C’est l’histoire d’un berger qui dénonce l’aberration d’une loi. Assuré d’une régularisation rapide, il a construit sans permis sa bergerie dans la zone protégée de la baie du mont Saint-Michel. Des agneaux de prés-salés, élevés en plein air… Un élevage modeste qui bénéficie d’une appellation contrôlée, mais un élevage hors-la-loi. Mis en cause et poursuivi par une association de protection de l’environnement, il est aujourd’hui contraint de détruire, sous peine d’amende quotidienne.
Un bras de fer entre deux visions de l’écologie qui dure depuis des années et qui repose la question des normes qui pèsent sur le monde agricole. Faut-il adapter la loi aux réalités locales ? Les normes sont-elles forcément des freins au développement agricole ? Le face à face entre agriculteurs et associations est-il indépassable ?
Cette semaine Rebecca Fitoussi et ses invités débattent de ces écologies irréconciliables.
Année de Production : 2023
Un bras de fer entre deux visions de l’écologie qui dure depuis des années et qui repose la question des normes qui pèsent sur le monde agricole. Faut-il adapter la loi aux réalités locales ? Les normes sont-elles forcément des freins au développement agricole ? Le face à face entre agriculteurs et associations est-il indépassable ?
Cette semaine Rebecca Fitoussi et ses invités débattent de ces écologies irréconciliables.
Année de Production : 2023
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00:00 La guerre des moutons de Mathéo Thibergien et Natacha Bados,
00:03 un film qui nous raconte le combat acharné d'un berger
00:06 contre une loi qu'il juge déséquilibrée,
00:09 injuste et même pas écologique.
00:11 On a bien sûr une pensée pour l'homme qui met sa santé
00:13 et auquel le film rend hommage,
00:15 mais on doit aussi tenir compte de la loi
00:17 et des décisions de justice qui sont les mêmes
00:20 depuis le début, encore récemment.
00:21 Le 23 janvier dernier, le tribunal de Coutence
00:24 l'a condamné à démolir sa bergerie
00:27 quand la loi semble bien ajustée pour certains,
00:30 aberrante pour d'autres.
00:31 Vaste sujet avec nous pour en parler.
00:33 Philippe Foglio, bienvenue à vous.
00:35 Vous êtes sénateur unioncentriste du Tarn,
00:37 président du parti L'Alliance centriste.
00:39 Vous êtes candidat aux élections européennes
00:41 avec la liste "Ruralité, l'avenir dans le bon sens".
00:44 Vous défendez justement le bon sens paysan,
00:46 que vous appelez aussi la vraie écologie.
00:48 On en reparlera.
00:50 Arnaud Gosselin, bienvenue à vous également.
00:51 Vous êtes avocat spécialisé en droit de l'environnement
00:53 et de l'énergie, professeur associé
00:55 à l'université de Paris 1, Panthéon-Sorbonne.
00:58 Thierry Coste, bienvenue à vous.
00:59 Ancien paysan, lobbyiste rural, auteur du livre
01:02 "Le plan secret de nos élites contre le monde rural",
01:06 aux éditions Plon.
01:07 Et Lucille Schmitt, bienvenue à vous également.
01:09 Vous êtes cofondatrice et vice-présidente
01:11 du Think Tank, la fabrique écologique.
01:13 Merci à tous les quatre d'être ici.
01:15 Avant de vous emmener sur les questions plus vastes
01:17 que pose le film, je voudrais votre sentiment,
01:19 votre perception de l'affaire.
01:22 Il ne s'agit pas ici, évidemment, d'accabler un homme.
01:25 Notre échange ne portera pas sur lui,
01:27 mais sur ce que son cas révèle.
01:29 Plus de dix ans que ce berger est installé
01:32 dans un endroit où la justice lui interdit d'être,
01:34 et il est toujours là.
01:36 Est-ce que, tout de même, Arnaud Gausseman,
01:38 cela vous interpelle sur, par exemple,
01:40 la non-application des décisions de justice ?
01:42 Alors, en l'occurrence, mon premier sentiment,
01:46 c'est que c'est un sujet complexe.
01:48 Et il y a la souffrance d'un homme
01:50 à laquelle on ne peut pas être insensible.
01:52 De l'autre, j'ai été très frappé
01:54 par l'absence de dialogue entre les différentes parties.
01:57 Autant ce dialogue existe en matière de travail,
02:00 en droit social, il y a un dialogue social,
02:02 il n'est pas organisé en matière environnementale,
02:04 il y a des consultations,
02:05 mais ce dialogue entre les hommes pour trouver des solutions
02:08 face à un climat qui change,
02:10 à une biodiversité qui s'effondre,
02:12 il reste à créer.
02:13 Depuis le grenelle de l'environnement,
02:14 on n'a pas progressé.
02:16 Troisième chose aussi, la compréhension du droit.
02:19 En l'occurrence, la question n'est pas de savoir
02:21 s'il y a trop de normes.
02:22 La question est de savoir si la loi littorale
02:24 est une bonne loi.
02:25 J'ai envie de dire, cette loi littorale,
02:27 d'abord, il faut rappeler qu'à l'époque,
02:28 elle a été votée à l'unanimité,
02:30 elle a été portée par la droite, par la gauche, par tout le monde.
02:33 Cette loi littorale est évidemment protectrice des gens.
02:36 On se rappelle qu'il y a eu des catastrophes
02:37 liées au fait qu'il y a eu des phénomènes
02:38 de submersion du littoral, des gens sont morts,
02:41 il y a une érosion côtière, le trait de côte recule.
02:44 Il faut bien comprendre qu'on doit protéger l'environnement.
02:47 Quand on protège l'environnement, on protège les hommes,
02:49 mais il faut aussi expliquer la loi et trouver des solutions.
02:52 On y reviendra, mais dans cette affaire,
02:54 je crois qu'il y avait des solutions
02:55 pour ne pas arriver à ce conflit.
02:57 -La note d'application de la loi, j'insiste un petit peu,
02:59 c'est aussi le sujet qui ressort de ce documentaire
03:01 avant d'aller sur ces questions plus vastes.
03:03 Est-ce que ça vous interpelle, Philippe Foliot ?
