"Salaün et Pallatin, l'ombre d'un doute" / En juillet 1995, à Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie, une agence bancaire est attaquée. Un sous-brigadier est tué. D'autres policiers sont blessés. René Salaün et Pierre Pallatin sont dénoncés par un indicateur. Mais ils nient avoir participé à ce spectaculaire braquage. Des doutes planent toujours sur leur culpabilité...
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00:00 Ce sont des braqueurs professionnels, donc ils sont dans leur rôle, ils vont nier jusqu'au bout.
00:05 Voilà, c'est tout.
00:07 Et pour vous, les hommes qui sont dans le boxe, ce sont les bons coupables ?
00:10 Moi, j'en suis convaincu, jusqu'à la preuve du contraire.
00:13 [Musique]
00:40 Ça mettraillait de partout, j'entendais des coups de feu de partout.
00:43 Les truands étaient là pour nous en mettre une dans la tête.
00:46 Il a rendu l'homme dans mes bras.
00:48 On est en face de gens extrêmement dangereux.
00:53 J'ai jamais tué un flic, moi, mon ami, c'est quoi ce bordel ?
00:55 Donc, on fabrique des coupables.
00:56 La conviction policière a entraîné la conviction judiciaire.
01:04 Je me fie le père Pete, mon frère, je suis mort, moi.
01:10 Je suis convaincu que l'affaire Salin-Palatin est une erreur judiciaire.
01:13 René Salin et Pierre Palatin.
01:24 Deux hommes accusés d'avoir commis un braquage où un policier a trouvé la mort.
01:29 C'était en juillet 95 à Tonnons-les-Bains.
01:32 Tous les deux ont été condamnés.
01:34 Par deux fois, ils ont été jugés coupables.
01:37 Pourtant, dans cette affaire, de nombreux éléments laissent place au doute.
01:42 Un doute qui ne leur a pas profité.
01:44 Avec Imen Gouali, nous avons retrouvé René Salin, Pierre Palatin, les policiers
01:51 et tous les protagonistes de cette affaire pour analyser avec eux
01:55 les conséquences et les répercussions de ce dossier hors norme.
02:04 - Hold-up mortel ce matin.
02:06 Un policier tué, deux autres blessés et les malfaiteurs en fuite.
02:09 Tonnons-les-Bains, une ville paisible sur les bords du lac Léman.
02:16 Ce samedi 29 juillet 95, il est près de 8h30
02:20 lorsque le téléphone sonne au commissariat de police.
02:23 Denis Hogue, un gardien de la paix, décroche.
02:26 - Commissaire, tu écoutes ?
02:29 - Oui, bonjour, c'est le... C'est le situateur du crédit à récolle.
02:33 - Oui.
02:33 - Qu'est-ce qui se passe ? On a un braquage en cours, donc on en est certains.
02:36 Grâce à un système d'enregistrement audio,
02:39 le vigile de la banque écoute à distance la situation dans l'agence.
02:44 Deux hommes semblent retenir en otage les employés et les clients.
02:49 Deux équipes de policiers sont immédiatement constituées.
02:52 Cinq hommes armés foncent sur place.
02:53 - On a fait le tour de la banque, on n'a rien vu de spécial.
02:57 Mais les braqueurs, eux, ont repéré les policiers.
03:02 - Allez, les gens d'arbre !
03:03 Les gens d'arbre ! Allez !
03:05 Amène-toi là, amène-toi là, amène-toi là !
03:08 Allez !
03:09 - Et à ce moment-là, un coup de feu est parti de l'intérieur de l'agence bancaire.
03:14 J'ai sorti mon arme de service et j'ai fait feu.
03:21 Aussitôt après, j'ai entendu un graffal.
03:26 (Bruits de feu)
03:34 Ça m'étrayait de partout, j'entendais des coups de feu de partout.
03:37 Je sentais par contre des balles qui m'arrivaient par derrière.
03:43 Je ne savais pas du tout d'où elles venaient.
03:47 Aussitôt que j'ai été touché.
03:54 J'ai senti une douleur au niveau du genou.
03:57 Je commençais à être plus ou moins évanoui, je perdais du sang.
04:03 J'ai commencé à ouvrir le feu parce que je voyais à travers la baie vitrée
04:08 deux individus qui sortaient de l'agence, qui étaient cagoulés.
04:12 Ils ont surgi à travers cette vitre en la brisant.
04:22 On se serait cru dans un film, carrément.
04:24 (Cris de foule)
04:26 Et d'un seul coup, plus rien.
04:34 Là, j'ai regardé sur ma gauche et j'avais mon collègue, Denis,
04:44 qui était allongé au sol, qui saignait.
04:49 (Musique)
04:51 Je me suis vite précipité vers lui.
04:57 Et je lui disais, Denis, ça va ?
05:02 Je lui disais, parle-moi, Denis.
05:07 T'en vas pas, viens, viens, reste, reste.
05:11 Mais il était touché trop sévèrement.
05:15 Et dans un dernier ras-le-bout, il a rendu l'homme dans mes bras.
05:22 Denis Hogg, 40 ans, a reçu 9 balles.
05:29 20 ans après, son collègue Michel Loiseau reste profondément marqué par ce drame.
05:44 (Musique)
05:46 Michel Loiseau, vous vous souvenez encore de ce jour-là ?
05:52 C'est présent à tout instant.
05:53 On vit avec, depuis 20 ans.
05:56 Qu'est-ce qui vous a marqué ?
05:58 La violence.
05:59 La violence des faits.
06:00 Je dirais même, une certaine sauvagerie.
06:05 On n'est pas habitué à ça, même dans le métier de policier.
06:09 Quelles sont les images que vous gardez en mémoire ?
06:13 Les images ?
06:14 C'est les derniers instants de mon ami Denis Hogg,
06:17 que j'ai vus en intervention,
06:20 et se prendre, enfin, quelques...
06:23 Ça va tellement vite.
06:24 Une rafale de Kalachnikov en plein ventre.
06:27 C'est les derniers instants avant que je sois touché.
06:30 Vous avez eu le temps de voir un ou plusieurs des braqueurs ?
06:33 Non, pas du tout, parce que les braqueurs nous ont attaqué par derrière.
06:38 On était face à la banque et c'est un véhicule qui est passé derrière nous,
06:41 qui nous a mitraillé à la K-47.
06:45 Donc on n'a pas eu le temps.
06:46 Puis on ne s'y attendait pas, franchement.
06:48 C'était un guet-apens, carrément.
06:50 Vous avez eu plusieurs blessures ?
