En particulier avec une dégradation de leur situation,
01:10:14 puisqu'il y a un certain nombre d'autres indicateurs
01:10:16 qui montrent qu'on a plus de femmes en rue depuis plus longtemps,
01:10:19 plus de femmes qui étaient hébergées auparavant,
01:10:22 ce qui montre des ruptures dans les parcours,
01:10:25 avec des retours à la rue.
01:10:27 Donc on voit bien une dégradation des situations
01:10:30 au regard de ces autres données,
01:10:33 qui peuvent être exploitées à partir des réponses aux questionnaires en particulier.
01:10:38 [SILENCE]
01:10:45 [INAUDIBLE]
01:10:47 [SILENCE]
01:10:48 Oui, je vais peut-être vous raconter très brièvement
01:10:52 le travail que je suis en train de mener avec Rosanne Brault actuellement.
01:10:55 Donc nous, dès 2018, on a évalué les dispositifs des haltes
01:10:59 qui ont été créés suite à la nuit de la solidarité.
01:11:02 Et donc, depuis 2018, on essaye de cartographier, en fait,
01:11:07 de regarder ce qui se passe très concrètement,
01:11:09 donc pas seulement de compter,
01:11:10 mais d'aller voir ce qui se passe dans ces lieux d'accueil.
01:11:13 Et c'est ce qu'on est en train de faire aujourd'hui.
01:11:16 J'étais, par exemple, il y a deux jours,
01:11:19 dans un accueil qui s'appelle "Louise et Rosalie",
01:11:22 qui est pas très loin, dans le 6e arrondissement.
01:11:24 J'ai été voir ce qui se passait dans les différentes haltes,
01:11:27 ce qu'on appelle toujours des haltes,
01:11:29 dans ces lieux d'accueil de jour qui accueillent ces femmes,
01:11:33 en non-mixité parfois, parfois en mixité.
01:11:36 Pourquoi je dis que ces dispositifs, ils sont pas adaptés ?
01:11:40 Parce qu'en fait, il faut bien voir vraiment l'indignité
01:11:44 de ces conditions d'accueil.
01:11:46 Alors certes, parfois, c'est très joli, c'est très propre.
01:11:50 Il y a des ateliers beauté, maquillage, esthétique, massage, etc.
01:11:54 Et c'est mieux que rien.
01:11:57 Néanmoins, on peut quand même s'interroger sur
01:12:01 qu'est-ce qu'on propose à ces femmes,
01:12:04 sachant, comme vous le disiez, que moi aussi,
01:12:07 je ne sais pas comment on fait pour ne pas dormir.
01:12:10 Ça m'est déjà arrivé avec mon fils qui ne dormait pas.
01:12:13 On devient folle, en fait.
01:12:15 Quand on propose des fauteuils pour dormir à des femmes
01:12:18 qui restent parfois pendant un an dans ces haltes,
01:12:21 plus d'un an même, et qu'elles n'ont pas accès à des lits,
01:12:25 parce que, par exemple, à la Cité des Dames,
01:12:29 où on travaille plus spécifiquement avec Rosane Brault,
01:12:32 il y a 25 fauteuils et 25 lits, 50 femmes tous les jours.
01:12:36 Donc il y a 25 femmes qui dorment sur des fauteuils,
01:12:39 dans un espace d'accueil de jour, en réalité.
01:12:42 Quand on propose à ces femmes des collations,
01:12:45 ça a été évoqué, et pas des repas.
01:12:47 Quand elles n'ont pas d'endroit pour mettre leurs affaires,
01:12:50 souvent elles se promènent quand même avec leur vie,
01:12:53 dans leur valise, parfois avec rien aussi.
01:12:57 Tous les cas de figure sont possibles.
01:13:00 Il faut quand même voir un peu dans quelles conditions
01:13:03 on accueille ces femmes.
01:13:05 Ce n'est pas du tout une critique envers les personnes bénévoles
01:13:08 ou salariées d'ailleurs qui accueillent ces femmes.
01:13:11 Ils font comme ils peuvent, en fait.