03:06 -Ecoutez, bien entendu, la loi, c'est la même pour tous,
03:09 elle doit s'appliquer pour tous.
03:12 Simplement, par définition,
03:14 et je suis parlementaire depuis une vingtaine d'années,
03:17 j'ai tout à fait conscience que nous votons
03:19 un certain nombre de textes
03:21 qui sont de portée générale, mais qui, de fait,
03:23 par rapport à des éléments d'application sur le terrain,
03:26 ne correspondent pas aux réalités et aux éléments relatifs.
03:29 -Donc, pour vous, c'est justifié que cette loi ne soit pas appliquée
03:32 parce que, dans son cas, elle n'est pas bonne ?
03:34 -Je dis simplement, il y a la loi,
03:38 il y a l'esprit de la loi,
03:40 et ensuite, il y a la volonté
03:43 et les éléments d'application de cette loi.
03:45 Je veux employer un terme bien de chez nous,
03:48 du Tarnet, de la montagne tarnet.
03:51 "Lubiais".
03:52 "Lubiais", c'est le bon sens paysan.
03:55 C'est-à-dire cette capacité à prendre
03:57 un certain nombre de décisions
03:58 à un certain nombre de moments
04:00 qui correspondent à des éléments de réalité de terrain
04:05 au-delà du cadre strict,
04:09 j'allais dire, de la loi.
04:11 Et moi, je partage ce que vous venez de dire
04:14 au niveau de l'analyse.
04:16 Ce qu'il y a de dommage dans ce cadre-là,
04:18 c'est que nous nous trouvons face à des associations
04:22 qui ont refusé de venir débattre,
04:24 ce qui est déjà aussi un élément que l'on peut constater,
04:27 et qui sont vers une...
04:31 Et qui vont dans un cadre
04:32 d'une volonté d'application stricte de la loi
04:35 sans tenir compte des réalités du terrain.
04:37 -C'est intéressant que vous disiez ça,
04:39 parce que Jean Bizet, l'ancien sénateur,
04:41 dit que la radicalité est du côté de cette association.
04:44 Est-ce qu'elle n'est pas aussi du côté de ce berger
04:47 qui reste malgré les décisions de justice, Lucille Schmitt ?
04:50 -Ce qui me semble important, c'est que ceux qui s'affrontent,
04:54 quand vous parlez de réalité de terrain,
04:56 sont tous les deux dans le même territoire.
04:59 Ce ne sont pas des Parisiens,
05:00 qui sont venus pour défendre la baie du Mont-Saint-Michel.
05:05 Donc il y a une réalité
05:06 qui est une sorte de microcosme social
05:08 où certains ont pris un parti, d'autres non.
05:11 Et entre ces deux parties d'une même société,
05:14 tout le monde se connaît, ça se voit dans le film,
05:17 il y a le droit.
05:18 Ce qui me semble important par rapport à cette question du droit,
05:21 vous avez raison de dire que souvent,
05:24 la loi, lorsqu'elle est votée à Paris, peut paraître abstraite.
05:27 On est un pays où la société ne connaît pas assez la loi
05:30 et la multiplication des textes peut donner le sentiment
05:33 d'un éloignement entre le bas et le haut.
05:36 On a besoin, en ce qui concerne l'écologie,
05:38 d'inventer une écologie qui vienne des territoires.
05:41 Manche, nature, environnement, ce ne sont pas des Parisiens,
05:45 mais des gens qui habitent à côté, en proximité de Mont-Saint-Michel.
05:48 -La radicalité... -Pour moi, la radicalité,
05:51 c'est sûrement pas de défendre le droit.
05:53 Et je suis assez étonnée que dans le film,
05:55 un sénateur dise au fond...
05:57 Je veux dire, un sénateur, ça vote la loi.
06:00 Il dit que la loi est inadaptée.
06:01 Je pense qu'en l'occurrence,
06:03 le sujet d'une montée en puissance d'un conflit qui dure,
06:06 vous l'avez dit, depuis 15 ans,
06:08 qui entraîne une attitude radicale de part et d'autre,
06:11 je dirais pas la radicalité, mais une conflictualité,
06:15 et que les élus n'ont pas joué leur rôle de médiateurs.
06:17 -On va terminer le tour de table avec vous, Thierry Coste.
06:21 Ce berger, et ce n'est pas pour l'accabler,
06:23 pourrait être appelé zadiste.
06:25 Il défend une zone, c'est potentiellement lui, le radical.
06:28 -Il ne faut pas exagérer.
06:30 Soyons honnêtes, on est dans un débat qui est de biodiversité.
06:33 Le berger, il fait quoi ? Il détruit la biodiversité ? Non.
06:36 Alors, il ne respecte pas la loi,
06:38 mais je vous rappelle quand même
06:40 que la plupart des associations de protection de la nature
06:44 ont des avocats, qui étaient la porte-parole pendant longtemps,
06:48 parce qu'ils se focalisent sur le droit.
06:50 -Mais ils n'ont que ça ? -Non, je pense qu'il faut surtout,
06:53 il faut certes du bon sens, qui n'est pas nécessairement paysan,
06:57 mais qui est de se poser les bonnes questions au bon moment.
07:00 Je vous rappelle, moi qui suis le bis depuis 30 ans,
07:03 la loi, c'est pas un marbre,
07:05 c'est quelque chose de très mou, qu'on change très souvent,
07:09 parce qu'on s'est aperçu
07:10 qu'on avait fait des conneries à certains moments
07:13 ou que parfois la transposition réglementaire de la loi
07:17 devenait tellement compliquée qu'elle était l'inverse.
07:20 Regardez la mobilisation paysanne, c'est quoi ?
07:23 C'est exactement ça.
07:24 C'est le fait d'avoir un ras-le-bol.
07:26 Je vous rappelle que c'est le taux de suicide le plus important,
07:30 ce sont les agriculteurs et les policiers.
07:32 Pour les agriculteurs, c'est quoi le sujet ?
07:35 C'est qu'effectivement, quand la norme devient tellement bête,
07:38 quand les bergers ne peuvent plus aller dans les montagnes
07:42 parce qu'il y a trop de loups,
07:43 soit ils rentrent, soit ils quittent ce métier qu'ils adorent.