06:54 Un fémur qui a été broyé, le droit.
06:58 J'ai pris une balle dans l'arc à des sourcils, en droite.
07:01 Et puis une autre qui m'a irraflé le dos.
07:05 Vous êtes resté longtemps à l'hôpital ?
07:08 Plusieurs semaines, oui.
07:09 Plusieurs semaines.
07:11 C'est très difficile, ce ne sont pas des bons souvenirs.
07:13 Ce désespoir par rapport à la perte du copain.
07:18 C'était un collègue, un copain, un ami.
07:20 Et puis il ne méritait pas de mourir à 40 ans.
07:22 Donc c'est une injustice.
07:24 Et en plus, il y a toujours ce syndrome qui se développe.
07:28 Pourquoi lui, pourquoi pas moi ?
07:29 Ça me poursuit encore aujourd'hui.
07:33 Quel souvenir vous gardez de Denis Hogg ?
07:44 C'est un joyeux Luron.
07:48 C'est un joyeux Luron, c'est un frère d'armes, je dirais.
07:53 On a vécu...
07:54 J'ai fait le travail de police secours avec lui.
07:58 J'ai fait le travail de policier de province.
08:01 C'est un joyeux Luron.
08:03 C'est un célibataire endurci qui aimait rigoler, qui aimait la vie,
08:06 qui avait son caractère aussi.
08:09 Un hommage officiel lui a été rendu ?
08:11 Bien sûr, bien sûr.
08:12 L'hommage officiel a été fait à Tendon-les-Bains quelques jours après.
08:16 Donc il y a eu une sépulture officielle avec la présence de M.
08:22 Debray, qui était ministre de l'Intérieur.
08:23 Il a été fait aussi chevalier de la Légion d'honneur, notre ami Denis Hogg.
08:27 Il a été promu officier de paix.
08:28 Donc voilà, l'hommage a été rendu.
08:31 Mais ça n'efface pas le chagrin et ça ne le ramènera pas.
08:39 Passée l'émotion, les recherches commencent.
08:45 L'enquête est confiée à la police judiciaire d'Annecy.
08:47 L'affaire est grave.
08:49 Le SRPJ de Lyon envoie des hommes en renfort.
08:52 Bernard Tring, quels indices sont retrouvés sur place ?
09:00 Il y a tout ce qui ressort de la fusillade.
09:03 Le policier a été tué par un fusil d'assaut qui se révélera dans un K-47.
09:09 Il y a les malfaiteurs qui étaient à l'intérieur de la banque,
09:12 ont abondamment fait usage de leurs armes de pistolet automatique.
09:16 Il y a beaucoup de choses qui relèvent de la balistique.
09:18 Est-ce qu'on sait des choses sur la façon dont ils sont entrés dans la banque ?
09:21 Manifestement, ils étaient là.
09:24 Ils ont accueilli, si je puis dire, les employés qui se sont présentés.
09:27 Donc on a déterminé, ils sont entrés par une fenêtre
09:29 qui donne dans des toilettes de l'établissement.
09:33 Les barreaux avaient été cisaillés, si je puis dire, à l'avance,
09:36 puisqu'il y avait un camouflage pour pas qu'on se rende compte
09:39 du cisaillement avant l'attaque, je pense.
09:41 Vous vous dites à ce moment-là que vous avez affaire à des pros ?
09:43 Oui, on est en face de quelque chose de très sérieux,
09:46 de gens extrêmement dangereux.
09:48 C'est une évidence.
09:48 Des braqueurs dangereux et chevronnés
09:52 qui ont cependant laissé plusieurs éléments derrière eux,
09:55 notamment un ADN.
09:58 Lors de la fusillade, l'un des braqueurs a été blessé.
10:02 Il a saigné.
10:03 Les enquêteurs ont son profil génétique qu'ils pourront comparer
10:06 à celui de chaque suspect qu'ils vont interpeller.
10:09 Un ADN, mais aussi le signalement des malfaiteurs
10:12 qui ont commis l'imprudence d'enlever leur cagoule devant leurs otages.
10:16 - On sait que ce sont des gens qui ont vaguement entre 20 et 35 ans.
10:25 Parce que c'est une intuition comme ça qu'on a
10:29 à travers leur façon de faire, leur attitude, leur façon de parler.
10:34 Des gens jeunes, minces et typés.
10:39 Pour les témoins, ils seraient méditerranéens, gitans, peut-être.
10:44 Toutes les polices de la région sont sur les dents.
10:46 Et l'après-midi même, les policiers retrouvent la voiture des braqueurs,
10:51 une Renault 21.
10:53 A l'intérieur, divers objets, l'arme du crime,
10:57 une Kalachnikov AK-47 et un autre indice.
11:01 - Sur la puitette arrière de ce véhicule, on trouve un cheveu.
11:07 Et les spécialistes vont extraire un ADN qu'on va donc pouvoir comparer
11:12 avec les gens qu'on va arrêter.
11:16 Un ADN différent de celui du sang retrouvé sur la scène de crime.
11:23 Les policiers ont donc deux profils génétiques.
11:25 Et ils ont aussi l'enregistrement audio du braquage qu'ils vont exploiter.
11:30 - Cet enregistrement du vol à main armée est précieux parce que
11:37 les spécialistes du laboratoire d'analyse du traitement du signal ont donc
11:41 mis en valeur, ont sorti deux voix.
11:44 Les deux voix des deux auteurs qui étaient dans cette agence bancaire.
11:53 - Nous avons fait le tour de tous les SRPJ, d'abord les Mitroff et de France,
11:56 pour savoir si les voix qui apparaissaient pouvaient leur dire quelque chose.
12:00 On avait affaire vraisemblablement et certainement à des braqueurs de très haut niveau.
12:04 Il était évident de faire le tour des SRPJ pour savoir si éventuellement
12:09 une des voix pouvait être connue.
12:11 Les voix, les témoignages, les deux ADN, beaucoup d'éléments
12:19 et pourtant l'enquête piétine.
12:22 Plus d'un an après le braquage de Tonon et la mort du gardien de la paix,
12:26 Denis Hogg, les investigations sont dans l'impasse.
12:29 Jusqu'en septembre 96.
12:33 - Le 19 septembre 1996, le CRB, donc l'office central du
12:41 banditisme de Paris, nous contacte et nous indique avoir eu un tuyau sur un prénommé Jésus.
12:46 Ce Jésus serait l'un des auteurs du hold up.
12:51 Reste à savoir quel est son nom.
