100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:10 Bonjour, bonjour à tous. Bienvenue dans 100% Sénat. Au programme aujourd'hui, une table ronde organisée par la Commission des affaires européennes
00:00:17 avec au menu des échanges sur la souveraineté alimentaire dans notre continent, condensé des débats préparés par Mathilde Nuttarelli.
00:00:26 J'ai été auditionné pour le rapport qui a été présenté hier à l'Assemblée nationale. Donc je me souviens des discussions aussi qu'on avait eues
00:00:33 il y a quelques mois à ce sujet. Ce que je voudrais vous dire, c'est peut-être trois choses. D'abord, du temps un peu long.
00:00:43 C'est-à-dire que l'Europe sort d'une pause stratégique, ce que j'ai appelé il y a 2 ans la fin des 30 glandeuses.
00:00:52 Ces 30 glandeuses, c'est une Europe qui a cru pouvoir être encore dominante dans certaines affaires mondiales,
00:01:00 qui a cru pouvoir expliquer à une partie du monde ce qu'il faudrait faire et qui a cru qu'une partie du monde, si ce n'est tout le monde,
00:01:09 suivrait les dynamiques et valeurs européennes. Et on s'est gargarisé pendant une trentaine d'années sur la fin des conflictualités,
00:01:20 la fin des productions qui se touchent, donc l'industrie ou l'agriculture n'étaient pas forcément vues comme des secteurs du XXIe siècle.
00:01:28 Et nous avons fait bosser aussi une partie de la planète à notre place. Ayons l'honnêteté de le reconnaître, y compris pour trier nos déchets
00:01:34 et nous permettre d'avoir des courbes de décarbonation plus avantageuses que d'autres dans cet intervalle de temps.
00:01:39 Ce qui se passe depuis 2, 3 ans, c'est le fait que l'Europe se rend compte que cette pause stratégique se traduit sur le retour de certains inconforts
00:01:48 sanitaires, militaires et la nécessité de se remettre à produire dans un certain nombre de domaines essentiels qui, finalement,
00:01:57 n'ont pas disparu des écrans radars internationaux, au contraire, et qui nous reviennent aujourd'hui sur la table des grands enjeux contemporains
00:02:06 et sur lesquels il y a un certain nombre de constats doivent se poser. Mon deuxième point, c'est précisément de dire que l'Europe
00:02:18 est plus forte à 27 qu'à 15, ce qui est très vrai sur le plan agricole et alimentaire, puisque l'élargissement européen décuple les puissances
00:02:31 en volume, en diversité et en capacité, justement, face à des aléas climatiques ou autres que le monde agricole connaît invariablement,
00:02:41 de lisser les chocs. On est plus fort, plus nombreux que tout seul sur un sujet aussi sensible et délicat que celui de l'agriculture et de la sécurité alimentaire.
00:02:55 Et accessoirement, si on remonte très loin dans le temps, je rappelle que l'Europe est la meilleure illustration mondiale et historique que la sécurité alimentaire
00:03:04 repose d'abord et avant tout sur la stabilité, la politique, la confiance collective et la capacité des uns et des autres de travailler ensemble
00:03:13 pour réduire des incertitudes. On n'a pas trouvé plus d'eau, plus de terre après la Seconde Guerre mondiale. On a arrêté de se taper dessus.
00:03:19 Donc, en fait, la réalité mondiale aujourd'hui dans certaines zones du monde qui se portent moins bien que l'Europe en termes de sécurité alimentaire,
00:03:27 c'est que la gouvernance, la confiance collective, la constance d'engagement sur certains secteurs ne sont pas du tout identiques.
00:03:34 Et ça, je ne vous apprends rien en disant cela. Mais ça me permet, sur ce deuxième point, de dire « relativisons en 2024, dans le débat européen,
00:03:42 nos faiblesses supposées stratégiques ». Autant je suis peut-être provocateur sur le point 1 en disant que l'Europe doit sortir des trente glandeuses
00:03:53 et comprendre qu'on est dans certains secteurs – et j'y reviendrai – peut-être contraints de repenser l'incertitude stratégique et pas juste climatique.
00:04:06 Mais, évidemment, le climat est aussi une incertitude stratégique. Mais l'Europe doit relativiser aussi la situation. Pourquoi je dis cela ?
00:04:15 Parce qu'il y a dans les relations internationales depuis plusieurs années la montée en puissance de plein d'acteurs qui n'ont pas le choix
00:04:26 que de monter en puissance et qui bousculent les positions de certains qui dominaient. Et c'est pas parce que vous êtes déclassés,
00:04:37 parce qu'éventuellement, certains vous passent au-dessus parce qu'ils ont mis le turbo et parce qu'ils sont plus gros et parce qu'ils mettent
00:04:43 plus de moyens ou ils sont plus déterminés – ça, je vous laisse juger des dynamiques qui priment dans ce genre de trajectoires –
00:04:52 que si vous êtes déclassés, vous êtes en déclin. Faut pas confondre en géopolitique déclassement et déclin. L'UE, aujourd'hui,
00:05:01 elle est plus performante d'un point de vue agricole et alimentaire qu'il y a 20 ans. Mais elle est peut-être moins dominante et moins
00:05:08 confortablement installée qu'il y a une vingtaine d'années. L'Europe reste la meilleure intégration économique, sociétale, normative,
00:05:17 avec en plus cette touche environnementale qui la différencie sur l'échelle internationale, ce qui fait que sa performance agricole et alimentaire
00:05:24 n'a pas s'appareillé à l'échelle internationale. Ça reste la première puissance à l'exportation sur le plan agricole et agroalimentaire.
00:05:32 C'est aussi une zone qui importe énormément – j'y reviendrai – mais c'est aussi une Europe qui a été capable depuis 30 ans d'être en pointe
00:05:41 sur les transitions écologiques. Le verdissement de la politique agricole commune a démarré dans les années 90. Il a pas démarré avec le pacte vert
00:05:47 en 2019 ou la crise du Covid qui aurait révélé aux uns et aux autres que l'agriculture était centrale dans l'équation climatique.
00:05:53 Ça fait 30 ans que ce processus est lancé. Et donc on a une Europe qui, aujourd'hui, n'est pas dans une situation agricole et alimentaire
00:06:04 qu'il faudrait exagérément déclarer périlleuse. On a des précarités alimentaires en Europe, certes, mais nous ne manquons de pas grand-chose,
00:06:15 y compris parce qu'on importe beaucoup. Et ce que nous n'avons pas – et là, je laisserai les camarades l'illustrer –, on manque de volume
00:06:24 sur certaines gammes de produits parce qu'on a arrêté d'en faire. On a des industriels à liser. On a arrêté d'investir dans des filières.
00:06:32 Et on a des compétitivités sur certaines filières dans le monde qui sont bien meilleures qu'ici. Et comme les consommateurs sont dans un système
00:06:38 « open bar » depuis 30 ans, c'est-à-dire qu'on a tout, tout le temps, tous les jours, même la nuit, en cliquant depuis son smartphone,
00:06:43 le sujet alimentaire, pour beaucoup de citoyens européens, c'est qu'aujourd'hui, il y a un sujet juste autour du prix.
00:06:52 Et en fait, sur le sujet du prix, là aussi, on retrouve de l'inconfort. C'est-à-dire que les citoyens européens, les consommateurs, moi, ce que je suis,
00:07:01 on a grandi dans un système où l'alimentation était une part sans cesse diminuée dans le budget des dépenses. Et on n'a pas expliqué en parallèle
00:07:10 que cette politique agricole commune était en fait une politique alimentaire citoyenne qui, depuis plus d'un demi-siècle, met en sécurité,
00:07:17 sur le plan des volumes, de la qualité et même des prix, les consommateurs. Les bénéficiaires de la PAC, ce ne sont pas les agriculteurs.
00:07:26 Les bénéficiaires de la politique commune de la pêche, ce ne sont pas les pêcheurs. Petite parenthèse, ne raisonnons pas sur la souveraineté alimentaire
00:07:34 européenne avec uniquement une obsession terrienne. L'Europe, c'est aussi une puissance maritime. La pêche fait partie des activités qui remplissent
00:07:44 nos assiettes. Je pense que, de temps en temps, vous mangez quelques bébêtes qui viennent de la mer et qui viennent de plus en plus d'une activité terrestre
00:07:52 ou littorale qui s'appelle l'aquaculture, où nous avons une illustration parfaite d'une Europe qui était en pointe il y a 50 ans.
00:08:00 Et puis en fait, on n'a pas osé miser sur l'aquaculture parce que ça renvoyait à des sujets y compris industriels et de développement avec de nouveaux modèles.
00:08:09 On a laissé la pétro-monarchie norvégienne développer l'aquaculture. Et donc la Norvège a utilisé ses fonds économiques hydrocarbures
00:08:18 pour développer l'aquaculture, ce que l'Écosse a aussi fait accessoirement avec les mêmes ressources au départ. Et l'aquaculture, aujourd'hui, on est en retard.
00:08:25 Et la pêche, il y a tout le sujet Brexit, etc. Donc n'oublions pas la pêche. Mais ces politiques communes, qu'elles soient celles sur la pêche ou celles sur l'agriculture,
00:08:34 les bénéficiaires, ce sont les consommateurs européens. Donc il faut relativiser les problèmes. Et il faut relativiser les problèmes, me semble-t-il,
00:08:42 parce que précisément, l'état du monde alimentaire n'est pas bon. Et ça, je le dis aussi parce qu'il y a un an, je me souviens qu'on a ouvert le Salon international
00:08:54 de l'agriculture en France en disant « sécheresse, sécheresse en France, on manque d'eau ». Il y a des pays dans le monde où, en fait, il n'y a jamais d'eau.
00:09:02 Et il n'y a jamais d'eau tous les ans. Et en fait, l'eau, la terre, le climat, la paix, la stabilité, la confiance, les institutions, la possibilité pour des agriculteurs
00:09:14 d'investir l'avenir en confiance parce que c'est un métier qui a besoin de temps long, ça, c'est un avantage stratégique européen massue.
00:09:21 Donc on peut en effet se dire... Il y a plein de problèmes en Europe ou en France sur les sujets agricoles alimentaires.
00:09:26 De temps en temps, faire un pas de côté à la fois temporel et spatial nous permet de relativiser. Néanmoins, point 3, et je serai plus bref,
00:09:35 est-ce qu'on est sur la bonne trajectoire ? Excusez-moi d'être un peu direct. En fait, non. Pourquoi ? Parce qu'on ne prend pas la mesure,
00:09:45 un, de la marche mondiale, deux, que l'Europe est en train de prendre conscience de cet inconfort stratégique dans lequel elle va se situer désormais,
00:10:02 mais le réveil est insuffisamment massif. Et nous avons autour des questions agricoles la même problématique que dans le domaine militaire
00:10:14 que je connais un peu par mes activités, que vous connaissez par cœur, c'est-à-dire que quand vous devez relancer du capacitaire, ça prend du temps.
00:10:24 Et donc la relance capacitaire agricole européenne, qui consiste en fait aujourd'hui non pas à dire « on est nul et on doit redevenir moyen »,
00:10:33 mais « on est bon, comment le rester, sachant qu'il y a un monde qui galope ? » et qu'en même temps, nous avons au niveau européen des atouts à cultiver,
00:10:41 et on ne peut pas avoir un agenda agricole qui soit uniquement basé sur la décroissance des émissions carbone.
00:10:49 En revanche, c'est absolument indispensable. Mais là où moi, je dis depuis 2, 3 ans, attention, nuance, décroissance des émissions carbone, certes,
00:10:58 mais intensification de la croissance de la sécurité humaine en parallèle, et cette sécurité humaine, c'est la sécurité alimentaire de tout à chacun,
00:11:06 c'est la sécurité de revenus pour des producteurs, c'est la sécurité de reconnaissance sociétale des uns et des autres sur le fait qu'agriculteurs, métier d'avenir,
00:11:14 métier indispensable, agro-industrie, première industrie européenne, première industrie en France, et rappelez qu'évidemment, le bon prix dans le monde d'aujourd'hui et de demain,
00:11:24 le bon prix de l'alimentation, c'est celui qui est bon pour la planète, bon pour sa santé, bon pour le producteur, bon pour le territoire.
00:11:29 S'il n'est pas bon dans ces quatre dimensions, il n'y a pas un juste prix. Donc en fait, ça veut dire que plus vous dites que l'alimentation doit rester pas chère,
00:11:35 plus vous faites un discours rétroviseur. Ça n'a aucun sens avec les enjeux contemporains. Donc il faut aligner nos valeurs avec nos pratiques.
00:11:44 Les transitions, on le sait, ce sont que des contraintes. C'est ça qu'il faut expliquer à la société sans être dans la nuance, je crois,
00:11:51 en expliquant avec lucidité qu'il y a des choses qu'il faudra faire autrement, pas en revenant en arrière, mais autrement,
00:11:57 et en même temps en se disant qu'il y aura des arbitrages un peu plus douloureux ou des frottements un peu plus fréquents sur certains enjeux.