07:48 Moi, j'ai été agriculteur dix ans,
07:50 j'ai été passionné par mon métier,
07:52 je l'ai arrêté parce qu'il y avait trop de contrats
07:55 et je l'ai arrêté au bon moment.
07:57 -Philippe Foliot ? -Je partage ce que vient de dire
08:00 Thierry Coste.
08:01 -Vous n'êtes pas choqué
08:02 qu'autant d'élus soutiennent cet homme qui est hors la loi ?
08:06 -Je vais vous dire deux choses.
08:07 Il y a le marbre de la Constitution
08:10 et puis il y a la souplesse de la loi.
08:12 Ce qu'a fait une loi, une autre loi peut le défaire.
08:15 -Vous vous rendez compte ? Ca relativise la loi ?
08:17 -La loi littorale... -C'est normal qu'on relativise ?
08:20 -La loi littorale... -Beaucoup de gens
08:22 pourraient se revendiquer pour changer la loi d'autres lois ?
08:26 -La loi littorale est une bonne loi.
08:28 Voilà. Et de ce côté-là, il n'y a pas débat.
08:31 Simplement, il y a des éléments d'application
08:34 et à un moment donné, par rapport au fait que là,
08:37 comme cela a été fort justement montré
08:40 dans le cadre de ce film,
08:42 cet éleveur, il participe au maintien de la biodiversité
08:47 sur le Mont-Saint-Michel.
08:49 Ca fait pas débat.
08:51 Donc, en fonction de cela,
08:52 quelqu'un qui a besoin d'un outil professionnel,
08:57 parce que la bergerie est un outil professionnel,
08:59 pour permettre de mieux sauvegarder la biodiversité
09:04 à un endroit donné, il est tout à fait dans le cadre
09:07 de ce que l'on a souhaité faire quand a été votée la loi littorale.
09:11 Ca, c'est le premier point. Le deuxième, par rapport au droit.
09:14 Moi, je suis désolé, mais je remarque
09:17 que les associations de défense de l'environnement
09:20 ont une vision du droit à géométrie variable.
09:23 En ce moment, il y a un grand débat
09:25 autour de l'autoroute Castre-Toulouse.
09:27 Et nous voyons ces mêmes défenseurs de l'environnement
09:31 qui, au mépris du droit et des décisions de justice,
09:35 qui ont été... -Vous les qualifiez
09:36 visadistes ? -En l'occurrence,
09:39 il y a quelques jours, j'étais sur place
09:41 dans la commune de Saïs.
09:43 Je veux dire, si vous aviez...
09:46 Si on pouvait projeter les photos que j'ai prises
09:49 par rapport aux destructions de l'environnement
09:51 que ces personnes ont faites,
09:53 avec des éléments, je veux dire, relativement extrémistes,
09:58 avec une touriste suédoise...
10:00 -D'accord, mais le fait qu'ils occupent...
10:02 -Pour essayer de donner un peu d'élan
10:07 par rapport à cette manifestation
10:10 qui a tendance à s'essouffler par rapport à cela,
10:13 on ne peut pas dire qu'on défend le droit
10:15 et s'asseoir sur le droit parce que ça les arrange.
10:19 -Je suis attaché à l'autorité de la loi.
10:21 Si elle change trop souvent, elle n'existe plus.
10:24 Il faut que la loi soit la loi, qu'elle soit connue.
10:27 La loi littoral n'est pas le problème.
10:29 Ce n'est pas une loi d'interdiction.
10:31 Je rappelle aux téléspectateurs ce que c'est que la loi littoral.
10:35 Voter à droite comme à gauche... -Il y a très longtemps,
10:38 je vous le rappelle.
10:39 Dans une période où on avait massacré,
10:41 on a massacré les vôtres... -Je ne vous ai pas interrompu.
10:45 J'explique juste ce qu'il y a dans la loi.
10:47 Ce sont des faits.
10:48 Elle interdit dans une bande de 100 m de construire.
10:51 Vous ne pouvez pas partir du rivage, d'un lac ou de la mer.
10:55 C'est contesté par personne
10:56 puisqu'il y a un phénomène de montée des eaux en France.
10:59 -Elle a des effets bénéfiques ?
11:01 -La faute sur mer n'a pas été respectée.
11:03 Il est important pour l'Etat de faire appliquer la loi.
11:06 C'est pour protéger les gens qu'on fait ça.
11:09 Là, on est dans un espace remarquable.
11:11 Il n'y a pas d'interdiction de construire,
11:13 il y a du cas par cas.
11:15 Dans ce cas-là, l'administration va interroger des experts,
11:18 les confronter, et la décision remonte jusqu'au ministre.
11:21 On a parlé de Nathalie Kosciusko-Morizet.
11:24 Ces personnes-là, qui n'étaient pas de gauche,
11:27 qui étaient Nathalie Kosciusko-Morizet,
11:29 présidente de la République,
11:31 ont estimé, pendant toute la durée de ce litige,
11:34 qu'il ne fallait pas faire cette bergerie à cet endroit-là.
11:37 Pourquoi ? Parce qu'il y a un chemin de randonnée,
11:40 qu'ils sont allés taper dans un remblai,
11:42 que ça perturbait les moutons qui pèsent.
11:45 Je parle de la bergerie, l'accès, la plateforme pour les camions.
11:48 -Ce n'est pas dit dans le documentaire.
11:51 -Je n'étais pas parti au dossier.
11:53 -Ce n'est pas dit. C'est un peu plus complexe que ça.
11:56 La loi littoral ne permet pas de faire cette bergerie.
11:59 L'administration a considéré que la biodiversité ici
12:02 ne devait pas souffrir de cette installation à cet endroit-là.
12:05 Le problème, c'est qu'on voit bien dans le documentaire,
12:09 il s'est fait promettre par des élus qui n'ont pas joué leur jeu
12:12 et par l'administration que ça allait bien se passer.
12:15 -Ce ne sont pas des petits arrangements locaux.
12:18 -Excusez-moi, je vais finir.
12:20 -Je respecte le débat.
12:22 -Vous me coupez. Ne vous fâchez pas.