12:53 - Par l'intermédiaire de nos fichiers, très rapidement,
12:57 Jésus est apparu comme étant nommé René Salin.
13:00 - Salin est une caricature du voyou à l'ancienne.
13:06 Il fait vraiment partie de ces vieux voyous qui ont ce fameux code d'honneur.
13:09 Il était fait pour les Tontons-Flingueurs, les Barbouzes ou je ne sais quel autre film aujourd'hui mythique.
13:18 René Salin, un enfant de la rue, un gamin qui aggravit un à un les échelons de la délinquance.
13:25 René Salin, vous êtes parti de chez vous jeune. Pourquoi?
13:41 - Parce que mes parents sont séparés.
13:46 Et pendant un certain temps, je suis resté chez mon père.
13:51 Puis un jour, il nous a amené une bonne femme à la maison et je suis parti comme ça.
13:55 - 16 ans. Et donc, début de la délinquance, comment ça se passe?
13:59 - Début de la délinquance, ça a été vite fait. Il fallait que je mange.
14:04 Alors là, je regardais les bonnes femmes qui sortaient des boulangeries, des trucs comme ça.
14:10 Tu vois, bon, il y a le pain qui sortait du sac.
14:14 Et madame là-bas, j'ai piqué le pain, je me sauvais.
14:16 - La première fois que vous tombez, c'est quoi alors?
14:19 - On a fait une petite usine. On a pris un petit coffre.
14:23 On l'a défoncé comme on a pu.
14:25 Il n'y avait rien dedans, pas un petit peu, mais on a fait ça.
14:28 Deux, trois trucs comme ça.
14:30 Et puis un jour, on a été arrêté.
14:32 Je me suis retrouvé à Poissy.
14:34 Et là-bas, les mecs, ils étaient gentils.
14:38 Les bracos, ils parlaient de millions de machins et tout.
14:40 Ça m'a tourné un peu la tête.
14:43 Et quand je suis sorti, deux, trois mecs sont venus me chercher.
14:46 - Combien de braquages en tout?
14:48 - Dans ma vie? Je ne les compte pas.
14:51 Je ne les compte pas.
14:54 Je passais un moment, on en faisait un toutes les semaines.
14:56 - Sur tous les braquages, vous étiez armé?
15:00 - Comment tu veux braquer si tu n'es pas armé, amigo?
15:02 Eh, c'est moi, donnez-moi le pognon.
15:05 Tu rigoles, non?
15:06 Mais on était armé, tu ne me crois pas, pour faire peur aux gens.
15:12 Bon, on est armé, on a des gangster, voilà.
15:14 Fille-nous le pognon, mon pote.
15:15 Et ça se passait comme ça.
15:17 - Vous avez déjà tiré?
15:19 - Jamais, jamais.
15:20 Moi, je n'ai jamais tiré.
15:23 Je n'ai ni blessé ni tué quelqu'un, moi.
15:25 Jamais.
15:25 Un professionnel du braquage.
15:28 Pour le juge d'instruction, le profil colle.
15:31 Il faut donc mettre la main sur René Salin.
15:34 À l'époque, l'homme est introuvable.
15:37 Il est en cavale après avoir commis plusieurs hold-up dans l'ouest de la France.
15:42 Il faudra plusieurs mois d'enquête et de filature pour le loger dans un bar à Paris.
15:48 Est-ce que vous vous souvenez de votre interpellation, Ruud Bagnolet?
15:52 - Je m'en souviens même très bien.
15:53 Oui.
15:55 - Comment ça se passe?
15:56 - Tout d'un coup, la vitre qui vole en éclat.
15:59 Ils ont pris une table, ils l'ont jetée dans la vitre.
16:03 Je me retourne comme ça.
16:05 Ils sont rentrés cagoulés et tout, machin, bouge pas, enculé, machin.
16:10 Et après, ils l'ont parté.
16:12 En garde à vue, René Salin reconnaît tous les braquages qu'on lui impute.
16:19 Tous, sauf ton nom les mains.
16:21 Celui-là, il n'y était pas.
16:22 Les preuves matérielles sont avec lui.
16:25 Son ADN ne correspond ni à celui du braqueur blessé, ni à celui du cheveu retrouvé sur la puite de la Renault 21.
16:33 Selon les experts, sa voix n'est pas celle de l'enregistrement.
16:37 Son palmarès joue contre lui.
16:40 Il est incarcéré.
16:41 René Salin en prison.
16:43 Reste à trouver ses complices.
16:45 Et voilà que l'informateur fourgue un nouveau tuyau aux enquêteurs.
16:50 - Et la source, l'informateur, dit que René Salin est accompagné d'un certain Pierrot.
16:54 Pierrot, ce serait cet homme qui aurait été blessé pendant le braquage.
17:00 Ce serait lui qui aurait perdu du sang.
17:02 Pour savoir qui est ce Pierrot, les policiers font l'entourage de René Salin.
17:08 - On trouve aussi un carnet dans les affaires personnelles de René Salin en détention,
17:13 sur lequel est mentionné le nom, l'adresse de Pierre Palatin.
17:17 Pierre Palatin, un nom que les policiers connaissent.
17:23 Et s'il était le fameux Pierrot dénoncé par l'informateur ?
17:27 - C'est pas le voyou d'envergure tel que Salin, mais c'est quand même quelqu'un qui peut être intéressant.
17:34 [Musique]
17:45 - Pierre Palatin, quand la police s'intéresse à vous, vous étiez déjà connu des services.
17:51 - Oui, j'étais connu des services de police parce que j'avais été arrêté en Thaïlande.
17:56 Vous savez, avant je faisais beaucoup d'exports, alors d'export en export, je me suis retrouvé dans des drôles d'exports.
18:01 - Alors les policiers disent de vous que vous auriez été marchand d'armes.
18:04 - J'étais intermédiaire, oui, dans pas mal d'affaires, disons, en Afrique, pour des Danois, principalement.
18:12 Mais en fin de compte, non, aucun marché n'a abouti sérieusement.
18:17 - Votre interpellation, comment s'est-elle passée ?
18:19 - On m'a ramené à la tenue dans les bains, en disant que j'étais suspecté d'une affaire de braquage de banque,
18:25 meurtre de policiers, etc.
18:30 Alors, bon, j'ai demandé un heurissement parce que j'ai rien à voir là-dedans.
18:34 J'ai jamais eu d'histoire de braquage de ma vie.
18:36 C'est une invention pure et simple.
18:38 Pour les policiers, Pierre Palatin comme René Salin ont le profil.