00:12:04 Donc on est sur une bonne trajectoire sur l'enjeu climatique, mais on est en retard sur le fait qu'on n'a pas maintenu une espèce de robustesse stratégique
00:12:11 avec une vue d'ensemble très transdisciplinaire sur les questions agricoles et alimentaires, et que cette relance du capacitaire prendra inévitablement du temps.
00:12:19 Vous voyez que, par exemple, à l'échelle française, la relance sur le plan de souveraineté en fruits et légumes, l'annonce est de gagner 10 points d'ici 2035.
00:12:27 Et comme j'ai dit dans un débat avec le ministre il y a un an, c'est une très très bonne nouvelle que les Français ne consomment pas 5 fruits et légumes par jour,
00:12:36 et que le plan de nutrition santé est un échec, parce que si tout le monde mangeait 5 fruits et légumes par jour en France aujourd'hui,
00:12:44 il faudrait tripler les importations ou tripler la production. Vous voyez nos paradoxes.
00:12:49 C'est-à-dire qu'on a eu des grandes ambitions, et on n'a pas donné les moyens derrière d'avoir une traduction opérationnelle, physique,
00:12:57 parce qu'on a cru que ce siècle serait un siècle immatériel, ce qu'il n'est pas.
00:13:02 Il y a une compétition sur les ressources à l'échelle internationale qui s'intensifie.
00:13:05 Et ce que je voudrais vous dire pour conclure, c'est que cette Europe que j'appelle un peu « globally alone », c'est-à-dire qu'elle a raison, mais souvent toute seule.
00:13:21 Elle fait le bon diagnostic sur plein de sujets, y compris sur ce qu'il faut faire pour la trajectoire agricole.
00:13:26 Mais attention, il y a une partie du monde qui ne suit pas du tout l'agenda européen.
00:13:30 Donc attention à la désynchronisation et attention par conséquent aux effets boomerang du type « on ne doit plus importer ».
00:13:41 Ça veut dire attention à l'export. Est-ce que ça a comme conséquence sur l'économie, la compétitivité de certaines filières,
00:13:46 l'emploi en Europe ou en France qui est lié à l'export, ou au rayonnement parfois de nos productions,
00:13:53 ou même de nos valeurs sociétales et environnementales à travers des productions ?
00:13:57 Donc attention à ce côté boomerang, plus d'imports versus les réactions des uns et des autres.
00:14:02 Et attention également avec le fait que sur le climat, il y a une partie du monde quand même qui est en train de se demander,
00:14:11 et notamment au sud de la Méditerranée que je connais bien, « l'Europe, ok, vous allez être en train de verdir,
00:14:17 et éventuellement vous faites un choix de ne pas produire plus demain, voire même de produire moins.
00:14:23 Nous, on n'a pas les possibilités d'augmenter la cadence, et donc on vous prévient, la misère sera moins pénible sous la pluie ».
00:14:33 Et ça, il faut le penser à l'échelle de plusieurs décennies, ce qui veut dire qu'on n'est pas du tout certain
00:14:39 d'avoir 500 millions d'Européens sur le continent européen après 2050. On verra, si vers démographique il y a.
00:14:46 Mais ça veut dire aussi que sur ce registre-là, je me permets vraiment d'insister sur ce point,
00:14:53 pour moi l'Europe, c'est une Europe qui est ouverte, dans un monde qui s'est terriblement fermé depuis trois ans,
00:15:01 et si l'Europe se ferme, c'est plus l'Europe. Mais il y a des paradoxes à gérer.
00:15:06 Ça veut dire aujourd'hui, la main-d'œuvre en agriculture ou dans l'agro-industrie, pas sûre qu'elle soit européenne, vrai sujet.
00:15:14 Le métissage socio-culturel en Europe, il se fait par l'alimentaire. Vrai levier à doper dans les prochaines années.
00:15:26 Il n'y a plus beaucoup d'incubateurs sociaux en Europe, il faut en fabriquer par l'alimentaire.
00:15:30 L'alimentation, c'est le partage, c'est l'échange, c'est un lien social, et c'est du plaisir au quotidien qu'il ne faut pas sous-estimer.
00:15:38 Et il y a un troisième point pour moi qui est absolument clé, c'est l'illustration par l'Ukraine.
00:15:47 C'est-à-dire qu'évidemment, il faut être dans l'aide à l'Ukraine. Et je recalculais, là, juste à l'instant, je rappelle qu'en deux ans,
00:15:55 la moyenne par jour de l'aide européenne multilatérale et bilatérale, c'est 116 millions d'euros.
00:16:05 Je ne vois pas, et je connais un peu le dossier agricole ukrainien-européen, et ça pose plein de problèmes,
00:16:11 je travaille là-dessus avec les autorités françaises depuis le début de février 2022 sur les enjeux à court et long terme,
00:16:18 je me permets d'attirer l'attention sur le fait que je ne vois pas comment on pourra expliquer si l'Ukraine est amenée à rentrer dans l'Union européenne.
00:16:28 Je ne vois pas comment on pourra expliquer du jour au lendemain à monsieur et madame tout le monde.
00:16:32 Écoutez, on a mis 116 millions d'euros par jour pour aider ce pays, mais maintenant qu'il est dans le club, il pose problème.
00:16:40 Ça, ce sera difficile à expliquer. Ça veut dire qu'il y a une vraie illustration d'une Europe sur l'Ukraine qui, selon moi,
00:16:49 a du mal à défendre ses intérêts et ses valeurs en même temps. Et comme je dis toujours, vaut mieux une générosité intéressée
00:16:56 qu'un des intérêts égoïstes, parce que l'Europe qui se ferme, ce n'est pas l'Europe qui ressemble à son projet initial. Merci.
00:17:04 — Merci de votre intervention. Alors je me permets, avant de laisser les autres orateurs, parce que l'objectif de ce type d'audition,
00:17:13 c'est de déclencher en nous des connexions synaptiques ou neuronales. Et vous en avez déclenché deux en ce qui me concerne.
00:17:20 La première, c'est... Je sais pas si je peux être complètement d'accord avec ce que vous dites. Quand la PCP et la PAC correspondent finalement
00:17:31 à un avantage qu'on donne directement aux consommateurs. J'ai deux exemples clairs. Quand la PCP finance des arrêts temporaires
00:17:39 de fonctionnement de bateau ou du plan de sortie de flotte, je sais pas si ça bénéficie aux consommateurs.
00:17:46 Idem pour la PAC. Quand on va financer 4% de jachères, en tout cas, c'est la volonté de la commission, et donc de la non-production,
00:17:53 je sais pas si ça bénéficie aux consommateurs. Donc première réflexion de fond sur ce que vous avez dit, même si ça n'est pas une contestation,
00:18:02 mais c'est une réflexion complémentaire. Et puis la deuxième, c'est celle qui concerne l'Ukraine. Je suis vraiment d'accord avec ce que vous dites.
00:18:10 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on est dans une forme de cynisme politique majeur à l'échelle européenne, où tout le monde dit
00:18:17 « Il faut intégrer l'Ukraine », pour des raisons géopolitiques, parce que c'est vachement grave, mais qu'on sait très bien qu'on risque d'aller dans le mur en chantant.
00:18:27 Donc non, mais c'est réel. Moi, je pense pas, je revendique pas, mais j'ai été un des premiers à dire que la question ukrainienne avec la PAC,
00:18:36 quand en y allant il y a presque deux ans avec le président Larcher en Ukraine, qu'on a eu une rencontre avec l'ambassadeur et les Français implantés économiquement en Ukraine.
00:18:49 Et je me rappelle d'avoir vu ce céréalier qui nous disait – qui était d'ailleurs pas un céréalier, qui était un vrai chef d'entreprise – qui disait
00:18:56 « Moi, je suis propriétaire de 30 000 hectares, et je fais 30 000 hectares de céréales ». Donc là, vous vous dites « Attendez, 30 000 hectares, ça fait quoi ? »
00:19:05 Par rapport à nos exploitations. Et quand ça va rentrer, ça va rentrer. Et je me suis intéressé. Globalement, l'Ukraine produit en céréales et exporte quasiment deux fois la production de l'Union européenne.
00:19:18 Donc c'est quand même considérable. Voilà. Donc deux réflexions que je porte aussi à la réflexion de mes collègues en disant « Voilà, réfléchissons bien ».
00:19:29 Hier, vous savez, on a eu une table ronde sur la pêche, et on l'a demandé en urgence avec Alain Kadek,
00:19:38 eu égard non pas aux plans de sortie de flotte mais aux interdictions que promenent les Anglais sur leurs eaux.
00:19:45 Et donc là, la PCP, elle va finalement financer de la non-pêche, et donc de la non-production, et donc de la non-conduction.
00:19:58 Merci. Et excusez-moi cet intermède, mais je voulais vraiment réagir dans l'immédiat. Ça n'aurait plus eu de sens dans une heure. Merci.
00:20:08 Merci. Je voudrais commencer par votre propos introductif, M. le sénateur, « Souveraineté alimentaire à l'heure de la mondialisation ».
00:20:19 Je crois qu'il y a un paradoxe dans l'expression, puisque c'est précisément parce qu'aujourd'hui, cette mondialisation est contestée,
00:20:29 qu'elle n'a pas réalisé tous les objectifs qu'elle s'était fixés à partir des années 80.
00:20:36 Et pour l'agriculture, on voit bien qu'à partir des négociations du GATT en 86 jusqu'à la signature des accords de Marrakech,
00:20:45 cette mondialisation l'absorbe, cette agriculture. Elle était relativement protégée jusque-là, sauf sur des dimensions relativement techniques.
00:20:54 Mais à partir de ce moment-là, on intègre la mondialisation, et on estime que, finalement, la fluidité des échanges par des démantèlements de droits de douane
00:21:05 ou par des réglementations non tarifaires permettraient d'emboîter les spécialisations, et que, finalement,
00:21:12 on allait pouvoir arriver à un optimum commercial. On oublie souvent, quand on parle de libre-échange, que pour échanger, il faut d'abord produire.
00:21:20 Et donc, par voie de conséquence, on a bien vu qu'au bout d'un moment, la question de notre production agricole devenait cruciale.
00:21:28 Donc c'est précisément, je pense, parce que cette mondialisation s'est mise en place à partir des années 80,
00:21:34 qu'elle a absorbé le secteur agricole progressivement, que l'idée de souveraineté alimentaire a été repoussée,
00:21:41 puisque les États-nations devaient se fondre dans une espèce de communauté commerciale, un commerce multilatéral,
00:21:49 et donc l'idée de souveraineté alimentaire en particulier s'effaçait par la force des choses.
00:21:56 Et lorsqu'on s'aperçoit que cette mondialisation ne donne pas les résultats escomptés, et que surgissent des chocs à la fois sanitaires et militaires,
00:22:06 eh bien on restaure maintenant cette souveraineté alimentaire, comme un certain nombre de pays, en particulier les États-Unis,
00:22:13 avaient restauré l'idée de sécurité au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.
00:22:19 Donc là, il y a quelque chose qui mériterait un examen, il y a un paradoxe, cette mondialisation n'a pas donné ses résultats,
00:22:28 et on revient finalement, et un certain nombre d'observateurs, d'historiens, d'économistes, constatent aujourd'hui qu'il y a un retour de l'État-nation.
00:22:36 Ce qui justement pose du coup un certain nombre de problèmes, puisque 1) il faut définir ce que l'on entend par souveraineté alimentaire,
00:22:45 2) lui affecter, une fois que cette définition a été trouvée, un certain nombre d'indicateurs qui peuvent montrer qu'on a décroché ou qu'on n'a pas décroché dans tel ou tel domaine,
00:22:55 et pour l'Union européenne, ce qui pose de plus en plus de problèmes, c'est de savoir si cette définition qu'on peut trouver de la souveraineté alimentaire
00:23:03 est partagée par nos 26 partenaires au sein de l'Union européenne. Parce que j'ai un peu l'impression, même s'il y a de l'écho dans un certain nombre d'États membres,
00:23:14 que cette souveraineté alimentaire est quand même portée par la France. Et que de ce point de vue-là, j'ai quand même constaté que, jusqu'à présent en tout cas,
00:23:22 elle était un peu isolée au sein de l'Union européenne. Donc Sébastien a rappelé les grands avantages et les perspectives positives de l'Union européenne,
00:23:33 mais là, il y a quand même un angle mort. Il va falloir, un jour ou l'autre, que l'on se mette d'accord, si l'on veut préserver et persévérer dans notre être,
00:23:41 que l'on se mette d'accord sur ce qu'on veut faire de notre agriculture et de notre souveraineté alimentaire.
00:23:47 Je partage toutefois le constat de Sébastien sur le positionnement de l'Union européenne. Il est vrai que nous sommes le premier exportateur mondial de produits agricoles.
00:23:59 Nous avons supplanté les États-Unis depuis maintenant un certain nombre d'années. Et je ne parle qu'en termes extra-communautaires.
00:24:06 C'est-à-dire que si on exclut les échanges intra-communautaires, nous sommes encore les premiers exportateurs mondiaux.