12:24 -On perd des minutes précieuses.
12:26 -Vous avez un rôle à jouer.
12:27 Dans cette affaire-là, il est dommage qu'au tout début,
12:31 cette personne-là ait été mal conseillée.
12:33 On voit bien que la mairie ou des élus font un combat,
12:36 l'instrumentalisme, ils disent "vous aurez votre permis".
12:40 Il aurait mieux fallu dire "attention, on va débattre de ça".
12:43 -Vas-y, construis ta bergerie, on s'arrangera après.
12:46 -Le dernier point sur les associations,
12:49 j'ai effectivement, dans ma jeunesse,
12:51 été porte-parole de FNE.
12:53 Il est normal de manifester contre la loi littorale,
12:56 contre un projet d'autoroute.
12:58 FNE, de mon vivant, lorsque j'étais porte-parole de FNE,
13:01 n'a jamais y compris, par exemple, les faucheurs volontaires,
13:05 soutenus de mouvements illégaux.
13:07 Je me mets au défi de trouver une décision de la Fédération.
13:10 Je n'en ai jamais eu connaissance.
13:12 Vous savez, les écologistes, il y a de tout.
13:15 Il y a des radicaux, des gens qui montent dans des arbres,
13:18 qui font des livres.
13:20 -Qui ne respectent pas leur propriété privée.
13:22 -Moi, j'ai jamais pénétré une propriété privée.
13:25 -On va poursuivre l'échange. -Vous, non.
13:27 -On va poursuivre...
13:29 Ce qu'on entend dans le film,
13:31 c'est qu'il semble y avoir une opposition
13:33 entre deux formes de défense de l'environnement.
13:36 L'une qui dit s'appuyer sur la réalité du terrain
13:39 et le bon sens, l'autre qui dit s'appuyer
13:41 et qui se fonde sur les textes, les lois.
13:43 Mais les lois, c'est ce que dit l'ancien sénateur Jean Bizet,
13:47 qui dit "c'est pas une loi, c'est une proposition de loi".
13:50 Je vous fais réagir juste après.
13:52 -Vous avez la loi, vous avez l'esprit de la loi
13:55 et vous avez l'ouverture d'esprit.
13:57 La loi, elle est imparfaite, en l'occurrence, là.
14:00 Elle est imparfaite. Bon, c'est tout, voilà.
14:03 Une loi, par définition,
14:05 il y a des moments où il faut la faire évoluer.
14:08 Moi, je suis allé jusqu'à, si je puis dire,
14:10 coécrire avec des collègues une proposition de loi
14:14 pour, je dirais, engager des choses
14:17 dans les chartes régionales de l'aménagement de la loi littorale.
14:20 -Lucille Schmitt, vous parliez des sénateurs
14:23 qui représentent la loi, mais ils sont aussi là
14:26 pour la faire évoluer. C'est ce que dit Jean Bizet.
14:29 -Il y a plusieurs acteurs, au fond,
14:31 de la fabrique de la loi et de son interprétation.
14:34 Il y a évidemment les parlementaires,
14:36 il y a la question réglementaire,
14:38 qui permet les décrets d'application des lois,
14:41 et dans ce cas précis,
14:42 et c'est un élément important sur l'environnement,
14:46 la défense de l'environnement.
14:47 La Nature ne parle pas, n'a pas de lobbyistes,
14:50 et elle a besoin d'être représentée
14:52 par ses associations de défense de l'environnement.
14:55 Nature Environnement n'est pas un réseau parisien,
14:58 mais un réseau d'associations installées sur le terrain.
15:02 Cette défense de la biodiversité se fait aussi devant le juge.
15:05 Ce qui est intéressant à avoir en tête,
15:08 c'est que ces acteurs de l'interprétation de la loi,
15:11 ce ne sont pas n'importe qui, ce sont des juges,
15:14 et ça se fait avec de la jurisprudence environnementale.
15:17 Dans ce cas précis,
15:18 quand j'entends l'ancien sénateur de la Manche
15:21 nous dire "relativiser la portée de la loi",
15:24 j'ai envie de lui dire qu'il n'est pas tout puissant,
15:27 la loi se fait collectivement,
15:29 avec des majorités, dans les différentes assemblées,
15:32 avec un dernier recours à l'Assemblée nationale,
15:35 et ensuite, l'interprétation est faite par le juge,
15:38 et je trouve ça particulier qu'il relativise la portée de la loi.
15:42 -Il est clair que par rapport à des textes très généraux,
15:45 cette question de l'interprétation par rapport au terrain,
15:49 elle est faite par des juges.
15:50 On a parlé du tribunal de Coutances.
15:53 -A quelques kilomètres près, la loi n'est pas la même.
15:56 -Regardez le reportage.
15:57 -La loi peut être incohérente.
15:59 -Excusez-moi, monsieur Cosses, je voudrais terminer.
16:03 Le reportage dit qu'effectivement, de part et d'autre du Cuenon,
16:06 quand on est en Bretagne ou en Normandie,
16:09 il n'y a pas la même interprétation.
16:11 Il y a un certain nombre de bergeries
16:13 qui existaient avant la loi littoral,
16:16 qui ont été rachetées par le conservatoire du littoral
16:19 et qui sont des bergeries collectives.
16:21 Elles n'ont pas été détruites parce qu'elles existaient avant,
16:25 elles sont des bergeries collectives.
16:27 -Vous comprenez que ça paraisse incohérent ou aberrant ?
16:31 -Je ne vois pas pourquoi les gens n'auraient pas la capacité
16:34 de comprendre que si un acteur public rachète ces bergeries,
16:38 je ne vois pas pourquoi on considère
16:40 que les gens peuvent rester ignorants.
16:42 Je ne vois pas pourquoi les élus de terrain qui s'en réclament
16:46 et qui ont été dans une ambiguïté par rapport à ce berger,
16:49 c'est-à-dire qu'un certain nombre d'entre eux lui ont dit "vas-y",
16:53 et ensuite, l'ont laissé seul, et sa tentative de suicide
16:56 s'explique aussi par le fait que ceux qui l'ont soutenu
16:59 ont eu une forme de lâcheté lorsqu'il fallait le soutenir
17:03 face à l'illégalité de ce qu'il avait construit.