18:46 Les deux hommes, eux, jurent que le 29 juillet 95, ils étaient en vacances ensemble à 800 kilomètres de Tonon-les-Bains,
18:53 à Sojon, près de Royan.
18:55 Ils sont allés dans un casino.
18:57 Plusieurs personnes peuvent en attester.
19:00 - Ces réponses n'apportent en rien.
19:03 On n'a pas jugé utile de consigner tout ça sur procédure malle.
19:08 Pour les policiers, ces témoignages ne tiennent pas la route.
19:13 Ils n'actent pas les dépositions dans la procédure.
19:15 Du jamais vu.
19:17 Les enquêteurs pensent tenir une preuve contre Pierre Palatin.
19:21 Un expert est formel.
19:23 C'est sa voix que l'on entend sur l'enregistrement du braquage.
19:26 - Quand on remet ça, il n'y est moins de 10.
19:30 Celui qui avait le travail, il reste là.
19:32 Le problème pour les enquêteurs, c'est que les ADN ne collent pas, ni avec René Salin, ni avec Pierre Palatin.
19:39 Il y aurait donc un troisième homme dans la nature.
19:42 La Providence va aider la police.
19:46 - On a la surprise d'être appelé par la brigade de répression du banditisme de Lyon,
19:51 qui nous indique qu'à la suite d'un vol à main armée qui avait été commis à Villeurbanne,
19:55 trois individus avaient abandonné une cagoule à l'intérieur du véhicule.
19:58 La police scientifique, en faisant les recherches dans la cagoule,
20:00 s'est rendue compte qu'il y avait différents cheveux.
20:03 Différents cheveux, dont ceux de Pierre Palatin et d'un certain Nenad Dzambas,
20:10 un fournisseur d'armes déjà fiché.
20:13 En garde à vue, Dzambas nie avoir participé au braquage de Villeurbanne.
20:19 Certes, il a fourni les armes, mais il ne connaissait pas leur destination.
20:23 Si on a retrouvé son cheveu dans la cagoule, c'est pour une raison simple.
20:27 - Il indique que quand il prête ou qu'il vend des cagoules,
20:32 qu'il vend ce genre de produits à des équipes, il les essaye avant.
20:36 Donc, il indique qu'il est possible qu'il ait essayé cette cagoule.
20:39 Le problème pour Dzambas, c'est que son ADN est aussi retrouvé
20:45 dans la Renault 21 des braqueurs de Tonon-les-Bains.
20:48 Le cheveu sur la puitette, c'est le sien.
20:51 Les policiers le cuisinent.
20:54 - Ils m'ont dit "tu vas partir pour perpète, tu vas plus jamais sortir prison".
20:58 En fin de compte, ils m'ont un petit peu travaillé au corps et j'ai craqué totalement.
21:03 Et j'ai dit j'ai fourni la Kalachnikov à Palatin,
21:06 qui est venu me voir à Lyon avec cette fameuse R21.
21:09 Je suis monté dedans et je lui ai fourni toute la logistique,
21:14 que ce soit les CZ, les Kalach et les pare-balles.
21:17 Seule certitude, Nenad Dzambas n'était pas dans la banque.
21:23 Sa voix ne correspond pas et son ADN ne matche pas avec le sang retrouvé sur place.
21:28 Reste à savoir quel est le lien entre Pierre Palatin et lui.
21:33 - Que faisait votre cheveu dans une cagoule qui a été retrouvée dans une voiture
21:38 qui a servi à commettre un braquage à Villeurbanne ?
21:40 - Il faut que je vous explique.
21:42 C'est un travail de policiers qui me prennent des cheveux dès qu'ils m'arrêtent,
21:46 qui mettent des cheveux dans une cagoule qui a déjà servi à ce monsieur Dzambas.
21:51 - Donc pour vous, ce sont les policiers qui ont mis votre cheveu dans la cagoule ?
21:54 - Évidemment.
21:54 - Mais Nenad Dzambas, pourquoi il vous met en cause à votre avis ?
21:57 - Il me met en cause parce qu'il a été travaillé par la police.
22:00 - Mais vous le connaissiez, ce Nenad Dzambas ?
22:01 - Je ne l'ai jamais vu de ma vie.
22:02 - Mais alors pourquoi les policiers voudraient tant que ce soit vous ?
22:05 - Parce qu'il leur faut des coupables.
22:06 C'est une histoire qui a fait...
22:08 Il y a eu un policier mort, deux policiers gris, ils m'ont blessé.
22:11 Il y a eu quatre ou cinq personnes blessées dans la banque.
22:14 Pour l'opinion publique, il faut des coupables.
22:16 Donc on fabrique des coupables.
22:18 Voilà.
22:19 Pour les policiers, tout est clair.
22:21 Pierre Palatin était dans la banque puisqu'on a reconnu sa voix.
22:24 Il était avec un autre homme, un inconnu, celui qui a saigné.
22:28 René Salin, lui, les attendait dehors, en couverture.
22:32 C'est donc Salin qui aurait tiré sur les policiers et tué Denis Hogg.
22:37 Ce qui explique que ni son ADN, ni sa voix ne correspondent.
22:41 Un scénario qui ne tient pas la route pour la défense.
22:47 Ça, pour nous, c'est impossible pour deux raisons.
22:49 Une raison objective, une raison subjective.
22:52 Alors la raison subjective, c'est laquelle ?
22:53 C'est René Salin, qui l'a toujours crié haut et fort.
22:58 Étant un professionnel du braquage, il vous déclare de façon très claire,
23:02 jamais de ma vie, si j'avais monté une équipe avec Pierre Palatin,
23:07 jamais je lui aurais laissé la responsabilité d'être dans la banque.
23:11 Et c'est vrai que ce casting où on a le professionnel à l'extérieur,
23:16 et un bleu, enfin, Palatin, il n'est pas du tout dans ce casting-là.
23:22 Donc ça, c'est la raison subjective.
23:24 La raison objective, qui est là, beaucoup plus importante,
23:27 c'est que pour s'introduire dans cette banque, cette nuit-là,
23:30 il faut passer à travers un vazistas qui est à plus de 2 mètres de haut,
23:37 à travers des barreaux qu'on a sciés et qui faisait une taille
23:43 incompatible avec la bonhomie de Pierre Palatin à l'époque.
23:50 Si les policiers sont si sûrs que Palatin était dans la banque,
23:56 c'est parce que sa voix a été identifiée sur la bande-son par une expertise.
24:00 Les avocats demandent donc une contre-expertise.
24:04 Elle est confiée à un laboratoire de pointe, l'IRCGN,
24:07 l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale.