00:24:14 Donc là, de ce point de vue-là, on n'a pas véritablement décroché. Au contraire, on a progressé.
00:24:19 Et on le doit à l'échelle européenne à une poignée d'États membres, dont la France, qui dégage encore un excédent.
00:24:26 Alors j'entends beaucoup parler depuis un certain temps que nous décrochons en termes de compétitivité.
00:24:31 Certes, mais c'est le jeu de la mondialisation et de l'européanisation d'une certaine façon.
00:24:38 Je reviendrai là-dessus dans un instant.
00:24:40 Que de voir, quand on s'ouvre, des concurrents qui nous rattrapent, parce qu'ils ont eux aussi des opportunités, des objectifs, d'élévation des niveaux de vie, etc.
00:24:50 Et parfois nous dépassent. Donc je crois que moi, sur le cas français, il n'y a pas de décrochage réel.
00:24:58 Nous n'avons plus connu de déficit commercial en produits agricoles et alimentaires depuis 1977.
00:25:05 Donc ça s'inscrit dans la durée. Et ce n'est pas parce qu'entre 2022 et 2023, on a perdu 4 milliards d'euros que la situation est dramatique, catastrophique ou préoccupante.
00:25:16 Il y a encore des points forts. Et quand on regarde la liste des points forts et la liste des points faibles, ce sont exactement les mêmes depuis une quarantaine d'années.
00:25:25 Les fruits et légumes qui ont été évoqués, c'est un déficit qui se creuse.
00:25:31 Il y a encore deux filières d'excellence, que sont les pommes et la pomme de terre, où l'on est encore excédentaire.
00:25:37 Mais ça s'inscrit sur la durée. Ça fait 40 ans que le déficit en fruits et légumes, et notamment en fruits et légumes transformés, est présent, s'est développé.
00:25:48 Et on se demande bien comment on va pouvoir tordre le bâton dans l'autre sens.
00:25:53 Parce que ce n'est pas uniquement un problème de production de fruits et légumes, mais il y a aussi toute l'industrie qui est derrière.
00:26:00 Où l'implanter ? Où la localiser ? Comment investir dans un certain nombre de légumeries ? Quel est le degré d'acceptation sociale maintenant de la présence d'une industrie à proximité du domicile ? Etc.
00:26:12 Là où, en revanche, le problème de la dépendance de la France, du recul de sa compétitivité, et par voie de conséquence, cette espèce de fissuration de sa souveraineté, c'est sur l'Union européenne.
00:26:35 Sur les pays tiers, il n'y a pratiquement aucun problème.
00:26:39 Quand on regarde depuis maintenant 4 ans l'évolution du solde commercial agroalimentaire sur l'Union européenne, il est devenu déficitaire.
00:26:49 Alors que sur les pays tiers, il ne cesse de grimper.
00:26:53 Il peut y avoir des à-coups, des plafonnements, selon les années, mais l'essentiel de notre excédent maintenant provient des pays tiers.
00:27:00 C'est-à-dire que le débouché naturel que nous avions avec l'Union européenne a été pulvérisé par l'élargissement successif de cette Union européenne.
00:27:09 Il y a eu l'Espagne au début, évidemment, avec les questions de fruits et légumes, puis la viande porcine.
00:27:15 Mais la Pologne s'est positionnée, quand elle est rentrée dans l'Union européenne, elle a capté les aides PAC auxquelles elle avait droit.
00:27:21 Elle était éligible en tant que nouvel État membre et elle a exploité ces dispositifs de soutien pour moderniser son appareil de production,
00:27:30 passer d'une moyenne de superficie d'un hectare par exploitation en augmentant, en agrandissant et en exportant par la suite.
00:27:40 Donc Yves va revenir sur la question de la volaille, mais la Pologne est le premier fournisseur de l'Union et de la France maintenant en viande de poulet,
00:27:49 devant la Belgique, l'Allemagne et les Pays-Bas. Donc ça montre bien que quand il y a en économie une ouverture sur un certain nombre de territoires,
00:27:59 de pays, il ne faut pas s'étonner trop de voir des concurrents apparaître et nous menacer.
00:28:08 C'est pour ça qu'il faut continuer, évidemment, à se battre. Je tiens quand même à préciser ce point.
00:28:13 C'est vraiment sur l'Union européenne que ça pose problème. Elle peut avoir de l'avenir cette Union européenne. Il faut qu'elle en ait.
00:28:19 Il faut qu'elle soit ouverte, mais il y a un certain nombre de réglementations qu'il faut revoir.
00:28:23 Tout le logiciel européen, à mon avis, doit être révisé à l'aune de ce qui nous entoure.
00:28:30 Donc si on prend les indicateurs de souveraineté alimentaire tels que les propose France Agrimaire, par exemple,
00:28:39 et c'est ce que vous avez dit, M. le Sénateur, il n'y a pas de décrochage de la souveraineté alimentaire.
00:28:45 On a à peu près la moitié des filières qui sont excédentaires et qui permettent d'avoir un auto-approvisionnement,
00:28:53 avec des filières qui sont plus ou moins fragilisées depuis un certain temps, mais qui restent à l'équilibre,
00:28:59 et d'autres filières qui sont historiquement et structurellement en situation de déficit,
00:29:06 avec l'apparition maintenant de filières qui, comme la volaille depuis un certain nombre d'années,
00:29:12 ont basculé d'une situation d'auto-suffisance, voire même d'exportation nette, à une situation de déficit.
00:29:20 Donc là, il y a certainement des examens à mener en profondeur pour voir quelles sont les origines.
00:29:26 Quand on regarde les chiffres et les courbes, on voit bien que le point d'inflexion en matière de commerce de poulet en particulier,
00:29:36 c'est le tout début des années 2000, c'est-à-dire quelques années après la signature des accords de Marrakech,
00:29:42 qui obligeait le marché intérieur à s'ouvrir à un certain nombre de produits en provenance de pays
00:29:48 qui avaient demandé cette ouverture du marché européen.
00:29:52 Ensuite, je pense que la définition est extrêmement complexe à trouver sur la souveraineté alimentaire.
00:30:01 J'ai souvent l'habitude de m'appuyer sur la définition qui en est donnée par la science politique,
00:30:07 et qui renvoie à cette idée fondamentale d'autonomie de décision.
00:30:12 Nous devons, si nous voulons être souverains en termes alimentaires, décider ce que nous avons à faire,
00:30:19 par nous-mêmes et pour nous-mêmes, et la science politique rajoute "sans en référer à une quelconque instance extérieure".
00:30:29 Et là, nous tombons sur des problèmes redoutables, en particulier avec l'Union européenne, le droit communautaire, le droit national.
00:30:40 Donc ça, c'est quelque chose de très important, et c'est pour ça que je soulignais tout à l'heure
00:30:46 que cette notion de souveraineté alimentaire n'était absolument pas partagée par l'ensemble de nos partenaires européens.
00:30:55 Et des menaces, il y en a, et c'est pour ça que la souveraineté européenne mériterait d'être examinée, étudiée, construite, organisée,
00:31:05 parce que les menaces, il y en a beaucoup, et le temps va très vite.
00:31:09 Il suffit de regarder ce qui s'est passé avec la Russie en l'espace de 20 ans.
00:31:14 Vous avez eu une Russie qui s'est propulsée première exportateur mondial de blé,
00:31:20 qui, d'après ce que j'ai appris hier, s'était fortement implantée sur le marché algérien,
00:31:27 au point d'envisager dévincer le premier fournisseur de ce pays qui est la France.
00:31:32 Donc là, il y a des signaux qu'il faut avoir à l'esprit pour essayer, comment dit-on, de réarmer le secteur agricole pour qu'il ne recule pas.
00:31:44 Parce qu'il y a un indice qui doit nous interpeller, c'est la position américaine.
00:31:50 Je suis frappé de voir que depuis 4 ans, les Etats-Unis, qui n'avaient pas connu le moindre déficit commercial agroalimentaire depuis 1950,
00:31:59 sont maintenant déficitaires. Et ce n'est pas 2 ou 3 milliards, c'est 15 ou 20 milliards.
00:32:05 Et ils se demandent bien comment ils vont inverser la situation.
00:32:08 Donc cette puissance économique qu'on a connue, cette puissance hégémonique depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale,
00:32:14 qui avait aussi assis sa puissance sur le secteur agricole et alimentaire, est en train de reculer.
00:32:22 C'est des problèmes, évidemment, climatiques. C'est des importations massives de fruits et de légumes en provenance du Mexique.
00:32:32 Que n'a-t-on dit à l'époque de la LENA, l'accord de libre-échange nord-américain, qui allait pulvériser l'agriculture mexicaine ?
00:32:39 Maintenant, ils en retirent les bénéfices. Ils empêchent même l'accès du maïs américain sur leur propre marché.
00:32:46 Et ils exportent en masse des fruits et légumes, ce qui fait que c'est le premier poste déficitaire de la balance commerciale américaine.
00:32:53 Mais je pense que ça, c'est un indicateur qu'il faut avoir à l'esprit.
00:32:56 Parce que si on y prend garde, on peut être encore puissant à l'échelle européenne.
00:33:01 La France fait partie des rares États membres à dégager un excédent commercial.
00:33:07 Mais on voit bien qu'il y a quand même des menaces ici ou là, et que la position déclinante des États-Unis
00:33:14 doit être dans les esprits européens pour essayer de prendre des décisions souveraines, justement,
00:33:21 et essayer de préserver et de rebondir sur nos propres avantages comparatifs.
00:33:29 Je voudrais juste terminer, puisque ça a été évoqué sur la question de l'Ukraine.
00:33:34 Yves reviendra, j'imagine, sur les importations de poulet.
00:33:38 Mais on peut parler des importations d'œufs, des importations de sucre.
00:33:44 L'Ukraine est quand même devenue le deuxième fournisseur de l'UE en 2023 de sucre, derrière le Brésil, maintenant.
00:33:51 C'était 20 000 tonnes d'importation avant la guerre. C'est plus de 400 000 maintenant.
00:33:55 Et la perspective, c'est 700 000.
00:33:58 Donc il y a un paradoxe dans l'UE et dans certains États membres à vouloir ralentir la production de betteraves pour faire du sucre.
00:34:07 Alors que le marché est ouvert au sucre ukrainien.
00:34:13 Mais il me semble que la perspective, puisque j'ai commencé à regarder avec un certain nombre de chiffres ce qui pourrait se passer,
00:34:21 la perspective d'une adhésion de l'Ukraine pose un certain nombre de problèmes.
00:34:26 Est-ce que ça va être une Ukraine dans son intégrité territoriale ?
00:34:30 Est-ce que ça va être une Ukraine partitionnée ?
00:34:34 Quelle va être la part du budget qu'elle va apporter à la politique agricole commune ?
00:34:42 Quelle va être l'enveloppe qu'elle va recevoir au titre de la politique agricole commune ?
00:34:47 N'y a-t-il pas un risque de voir basculer le centre de gravité agricole plutôt vers Varsovie et Kiev du coup ?
00:34:54 Même s'il y a des conflits entre les deux États au sujet des importations ukrainiennes justement.
00:35:01 Enfin, ce qui s'est passé sur le blé ukrainien il y a 48 heures qui a été détruit en Pologne interpelle quand même sur l'état de l'Union européenne.
00:35:11 Donc il faut réfléchir aux conditions dans lesquelles on va négocier cela.
00:35:17 Parce qu'il peut y avoir une aide apportée à l'Ukraine au sens géopolitique, un partenariat.
00:35:24 Sébastien a rappelé les 116 millions d'euros d'aide quotidienne versées à l'Ukraine.
00:35:30 Mais entre-temps on en a fait un rival commercial et un rival agricole.
00:35:35 Et là il va falloir trancher dans un sens ou dans un autre.
00:35:40 Car la perspective, je vais faire comme Sébastien, je vais essayer de vous faire une phrase choc, ça sera la seule pour moi.
00:35:48 Mais il me semble que la perspective d'adhésion de l'Ukraine, il faut que Bruxelles prenne ses responsabilités,
00:35:56 est une menace pour la cohésion de l'Union européenne.
00:36:00 Et je pense que ça viendra par le secteur agricole.
00:36:04 Je vous remercie.
00:36:09 Merci. Je rappelle aux collègues que vous pouvez commencer à vous inscrire si vous voulez vous exprimer.
00:36:16 Allez, troisième intervention.
00:36:19 Merci.
00:36:24 Donc à mon tour, je vais évoquer la souveraineté.
00:36:27 Alors au travers du cas poulet, puisqu'au titre d'agridé nous avons commis une note sur le cas poulet,
00:36:32 ce n'était pas une enquête policière, c'était d'essayer de regarder au travers d'un animal assez modeste, le poulet,
00:36:39 ce que voulait dire l'application du concept de souveraineté.
00:36:44 Est-ce qu'on pouvait approcher une forme de définition ?
00:36:47 Je m'inscris en complément de mes deux collègues et amis auparavant.
00:36:51 C'est vrai qu'en réfléchissant sur la souveraineté alimentaire,
00:36:54 ça paraît quasiment impossible de donner une définition précise.