17:06 Les élus de terrain auraient dû essayer de trouver un autre endroit
17:10 y compris avec une subvention.
17:11 -Vous pensez qu'il y a eu un peu de politique, Thierry Coste,
17:15 de la part de ces élus qui ont soutenu un berger
17:17 et l'ont laissé seul ?
17:19 -Que des élus, que des acteurs locaux
17:21 soutiennent complètement le berger,
17:23 je trouve ça légitime.
17:25 Alors, ils ont peut-être trop évalué leur capacité
17:28 à changer les textes, qui sont d'une rigidité totale.
17:31 On meurt de ce système-là,
17:33 on meurt de ces normes et de ces règles qui nous tuent.
17:36 Donc, ça n'a pas été prudent.
17:38 Par ailleurs, ils ont totalement soutenu le berger François,
17:43 moi, que j'adore et que j'ai beaucoup aimé,
17:45 sa façon de se tenir dans le film, il a quand même eu une résilience,
17:49 il est emmerdé tous les jours, il est obsédé tous les jours
17:53 dans sa tête par ce problème, alors qu'il élève des moutons
17:56 et qu'il a bien autre chose à faire.
17:58 Mais honnêtement, dans ces cas-là,
18:00 le conservateur du Littoral a racheté sa bergerie et l'eut loué,
18:04 et basta, on aurait réglé ce problème depuis longtemps
18:07 s'il n'y avait pas cet acharnement.
18:10 -Est-ce qu'il n'est pas victime des deux parties
18:12 qui restent surcampées ?
18:14 -Attendez, lui, il vit là, il est là,
18:16 il entretient de façon extraordinaire ce territoire
18:19 avec une biodiversité garantie, et on a quelqu'un assis
18:23 dans un fauteuil qui, avec un regard presque méchant,
18:26 dit "Il n'y a que la loi qui compte,
18:28 "et on continuera jusqu'au bout."
18:30 Mais c'est dingue, ça !
18:31 -C'est l'ouverture d'une brèche qui fait craindre
18:34 à ces associations environnementales.
18:37 -Mais regardez, aujourd'hui, on a fait des textes de loi,
18:40 on a des directives européennes,
18:42 on est toutes en train de se dire "merde",
18:44 on n'arrive pas à aller assez vite sur les phytos,
18:47 sur plein de choses, et qu'est-ce qu'on fait ?
18:50 On est obligés de changer la loi,
18:52 car quand les transitions ne sont pas assez rapides,
18:55 les gens ont besoin de vivre à la fin du mois,
18:57 et on s'en fout, on ne s'occupe pas d'eux,
19:00 on veut sauver la planète, mais il faut arrêter avec ça.
19:03 Moi, je pense qu'on doit effectivement bouger
19:06 la loi de montagne, mais sans se dire
19:08 qu'on va faire n'importe quoi.
19:10 Heureusement, depuis 20 ans, et grâce à ces lanceurs d'alerte,
19:14 on a une prise de conscience de ce qu'est la réalité
19:17 de la biodiversité de l'environnement.
19:19 Mais basta, si on veut que tout le monde aille dans le même sens,
19:22 il faut foutre la paix à ceux qui créent de la richesse.
19:26 -Philippe Foliot, la loi est rigide par essence,
19:28 puisqu'elle est faite pour tout le monde
19:31 et qu'elle est censée nous aider à vivre ensemble.
19:34 Les associations craignent qu'on ouvre une brèche
19:36 en laissant ce berger être hors la loi.
19:39 -Tout d'abord, il n'y a pas qu'une loi, il y a plusieurs lois.
19:42 Et à des moments, il y a des zones de conflictualité
19:46 entre ces lois.
19:47 Il y a une loi qui dit que notre pays doit tendre
19:50 vers la souveraineté alimentaire.
19:52 Aujourd'hui, nous avons 60 % de la viande de mouton
19:56 dans notre pays qui est importée.
19:58 Est-ce qu'on veut continuer dans cette voie-là,
20:01 de faire venir du mouton congelé de Nouvelle-Zélande ou d'ailleurs,
20:05 ou est-ce qu'on veut donner les moyens
20:07 aux 1 % de nos concitoyens qui sont paysans
20:11 de nous nourrir ?
20:12 -C'est intéressant.
20:13 Ce sont les inventions tradictoires.
20:15 -De la meilleure façon qui soit.
20:17 Et dans ce cadre-là, c'est exactement la même chose
20:20 et le même combat.
20:21 Qu'est-ce qu'on veut pour notre pays ?
20:24 Est-ce qu'on veut reproduire l'erreur que l'on a faite
20:27 dans l'arrière-pays méditerranéen,
20:29 où il y avait une civilisation agropastorale
20:32 avec des élevages extensifs qui entretenaient les paysages ?
20:35 Tout ceci a été arrêté.
20:37 Aujourd'hui, on a quoi ? Des incendies de forêt.
20:40 Les défenseurs de l'environnement, c'est ce qu'ils veulent ?
20:43 -On peut admettre que certaines lois sont contradictoires
20:46 pour les gens sur le terrain.
20:48 -Sur la loi littorale, je voudrais préciser,
20:51 pour ne pas avoir un débat de posture,
20:53 ce n'est pas une loi rigide.
20:55 Sur les espaces remarquables, il n'y a pas d'interdiction
20:58 de s'en prendre à 80 ou 100 m.
21:00 S'il avait été dans la baie elle-même,
21:02 là où il y a les marais, etc., là, on est dans l'herbu.
21:05 C'est un espace remarquable.
21:07 C'est l'administration qui a décidé, sous le contrôle du juge.
21:11 Je veux rappeler une chose.
21:12 La loi littorale, lorsqu'elle a été votée,
21:15 regardez les débats parlementaires.
21:17 C'est une loi pour protéger les agriculteurs.
21:20 De quoi soufflent-ils ? Du létalement urbain,
21:22 de la disparition de leurs champs.
21:25 Il faudra interroger les SAFER,
21:27 qui sont en charge de conserver ces terres.
21:29 De quoi soufflent les agriculteurs ?