24:11 Ce qui est caractéristique de cet enregistrement,
24:13 c'est qu'il y avait beaucoup de bruit environnant.
24:15 Et on a donc conclu qu'il était impossible de faire une comparaison
24:19 de voix avec un tel enregistrement.
24:21 Coup dur pour l'accusation.
24:24 Ce n'est pas fini.
24:25 Nenad Zambas se rétracte et parle d'un arrangement.
24:30 -Ca a été un deal net et précis.
24:32 Selon le procureur, si je m'en tenais à ma version des faits,
24:37 je m'en tirerais avec 5 ans.
24:40 Je me suis dit que c'était peut-être convenable.
24:42 Alors que je n'ai jamais vendu ce terme-là.
24:45 Ni à Palatin, ni à Salah, et je ne les connais pas du tout,
24:48 ces personnes-là.
24:49 -Autre argument de la défense, au-delà de leur bonhomie,
24:54 ni Jésus ni Pierrot ne correspondent à la description
24:58 faite par les témoins.
24:59 -100 % des témoignages vont décrire de jeunes gens,
25:04 environ 25 ans,
25:06 de type gitan au Maghreb,
25:09 et de nouveau mince.
25:11 Je rappelle quand même que le 29 juillet 1995,
25:16 René Salin, breton de son état, et M. Palatin, qui est des Charentes,
25:23 ont tous les deux plus de 50 ans.
25:24 Et non rien d'un jeune beau qui pourrait faire 10 ou même 20 ans de moins.
25:32 -Pour la défense, c'est toute l'instruction qui a été menée à charge.
25:37 La justice, qui a horreur du vide, s'est acharnée sur deux innocents.
25:41 -On refuse une reconstitution qui peut permettre de démontrer
25:46 que Pierre Palatin ne passe pas par la fenêtre.
25:47 On ne tient pas compte de l'expertise ADN qui démontre
25:53 que Pierre Palatin, contrairement aux renseignements anonymes,
25:55 ne peut pas être l'homme qui a été blessé dans la banque.
25:57 Ça n'est pas son ADN.
25:59 On ne tient pas compte des témoignages qui démontrent
26:06 qu'ils étaient à 800 km des lieux du braquage.
26:08 Malgré les failles du dossier dénoncés par la défense,
26:13 René Salin et Pierre Palatin vont devoir répondre
26:17 du braquage de Tonon-les-Bains, du meurtre du policier Denis Hogg
26:21 et de tentatives de meurtre sur ses collègues.
26:24 Le procès débute le 15 mars 2001 devant la cour d'assises de Chambéry,
26:29 aux côtés de Salin et Palatin dans le box, Nenad Zambas.
26:34 - Qu'attendiez-vous de ce procès ?
26:36 - Un apaisement.
26:37 Un apaisement et aussi un éclaircissement.
26:39 Je n'avais pas tous les tenants et aboutissants de l'enquête,
26:43 ce qui est normal.
26:44 Et voilà, j'ai pu visualiser les mises en cause, les accusés.
26:51 - Quelle est l'attitude des accusés au procès ?
26:55 - Désinvolte.
26:56 Désinvolte dans la mesure où ils ont toujours nié
26:59 leur participation aux faits.
27:00 - Ils dénoncent un acharnement, une enquête à charge.
27:03 Comment est-ce que vous recevez cette défense ?
27:06 - Ce sont des braqueurs professionnels,
27:08 donc ils sont dans leur rôle.
27:10 Ils vont nier jusqu'au bout.
27:12 Voilà, c'est tout.
27:13 - Pour vous, les hommes qui sont dans le box,
27:16 ce sont les bons coupables ?
27:17 - Moi, j'en suis convaincu jusqu'à la preuve du contraire.
27:20 - Il y a eu un moment particulièrement douloureux
27:23 pendant ce procès.
27:24 L'enregistrement du braquage a été diffusé.
27:27 - Terrible.
27:28 C'est ce qui m'a le plus traumatisé dans le procès.
27:31 Entendre cette Kalachnikov qui rafale derrière nous
27:35 alors qu'on sait qu'on est dans la ligne de mire,
27:38 c'est terrible.
27:39 Cri de terreur
27:40 ...
27:41 ...
27:43 ...
27:44 ...
27:45 ...
27:46 - Les avocats de la défense font venir à la barre
27:49 les témoins de ce jour.
27:50 Ceux qui ont affirmé que Salah et Palatin
27:53 étaient avec eux ce jour-là.
27:55 Ceux dont les policiers n'ont pas reçu de témoin
27:58 et n'ont pas retenu les dépositions.
28:00 - Tous ces gens ont dit à la barre
28:02 qu'ils étaient là le dernier week-end de juillet.
28:06 On s'en souvient très bien.
28:07 Ils ont donné des raisons très précises
28:10 pour lesquelles ils s'en souviennent.
28:12 - Malgré l'euralibie,
28:14 malgré l'absence de preuves matérielles,
28:16 le 23 mars 2001,
28:18 après 5h15 de délibéré,
28:19 René Salin est condamné à la réclusion criminelle
28:23 à perpétuité.
28:24 Pierre Palatin prend 20 ans.
28:26 Nenad Zambas, 15 ans.
28:29 - Je les vois encore en larmes, tous les deux, effondrés.
28:33 Tu peux vous dire qu'ils étaient, mais...
28:39 Complètement furieux, révoltés.
28:43 - Je leur ai dit "Vous êtes des assassins."
28:46 Je leur ai pas dit "Vous êtes fous."
28:48 Je leur ai dit "Vous êtes des assassins."
28:50 - Les 3 accusés font aussitôt appel.
28:53 Ils sont rejugés un an plus tard
28:55 devant la cour d'assises de Lyon.
28:57 Pour eux, rien n'a changé.
28:59 - Pierre Palatin, ce 2e procès s'est déroulé de la même façon ?
29:03 - De la même façon.
29:05 J'ai eu l'impression d'être dans un mauvais film
29:08 des séries américaines des années 1930,
29:10 des séries B, vous savez,
29:12 où atmosphère glauque,
29:14 faux témoins,
29:17 juges corrompus,
29:19 flics pourris,
29:20 enfin voilà, c'est ça.
29:22 Musique sombre
29:25 ...
29:27 - Même un vieux voyou,
29:29 ayant commis beaucoup d'actes répréhensibles,
29:32 a droit à ce que son innocence soit respectée quand il l'est,
29:35 et pas être condamné pour une chose qu'il n'a pas faite.
29:38 - Les jurés ne sont pas convaincus.