00:36:58 Par contre, par itération, on peut essayer d'approcher l'objectif d'une définition.
00:37:05 C'est évoqué tout à l'heure.
00:37:07 France Régulier et Maire, l'année dernière, ont rendu un ouvrage dont le titre était
00:37:12 « Souveraineté alimentaire, un éclairage par les indicateurs du bilan ».
00:37:15 Et là, France Régulier et Maire a donné une définition qui me paraît intéressante.
00:37:19 La définition, c'est « capacité d'autodétermination d'un État, l'Union européenne,
00:37:24 sur les systèmes alimentaires qui se déploient sous son territoire ».
00:37:27 On peut partir de là parce que capacité d'autodétermination,
00:37:30 je pense que c'est un très bon concept, comme l'ont dit Sébastien avant et Thierry.
00:37:35 Le sujet, ce n'est pas les barrières aux frontières.
00:37:37 On exporte ou on importe beaucoup. Les deux sont sources de richesse.
00:37:40 Donc l'objectif, ce n'est pas de s'enfermer.
00:37:43 Donc le concept de capacité d'autodétermination,
00:37:46 donc du choix d'un État dans sa souveraineté, comme l'a décrit Thierry,
00:37:49 c'est ça qui est décisif.
00:37:51 Moi, l'exemple qui me vient en tête de façon décisive sur qu'est-ce que c'est que la souveraineté,
00:37:55 c'est l'exemple chinois.
00:37:57 La Chine, je crois, il y a environ 7% du territoire chinois qui est en surface agricole utilisable.
00:38:03 Donc dès le début, ils ont eu à faire des choix.
00:38:05 Et le choix, ça a été de mettre en priorité la culture céréalière.
00:38:09 Certes, ils importent un peu ce qui, pour nous, est beaucoup.
00:38:12 Mais de façon décisive, le bol alimentaire, ce sont les céréales.
00:38:15 Et la Chine est un producteur colossal de céréales.
00:38:18 Du coup, les eaux-la-gineuses viennent en second rang.
00:38:21 C'est dans le bol alimentaire, mais en second rang.
00:38:23 Donc ces caractéristiques, je pense, de ce qu'est réellement la souveraineté,
00:38:26 ce n'est pas un informement et tout, c'est un choix.
00:38:30 Dans la situation climatique et pédo-agricole dans laquelle on est.
00:38:35 Voilà.
00:38:36 Alors, l'autre élément, en dehors du mot d'autodétermination,
00:38:41 c'est sur les systèmes alimentaires.
00:38:43 Et là aussi, c'est un sujet important,
00:38:45 parce que la PAC n'est jamais isolée.
00:38:46 Il faut toujours insérer la PAC dans la chaîne alimentaire.
00:38:49 Bien sûr, pour aller jusqu'au consommateur,
00:38:51 si on débat beaucoup en France, notamment sur les galimes,
00:38:53 c'est bien qu'il y ait un sujet agriculture,
00:38:56 chaîne alimentaire, consommateur.
00:38:59 Donc le terme de système alimentaire est fondamental.
00:39:02 Territoire, c'est pas au Sénat que je vais évoquer le mot "territoire".
00:39:05 Donc à partir de là, je pense que l'essai de définition
00:39:07 sur lequel on peut réfléchir en 2 ou 3 minutes ensemble,
00:39:11 c'est l'essai de définition qui avait été proposé
00:39:13 lorsqu'il y a eu, à l'automne, ou à la fin de l'été plutôt dernier,
00:39:17 un essai de définition de la souveraineté élémentaire
00:39:19 dans le projet de loi d'orientation agricole,
00:39:21 qui va revenir dans le process.
00:39:23 Mais à l'époque, déjà, il y avait un essai d'écriture
00:39:25 de ce que serait la définition de la souveraineté élémentaire.
00:39:29 Et qu'est-ce qui a été rédigé dans le projet de PLEA
00:39:31 fin août, début septembre ?
00:39:33 Capacité de la France, au prix de l'Union européenne,
00:39:36 à assurer son approvisionnement
00:39:38 dans le cadre du marché intérieur de l'Union européenne
00:39:41 et de ses engagements internationaux.
00:39:44 Et là, ça mérite vraiment réflexion
00:39:46 pour approfondir ces 2 sujets,
00:39:48 notamment le "et", évidemment.
00:39:50 Alors, évidemment, sécurité et des approvisionnements,
00:39:53 pour ceux qui s'intéressent au droit et tout,
00:39:55 c'est l'article 39 du traité historique.
00:39:57 C'est un des 5 points, évidemment, des objectifs
00:40:00 de la politique agricole commune.
00:40:01 Donc on retrouve cette terminologie.
00:40:03 Mais si on reprend les 2 points
00:40:05 et de ses engagements internationaux,
00:40:07 là, il y a un problème.
00:40:09 Parce que si, effectivement,
00:40:10 la provision du marché intérieur s'appuie
00:40:13 sur les engagements internationaux,
00:40:14 qui sont assez souvent décalés,
00:40:16 en termes de politique commerciale commune,
00:40:18 par rapport aux objectifs de la politique agricole commune,
00:40:20 chacun sait qu'il y a un hiatus
00:40:21 entre la politique commerciale commune
00:40:23 et la politique agricole commune dans son organisation.
00:40:26 Les décideurs ne sont pas les mêmes.
00:40:28 Le droit fondamental n'est pas le même.
00:40:30 Et donc le "et", évidemment, pose problème,
00:40:32 ne serait-ce que pour l'Ukraine.
00:40:34 Bon, on ouvre la porte de l'Ukraine.
00:40:36 Pour le poulet, je vais vous donner un ou deux énoms quand même.
00:40:38 Mais à la fin de l'année dernière,
00:40:39 le filet de poulet congelé, origine ukrainienne,
00:40:41 c'était moins de 3 euros le kilo.
00:40:43 A Rungis, c'était entre 6 et 7.
00:40:45 Donc autant dire aux producteurs de volailles en France,
00:40:47 arrêtez de travailler.
00:40:48 Donc le "et", s'il n'est "et"
00:40:50 sans complément explicatif, pose problème.
00:40:54 Je ne parle pas, évidemment,
00:40:55 de la problématique du Mercosur,
00:40:57 mais je pourrais vous parler aussi
00:40:58 de l'accord international qu'on a signé avec le Chili.
00:41:00 On a signé avec le Chili un accord
00:41:02 qui est probablement intéressant,
00:41:04 mais on y met quand même un contingent d'achats de volailles.
00:41:06 Donc la volaille, elle vient de l'autre côté
00:41:08 des Marais du Sud et traverse Pouy.
00:41:10 On achète de la volaille chilienne
00:41:12 sur un volume peut-être modeste.
00:41:14 Et c'est aussi la problématique qui est toujours citée en avant.
00:41:16 On considère toujours que les volumes sont modestes,
00:41:19 mais pas besoin d'être un grand économiste
00:41:21 pour savoir qu'entre volume et prix,
00:41:22 il y a quelque chose de radicalement différent.
00:41:25 Un petit volume peut décaler énormément les prix.
00:41:28 Donc le "et", ces engagements internationaux,
00:41:30 on pourrait essayer de le corriger,
00:41:32 mais quant à moi, je dirais "et",
00:41:34 ces engagements internationaux,
00:41:37 à condition qu'on soit dans des règles protectrices
00:41:41 par rapport à des règles environnementales et sociétales.
00:41:46 Sinon, les engagements internationaux
00:41:48 sont tout de suite à mettre dans une situation
00:41:51 où les agriculteurs français sont pénalisés.
00:41:54 Ca, ces engagements internationaux,
00:41:55 c'est la partie la plus facile.
00:41:57 Tout le monde comprend bien aujourd'hui
00:41:59 que, comme l'a dit Sébastien, pour les consommateurs,
00:42:01 mais je dirais par rapport à l'international,
00:42:03 ça ne doit pas être open bar.
00:42:06 L'autre sujet, cité tiérée,
00:42:08 beaucoup plus redoutable dans la réflexion,
00:42:12 c'est celui du fonctionnement du marché intérieur communautaire.
00:42:16 Parce que quand on parle de PAC, le "c" de PAC, c'est commun.
00:42:19 Tout le monde a ça en tête.
00:42:20 Bon, c'est pas si commun que ça.
00:42:23 Donc ça mérite de se poser la question,
00:42:25 et notamment de se poser une question
00:42:27 qui n'est pas une question purement théorique,
00:42:29 c'est est-ce qu'il y a une souveraineté française
00:42:32 à l'identique d'une souveraineté européenne
00:42:34 quand on parle de politique agricole ?
00:42:36 On a le droit, et je dirais même, on a le devoir
00:42:38 de se poser la question,
00:42:39 non pas pour opposer le personnel et le système agrédé,
00:42:43 et particulièrement pro-européen,
00:42:44 mais il s'agit d'approfondir le mécanisme.
00:42:48 Donc y a-t-il à la fois une souveraineté nationale française
00:42:51 pour nous et une souveraineté européenne ?
00:42:53 Bon, on peut en discuter sans refaire trop de droits.
00:42:56 Vous savez que, depuis le traité d'Isbonne,
00:42:58 les articles qui concernent les différentes politiques
00:43:00 ne classent pas les politiques dans le même registre.
00:43:03 Le C de commun...
00:43:05 Excusez-moi.
00:43:08 Ça n'est pas une compétence exclusive.
00:43:11 Quelles sont les politiques européennes
00:43:12 qui sont de compétence exclusive des institutions européennes ?
00:43:16 Les douanes, bien sûr, la concurrence,
00:43:18 on pourra en discuter, la politique commerciale commune,
00:43:22 donc les échanges extérieurs que j'évoquais avant.
00:43:24 Ça, c'est du ressort exclusif des institutions communautaires.
00:43:27 Par contre, y a des politiques qui sont à compétence partagée.
00:43:34 Et la politique agricole commune, c'est deux droits.
00:43:39 Là, je suis en train de vous citer un article
00:43:41 du traité de fonctionnement de l'Union européenne,
00:43:43 et c'est une compétence qui est partagée
00:43:45 entre les institutions communautaires et les Etats.
00:43:48 Et je pense que c'est très important d'avoir ça en tête,
00:43:51 non pas pour dissocier, non pas pour cliver,
00:43:54 mais pour se dire que, notamment dans un registre
00:43:57 où la subsidiarité a désormais son rôle,
00:43:59 s'est inscrit dans le traité Lisbonne depuis 2009,
00:44:02 et en France, on a beaucoup de mal à interpréter
00:44:04 l'application du traité Lisbonne,
00:44:06 on l'a pratiquement exclusivement interprétée
00:44:08 en disant que Lisbonne, c'est enfin le parcours final
00:44:11 du Parlement européen qui atteint le fait
00:44:13 de sa légitimité démocratique.
00:44:16 Non, ça n'est pas que ça.
00:44:17 C'est aussi un découpage des politiques
00:44:20 entre exclusives et partagées,
00:44:22 qui font que la politique agricole ressort pour partie aussi
00:44:25 des souhaits nationaux ou territoriaux régionaux.
00:44:29 Et je pense que ça, il faut l'avoir en tête
00:44:31 quand on veut s'interroger sur la souveraineté.
00:44:34 J'ai parlé tout à l'heure de la monestie,
00:44:36 du volatil et du polé,
00:44:37 mais l'Europe est très excédentaire sur ces marchés
00:44:41 qui intègrent la volaille, les oeufs, la génétique notamment.
00:44:47 Ça vous intéresse ?
00:44:49 Par contre, je vais vous dire qu'en France,
00:44:52 on consomme un poulet sur deux aux origines d'importation.
00:44:54 Là, ça vous intéresse peut-être un peu plus.
00:44:56 Pourquoi je dis ça ?
00:44:57 Encore une fois, non pas pour cliver et remettre
00:45:00 de quelconque façon en désordre la marche progressive utile
00:45:05 de l'Europe et du fonctionnement européen,
00:45:07 mais c'est que le marché intérêt communautaire,
00:45:09 ce n'est pas un lit de rose.
00:45:10 C'est la fameuse idée du vélo qui, s'il s'arrête, tombe.
00:45:14 Or, il y a beaucoup de sujets qui traitent de l'alimentation
00:45:17 et donc directement ou indirectement de l'agriculture
00:45:20 qui ressortent directement ou des législations nationales
00:45:25 ou pour partie de compétences partagées au niveau européen.
00:45:28 J'ai cité tout à l'heure Eguelyme.
00:45:29 Je pourrais vous citer l'étiquetage.
00:45:31 En France, c'est étiquetage nutriscore, oui,
00:45:33 mais non obligatoire.
00:45:35 Est-ce que c'est obligatoire quelque part ?
00:45:36 Nulle part.
00:45:37 Est-ce que c'est interdit dans beaucoup d'endroits ?
00:45:38 Oui, notamment en Italie.