21:31 Des lotissements, des infrastructures routières,
21:34 du mitage du territoire.
21:36 La loi littorale a pour but de protéger les zones agricoles,
21:40 notamment en zone littorale et en zone montagne,
21:43 qui est quasiment la même, votée en 1985.
21:45 À partir du moment où vous autorisez trop de construction
21:48 dans ces espaces, c'est autant d'agriculteurs
21:51 que vous retirez de ces espaces.
21:53 La loi littorale n'est pas une loi anti-agriculteurs.
21:56 On a notamment voulu protéger les agriculteurs
21:59 de létalement urbain.
22:00 -C'est le caractère luduesque de la situation.
22:03 -C'est pour ça qu'il faut une adaptation des textes.
22:06 La souplesse... Vous aviez raison,
22:08 l'absence de dialogue est à peu près dramatique.
22:11 Sur des espaces de cette nature, qui sont extraordinaires,
22:15 comme dans les montagnes avec les bergers,
22:17 ce sont les troupeaux qui garantissent la biodiversité.
22:20 C'est juste que c'est pas écrit dans la loi
22:23 que les agriculteurs garantissent la biodiversité.
22:26 Il faut de l'adaptation intelligente.
22:28 -Lucie de Schmid, j'ai un autre extrait.
22:31 -Quand on a ouvert le débat sur la question des agriculteurs,
22:34 c'est assez passionnant, il y a une actualité.
22:37 Ce qui me semble important, c'est de dire une chose,
22:40 c'est que dans les interpellations des agriculteurs
22:43 à l'égard des urbains, des parisiens,
22:46 des bruxellois, de tous ceux qui ne font pas partie
22:49 de leur monde, il y a quelque chose,
22:51 il y a diverses choses.
22:53 Il y a la question de la norme lourde,
22:55 des dossiers administratifs, du sentiment d'être dépassé.
22:58 Il y a aussi cette forte inégalité des revenus entre agriculteurs
23:02 et le fait que les éleveurs sont ceux qui souffrent le plus
23:05 d'être mal rémunérés, notamment par la politique agricole commune.
23:09 La situation ne peut pas être décrite
23:11 d'une manière totalement globale.
23:13 C'est un point sur lequel je voudrais insister.
23:16 Aujourd'hui, on a un jeune...
23:18 Il devient de moins en moins jeune.
23:20 Il devient un éleveur qui est un éleveur seul,
23:23 qui se retrouve soumis à des injonctions contradictoires,
23:26 y compris de gens qui disent le soutenir.
23:29 Sur la question des agriculteurs, la question des suicides,
23:32 d'être au RSA, puisqu'il y a 18 % des agriculteurs français
23:35 qui sont au RSA, c'est quelque chose qui nous concerne tous
23:39 et qui devrait nous obliger à nous considérer,
23:41 nous, citoyens, comme concernés par l'alimentation.
23:44 Vous avez raison de dire qu'on importe de la viande
23:47 pour avoir une viande de qualité en France.
23:50 Mais aujourd'hui, il ne faut pas lutter contre la loi littorale.
23:53 Il y a deux choses différentes.
23:55 Il faut nous dire, comme le dit Arnaud Gosselin,
23:58 que la loi littorale, c'est qu'on n'ait pas les côtes espagnoles,
24:02 pas les côtes grèces, et qu'on préserve une biodiversité
24:05 qui permet à ces agneaux de pâturer dans une baie du Mont-Saint-Michel.
24:09 -Ce n'est pas ce que nous avons dit.
24:11 Nous n'avons jamais dit que nous étions contre la loi littorale.
24:15 C'est une très bonne loi.
24:16 Mais à des moments, il y a des cadres d'adaptation
24:19 à la marge qu'il faut avoir.
24:21 C'est ce que nous essaierons de faire.
24:23 -Après un retour d'expérience.
24:25 On va avancer dans la direction précise
24:27 que vous nous avez proposée.
24:29 On ne pouvait pas ne pas rapprocher cette affaire
24:32 de la colère agricole que nous avons entendue ces dernières semaines.
24:36 L'une des sources de crispation, au-delà des revenus,
24:40 c'est que les paysans appellent la contrainte environnementale.
24:43 Certains parlent, je cite,
24:45 "de marche forcée, de dogmatisme de l'écologie politique
24:48 "qui écarte les solutions techniques au profit d'options punitives".
24:52 Ce sont les mots de Bruno Cardo, de la FDSEA de l'Aisne,
24:56 lors du conflit.
24:57 Certains écologistes jugent que les agriculteurs
25:00 veulent continuer à faire ce qu'ils veulent, sans limite,
25:03 sans contrôle.
25:04 Voilà les accusations de part et d'autre.
25:06 Sommes-nous face à deux formes d'écologie irréconciliable ?
25:10 Le clivage n'a pas lieu d'être.
25:12 Ecoutez ce que nous dit une des intervenantes du film.
25:15 Manche Nature, on n'en a rien contre.
25:17 On pourrait être adhérents de Manche Nature,
25:20 parce qu'ils sont dans notre optique.
25:22 C'est ça qui est triste,
25:24 c'est qu'on est d'accord avec Manche Nature
25:26 sur beaucoup d'actions qu'ils font.
25:28 On pourrait les soutenir.
25:30 C'est étonnant, mais c'est comme ça.
25:32 Philippe Foliot, on est face à deux formes d'écologie.
25:36 C'est fou, ce paradoxe.
25:37 Ils défendent l'environnement.
25:39 Les deux côtés défendent l'environnement.
25:40 -Excusez-moi de le dire,
25:41 mais les vrais écologistes, ce sont les ruraux.
25:44 Ce sont ceux qui vivent à la campagne.
25:46 Ce ne sont pas ceux qui viennent une fois de temps en temps chez nous
25:49 pour nous dire "Votre mode de vie n'est pas bien."
25:52 -Manche Nature, dans cette affaire,
25:53 ce n'est pas des écologistes qui viennent une fois de temps en temps.
25:56 -Souvent, c'est ce qui se passe.
25:58 Un certain nombre de personnes
25:59 donnent un certain nombre d'injonctions,
26:01 des leçons de morale à celles et ceux qui sont sur le terrain
26:04 et qui essayent de faire vivre...