29:41 Après plusieurs jours de débat, le verdict est confirmé.
29:45 15 ans pour Nenad Zambas, 20 ans pour Pierre Palatin.
29:49 René Salin, lui, est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
29:53 ...
29:59 - La condamnation à perpétuité est confirmée en 2002.
30:02 Comment vous réagissez ?
30:03 - Ah ben là, je meurs.
30:06 J'ai plus de 55 ans, tu vois.
30:09 Tu me fais le perpète, mon frère, ben je suis mort, moi.
30:12 Et les mecs, de sourire, la banane et tout,
30:15 ils ont rendu justice, tu vois.
30:18 J'ai pas de problèmes, mon pote, dedans.
30:20 ...
30:22 - René Salin et Pierre Palatin saisissent la cour de cassation,
30:25 en vain.
30:26 Ils ne désarment pas et engagent un recours
30:29 devant la Cour européenne des droits de l'homme,
30:33 une démarche qui se solde là encore par un échec.
30:36 La condamnation des deux hommes devient définitive.
30:39 ...
30:45 ...
30:47 Aujourd'hui, les collègues de Denis Hogg
30:51 ont entamé un long et difficile travail de reconstruction.
30:54 Pour chacun d'eux, retrouver sa vie et son travail de policier
30:58 a été pénible.
30:59 L'inspecteur Eric Albert, toujours en fonction
31:02 au commissariat de Tonon-les-Bains, ne s'est jamais remis
31:06 de la mort de son collègue, tout comme Jean-Pierre Picot
31:09 et Dominique Rougerie, maintenant retraités.
31:12 Quant à Michel Loiseau, il garde toujours les séquelles de ce drame.
31:17 - Comment avez-vous récupéré de vos blessures ?
31:20 - Difficilement. C'est très long.
31:24 C'est très, très long.
31:25 Les blessures physiques, je veux dire...
31:28 On s'en remet, même des séquelles lourdes, mais on s'en remet.
31:31 Mais le plus difficile, c'est quand même
31:34 les séquelles psychologiques, qui sont insurmontables.
31:38 Ca se manifeste, par exemple, par un peu d'agoraphobie.
31:41 J'aime pas la foule. Je suis jamais tranquille.
31:44 Je suis toujours un peu peur, pas spécialement pour moi,
31:47 mais pour mon entourage.
31:48 - Vous êtes retourné sur le terrain ?
31:51 - Non, pas du tout. La vue d'une arme, ça me retourne.
31:54 Je pouvais plus travailler dans la police.
31:57 J'avais plus ma place.
31:59 J'aurais été dangereux pour les collègues.
32:02 - Vous avez été soutenu par votre hiérarchie ?
32:06 - Absolument pas. Je me suis débrouillé tout seul.
32:09 Il était contrôlé sans arrêt.
32:11 Ca le rendait...
32:13 Mais presque fou, quoi. Il ne supportait plus.
32:16 - Et ça, c'est quoi ? Du mépris ?
32:20 - Du mépris... On s'en fiche.
32:22 C'est pas leur problème.
32:24 C'est l'administration.
32:26 - J'aurais aimé qu'elle s'occupe de ma femme.
32:29 Qu'elle l'aide à surmonter les tout premiers jours.
32:34 J'aurais aimé qu'on la réconforte.
32:37 J'aurais aimé qu'on détache une assistante sociale.
32:40 J'aurais aimé qu'on prenne en charge l'état psychologique
32:43 de mes deux enfants, qui étaient adolescents.
32:46 - Votre fils, comment il va ?
32:49 - Comment il va ? Il est toujours en soins.
32:52 C'est clair.
32:54 Lui aussi, il sera en soins toute sa vie.
32:57 - Et votre fille ?
32:59 - Ma fille, a priori, n'est pas dépressive.
33:03 Elle a ses problèmes de santé.
33:05 - Je veux pas dire que ça a un rapport.
33:08 Je n'en sais rien.
33:10 - Je suis pas bien du tout.
33:12 Et ça, ça me reste en travers de la gorge.
33:16 - Un soutien inexistant.
33:18 Pourtant, Michel Loiseau s'est reconstruit,
33:21 entouré de ses enfants et de sa femme,
33:24 devenus eux aussi les victimes collatérales de ce braquage.
33:28 - Annick Loiseau, comment avez-vous vécu ce drame ?
33:32 - Je vais pas vous dire que je suis tombée malade
33:35 le jour ou le lendemain.
33:37 Je commençais à me dire que ça va pas,
33:40 peut-être deux ans après.
33:42 Sur le coup, on agit.
33:44 On n'a pas le choix, on agit.
33:47 Fallait que je m'occupe de mon mari, de mes enfants.
33:50 J'avais mon travail aussi.
33:52 C'est bête, ce que je vais dire.
33:54 On n'a pas le temps de tomber malade.
33:57 C'est idiot, mais voilà.
33:59 Et puis, quand ça commence à se stabiliser un peu,
34:02 les angoisses ont commencé.
34:04 On pleure le matin quand on se lève.
34:08 On a toujours envie de pleurer.
34:10 Ça va plus, quoi.
34:12 - Qu'est-ce qui vous a le plus angoissée ?
34:15 - C'est la peur.
34:17 Je ne supportais plus que mon mari parte.
34:21 Voilà.
34:23 Il était parti un matin.
34:25 Il est revenu un mois et demi après.
34:28 Dès qu'il sortait, c'était l'angoisse.
34:32 C'était horrible.
34:34 J'ai eu très envie de mettre fin à mes jours, c'est sûr.
34:38 Très, très envie.
34:40 Par moments.
34:42 Pas tout le temps, heureusement.
34:44 J'ai toujours ma famille.
34:47 Je me dis...
34:49 Ma réflexion, c'était que je ne pouvais pas le refaire.
34:52 - Aujourd'hui, vous allez mieux ?
34:54 - En ce moment, je vais mieux.
34:56 Mais bon, en général, je refute régulièrement.
35:00 Tous les ans, tous les 2 ans.
35:02 Voilà, je suis en stand-by.
35:04 ...
35:06 ...
35:08 - Au-delà de l'angoisse et de la douleur,
35:12 le parcours du combattant ne s'arrête pas là pour la famille Loiseau.
35:16 ...
35:18 - Vous avez été indemnisé ?
35:20 - Oui.
35:22 J'aime pas trop parler d'argent comptant.
35:26 L'indemnisation a été vraiment...
35:29 Je dirais très faible.
35:31 C'est un euphémisme.