00:45:41 Si on n'a pas le même étiquetage sur les mêmes produits
00:45:44 à l'intérieur du marché intérieur collectif,
00:45:47 on a le droit de dire que la question sur la souveraineté
00:45:51 territoriale, nationale et européenne,
00:45:53 c'est une bonne question.
00:45:55 Je réinsiste en disant que c'est souligné de façon positive.
00:46:01 Je crois que c'était dit avant.
00:46:03 Si je reprends le cas du poulet,
00:46:04 le principal fournisseur de poulet non français
00:46:07 qui est consommé en France, c'est la Pologne,
00:46:09 qui a très bien su utiliser les armes de son adhésion
00:46:12 pour armer, là, on peut utiliser le terme,
00:46:14 le fait productif, mais également l'industrie,
00:46:17 de grands abattoirs, robotisés, avec des coûts sociaux inférieurs.
00:46:21 Effectivement, la Pologne, du coup,
00:46:23 est devenue une puissance en matière de volailles.
00:46:25 Donc la deuxième question que je voulais souligner
00:46:29 auprès de vous, c'est les accords internationaux,
00:46:32 oui, mais à condition qu'il y ait une protection
00:46:35 contre des systèmes à fonctionnement sociétal,
00:46:39 économique trop différents des nôtres,
00:46:42 mais il ne s'agit surtout pas de bloquer les frontières,
00:46:45 il s'agit encore moins de contraindre,
00:46:48 ce qu'on entend par-ci, par-là,
00:46:50 les cas où l'agriculture française et européenne
00:46:53 est performante.
00:46:56 Il y a des sérapes, par exemple, ou du vin.
00:46:58 Je disais hier, Terra Nova, c'est quand même intéressant.
00:47:02 Il faut manger un peu moins de produits animaux,
00:47:06 il faut boire un peu moins de vin,
00:47:09 et il faut aller dans un registre où, finalement,
00:47:13 on doit recentrer dans la production plutôt nationale
00:47:16 que communautaire, si j'ai bien compris,
00:47:18 des allocations de production agricole,
00:47:20 où il y a, certes, plus de protéines végétales,
00:47:23 mais beaucoup moins de production et de consommation animale,
00:47:27 ou de vin.
00:47:28 Je vous remets dans l'ordre les trois puissances
00:47:30 du commerce extérieur français.
00:47:31 Je vous les mets dans l'ordre, pour rappel,
00:47:33 vin, alcool, produits laitiers, donc production animale,
00:47:36 production de céréales.
00:47:38 Donc, non, je ne critique pas,
00:47:41 ou du moins, si j'utilise mon critique,
00:47:43 c'est dans mon sens étymologique, c'est-à-dire de débat académique.
00:47:46 Il faut écouter et débattre.
00:47:48 Mais je souligne ce fait-là.
00:47:50 Donc, les frontières extérieures de l'Union européenne,
00:47:53 il faut être plus précautionneux, évidemment,
00:47:55 mais l'Europe est une grande puissance exportatrice,
00:47:58 par ailleurs, et importatrice, et pourquoi pas,
00:48:01 mais par ailleurs, dans le raisonnement
00:48:03 de la construction intérieure, il y a effectivement
00:48:05 des éléments à régler.
00:48:06 Le Sénat y a travaillé avec la Commission économique
00:48:08 sur les problématiques de compétitivité.
00:48:10 On a très clairement des problèmes d'éthique de compétitivité,
00:48:13 mais pas seulement.
00:48:15 On n'a pas que des problèmes de compétitivité.
00:48:17 On a probablement aussi, dans un objectif productif durable,
00:48:22 une problématique d'explication à nos concitoyens
00:48:25 de ce qu'est le socle productif ou le fait productif.
00:48:28 Et moi, ma conclusion, ce sera ça.
00:48:31 La souveraineté, c'est quoi ?
00:48:33 Lutter contre des importations qui ne sont pas hautement voulues,
00:48:36 c'est quoi ?
00:48:37 C'est développer le socle productif.
00:48:39 Le problème que nous avons, nous, y compris qu'on parle
00:48:42 de socle productif durable, évolutif,
00:48:46 engagé sur le plan environnemental, évidemment,
00:48:49 il ne s'agit pas de refaire demain ce qu'on a fait dans le passé,
00:48:52 c'est que le mot "production" ne soit pas connecté
00:48:56 à l'adjectif non pas productif, mais plutôt productiviste,
00:49:00 et que donc "production" donne "productivisme".
00:49:03 Et donc là, on a tous ensemble, si on veut travailler
00:49:06 sur la souveraineté, et c'est là que ça prend son importance.
00:49:09 En poupée, j'y gagne.
00:49:11 Territorial, national, européen, c'est tout ça, la souveraineté.
00:49:14 On a un objectif d'explication du but à atteindre,
00:49:20 qui n'est pas un but d'autosuffisance, évidemment,
00:49:22 mais qui a un but.
00:49:24 Quand un pays comme la France a le socle productif
00:49:26 le plus important d'Europe, il est quand même assez légitime
00:49:29 de se poser la question de son positionnement,
00:49:32 certes, n'importe où aussi, mais de se dire
00:49:35 qu'on peut faire mieux.
00:49:37 C'est ça, comment dire, la souveraineté,
00:49:41 c'est mettre en avant la capacité productive
00:49:44 dans des conditions, évidemment, qui sont plus agroécologiques
00:49:47 et plus durables.
00:49:49 -Merci. Très bien.
00:49:51 Juste une question que vous mettrez dans votre escarcelle
00:49:55 des réponses à venir.
00:49:59 Pensez-vous normal, et par rapport à ce que j'ai entendu
00:50:02 de vous trois, qu'aujourd'hui, l'Union,
00:50:04 par rapport aux décisions qu'elle prend,
00:50:06 et en particulier la Commission, n'est pas capable
00:50:09 ou ne veut pas produire d'études d'impact
00:50:11 sur les agricultures nationales,
00:50:13 sur le bilan d'agriculture nationale ?
00:50:16 On a récemment reçu Marc Faineau en audition,
00:50:19 on lui a posé la question, il a dit
00:50:21 "Je suis d'accord avec vous, et nous n'avons pas
00:50:23 plus d'études que cela sur l'impact."
00:50:27 Donc je pense que, voilà, c'est important.
00:50:30 On vous répondrait peut-être dans l'ensemble.
00:50:32 On va prendre des questions.
00:50:34 Pierre Kuipers d'abord, puis Karine Daniel qui se prépare.
00:50:36 On prend les questions par trois, mais pour l'instant,
00:50:38 on va prendre deux.
00:50:40 -Merci, merci, président.
00:50:42 D'abord, remercier nos trois intervenants,
00:50:45 que j'ai la chance de connaître par ailleurs
00:50:47 dans mon expérience de vie professionnelle.
00:50:49 Et la qualité de votre intervention,
00:50:51 aujourd'hui, me fait penser que nous vivons
00:50:53 peut-être dans deux mondes différents.
00:50:55 A savoir que, oui, il y a l'Europe,
00:50:58 oui, il y a la souveraineté européenne,
00:51:00 mais peut-elle exister dans nos propres pays,
00:51:03 si la France n'a pas sa propre souveraineté ?
00:51:06 Et je prendrai l'exemple de Thierry Pouche
00:51:08 sur les accords qui ont été passés
00:51:11 sur l'importation à droit zéro,
00:51:14 parce que ça n'a pas été dit tout à l'heure,
00:51:16 à droit zéro.
00:51:18 De 20 000 tonnes, on passe à 700 000 tonnes
00:51:20 d'importation de sucre.
00:51:22 C'est-à-dire qu'on est en train de fragiliser
00:51:24 l'ensemble de notre filière française
00:51:26 d'une manière considérable.
00:51:28 Et quand je dis ça, je le dis à court terme.
00:51:30 Et à court terme, comment aussi comprendre
00:51:33 que notre pays accepte ou mette en place,
00:51:36 on le verra encore tout à l'heure en discussion
00:51:39 sur la propriété, le patrimoine des sols,
00:51:43 en séance, qu'on s'impose une surtransposition
00:51:47 de normes qui, aujourd'hui, fragilisent
00:51:51 terriblement notre souveraineté.
00:51:53 Vous disiez un poulet sur deux est importé.
00:51:56 Un poulet sur deux consommé est importé.
00:51:58 C'est ce que tu disais, Yves, tout à l'heure.
00:52:00 Voilà, moi, je m'interroge.
00:52:02 On a les élections européennes, là, bientôt.
00:52:04 Je mesure aujourd'hui les difficultés
00:52:09 de compréhension des agriculteurs
00:52:11 et des filières françaises
00:52:13 par rapport, justement, à cette situation.
00:52:15 Alors, comment corriger et comment faire en sorte
00:52:19 qu'un Etat, la France, puisse s'imposer
00:52:23 et ne pas en rajouter ?
00:52:25 Merci. Merci d'abord pour vos interventions,
00:52:35 Karine Daniel, sénatrice de Loire-Atlantique.
00:52:38 Moi, sur les enjeux de souveraineté,
00:52:41 vous l'avez évoqué, et si on se projette à long terme,
00:52:45 et c'est appréciable de pouvoir se projeter
00:52:48 à long terme, puisque là, la période qu'on vient
00:52:50 de traverser a montré qu'on a aussi cherché
00:52:53 des réponses, parfois, de court terme
00:52:55 à J+1, J+2, qui paraissent quand même
00:52:58 complètement décalées par rapport
00:53:00 au temps de l'agriculture, des cycles de production
00:53:03 et de l'intervention publique dans ce domaine.
00:53:05 Donc, je pense qu'il faut que nous-mêmes,
00:53:07 on ait la responsabilité aussi politique
00:53:09 de dire qu'il faut inscrire l'agriculture
00:53:12 française et européenne dans le temps long,
00:53:14 et les décisions qu'on prend aujourd'hui,
00:53:16 elles auront des répercussions dans 30 ans,
00:53:18 comme ont eu des répercussions aujourd'hui
00:53:21 les réformes qui ont été menées dans les années 90.
00:53:24 Je pense notamment à la réforme Macchari.
00:53:26 Vous avez évoqué l'effet d'élasticité prix.
00:53:28 On le retrouve aujourd'hui, sur le fait
00:53:30 qu'on a choisi de déréguler et de sortir
00:53:34 d'un système de prix stabilisé.
00:53:36 Au fait de redonner un rôle de signaux
00:53:40 de prix de marché qui fonctionne aujourd'hui à plein,
00:53:43 mais c'était l'objectif.
00:53:45 Donc, aujourd'hui, on reproche une instabilité,
00:53:48 une grande variabilité qui se fait jour
00:53:52 et qui génère des crises partout en Europe,
00:53:55 mais c'était ce qu'on avait cherché
00:53:57 à atteindre il y a 30 ans.
00:53:59 Donc, il faut assumer ça aussi,
00:54:01 et il faut pouvoir le dire.
00:54:02 Avec un effet induit pour les jeunes agriculteurs
00:54:05 aujourd'hui qui se retrouvent dans un effet ciseau
00:54:08 renforcé par le fait qu'on a attribué des aides
00:54:11 qui sont majoritairement liées à des facteurs
00:54:15 de production et singulièrement des surfaces,
00:54:18 qui fait qu'aujourd'hui, et on a vu l'inflexion
00:54:21 du prix des terres agricoles à partir des années 90,
00:54:24 qui diminuait jusqu'alors et qui remonte ensuite,
00:54:27 parce que finalement, ces aides,
00:54:29 elles sont aussi capitalisées dans le foncier.
00:54:31 Et donc, les jeunes agriculteurs qui s'installent
00:54:33 aujourd'hui investissent massivement pour acheter
00:54:36 des outils de production qui sont aussi supports
00:54:39 de soutien public.
00:54:40 Et du coup, eux-mêmes sont quand même désavantagés
00:54:45 par rapport à leurs aînés qui se sont vus attribuer
00:54:48 à titre gratuit ou selon des mécanismes administratifs
00:54:53 des systèmes d'aide.
00:54:57 Et aujourd'hui, du coup, on a quand même du mal
00:54:59 à se projeter ou à projeter des jeunes générations
00:55:02 dans ce système-là, qui est quand même fortement contraint.
00:55:07 Donc, ma question est comment est-ce que,
00:55:10 pour les jeunes générations qui s'installent,
00:55:12 puisque les projets de loi qui vont arriver
00:55:14 vont avoir cet angle de renouvellement
00:55:16 des générations, on peut avancer peut-être
00:55:21 et assumer aussi des erreurs une perspective
00:55:25 de stabilité de marché qui permet de projeter,
00:55:30 quand on investit, qui permet de sécuriser
00:55:34 ces éléments-là.
00:55:35 Et puis, 2e volet de questions, et peut-être que mes collègues
00:55:39 Arnaud et Grémyer poursuivront aussi dans ce sens,
00:55:41 on est en plein dans la rédaction d'un rapport
00:55:45 sur les NTG, les nouvelles techniques génomiques,
00:55:48 et on est très préoccupés, évidemment,
00:55:51 sur les enjeux de traçabilité, des faits sur la compétitivité
00:55:55 de l'agriculture française et européenne,
00:55:57 et aussi, c'est un sujet important, des clauses miroirs
00:56:00 et de la réciprocité, et comment est-ce que vous projetez
00:56:03 ce sujet par rapport aux expertises que vous avez
00:56:09 dans ce domaine.