26:06 J'allais dire, qui vivent au pays
26:08 et qui essayent de faire vivre le pays.
26:10 Et je crois que les éléments relatifs à l'agriculture,
26:14 c'est somme toute un concentré de tout cela.
26:17 Et ce que l'on disait par rapport à la situation économique
26:19 des agriculteurs aujourd'hui,
26:21 ce qu'ils souhaitent, c'est des prix rémunérateurs.
26:23 Ils ne souhaitent pas avoir des aides de l'APAC
26:26 venant de Bruxelles et autres.
26:27 Mais c'est là aussi où il faut que le citoyen
26:33 qui soutient le mouvement agricole,
26:36 quand il est consommateur, il accepte aussi de payer au juste prix
26:40 ce qu'il a dans l'assiette.
26:41 Et ça, c'est un point que si on l'oublie,
26:45 eh bien on fait de telle sorte qu'il y a un fossé qui se creuse
26:49 entre, j'allais dire, ces éléments bobos, techno...
26:55 -Vous reprenez ces mots à votre compte.
26:57 Les élus, effectivement. -Les parisiens.
26:59 Et puis nous, acteurs du terrain,
27:01 qui essayons de faire de telle sorte
27:03 que l'on puisse vivre dans nos campagnes.
27:06 J'habite dans un village de 600 habitants
27:08 au coeur de la montagne tarnaise.
27:10 Nous agissons pour l'environnement.
27:12 -Il faut admettre que les choses sont complexes.
27:15 Il n'y a pas les agriculteurs, les écologistes,
27:18 les ruraux, les banlieusards, les parisiens.
27:20 Vous savez, Paris, il y a plein de gens qui viennent de provinces.
27:24 Rien ne dit que je ne retournerai pas un jour
27:27 dans une autre ville ou une campagne.
27:29 Il ne faut pas monter les gens les uns contre les autres.
27:32 J'ai été à la tête d'un mouvement écologiste.
27:34 Mais si vous saviez les débats qu'on avait,
27:37 tout le monde n'est pas d'accord sur des actions
27:39 comme jeter de la soupe sur des tableaux,
27:42 vous avez de nombreux responsables écologistes
27:44 qui ont pu condamner les débats.
27:46 -Il y a-t-il deux formes d'écologie ?
27:48 -Non, il y en a des milliers.
27:50 Je vous donne l'éolien, qui suscite les passions.
27:53 En tant qu'avocat, en toute transparence,
27:55 je défends des éoliens.
27:57 Je défends des agriculteurs.
27:59 C'est sur des champs agricoles qu'on va installer
28:01 des centrales solaires, des panneaux éoliens.
28:04 Je me retrouve en face d'associations de défense de l'environnement.
28:08 Je me retrouve contre des agriculteurs.
28:10 Dans ces procès, j'ai de tout.
28:12 J'ai des ruraux, des parisiens, des technobobos.
28:14 Ils sont de tous les côtés sur l'éolien, le central.
28:17 Ca ne fait pas consensus.
28:19 Le problème, c'est comment on crée du dialogue environnemental.
28:22 Nous ne sommes pas d'accord,
28:24 y compris chez les écologistes, les agriculteurs.
28:27 Il y a des agriculteurs qui protestaient
28:29 contre certaines prises de position du responsable de la FNSEA.
28:33 Ils signalent à la MSA qu'ils sont malades des produits phytosanitaires,
28:36 qui demandent leur interdiction.
28:38 Les choses sont complexes.
28:40 -C'est une guerre artificielle ?
28:42 C'est une guerre montée par les médias ?
28:44 -C'est une guerre simplifiée.
28:46 Il n'y a pas un clivage pro, contre, ruralité, ville.
28:49 Il y a des mosaïques.
28:51 -J'aime beaucoup la définition de la complexité de mon ami,
28:54 mais ça me fait un peu sourire.
28:56 Les avocats adorent la complexité,
28:58 car c'est comme ça qu'ils font leur business.
29:01 -Je ferais plutôt mon business...
29:03 -On attaque les personnes.
29:04 -Je vais être provocateur.
29:06 Mon business, c'est de la simplification de la loi.
29:09 -Essayez d'arrêter d'attaquer les personnes.
29:12 Vous vous interrompez.
29:13 Est-ce qu'on peut simplement dialoguer ?
29:15 Vous êtes la preuve des problèmes.
29:17 -On parle de deux écologies potentiellement irréconviables.
29:21 -La formule est qu'effectivement,
29:23 il y a plein de gens qui peuvent tout à fait s'entendre
29:26 sur le terrain.
29:27 Mon parcours justifie cela,
29:29 car j'ai été défenseur de l'environnement,
29:32 et j'y crois toujours.
29:33 J'ai eu des pratiques comme ça.
29:35 Mais l'idée, c'est quoi ?
29:37 Si les agriculteurs... On parle de la crise agricole.
29:40 Les agriculteurs ne vivent pas juste de la théorie
29:43 ou de la souveraineté.
29:44 Ils vivent aussi de leur quotidien.
29:46 Lorsque vous voulez agrandir juste votre bâtiment,
29:49 vous voulez diversifier pour faire du circuit court,
29:52 on vous dit que l'affectation de votre bâtiment
29:55 est agricole, vous ne pouvez pas faire du commerce.
29:58 Vous avez la bord d'incendie de l'autre côté de la route,
30:01 on vous dit que vous ne pouvez pas installer
30:04 votre circuit court avec vos boutiques.
30:06 -Ces deux écologies sont irréconciliables ?
30:09 -Je pense qu'il faut suffisamment changer les lois,
30:13 qui sont trop rigides, dans beaucoup de cas,
30:15 pour qu'elles deviennent beaucoup plus souples.
30:18 Aujourd'hui, on a intégré le paramètre environnemental.
30:22 Un certain nombre de préfets, à qui on confie de plus en plus
30:25 de missions, peuvent être pragmatiques.
30:28 J'ai parlé de cette bergerie.
30:30 Mais voilà, si on est comme ça, on arrivera à des solutions.
30:33 Il y a plein de gens qui ne sont pas des dogmatiques de la loi.