01:13:13 Il faut bien voir aussi que s'il n'y a pas de lit,
01:13:16 c'est parce que les lignes budgétaires ne sont pas les mêmes.
01:13:19 À la Cité des Dames, vous avez une ligne budgétaire Mairie-Paris,
01:13:22 une ligne budgétaire Dril.
01:13:24 Donc on finance d'un côté le jour, de l'autre côté la nuit.
01:13:28 Moi, ça m'interroge toujours pour savoir ce qui se passe entre les deux.
01:13:33 C'est-à-dire quand on passe du jour à la nuit et de la nuit au jour.
01:13:36 Mais ce qui se passe, c'est qu'on est dans des situations très difficiles,
01:13:40 aussi bien pour les salariés que pour les femmes.
01:13:43 Ça entraîne des formes de violences importantes,
01:13:46 aussi bien des violences institutionnelles pour les salariés,
01:13:50 mais aussi des violences physiques, des violences symboliques pour ces femmes
01:13:54 à qui on va dire « non, cette nuit, tu ne dors pas sur un lit »
01:13:57 parce qu'il faut tourner, parce qu'il y a quelqu'un qui est plus vulnérable.
01:14:02 Et donc on ne fait que créer des critères de priorisation
01:14:05 et de vulnérabilisation de plus en plus importants.
01:14:08 Et ça, on le voit aussi au SIAO, dans des instances plus importantes,
01:14:13 à un autre niveau, à une autre échelle.
01:14:17 Donc voilà pourquoi je parle d'inadaptation.
01:14:21 Et je vais même plus loin, en fait.
01:14:23 Ce n'est pas inadapter, c'est indigner.
01:14:25 C'est pour ça que je pense qu'on ne peut plus continuer à financer ces dispositifs d'urgence.
01:14:31 On voit clairement apparaître, moi ça fait 20 ans que je travaille sur ces questions,
01:14:35 un retour en arrière, vraiment.
01:14:37 On a eu en 2006 des lois qui ont permis une réhumanisation des structures.
01:14:44 On disait « on ne remet plus à la rue les personnes ».
01:14:47 Aujourd'hui, on assiste à un retour de l'urgence qui a toujours été là, en réalité,
01:14:51 qui a toujours été financé.
01:14:52 Les budgets de l'urgence n'ont cessé d'augmenter.
01:14:54 Mais en réalité, dans la philosophie d'accueil, on revient à des haltes.
01:15:00 Moi, j'ai quand même entendu des responsables me dire qu'on avait inventé
01:15:04 de nouveaux produits dans Paris, ces fameuses haltes.
01:15:07 Il faut savoir quand même que la première halte, c'est Marseille en 1863.
01:15:11 Ce n'est pas du tout nouveau.
01:15:12 Ça revient et c'est très inquiétant.
01:15:15 Parce qu'on peut se demander ce que ça va produire dans l'avenir,
01:15:20 quand vous savez que sur la place de l'hôtel de ville de Paris,
01:15:22 vous avez des femmes avec de jeunes enfants qui dorment tous les soirs.
01:15:26 Tous les soirs.
01:15:27 Que vont devenir ces enfants plus tard ?
01:15:30 Moi, ça me pose de vrais problèmes.
01:15:32 Et par ailleurs, je trouve ça de plus en plus inquiétant.
01:15:36 Et encore une fois, ça fait longtemps que je travaille sur cette question.
01:15:38 Je voudrais juste parler un tout petit peu des mesures statistiques.
01:15:41 Excusez-moi, ce n'est pas une question que vous m'avez posée,
01:15:42 mais je voudrais quand même y revenir parce que je travaille aussi sur ces questions
01:15:45 et sur la question des catégorisations qui sont utilisées.
01:15:48 C'est une grosse partie du mémoire d'habilitation que j'ai soutenu il n'y a pas longtemps.
01:15:53 Sur les problèmes méthodologiques des enquêtes qui sont actuellement réalisées
01:15:56 et les problèmes des catégories, je l'ai un tout petit peu évoqué.