00:56:10 Oui, merci, merci à nos trois intervenants pour,
00:56:17 comme d'habitude, leur qualité de questionnement
00:56:23 qui les suscite. Vraiment, merci.
00:56:27 Je vais prolonger ce qu'elle vient de dire à l'instant, Karine,
00:56:30 parce qu'effectivement, ce sujet, on s'est quittés
00:56:35 pour venir vous retrouver, on va se retrouver après
00:56:38 pour essayer de trouver un point de vue commun.
00:56:40 Il faut bientôt présenter ça au niveau de la Commission
00:56:43 des Affaires Européennes du Sénat.
00:56:45 Ma seule question, pour prolonger ce qu'elle vient de dire,
00:56:48 c'est est-ce que l'Europe peut se permettre
00:56:53 de refaire ce qu'elle a fait en termes de choix
00:56:57 comme elle l'a fait au niveau des EGEM ?
00:57:00 Est-ce qu'elle peut se le permettre ?
00:57:04 Et, quelque part, est-ce que ce n'est pas sa dernière chance
00:57:07 de garder son indépendance et sa biodiversité
00:57:11 semencières, paysannes, sur nos territoires ?
00:57:15 Après, j'avais d'autres réactions, et pour prolonger
00:57:20 ce que vous avez évoqué, je trouve qu'un exemple
00:57:23 très concret qu'on est en train de vivre sous nos yeux,
00:57:26 tout proche de nous, les sanctions suite aux conflits
00:57:29 entre l'Ukraine et la Russie qui ont été prises
00:57:32 n'ont jamais autant renforcé la Russie.
00:57:35 C'est un point de vue que j'ai. J'ai eu la chance
00:57:39 de faire une mission en Russie juste peu de temps avant
00:57:42 le conflit, et on l'avait déjà compris avec les premières
00:57:45 sanctions à l'époque de la Crimée, qui étaient vraiment
00:57:49 marginales, mais on avait compris, et les Russes nous expliquant
00:57:52 "On n'en est pas inquiets, vous allez voir ce que vous allez voir".
00:57:55 Et certains me connaissent pour mes responsabilités anciennes
00:57:58 dans le domaine de l'élevage et la génétique. J'ai pu voir
00:58:01 de mes propres yeux ce qu'ils étaient en train de construire
00:58:04 et qu'ils n'avaient plus besoin d'aller chercher la génétique
00:58:06 dans les bassins producteurs français et européens.
00:58:10 Et on le voit aujourd'hui, et ce que vous venez de montrer,
00:58:14 mais je pose cette question-là,
00:58:17 parce que ça montre que lorsqu'un pays se sent attaqué,
00:58:21 eh bien quelque part, il a une capacité de réaction
00:58:25 qui dépasse l'enjeu de la souveraineté alimentaire.
00:58:30 Ça, c'est une première réflexion, et je prolonge ce que vous venez de dire,
00:58:36 parce que les Européens n'ont pas le sentiment d'être attaqués
00:58:40 sur l'alimentation. Et une des questions, un des échecs,
00:58:44 ce que je partage, ce qu'il a dit, avec le complément
00:58:47 de notre président, de Jean-François, sur le fait que la PAC,
00:58:53 les gens n'ont pas conscience que c'est pour les consommateurs européens.
00:58:57 Et l'échec de l'Europe, qui est la seule politique agricole commune,
00:59:02 normalement, je dis ça parce qu'elle a bien quand même évolué
00:59:05 entre six, au début, et après. Moi, j'ai connu la période
00:59:09 où la France était excédentaire en porc, et je le dis parce que
00:59:13 on était au même endroit à l'époque, Pierre aussi,
00:59:17 quand nous sommes allés en Allemagne, après la réunification,
00:59:21 et qu'on a vu ce premier abattoir européen de porc,
00:59:25 qui nous a donné une leçon pendant que nous, on était encore
00:59:28 sur le marché au cadran, on a vite compris qu'on allait
00:59:31 complètement tout perdre. Et quand on a vu les Espagnols,
00:59:34 avec leur politique environnementale, par leur choix,
00:59:37 que les naisseurs allaient quitter la Bretagne pour partir
00:59:41 sur l'Espagne, ce qui a fait qu'aujourd'hui, la France
00:59:45 est arrivée à ce stade-là. Et je pense qu'il y a une question
00:59:50 aussi que je voulais vous poser, c'est comment pouvons-nous
00:59:53 retrouver ce partage, ce portage par le peuple européen ?
00:59:59 On est tout près des élections européennes, et les gens
01:00:02 ne se rendent pas compte de la chance qu'est l'Europe.
01:00:05 Et parce que, quelque part, on est à l'envers.
01:00:09 Ils considèrent que c'est que des handicaps.
01:00:13 Et je reviens sur ma dernière question, sur la partie Egalim.
01:00:21 Là encore, je pense qu'on a tout faux.
01:00:24 On a un décalage complet avec les autres pays de l'Union européenne.
01:00:28 On a laissé croire la montée en gamme. Donc ça veut dire
01:00:31 qu'Egalim laisserait penser qu'en France, on va s'intéresser
01:00:34 qu'à ceux qui ont des moyens de se nourrir un peu plus que les autres.
01:00:37 Mais le rôle de l'agriculture et l'ambition de l'agriculture
01:00:40 et de l'agroalimentaire, c'est de nourrir l'ensemble
01:00:43 de la population, qu'elle soit française, européenne,
01:00:47 quel que soit leur niveau de revenu.
01:00:50 C'est notre rôle, c'est ça, notre mission.
01:00:53 Et je termine sur le dossier de l'installation,
01:00:57 le renouvellement des générations. Je pense que là,
01:01:00 effectivement, l'agriculture, c'est au temps long.
01:01:03 C'est celui qui désarme sur l'élevage avant qu'il reprenne
01:01:06 des vaches. Il se passera quelques décennies.
01:01:09 Les fermes où il n'y aura pas de successeurs,
01:01:13 ou parce qu'il n'y aura pas forcément que des enfants de paysans,
01:01:16 mais d'autres jeunes qui s'installent dans les fermes,
01:01:20 le modèle familial à la française, qui est vraiment une richesse humaine,
01:01:24 une richesse de diversité, de capacité,
01:01:28 on est au dernier rendez-vous, pour la France,
01:01:32 de sa capacité à garder dans ses choix agricoles,
01:01:37 j'ai horreur de l'expression modèle, dans ses choix agricoles,
01:01:41 ce dernier rendez-vous d'avoir encore une agriculture à la française
01:01:45 dite "familiale".
01:01:48 Merci de ces questions.
01:01:59 Je vais aller droit au but sur certains points.
01:02:03 D'abord, souveraineté, qu'est-ce que c'est ?
01:02:07 Thierry a dit des choses, Yves aussi.
01:02:10 Moi, je crois qu'il faut qu'on ait bien conscience qu'il y a 5 piliers
01:02:13 à la souveraineté en géopolitique, et en particulier sur les questions
01:02:16 agricoles et alimentaires. Où se situent les dépendances ?
01:02:19 Comment on les gère ? Où sont les indépendances ?
01:02:22 Comment on les cultive ? Quelles sont les interdépendances inévitables ?
01:02:25 Et là aussi, comment on les maîtrise ? Quelle capacité de résilience ?
01:02:28 Et quelle constance ? Parce que le grand sujet aussi qui est sur la table,
01:02:31 y compris à travers certaines de vos questions, c'est est-ce qu'on est
01:02:34 capable d'avoir de la constance en démocratie ?
01:02:37 Et moi, je trouve que l'une des forces de l'Union européenne serait
01:02:40 précisément d'expliquer qu'on n'a pas besoin d'être en dictature pour
01:02:43 avoir du temps long et une vue longue. C'est ça le grand challenge,
01:02:46 me semble-t-il. Parce qu'en fait, sur un secteur comme l'agriculture,
01:02:49 où les grands sujets de sécurité alimentaire, ou les sujets de sécurité
01:02:52 dont on a parlé, ou d'industrie, etc.,
01:02:55 ou de transition écologique,
01:02:58 c'est le temps long, sinon rien. Ça, c'est sûr que si
01:03:01 chaque fait d'hiver fait la loi du soir, nos systèmes
01:03:04 démocratiques déraillent. En tout cas, je pense que c'est un vrai
01:03:07 sujet qui concerne la crise agricole du moment.
01:03:10 Ce manque de constance, au-delà de la
01:03:13 confiance et de la cohérence qui sont des sujets, mais
01:03:16 cette question de la constance. Donc vous avez vu que
01:03:19 sur le sujet de la souveraineté, au niveau
01:03:22 européen, et Thierry a eu raison de le souligner,
01:03:25 le concept, c'est autonomie stratégique ouverte.
01:03:28 On ne parle pas de souveraineté, on parle d'autonomie
01:03:31 stratégique ouverte.
01:03:34 C'est ça le mot-clé, autonomie stratégique
01:03:37 ouverte. Maintenant, je me permets de poser une question à l'échelle française sur la
01:03:40 souveraineté alimentaire, ou quelle qu'elle soit.
01:03:43 Je n'ai pas vu beaucoup de travaux parlant de souveraineté,
01:03:46 quelle qu'elle soit, sur la France, dont on parle de plus en plus
01:03:49 ces derniers mois, posant la question de la
01:03:52 souveraineté financière et budgétaire de tout cela.
01:03:55 Est-ce que quand on passe dans le rouge sur le
01:03:58 plan financier et budgétaire, on est véritablement en souveraineté
01:04:01 dans les secteurs dans lesquels on investit ?
01:04:04 Ce qui pose une question sur le fait qu'il faudra bien
01:04:07 présenter des dépenses comme étant des investissements.
01:04:10 Et l'agriculture n'est pas une dépense.
01:04:13 Si on considère que l'agriculture est une dépense,
01:04:16 je pense qu'on est dans toutes ces incohérences
01:04:19 que vous avez évoquées à travers vos questions.
01:04:22 C'est tout le débat sur la mobilisation autour de la souveraineté.
01:04:25 Deuxième remarque.
01:04:28 Est-ce qu'on s'affaiblit à cause de nous, au niveau
01:04:31 européen, ou à cause des autres ? Les deux.
01:04:34 La vie n'est toujours qu'une combinaison.
01:04:37 À cause de nous, sur la désindustrialisation,
01:04:40 sur cette politique agricole concurrentielle qu'on a laissée
01:04:43 filer, parce que la nouvelle PAC, avec le principe de subsidiarité,
01:04:46 elle a quand même dit à chacun, chacun pour soi,
01:04:49 vive l'Europe, mais chacun pour soi.
01:04:52 La surtransposition normative,
01:04:55 en France ou ailleurs,
01:04:58 moi je suis franco-italien, en Italie,
01:05:01 il y a du surexcès de normes aussi en tous genres sur d'autres
01:05:04 aspects qui touchent l'alimentation ou l'agriculture.
01:05:07 Regardez sur le Nutri-Score, par exemple, l'Italie est
01:05:10 vent debout. Chaque pays est en
01:05:13 sur-régime, parfois normatif, par rapport à ses propres sensibilités.
01:05:16 Nous, on s'affaiblit parce qu'on a laissé,
01:05:19 comme vous l'avez souligné,
01:05:22 on ne pratique pas le traité de Lisbonne,
01:05:25 c'est-à-dire que la Commission européenne a le pouvoir sur le Parlement européen,
01:05:28 ce qui est une anomalie. Et donc on voit bien
01:05:31 sur tous les sujets agricoles depuis 2019
01:05:34 que le Parlement européen est vent debout sur les pratiques
01:05:37 de la Commission européenne,
01:05:40 en tout cas jusqu'à l'été 2023, parce qu'il faudra quand même faire
01:05:43 une petite révision dans l'histoire longue sur l'impact,
01:05:46 l'étude d'impact de Franz Timmermans.
01:05:49 C'est un sujet. Non pas sur l'écologie,
01:05:52 parce que sur l'écologie, il a raison, le Pacte vert, moi je suis convaincu qu'il faut y aller,
01:05:55 et en plus c'est le temps long de l'Europe qui a ce narratif mobilisateur.
01:05:58 C'est sur la méthode et sur l'exclusivité
01:06:01 d'un Pacte vert qui proposerait éventuellement
01:06:04 aux Européens d'être dans un grand paradis vert en 2050,
01:06:07 mais sans forcément savoir ce qu'on va y en faire.
01:06:10 Et à quoi ça va servir ?
01:06:13 Et quand vous discutez avec des députés européens,
01:06:16 quels qu'ils soient, de tous bords
01:06:19 et de n'importe quelle nationalité,
01:06:22 il y a un petit sujet autour de ça.
01:06:25 Il y a un petit sujet pour ne pas dire un con.
01:06:28 Donc il y a un vrai sujet sur les élections européennes, ça va sans dire.