30:37 -Vous ouvrez mon tour de table.
30:39 Est-ce que ces deux écologies sont irréconciliables ?
30:42 -Il faut dire une chose,
30:44 l'écologie ne tombe pas du ciel.
30:46 Tout ce qui a été dit sur le fait qu'il faut la construire
30:49 à partir des territoires est un point essentiel.
30:52 La deuxième chose importante, c'est la question
30:55 des rapports de force économique.
30:57 Il y a quelque chose sur la question de la grande distribution
31:00 et des marges.
31:01 Quand vous avez dit que les agriculteurs demandent
31:04 à ceux qui produisent de l'argent, vous avez raison,
31:08 ils n'ont pas besoin de faire la manche.
31:10 Il y a quelque chose sur la façon dont, collectivement,
31:13 et là, je serai sans doute en relatif désaccord avec vous,
31:17 il faut élargir le cercle de ceux qui réfléchissent
31:20 à la question agricole.
31:21 Les agriculteurs le vivent, mais nous,
31:24 en tant que collectivité nationale,
31:26 nous sommes responsables de notre agriculture,
31:29 de notre souveraineté alimentaire.
31:31 Il faut y intégrer la préoccupation de biodiversité.
31:34 Ce ne sont pas seulement les agriculteurs
31:37 qui vont nous expliquer ce qu'ils font avec la nature.
31:40 Tout agriculteur sait l'importance de la question mondiale.
31:44 L'agriculture, c'est quelque chose de mondialisé, de productif.
31:48 Le rôle de Bruxelles est important.
31:50 Il faut articuler l'ensemble des échelles.
31:53 Je terminerai en défendant FNE,
31:55 je ne l'ai pas dirigée comme Arnaud,
31:57 mais je sais ce qu'ils font sur le terrain,
31:59 notamment les sciences citoyennes,
32:02 faire en sorte d'associer des personnes qui vivent là
32:05 à l'observation de la biodiversité.
32:07 Par rapport à ce que disait Arnaud Gosselin,
32:10 certes, complexité, mais il y a un sujet sur le moment où on décide.
32:14 Il faut décider que la transition écologique accélère.
32:17 C'est un point essentiel, et à chaque fois, ça régresse.
32:21 Tu parlais du grenelle de l'environnement.
32:24 Il avait été question de faire un grenelle de l'agriculture.
32:27 Dans les années 2000, on a reculé,
32:29 comme si la question agricole était trop compliquée.
32:32 Il faut simplifier les enjeux et dire comment on organise
32:36 une agriculture plus de respect de la biodiversité.
32:39 -Votre mot de conclusion ?
32:40 -Qu'il faille des éléments de dialogue,
32:43 nous sommes d'accord.
32:44 Et qu'il faille des éléments de concertation,
32:47 nous sommes aussi d'accord.
32:49 Qu'il faille une agriculture qui soit mieux respectée
32:52 et plus rémunératrice, nous sommes d'accord.
32:55 Par contre, il y a un certain nombre de points et d'éléments
32:58 sur lesquels il est important de tenir compte
33:01 des cadres de spécificité de la ruralité.
33:04 Quand on impose un certain nombre de choses
33:06 qui ne sont pas adaptées aux réalités de terrain,
33:09 aux agriculteurs, ça ne peut pas fonctionner.
33:12 -Vous ouvrir un grenelle de l'agriculture ?
33:15 -Assurément. Mais au-delà de cela,
33:17 un grenelle de la ruralité, ce que nous essayons de faire
33:21 est d'apporter un peu de territoire, de proximité
33:24 et de bon sens d'un tout seul.
33:25 -Arnaud Gosselin, votre mot de conclusion ?
33:28 -Je vais faire une proposition. -Allons-y.
33:31 -Dans ce film-là, il y a une urgence.
33:33 On n'a pas le temps de faire un grenelle de l'agriculture
33:36 qui est indispensable.
33:38 On devrait s'inspirer de ce qui se passe dans d'autres secteurs.
33:41 Lorsqu'une famille est en difficulté,
33:44 que les violences apparaissent, qu'il y a des conflits,
33:47 un médiateur peut intervenir.
33:49 Il y a des solutions de médiation en matière de consommation,
33:52 de famille, etc.
33:54 Lorsqu'il y a des recours du type de ceux évoqués dans le documentaire,
33:58 le juge peut imposer une médiation.
34:00 Je pense qu'aujourd'hui,
34:02 si un médiateur nommé par la Commission nationale du débat public
34:06 qui pourrait exercer cette compétence...
34:08 J'avais déjà rédigé une proposition de loi
34:11 que j'ai présentée à des parlementaires.
34:14 Je pense que là, en urgence,
34:16 on a un médiateur qui dit "stop".
34:18 On a dit "stop" les délais de recours.
34:20 Je vais rendre compte ensuite au préfet, au juge de la situation.
34:24 Le conciliateur aura pour objet
34:26 de trouver une solution dans le respect de la loi.
34:29 Pour sortir des postures,
34:31 pour ne pas s'interrompre, pour respecter et dire
34:34 "je ne sais pas ce qu'il faut faire",
34:36 la médiation permet de l'intelligence collective.
34:39 - Elle vous va, cette proposition ?
34:41 - Très rapidement.
34:42 Il faut assouplir beaucoup de lois
34:44 parce qu'elles sont excessives.
34:47 Mais à côté de ça, il faut effectivement le dialogue,
34:50 il faut l'instaurer le plus tôt possible
34:52 avec plein de bon sens.
34:54 Personne n'a raison tout seul,
34:55 mais il faut la transition.
34:57 Je vous donne un exemple.
34:59 14 réglementations pour protéger la haie.
35:01 On continue à arracher 20 000 km de haies par an.
35:04 Si on veut du bon sens, tout le monde veut protéger les haies,
35:08 mais on n'en prend pas les moyens.
35:10 Il faut tout remettre à plat.
35:12 - On va s'arrêter sur ces propositions.
35:14 Merci à tous les quatre d'avoir participé à ce débat.
35:17 Merci de nous avoir suivis.
35:19 À très vite sur Public Sénat.
35:21 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
35:24 Générique
35:26 ...