35:33 - Pour avoir un ordre d'idée ?
35:35 - 10 000 euros.
35:38 La Cour d'assises alloue des indemnités.
35:41 Elle juge au pénal et au civil.
35:43 Les indemnités étaient conséquentes.
35:45 C'était prévu par les barèmes.
35:47 Mais le problème, c'est que l'administration
35:51 a des sommes semis à recours.
35:53 Elle se prend les sommes qu'elle a avancées pour mes salaires.
35:57 - C'était facile d'obtenir cette réparation ?
36:00 - Très difficile.
36:02 On est obligés de se justifier.
36:05 On use de l'énergie à défendre ses droits.
36:08 On défend que ses droits.
36:10 Pour avoir ses droits en France, c'est difficile.
36:13 ...
36:15 - Difficile pour les victimes.
36:18 Difficile aussi pour les accusés,
36:20 qui, du fond de leurs cellules,
36:22 n'ont jamais cessé de crier leur innocence.
36:25 René Salin est libre.
36:27 Il est sorti de prison le 31 août 2015.
36:31 - Vous avez pris perpétue. Vous avez fait combien ?
36:34 - 20 ans.
36:36 - Combien de temps d'isolement ? - 7 ans et demi.
36:39 Quelques temps après, j'ai voulu me filer en l'air.
36:42 J'étais seul dans ma cellule.
36:45 - Vous vouliez vous suicider ?
36:47 - Oui, mais j'ai nettoyé ma cellule à fond.
36:50 J'ai pris une bonne douche.
36:52 Je suis rentré et j'ai pris 232 cachets.
36:55 Cachets pour le coeur et tout.
36:57 Le médecin m'a dit "Qu'est-ce que vous avez pris ?"
37:00 Il m'a dit "Vous avez vomi."
37:03 J'ai pris 232 cachets.
37:05 C'est là que j'ai appris ce qu'il fallait faire.
37:08 Il m'a dit "Vous en aurez pris 30 qui avaient droit."
37:11 232, ça fait un truc de renvoi.
37:13 Voilà ce qu'il m'a dit.
37:16 - Vous avez travaillé en prison ?
37:18 - Non. J'ai demandé à parler au chef.
37:21 J'ai dit "Voilà, j'ai mon pote qui est là-bas.
37:24 Il m'a dit "Vous êtes retraité ?"
37:26 Il m'a dit "Il faut laisser le travail aux indigents."
37:30 - Vous avez fait quoi ?
37:32 - J'ai fait des cours espagnols, anglais.
37:35 Des trucs comme ça.
37:37 - René Salin est désormais libre.
37:40 Enfin, presque.
37:43 En libération conditionnelle pour plusieurs mois encore,
37:46 il porte un bracelet électronique.
37:48 Il ne peut sortir de chez lui qu'à des horaires très stricts
37:51 fixés par le juge d'application des peines.
37:54 - Il a des horaires très contraignants,
37:56 puisqu'il doit être à son domicile jusqu'à 9h du matin.
37:59 Il a le droit d'en sortir de 9h à midi.
38:02 Il doit être de nouveau chez lui de midi à 14h.
38:05 Et il a de nouveau une liberté de mouvement de 14h à 17h.
38:08 - Ses mouvements sont limités, ses ressources aussi.
38:13 Si René Salin n'était pas hébergé par des amis,
38:16 sa petite retraite ne lui permettrait pas de vivre.
38:20 - C'est la merde.
38:22 Sincèrement, c'est la merde.
38:24 Je ne peux pas bouger.
38:26 Quel est le patron qui va m'embaucher avec ces horaires-là ?
38:29 C'est l'heure de sortie.
38:31 Le temps que je me rends au travail, c'est 1/4 d'heure, 1/2 heure.
38:35 - Si vous ne respectez pas les horaires, qu'est-ce qui se passe ?
38:38 - C'est le retour à la case des peines.
38:40 - Retour en prison ? - Oui, automatique.
38:43 - Donc vous êtes libre, mais pas tout à fait.
38:46 - Non, je ne suis pas libre.
38:49 Je vois des gens qui sont libres, mais moi, je ne suis pas libre.
38:52 - Qu'est-ce que vous faites ?
38:54 - Là, j'essaye d'aider la personne qui me reçoit
38:57 en enlevant l'herbe, en tournant le gazon, des conneries comme ça.
39:00 J'ai un petit truc, là.
39:03 J'ai récolté un petit chat sauvage.
39:06 Il s'appelle Scarface, parce que c'est un baille-erreur.
39:09 Et voilà, je m'occupe de lui.
39:12 - Vous avez gardé des secs-ailes ?
39:15 - Déjà pour faire confiance à quelqu'un.
39:19 Ouais.
39:21 On peut me dire n'importe quoi, moi. J'y crois plus.
39:24 - René Salin ne croit plus en rien ni en personne.
39:33 Il clame toujours son innocence et celle de Pierre Palatin.
39:36 Palatin, qui lui aussi est sorti de prison.
39:39 C'était en mai 2015.
39:43 Il a purgé sa peine, 15 ans et 3 mois.
39:46 - Pierre Palatin, comment avez-vous vécu
39:49 votre peine d'incarcération ?
39:52 - Qu'est-ce que vous voulez ? Faut savoir rêver,
39:55 quand on est en prison. Faut savoir rêver.
39:59 J'ai travaillé un peu, j'ai fait de l'informatique,
40:02 j'ai fait une spécialité dans le bois,
40:05 j'ai fait différents trucs, pour passer le temps.
40:08 Il fallait bien.
40:11 - Vous avez été soutenu par votre famille ?
40:15 - Oui, évidemment. Ma famille était proche de moi.
40:18 C'est vraiment honteux.
40:21 - Et votre sortie de prison ?
40:24 - On reprend pas pied facilement.
40:27 Vous trouvez un autre monde.
40:31 Quand on me demande mon e-mail, je sais pas quoi répondre.
40:34 - Vous savez pas ce que c'est ?
40:37 - Beaucoup de choses ont changé.
40:40 Les gens vivent sur eux-mêmes.
40:43 On va dans un train, tout le monde a sa tablette,
40:47 on va dans un restaurant, on va dans un bar,
40:50 on va dans un restaurant, on va dans un bar.
40:53 - Qu'est-ce que vous avez fait une fois que vous étiez dehors ?
40:56 - J'ai été voir toute ma famille,
40:59 parce que j'ai une famille assez nombreuse.
41:03 - C'est important pour vous de retourner près de vos proches ?
41:06 - Oui, parce que je reprends plus pied.