01:06:31 De peut-être expliquer que l'Europe c'est bien,
01:06:34 c'est ce que j'écris dans mon nouveau bouquin qui est sorti hier.
01:06:37 Il n'y a pas mieux que l'Europe, mais forcément si on arrête de le dire,
01:06:40 ça ne peut pas être que des bébés Erasmus, l'Europe.
01:06:43 Ça ne peut pas être que ça.
01:06:46 Donc on a des affaiblissements de notre part.
01:06:49 Et puis les incohérences libre-échange.
01:06:52 En tout cas, il sera très important
01:06:55 de faire un bon choix et que la France soit vigilante
01:06:58 sur le choix du prochain commissaire européen à l'agriculture.
01:07:01 Je rappelle quand même que le commissaire européen à l'agriculture actuelle
01:07:04 passe son temps en Pologne
01:07:07 et n'avait pas de grandes compétences sur les sujets agricoles
01:07:10 dans un moment aussi crucial.
01:07:13 -Une des plus grandes auditions qu'on a eu.
01:07:16 -Donc je ferme mes petites parenthèses.
01:07:19 On s'affaiblit aussi à cause des autres.
01:07:22 Alors un petit mot sur la Russie,
01:07:25 Thierry l'a évoqué, on a publié il y a deux mois avec Thierry
01:07:28 un livre qui s'appelle "Géopolitique du sucre"
01:07:31 et on met en perspective le sujet sur la betterave
01:07:34 parce que 1) c'est notre source sucre
01:07:37 et gel hydroalcoolique et mix énergétique
01:07:40 et bonbons, haribos, cosmétiques,
01:07:43 tout ce que vous voulez, la betterave.
01:07:46 C'est une histoire géopolitique, Napoléon, il y a deux siècles.
01:07:49 Et la betterave aujourd'hui, le premier producteur mondial, c'est la Russie.
01:07:52 Et l'évidence dans le bouquin, c'est qu'il y a l'Ukraine qui pousse.
01:07:55 Mais il y a une Russie qui a clairement en tête
01:07:58 que le marché mondial du sucre, aujourd'hui, alimentaire,
01:08:01 il est désinvesti par les Brésiliens, les Indiens, les Thaïlandais
01:08:04 qui font de la canne pour être dans les clous des accords de Paris
01:08:07 et faire leur transition climatico-énergie.
01:08:10 Et qu'il y a un besoin alimentaire en sucre de 3 millions de tonnes par an
01:08:13 qui s'amplifie et les Russes sont en train de regarder ça
01:08:16 comme ils ont regardé le blé il y a 20 ans.
01:08:19 Et c'est à ces deux lits ou les croix gammées que la Russie est capable
01:08:22 de créer en désinformation sur la betterave à sucre
01:08:25 et les filières sucrières européennes et françaises.
01:08:28 La machine russe a marché à plein régime.
01:08:31 Ça aussi, à un moment donné, ça renvoie aux commentaires
01:08:34 sur les ingérences extérieures qui affaiblissent
01:08:37 et qui ne sont pas des sujets agricoles.
01:08:40 Là, on est en pleine géopolitique et ce monde de carnivore qui est là.
01:08:43 Sur les Etats-Unis, petite parenthèse, tout de même,
01:08:46 parce que Thierry a souligné leur affaissement
01:08:49 autour de questions agricoles et alimentaires,
01:08:52 enfin, il y a quand même un petit sujet Etats-Unis-Ukraine
01:08:55 qu'il va falloir regarder parce qu'on ne sait pas
01:08:58 si l'Ukraine rêve vraiment de rentrer dans l'Union européenne.
01:09:01 Moi, ce que j'entends, c'est que l'Ukraine agricole
01:09:04 n'est pas une aficionados d'une entrée dans l'Union européenne
01:09:07 et qu'aujourd'hui, vous le savez, c'est plutôt à Washington
01:09:10 qu'un certain nombre de transitions sont menées,
01:09:13 ce qui veut dire aussi que, par exemple,
01:09:16 le maïs ukrainien non OGM que les Européens adorent,
01:09:19 il n'est pas dit que demain, il ne soit pas un maïs OGM américain.
01:09:22 Et je rappelle que ce n'est pas l'OTAN qui est en mort cérébrale,
01:09:25 c'est les échanges commerciaux et les partenariats
01:09:28 commerciaux économiques transatlantiques.
01:09:31 Nos concurrences ne sont pas qu'au sud ou à l'est.
01:09:34 Je me permets quand même de le dire parce que cette Europe
01:09:37 qui doit se ressaisir, c'est aussi une Europe qui doit être lucide.
01:09:40 Pour finir, 3 mots.
01:09:43 21e siècle en Europe ou ailleurs,
01:09:49 moi, je ne suis pas du tout à l'aise
01:09:52 avec l'idée qu'on pourrait produire plus.
01:09:55 Et donc, ça pose la question des innovations technologiques.
01:10:01 Est-ce que les NGT vont permettre de produire plus ?
01:10:04 Non. Je ne rentre pas dans la technique.
01:10:07 Mais je crois qu'en fait, il faut qu'on change complètement de registre.
01:10:10 Ma conviction profonde, c'est qu'il va falloir espérer
01:10:13 produire autant qu'aujourd'hui le plus longtemps possible.
01:10:16 Parce qu'entre le dérèglement climatique, auquel s'ajoutent
01:10:19 les dérèglements géopolitiques, ce qui complexifie l'acte agricole
01:10:22 et de la performance alimentaire mondiale, européenne ou française,
01:10:25 on n'a aucune garantie aujourd'hui de pouvoir demain
01:10:28 produire autant qu'on est en train de produire aujourd'hui.
01:10:31 Donc en fait, le sujet pour moi, ce n'est pas produire plus demain
01:10:34 ou le plus ou le mieux, c'est comment le volume
01:10:37 de production actuel, on perd zéro, c'est-à-dire qu'on doit
01:10:40 interdire de jeter ce que j'appelle l'écologie circulaire.
01:10:43 L'écologie circulaire, c'est quoi ?
01:10:46 Ça veut dire de comprendre qu'aujourd'hui, oui,
01:10:49 à travers les productions agricoles, vous êtes en phase avancée
01:10:52 de plein de transitions dans lesquelles on va mener.
01:10:55 Vous parlez de la filière port. Moi, je constate quand même qu'aujourd'hui,
01:10:58 enfin, le fameux slogan connu de tous, c'est une réalité économique.
01:11:01 Tout est bon dans le cochon. C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
01:11:04 vous avez en Bretagne des entreprises sur le secteur du port
01:11:07 qui ne jettent plus rien, qui vont faire des carburants,
01:11:10 qui vont faire de la ligamentoplastie pour les hôpitaux,
01:11:13 qui vont faire des revêtements, qui vont faire des produits
01:11:16 pharmaceutiques, etc., qui vont faire des boucles
01:11:19 industrielles sur d'autres matériaux.
01:11:22 On est déjà dans de l'écologie circulaire dans beaucoup de filières.
01:11:25 La France du port était en retard il y a 20 ans sur l'Espagne.
01:11:28 Aujourd'hui, c'est l'Espagne et les Pays-Bas qui sont en retard
01:11:31 parce qu'ils n'ont pas misé sur les transitions autour de l'écologie
01:11:34 ou du bien-être, etc. Donc, on a des compétitivités
01:11:37 qu'on a été capable de chercher parce qu'on a pensé cette circularité.
01:11:40 Premier point. Deuxième point.
01:11:43 Attention au monde, en Europe, en France,
01:11:46 ou ici, dans cette salle,
01:11:49 ou soi-même. C'est-à-dire qu'on est quand même passé,
01:11:52 et Thierry l'a évoqué subliminalement,
01:11:55 de l'alimentation pour tous à l'alimentation pour chacun.
01:11:58 Ce qui n'est pas du tout la même affaire
01:12:01 comme ambition collective. Alors, juste pour provoquer le débat
01:12:04 parce que je pense qu'il va falloir que vous y penchez prochainement,
01:12:07 pas juste parce que l'Express en fait sa une cette semaine,
01:12:10 mais parce que depuis six mois, je suis ça de près.
01:12:13 L'irruption massive des coupes fins
01:12:16 aujourd'hui
01:12:19 est pour moi un game changer massif sur le sujet de la sécurité alimentaire mondiale.
01:12:22 Beaucoup plus que la végétalisation,
01:12:25 beaucoup plus que tout ce qu'on raconte sur notre registre.
01:12:28 Parce que si vous avez un système
01:12:31 qui aujourd'hui permet à des gens de ne plus ressentir
01:12:34 la nécessité de manger,
01:12:37 on voit déjà en un an ce que ça provoque
01:12:40 en chute de consommation de certains produits.
01:12:43 Et ça pourra aller sur d'autres registres demain.
01:12:46 Et autour de tout cela, il y a, comme sur les NGT,
01:12:49 ou plein de sujets, en fait, il y a des choses intéressantes
01:12:52 à regarder, ce que ça peut permettre. Mais il y a toutes les dérives
01:12:55 parce que chaque innovation, vous le savez, c'est les usages,
01:12:58 les usagers, les opportunités, les risques.
01:13:01 Et sur les coupes fins, je me permets d'attirer votre attention
01:13:04 parce que je pense qu'on devrait intégrer davantage
01:13:07 ce sujet dans les grands débats
01:13:10 sur la souveraineté alimentaire urbaine parce que je ne suis pas sûr que les consommateurs,
01:13:13 leur sujet, c'est l'élevage,
01:13:16 la PAC, l'Ukraine.
01:13:19 Je pense qu'il faut de temps en temps revenir
01:13:22 au prix et à ce sujet
01:13:25 de l'alimentation pour chacun qui est en train de s'imposer
01:13:28 dans un monde d'égoïsme total à l'échelle internationale
01:13:31 ou à l'échelle nationale.
01:13:34 Et c'est le grand drame pour moi sur le sujet alimentaire,
01:13:37 c'est qu'il nous imposerait de faire ensemble.
01:13:40 Et je rappelle
01:13:43 que le Covid a eu pour principale conséquence
01:13:46 de relocaliser les états d'esprit et c'est ça,
01:13:49 le grand péril qui est devant nous sur le plan alimentaire,
01:13:52 me semble-t-il.
01:13:55 Merci beaucoup pour ces éclairages. On écartera du compte rendu
01:13:58 les propos irrévérencieux de M. Kadek qui disait que
01:14:01 je pourrais en prendre des coupes fins.
01:14:04 Y a-t-il d'autres questions ou d'autres interventions ?
01:14:12 Oui. Florence, vas-y.
01:14:15 Oui, merci beaucoup pour cet élément et on voit bien
01:14:18 qu'on est face à des paradoxes,
01:14:21 souveraineté nationale
01:14:24 versus souveraineté européenne,
01:14:27 relance capacitaire versus adaptation
01:14:30 et aux changements climatiques et transitions
01:14:33 qui sont absolument nécessaires.
01:14:36 Donc vous avez indiqué qu'il fallait
01:14:39 aller vers les transitions environnementales
01:14:42 mais qu'il fallait pas le faire
01:14:45 comme cela avait été engagé ces dernières années.
01:14:48 C'est important d'avoir une ambition
01:14:51 mais il faut la mettre en oeuvre.
01:14:54 Donc selon vous, comment peut-on la mettre en oeuvre ?
01:14:57 Est-ce à travers en effet la PAC parce que
01:15:00 les PSN sont maintenant nationaux
01:15:03 et ça peut être aussi source de concurrence
01:15:06 entre les pays ? Donc est-ce que la PAC
01:15:09 doit être utilisée pour accompagner
01:15:12 ces transitions environnementales ?
01:15:15 Par ailleurs, Daniel a évoqué la question cruciale
01:15:18 de l'installation, elle est vraiment très importante
01:15:21 et derrière cette installation, il y a la question du foncier
01:15:24 et est-ce que là, on n'a pas encore à nouveau un risque
01:15:27 d'ingérence avec une spéculation
01:15:30 sur le foncier agricole ?
01:15:33 Qu'en est-il dans l'état de vos connaissances
01:15:36 au niveau national et au niveau européen ? Je vous remercie.
01:15:39 Oui, merci beaucoup d'abord. Merci beaucoup
01:15:45 pour cette table ronde. Je suis arrivée un petit peu en retard
01:15:48 mais je vous ai écouté à distance, donc j'ai suivi depuis le début
01:15:51 et vraiment je ne suis pas une spécialiste de cette question
01:15:54 mais j'ai trouvé ça passionnant et j'ai trouvé y compris
01:15:57 rafraîchissant le matin d'avoir un regard positif
01:16:00 sur ce que l'Europe apporte malgré ses défauts
01:16:03 et je pense que ça vaut la peine de le souligner régulièrement
01:16:06 donc merci à vous en particulier. J'ai une question
01:16:09 peut-être un peu décalée mais qui se raccroche
01:16:12 néanmoins à quelque chose que j'ai pu entendre
01:16:15 sur le lien entre finalement, je ne sais pas
01:16:18 s'il faut le dire comme ça, mais entre Europe sociale et Europe agricole.