01:15:59 On ne peut pas mesurer correctement, et les données aujourd'hui n'ont pas de valeur scientifique,
01:16:04 dans la mesure où les catégories ne sont pas adaptées.
01:16:08 On ne peut pas mesurer ce que l'on ne définit pas correctement.
01:16:13 Donc, il me semble, pour rejoindre ce que disait ma collègue,
01:16:16 que certes, nous avons besoin de chiffres, ces chiffres ne sont pas disponibles.
01:16:22 On est très content que l'enquête SD 2025 arrive enfin,
01:16:26 parce qu'on a besoin de données en population générale.
01:16:29 Même si on sait que ces données ne sont pas parfaites,
01:16:31 de toute façon, aucune enquête n'est parfaite, y compris statistique.
01:16:35 Mais il faut faire très attention avec ces chiffres, les prendre avec beaucoup de précaution,
01:16:40 parce que, notamment, les enquêtes qui sont réalisées par les associations,
01:16:46 par les Nuits de la solidarité, sont réalisées par des bénévoles
01:16:50 qui ont une représentation sociale très particulière de ce qu'est un sans-abri.
01:16:56 C'est-à-dire qu'on va comptabiliser les personnes qui ressemblent à des sans-abri.
01:17:01 Or, comme nous l'avons toutes dit, et comme les personnes que vous avez auditionnées précédemment également vous l'ont dit,
01:17:09 les femmes, en particulier, ne ressemblent pas le plus souvent à des clochardes, pour le dire autrement.
01:17:16 Donc, forcément, elles sont très largement sous-estimées dans les données quantitatives que nous avons aujourd'hui.
01:17:22 Il y avait d'autres questions ?
01:17:29 Tu as eu réponse à toutes tes questions, Alies ?
01:17:32 Non.
01:17:37 Oui, oui, ça fait écho aussi sur le fait que cette question de rester en veille et de surveiller l'environnement,
01:17:47 il n'est pas seulement en lien avec... Enfin, même si la question des agressions sexuelles ou des viols est importante,
01:17:56 mais ça peut être une multiplicité aussi d'acteurs qui peut être considérée comme des dangers.
01:18:01 Et juste là, j'ai en tête une... Alors, ce n'est pas en France, mais c'est au Canada aussi la peur de la judiciarisation.
01:18:10 Et ça rejoint peut-être les travaux sur la répression et d'être obligée d'être déplacée aussi,
01:18:16 parce que, du coup, elles utilisent des espaces qui ne sont pas considérés comme des usages appropriés, plutôt indésirables.
01:18:24 Alors, au Canada, ça va plus loin, parce qu'il y aurait une forte judiciarisation qu'en France.
01:18:29 Je pourrais laisser parler ma collègue à côté de moi. Donc, il y a, oui, vraiment ceux qui vivent et qui impliquent aussi beaucoup de déplacements
01:18:39 et une fatigue à la fois physique, en fait, et psychique. Ce que je peux vous dire, c'est que les femmes que j'ai pu rencontrer,
01:18:48 au bout d'un moment, elles vont aussi avoir recours à d'autres services pour pouvoir essayer de se faire soigner.
01:18:54 Mais ce recours à ces services peut être aussi compliqué. Là, pour la santé physique, je pense par exemple aller plutôt voir un médecin du monde.
01:19:03 Donc pas des dispositifs aussi dédiés. Mais on sait que ce qui est compliqué, c'est l'accès aux droits et aux autres services,
01:19:12 comme les CMPI, par exemple, qui sont un peu compliqués. Alors ça dépend des territoires.
01:19:17 Mais au bout d'un moment, il y a aussi des recours pour essayer de se faire soigner qui ne sont pas aisés pour ces femmes,
01:19:26 bien qu'elles puissent être aussi suivies, accompagnées par des travailleurs sociaux et qui vont essayer de les aider pour y avoir accès.
01:19:33 Et je vais faire un tout petit détour aussi, si je me permets, puisque là, je nomme les travailleurs sociaux.