41:09 J'ai retrouvé des copines de jeunesse aussi.
41:12 Je passe le temps comme ça.
41:16 - Les policiers sont toujours à leurs bras.
41:19 Ils veulent toujours démontrer leur innocence
41:22 avec l'appui de leurs avocats et pas des moindres.
41:25 - Ma conviction, c'est que Salah et Panassar sont innocents.
41:28 Certes, ce sont des mauvais garçons,
41:31 ce sont des voyous,
41:35 ce sont des gens qui n'ont pas été toute leur vie très honnêtes
41:38 et qui ont même été parfois violents.
41:41 Mais je suis convaincu que les faits pour lesquels
41:44 je suis en train de parler, c'est que je suis un homme.
41:47 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
41:51 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
41:54 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
41:57 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
42:00 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
42:03 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
42:07 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
42:10 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
42:13 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
42:16 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
42:19 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
42:23 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
42:26 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
42:29 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
42:32 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
42:35 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
42:39 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
42:42 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
42:45 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
42:48 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
42:51 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
42:55 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
42:58 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
43:01 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
43:04 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
43:07 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
43:11 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
43:14 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
43:17 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
43:20 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
43:23 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
43:27 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
43:30 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
43:33 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
43:36 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
43:40 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
43:43 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
43:46 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
43:49 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
43:52 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
43:55 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
43:59 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
44:02 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
44:05 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
44:08 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
44:11 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
44:15 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
44:18 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
44:21 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
44:24 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
44:27 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
44:31 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
44:34 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
44:37 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
44:40 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
44:43 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
44:47 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
44:50 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
44:53 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
44:56 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
44:59 - Vous avez été en prison pendant une semaine.
45:03 - Oui, j'ai été en prison pendant une semaine.
45:06 - Qu'est-ce que c'est, Innocence Project ?
45:09 - C'est une association américaine
45:12 qui a été fondée par deux avocats
45:15 qui ont eu l'idée d'associer des experts judiciaires,
45:19 des policiers à la retraite, des anciens procureurs,
45:22 tous les corps de métier liés à la chaîne pénale
45:25 et qui encadrent des étudiants,
45:28 le fer de lance des projets Innocence,
45:31 avec leurs professeurs de droit.
45:35 C'est assez basique. On nous contacte, on nous écrit.
45:38 L'idée est de soumettre, de recueillir le plus d'informations
45:41 sur la situation qui nous est décrite.
45:44 - Dans l'affaire Salin et Palatin, qui vous a contacté ?
45:47 - J'ai été contacté par M. Salin,
45:51 un courrier, j'ai envie de dire, un peu brut de décoffrage,
45:54 mais très concis, très clair.
45:57 Effectivement, on s'aperçoit assez vite
46:00 qu'il y a dans ce dossier de gros problèmes.
46:04 Et qu'on est sans doute en phase d'une erreur judiciaire.
46:09 - Donc l'association a été créée aux Etats-Unis.
46:12 Est-ce qu'on connaît les résultats ?
46:15 - En près de 30 ans, près de 2 000 révisions ont été accomplies.
46:18 On a innocenté 2 000 personnes qui avaient été condamnées à tort.
46:21 Musique pesante
46:25 - Un espoir pour René Salin et Pierre Palatin
46:28 de voir leur cas réexaminé par la justice,
46:31 et de voir comment la justice nationale attend ceux qui les aident.
46:34 Pour les policiers qui ont mené l'enquête,
46:37 une chose est sûre, ils ont fait leur travail correctement.
46:41 - Bernard Trenck, le fait que Salin et Palatin
46:44 engagent des démarches pour obtenir une révision de leur affaire,
46:47 qu'est-ce que ça vous inspire ?
46:50 - Le policier remet son travail,
46:53 et ensuite, on est dans le cursus proprement judiciaire.
46:57 Que ces personnes qui ont été condamnées usent de leurs droits,
47:00 de leurs lois, je sais pas... En tant que policier,
47:03 je me vois pas intervenir dans ce domaine.
47:06 - Est-ce que ça constitue une remise en cause du boulot de la PJ ?
47:09 - On n'est pas indifférents à ces choses-là,
47:13 mais on n'a pas, en tant que policier, à intervenir dans ce genre.
47:16 Mais on est intéressés, bien entendu,
47:19 parce que de savoir ce qu'on peut contester, c'est très intéressant.
47:22 - René Salin et Pierre Palatin entament leur dernier combat.
47:25 - Le principal pour eux,
47:29 c'est la réhabilitation.
47:32 C'est qu'on leur dise enfin "Vous n'avez pas commis ces faits
47:35 ce jour-là à Taudon-les-Bains". Ils l'attendent tous les deux.
47:38 Ce sont des hommes qui sont dans la dernière partie de leur vie.
47:41 Et c'est vrai que je leur souhaite à tous les deux
47:45 de ne pas clore leur existence sans avoir obtenu ça.
47:48 ...
47:51 - Pierre Palatin, Innocence Project s'est penché sur votre cas.
47:54 S'ils ont pris l'affaire, c'est qu'ils y croient ?
47:58 - Non, parce qu'ils ont accepté notre dossier.
48:01 - Et vous vous y croyez ? - On y croit d'autant plus
48:04 que c'est une organisation très sérieuse
48:07 et qui a déjà eu beaucoup de résultats aux Etats-Unis.
48:10 - Vous ne lâcherez jamais l'affaire ? - Non, jamais.
48:13 ...
48:17 ...
48:20 - René Salin, qu'est-ce que vous attendez aujourd'hui de la justice ?
48:23 - Moi, ce que j'attends de la justice,
48:26 c'est que je passe là-bas et qu'il me dise
48:29 qu'il n'a jamais tiré sur les flics, et que ce n'est pas lui.
48:33 C'est tout ce que je demande. - Vous ne lâcherez jamais l'affaire ?
48:36 - Tant que je serai vivant ? Jamais.
48:39 Et j'ai jamais tué un flic, mon ami. C'est quoi, ce bordel ?
48:42 ...
48:45 Sur mon lit de mort,
48:49 j'ai jamais tiré sur quelqu'un, moi.
48:52 ...
48:55 - Pour René Salin et Pierre Palatin,
48:58 le chemin vers l'innocence reste encore long.
49:01 La justice est une vieille dame qui déteste reconnaître
49:05 qu'elle a peut-être eu tort.
49:08 - C'est la preuve que la justice est humaine,
49:11 mais nous sommes dans l'obligation d'exiger
49:14 que la justice soit parfaite.
49:17 ...