01:16:21 Vous avez fait référence tout à l'heure aux enjeux démographiques
01:16:24 et au détour des enjeux démographiques y compris
01:16:27 à ce qui est aujourd'hui la main d'oeuvre me semble-t-il
01:16:30 de la filière agricole notamment européenne
01:16:33 et une main d'oeuvre dont on sait que dans plusieurs pays
01:16:36 pas seulement au sud, je pense que c'est le cas en Allemagne aussi
01:16:39 c'est une main d'oeuvre qui est peu chère payée
01:16:42 qui travaille dans des conditions qui ne sont pas simples
01:16:45 quel est le regard que vous portez là-dessus ?
01:16:48 Est-ce qu'il y a une prise de conscience aussi qu'en régulant
01:16:51 finalement mieux les droits sociaux à l'échelle européenne
01:16:54 on améliore aussi la situation agricole
01:16:57 même si je ne connais pas les enjeux de compétition
01:17:00 à l'échelle internationale mais je me pose là
01:17:03 en tout cas au moins à l'échelle intra-européenne. Merci.
01:17:06 Oui merci. Moi je suis heureux d'entendre
01:17:13 que l'agriculture elle doit être européenne
01:17:16 et que les défis mondiaux font que
01:17:19 s'il n'y a pas une agriculture bien organisée en Europe
01:17:22 elle se fera avaler par tous les autres pays du monde.
01:17:25 Maintenant comment la définir ? Moi j'ai juste une question sur
01:17:28 le problème de la captation carbone, le rôle de l'agriculture
01:17:31 dans la transition non pas énergétique
01:17:34 mais d'amélioration de la qualité et autres
01:17:37 est-ce que tout ceci dans la nécessité
01:17:40 à la fois de production et en même temps
01:17:43 de préservation de l'environnement, l'histoire des haies
01:17:46 l'histoire de la plantation des arbres
01:17:49 donc l'augmentation de la forêt etc.
01:17:52 Est-ce qu'on arrive à organiser
01:17:55 intelligemment tout cela ou c'est des coups
01:17:58 politiques de temps en temps qui font que chacun pour soi
01:18:01 dans chacun des domaines, le forestier
01:18:04 le capteur de carbone
01:18:07 et puis de l'autre côté la production agricole.
01:18:10 J'ai un certain nombre de points
01:18:16 d'éléments de réponse. D'abord sur ce que vous avez dit
01:18:19 M. Kuipers au sujet
01:18:22 des décisions qui sont prises
01:18:25 du démantèlement des droits de douane pour aider l'Ukraine
01:18:28 l'analyse qu'en a
01:18:31 faite la commission c'est de dire
01:18:34 au regard de ce qui se passe sur le territoire ukrainien
01:18:37 de l'importance de l'agriculture dans le produit intérieur brut
01:18:40 national, on démantèle les droits de douane
01:18:43 et on apporte une aide qui va au-delà du militaire et du financier
01:18:46 c'est-à-dire une aide à l'exportation d'une certaine façon
01:18:49 puisque c'est ça, on démantèle un droit de douane, on le met à zéro
01:18:52 et donc ça favorise les exportations de l'Ukraine.
01:18:55 Comment sortir de cette contradiction
01:18:58 entre apporter un soutien à ce pays qui est en guerre
01:19:01 et en même temps limiter
01:19:04 la pénétration du marché européen au produit ukrainien ?
01:19:07 Là je suis bien
01:19:10 démuni, je ne suis pas un homme politique
01:19:13 probablement qu'il y aurait
01:19:16 à un moment donné ou à un autre des décisions à prendre
01:19:19 pour trancher vraiment, c'est-à-dire on dit non
01:19:22 ou on dit oui, mais il faut annoncer les conséquences
01:19:25 si on dit oui, on ouvre le marché européen
01:19:28 au titre de l'aide et on offre des contreparties
01:19:31 à ceux qui en sont
01:19:34 les victimes ou alors on dit non
01:19:37 on ne peut pas aller jusque-là sans compromettre
01:19:40 notre propre cohésion européenne et sans compromettre
01:19:43 notre sécurité alimentaire parce que derrière
01:19:46 je ne vous apprendrai rien, on m'a rappelé ça
01:19:49 dans le livre qu'on a fait avec Sébastien
01:19:52 mais sur la betterave et le sucre ce sont quand même
01:19:55 des outils de production, ce sont des emplois, ce sont des usines
01:19:58 ce sont des débouchés, donc voilà
01:20:01 il faut mettre ça sur la table et je trouve pour ma part
01:20:04 que la commission ne va pas assez loin en matière d'études d'impact
01:20:07 il me semble qu'elle manque aussi de sens de l'anticipation
01:20:10 que peut-il se passer si on prend cette décision
01:20:13 il faudrait peut-être changer les états d'esprit
01:20:16 mais là je suis bien embêté
01:20:19 pour répondre à ce que disait Daniel
01:20:22 tout à l'heure au sujet des sanctions
01:20:25 les économistes sont aujourd'hui totalement démunis
01:20:28 pour dire les sanctions vont fonctionner
01:20:31 on s'aperçoit tous autant que nous sommes
01:20:34 dans cette communauté scientifique que les sanctions n'ont pas fonctionné
01:20:37 et il va falloir, si on veut
01:20:40 s'opposer à un pays ou à un groupe de pays
01:20:43 il va falloir trouver de nouveaux outils
01:20:46 parce que là finalement avec ces sanctions depuis la Crimée
01:20:49 nous n'avons fait que renforcer la puissance russe
01:20:52 qui justement
01:20:55 de mon point de vue pour regarder ce pays
01:20:58 et son agriculture depuis un certain temps
01:21:01 elle a le sens de l'anticipation
01:21:04 c'est-à-dire qu'elle sait que ces sanctions sont considérées comme positives
01:21:07 par les puissances qui les infligent
01:21:10 mais on se prépare justement à les absorber
01:21:13 à les contourner
01:21:16 et en plus on s'appuie du côté de la Russie
01:21:19 sur les divisions européennes
01:21:22 sur le fait qu'on savait que l'Ukraine allait être aidée
01:21:25 sur le plan agricole et donc ça constitue des affaiblissements
01:21:28 justement de l'outil de production agricole européen
01:21:31 affaiblissement dans lequel s'engouffre la Russie justement
01:21:34 c'est ça qui à mon avis est important
01:21:37 et qui nécessiterait à nouveau d'avoir
01:21:40 un état d'esprit un peu plus anticipateur
01:21:43 sur les conséquences des décisions que l'on prend
01:21:46 Karine Daniel a évoqué
01:21:49 les close-mirroirs
01:21:52 j'ai bien compris
01:21:55 oui c'est une ambition, c'est un noble objectif
01:21:58 mais pour regarder aussi
01:22:01 le Brésil il s'en moque des close-miroirs d'une certaine façon
01:22:04 d'abord parce que
01:22:07 il peut considérer que ce sont des distorsions de concurrence qui sont infligées
01:22:10 un protectionnisme déguisé
01:22:13 et que ça peut très bien faire l'objet d'un dépôt de plainte à l'OMC
01:22:16 alors après les décisions qui seront prises par le panel etc.
01:22:19 on verra, mais surtout le Brésil annonce
01:22:22 que vous pouvez m'infliger des close-miroirs
01:22:25 des réciprocités dans les normes
01:22:28 j'exporterai ailleurs
01:22:31 et même à la limite si on prend l'exemple qui avait été
01:22:34 comment ?
01:22:37 on peut très bien exporter ailleurs
01:22:40 et dans le pays qui importe le produit brésilien à la limite
01:22:43 réexporter vers l'Europe
01:22:46 parce que lui ne sera pas touché par ces close-miroirs
01:22:49 on a eu ça dans les années 70-80 avec les téléviseurs coréens
01:22:52 où on avait essayé aux Etats-Unis de les bloquer
01:22:55 sur le territoire américain
01:22:58 et bien les coréens ont délocalisé leur production et ils vendaient sur place
01:23:01 donc voilà, je pense qu'il faut essayer
01:23:04 de peser le pour et le contre
01:23:07 sur ces close-miroirs
01:23:10 ensuite, il y a eu des questions sur le foncier
01:23:13 c'est typiquement ce que disait Yves tout à l'heure
01:23:16 ça relève du national
01:23:19 il faut voir maintenant jusqu'où ça va aller
01:23:22 ensuite, on n'a pas réglé évidemment
01:23:25 toutes les questions autour du foncier sur le territoire national
01:23:28 sur l'artificialisation, enfin c'est des problématiques
01:23:31 qui sont très lourdes en ce moment
01:23:34 mais dans la perspective d'une régénération des actifs agricoles
01:23:37 c'est un paramètre maintenant décisif
01:23:40 cet accès au foncier
01:23:43 hélas, pour ma part, je ne vois pas comment
01:23:46 on peut le déconnecter de la problématique de la souveraineté alimentaire
01:23:49 justement, et la régénération
01:23:52 le renouvellement des actifs agricoles
01:23:55 de mon point de vue, on pourra
01:23:58 évidemment apporter tous les moyens financiers
01:24:01 la formation, etc. mais il me semble que
01:24:04 elle passera fondamentalement
01:24:07 par le retissage du lien
01:24:10 entre la population et son agriculture
01:24:13 parce qu'on peut entendre plein de choses sur
01:24:16 on soutient les agriculteurs qui ne sont pas contents
01:24:19 on est très attaché au local, etc.
01:24:22 malgré tout, il y a un lien qui s'est un petit peu distendu
01:24:25 entre le citoyen qui est de plus en plus urbanisé
01:24:28 qui sait qu'il peut acheter des produits moins chers
01:24:31 ailleurs, et donc
01:24:34 il est nécessaire, de mon point de vue, de
01:24:37 remettre un petit peu en forme, de reconsolider
01:24:40 ce lien entre la population, dans son ensemble
01:24:43 parce qu'on a des fractions de la population qui sont très sensibles
01:24:46 à cette question agricole, mais c'est l'ensemble de nos concitoyens
01:24:49 qui doit être sensibilisé à cette question de l'agriculture
01:24:52 et de la souveraineté alimentaire, me semble-t-il.
01:24:55 Sur l'emploi agricole, il y avait une question sur l'harmonisation
01:25:02 des normes sociales
01:25:05 en tout cas, essayer de faire converger
01:25:08 quelque chose pour éviter les sources
01:25:11 de distorsion de concurrence
01:25:14 je pense qu'à travers cet exemple, on est là sur
01:25:17 des chantiers qui s'inscrivent sur la longue période
01:25:20 harmoniser la fiscalité, harmoniser les normes sociales
01:25:23 on a entendu récemment
01:25:26 le projet
01:25:29 très embryonnaire d'une loi
01:25:32 Egalim à l'échelle européenne
01:25:35 mais si vous prenez en compte les coûts de production dans une loi Egalim
01:25:38 vous allez prendre quel coût de production ? Les polonais ? Les français ?
01:25:41 à quel niveau vous allez les mettre ? Vous allez faire une moyenne ?
01:25:44 Et pour les salaires, c'est exactement la même chose
01:25:47 vous allez diminuer le SMIC
01:25:50 français vers le salaire le plus bas de la Pologne
01:25:53 ou vous allez demander aux polonais de se mettre
01:25:56 à niveau du salaire minimum français
01:25:59 donc là, franchement, depuis tout à l'heure, j'ai entendu
01:26:02 beaucoup de choses, beaucoup de réponses
01:26:05 on ne va pas tourner autour du pot, c'est la question de l'Europe fédérale qui est posée
01:26:08 soit ça s'arrête
01:26:11 soit on bascule dans le fédéralisme
01:26:14 je ne vois pas d'autres issues possibles maintenant
01:26:17 je ne vois pas l'Union européenne
01:26:20 il n'y aurait pas de honte à considérer que au stade
01:26:23 où l'on est arrivé depuis sa création
01:26:26 ça nécessite de réfléchir maintenant, de faire une pause
01:26:29 sur ce qu'on veut faire pour les 50 ou 60 ans à venir
01:26:32 et sur le plan agricole
01:26:35 puisqu'il a été question du commissaire
01:26:38 dans le renouvellement de la prochaine commission
01:26:41 en tant que citoyen, cette fois-ci
01:26:44 je m'y suis toujours étonné
01:26:47 de n'avoir jamais vu un commissaire européen à l'agriculture
01:26:50 français, qui soit représentatif
01:26:53 de la première puissance agricole de l'Union européenne
01:26:56 je sais que c'est compliqué, parce que, évidemment, on comprend bien
01:26:59 mais quand même
01:27:02 quand même, ça mériterait d'être examiné
01:27:05 cette affaire
01:27:08 Voilà, pour cette table ronde sur la souveraineté alimentaire
01:27:11 européenne, vous pouvez évidemment la retrouver sur notre plateforme
01:27:14 www.publicsena.fr
01:27:17 Merci pour votre fidélité à Public Sénat et très bonne journée sur les chaînes parlementaires
01:27:20 [Musique]
01:27:31 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org