01:19:39 Aujourd'hui, c'est aussi une grève nationale du travail social. Et je travaille dans une école de travail social également,
01:19:49 où on est censé aussi former les futurs travailleurs sociaux de demain. Et je rejoins aussi les conseils qui ont été imposés un peu alarmant
01:20:01 de la possibilité de suivre, d'accompagner de manière digne et décente les personnes sans-abri, hommes comme femmes,
01:20:10 et d'avoir les moyens pour aussi tenir, parce qu'il s'agit plutôt de tenir au travail aussi aujourd'hui.
01:20:18 Je voulais juste en dire quelques mots. Merci.
01:20:22 – Avant de continuer à donner la parole au rapporteur, cela dit, ça m'intéresserait d'avoir cette comparaison avec le Québec.
01:20:30 Je crois que c'était Montréal, donc c'était plutôt... Puisque vous semblez dire à la fois il y a un meilleur accueil des femmes,
01:20:36 mais à la fois c'est plus judiciarisé si jamais elles ne sont pas au sein de ces accueils.
01:20:43 – Oui, oui, il y a plein de contradictions et de paradoxes. Ce que je disais vraiment, c'est qu'au Québec,
01:20:50 il y a une considération générale des violences faites aux femmes et pas seulement à des femmes victimes de violences conjugales
01:20:59 ou de mères avec enfants. Donc il y a vraiment une considération générale qui implique des interventions spécifiques,
01:21:05 qui sont défendues et reconnues en partie, même si ça reste toujours à défendre également.
01:21:13 Et puis il y a aussi... Alors ça a bougé aussi ces dernières années. Je ne veux pas vous dire de choses erronées,
01:21:21 mais les personnes en situation d'itinérance sont confrontées aussi à des règlements et des textes réglementaires
01:21:29 qui ont différentes valeurs, notamment des textes plutôt... des règlements municipaux, où en fait il y a une judiciarisation municipale.
01:21:41 En France, on a enlevé par exemple dans le code pénal le délit de vagabondage et de mendicité en 1994, si je ne me trompe pas.
01:21:49 Et désormais, on a des possibilités de limiter l'accès aux espaces publics par des arrêtés municipaux.
01:21:57 Et au Canada, enfin en tout cas à Montréal, il y a aussi beaucoup d'arrêtés municipaux qui empêchent par exemple
01:22:04 de dormir sur un banc, d'accéder à un parc pendant la nuit, de consommer de l'alcool dans l'espace public.
01:22:13 Et oui, j'ai eu beaucoup de récits de femmes et aussi des femmes et des hommes qui ont été soit déplacés,
01:22:21 soit ont reçu des amendes. Et jusqu'à peu à Montréal, elles pouvaient aussi aller jusqu'à des peines d'emprisonnement
01:22:29 pour non-payement d'amende. Donc ça pose des vraies questions aussi, puisque ces personnes peuvent être du coup plus à risque
01:22:38 d'être profilées comme étant déviantes dans l'espace public. C'est un peu la double peine, en fait.
01:22:45 C'est ce que montrent beaucoup les travaux de Céline Bello au Canada, qui a construit un observatoire du profilage,
01:22:52 notamment social, à Montréal. – Très bien. Je donne la parole à Laurence Rossignol, puis Olivia Richard,
01:23:01 et puis Marie-Laure Klinera-Hort. Et ensuite, nous passerons à Laure D'Arcos.
01:23:07 – Merci, mesdames, pour vos communications et plus globalement pour vos travaux, puisque vos communications
01:23:13 font suite à des longues études et des longues recherches sur le sujet qui nous préoccupe.
01:23:19 Je retiendrai plusieurs choses. D'abord, c'est que globalement, ça se dégrade pour les hommes et pour les femmes.
01:23:25 Voilà. On va peut-être commencer par dire ça. Et par ailleurs, je vous remercie de votre approche, Jean-Ré,
01:23:33 de l'analyse, des analyses que vous faites et qui viennent confirmer un certain nombre d'intuitions
01:23:41 ou d'observations plus empiriques qu'on pouvait faire, c'est-à-dire que la prévalence des violences sexuelles
01:23:48 ou sexistes ou patriarcales sur les femmes à la rue est très importante.
01:23:56 Et à ce propos, j'avais une première question à vous poser. Est-ce que vous avez rencontré des jeunes sortis de l'ASE dans vos travaux ?
01:24:02 Puisqu'on a pour habitude de dire que 40% des jeunes sans-abri sont des anciens de l'ASE,
01:24:09 ce qui est une proportion très importante par rapport au nombre d'enfants pris en charge par l'ASE sur la population générale.
01:24:17 Est-ce que vous avez rencontré les filles ? Qu'est-ce que vous pouvez nous en dire ?
01:24:23 La deuxième chose que je retiens, c'est le fait que, nonobstant les critiques qu'on peut faire sur le contrôle,
01:24:36 la contrepartie de contrôle par rapport aux dispositifs mis en place au Québec,
01:24:42 le contrôle est presque une contrepartie des dispositifs mis en place,
01:24:47 c'est le fait que ces dispositifs aient été construits par des militantes communautaires et féministes
01:24:56 qui a permis d'avoir une approche genrée, mais c'est à peu près cohérent avec les autres connaissances qu'on a,
01:25:03 des dispositifs sociaux, failles monoparentales, etc., qu'on peut connaître au Québec.
01:25:10 Donc une partie des perspectives est dans l'acculturation des politiques publiques et des travailleurs sociaux.
01:25:23 Je note avec vous que les travailleurs sociaux sont dans une immense détresse aujourd'hui,
01:25:30 que cette détresse est encore sur l'ASE.
01:25:33 J'ai bien aimé votre expression "on n'est plus au bord du gouffre, on est dans le gouffre".
01:25:39 C'est exactement ça, et ce qui se passe à l'ASE nourrira demain ce qu'on étudie ce matin.
01:25:46 On était à Marseille la semaine dernière, peut-être que vous connaissez le travail qui est fait à Marseille
01:25:53 par le dispositif, la PHM et le dispositif Mars, qui est un dispositif de suivi, de diagnostic et de suivi psychiatrique
01:26:04 itinérant des personnes à la rue à Marseille.
01:26:07 Est-ce que vous savez si dans d'autres grands hôpitaux, par exemple la PHP,
01:26:12 est-ce que vous rencontrez le même dispositif ou est-ce que c'est un dispositif pour marseillais ?
01:26:18 Ça y est, on a oublié de leur poser la question.
01:26:21 Et si vous ne les connaissez pas, je vous recommande vivement la psychiatre qui travaille beaucoup là-dessus,
01:26:29 au cas fort hypothétique où vous ne la connaîtriez pas.
01:26:32 Mais voilà, les questions que je voulais évoquer avec vous,
01:26:36 qui tournent en fait en termes de questions essentiellement autour de l'ASE,
01:26:39 puisque la question de l'acculturation féministe vous dit contribuer.
01:26:43 Merci.
01:26:45 Sur la question de l'ASE, je rejoins entièrement tout ce que vous venez de dire.
01:26:58 Moi, j'ai rencontré des jeunes femmes sortant de l'ASE.
01:27:01 En gros, je vais être très caricatural, mais dans les structures aujourd'hui,
01:27:07 on n'a pas les clochardes qu'on s'attendait à avoir dans les dispositifs d'accueil d'urgence.
01:27:12 C'est-à-dire quand les HALT ont été créés en 2018,
01:27:15 on a créé ces dispositifs pour des personnes sans-abri, très isolées, très désocialisées et en non-recours.
01:27:23 Les femmes qui sont aujourd'hui dans ces dispositifs ne correspondent pas du tout à ce profil.
01:27:28 Les femmes très clochardisées, elles vont dans ces lieux d'accueil,
01:27:32 qui ont été par ailleurs très médiatisés à ce moment-là.
01:27:35 Elles vont dans d'autres lieux d'accueil en réalité, mais qui sont beaucoup plus inconditionnels.
01:27:39 [Musique]