Elle a marqué l'histoire de la musique française mais également celle du cinéma. A 13 ans seulement avec son tube « t’en va pas » la propulse vers la célébrité. En quelques semaines elle va devenir l’icône d’une génération. Mais comment traverse t-on une enfance si particulière ? Comment s’accomplir et trouver les moyens de durer ? Et d’ailleurs a-t-elle choisit son destin ? Tour à tour chanteuse et actrice Elsa Lunghini dévoile les moments clés d’une carrière riche en émotions, et en interrogations dans l’émission Un monde, un regard présentée par Rebecca Fitoussi.
Année de Production : 2023
Année de Production : 2023
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00:00 ...
00:22 -C'est assez rare pour être signalé.
00:24 Notre invité s'est d'abord fait un prénom
00:27 avant de se faire un nom.
00:28 Chose rare encore, elle a eu la notoriété
00:31 avant même de l'avoir désirée.
00:33 Elle a à peine eu le temps d'explorer ses passions
00:36 que les autres, les adultes, ont vu en elle du talent
00:39 et ont décidé, pour elle, d'en faire une artiste.
00:42 Oui, notre invité a été une enfant et une ado star.
00:45 Son visage, comme ses tubes, sont gravés dans nos mémoires.
00:48 Ce passé et cette petite fille qu'elle était
00:51 y portent un regard doux et bienveillant,
00:53 même si ça l'a longtemps enfermé.
00:56 "On a parfois l'impression d'être figée dans le passé", dit-elle.
00:59 Pas simple de grandir, de devenir une femme
01:02 et d'évoluer librement quand les autres veulent égoïstement
01:05 vous garder enfant, vous emprisonner
01:07 dans une image d'adolescente douce et fragile.
01:10 Elle a déployé tout son art depuis.
01:12 Les albums en tant que chanteuse et auteur,
01:15 les fictions en tant que comédienne,
01:17 et les expos aussi en tant que photographe.
01:20 A-t-elle finalement réussi à faire oublier l'ado ?
01:23 Est-ce qu'on l'arrête dans la rue pour lui parler de Francis Huster
01:27 ou de Frédéric Diefenthal plutôt que de Glenn Medeiros ?
01:30 Posez-lui toutes ces questions.
01:32 Bienvenue dans "Un monde, un regard".
01:34 - Merci. - Merci d'avoir accepté
01:36 notre invitation au Sénat.
01:38 Quand on vous arrête dans la rue,
01:40 est-ce qu'on vous parle de Clothilde Armand,
01:43 votre personnage de chef cuistot dans "Ici, tout commence"
01:46 ou encore d'Elsa, la chanteuse ? - Les deux.
01:49 Il y a une nouvelle génération qui ne me connaît pas
01:52 en tant que chanteuse.
01:53 Donc, eux, c'est la comédienne.
01:55 Et puis d'autres qui me suivent depuis toujours.
01:59 Et tout se mélange un petit peu, donc c'est assez...
02:03 - Vous avez l'impression de vous être définitivement
02:06 fait un nom de famille en plus de ce prénom ?
02:09 - C'est difficile à dire pour moi.
02:11 Je n'ai pas vraiment le recul par rapport à ça.
02:13 J'ai l'impression qu'il y a plus de gens qui me connaissent
02:17 avec mon nom et mon prénom qu'avant.
02:19 Mais je ne me rends pas bien compte de ça, en fait.
02:25 - Ça a été un combat difficile, quand même,
02:28 de vous affirmer en tant qu'artiste complète ?
02:30 - Ça a été un combat pendant quelques années,
02:33 et après, j'ai lâché le combat.
02:35 Ça ne m'a plus intéressée de me battre pour ça.
02:38 J'étais plus intéressée par mes choix et mes choix artistiques
02:42 que réellement le fait de me faire un nom.
02:46 Adolescente, oui, c'était quelque chose qui me pesait.
02:49 Parce que ce n'était pas un de mes choix à moi.
02:53 J'ai commencé très jeune dans une maison de disques
02:57 où le patron de maison de disques aimait
03:00 étiqueter les artistes avec juste un prénom.
03:04 Donc j'en ai fait les frais.
03:06 C'est vrai qu'après, c'est difficile d'imposer un nom
03:09 quand on nous connaît juste avec un prénom.
03:12 Mais comme j'ai commencé par le cinéma,
03:15 mon nom a toujours été avec mon prénom au cinéma.
03:20 Ou dans la fiction.
03:21 - Comment interprétez-vous cette façon
03:24 dont le public vous a figé dans le passé ?
03:26 Je parlais d'égoïsme tout à l'heure.
03:28 Est-ce qu'il y a eu cette volonté inconsciente
03:31 de ne pas vouloir vous laisser grandir ?
03:33 On aimait trop la Elsa telle qu'elle était.
03:36 - Oui, il y a plein de gens qui aiment.
03:38 Il y a une nostalgie aussi.
03:39 On est rattachés à un passé, à une enfance, une adolescence.
03:43 On a envie de garder ça intact, en fait.
03:47 Et comme ces peluches,
03:49 comme des choses qui rassemblent du doux,
03:52 des choses qui, tout d'un coup, nous rassurent.
03:55 Je crois que c'est rassurant pour beaucoup de gens.
03:57 - Vous parliez de nostalgie,
03:59 on a l'impression qu'elle revient.
04:01 - Oui, même les années 80 ont fait leur grand retour.
04:04 Il y a déjà un petit moment.
04:07 Et même dans les artistes d'aujourd'hui,
04:09 il y a une espèce de revival,
04:11 des sons 80's.
04:13 On prend un petit peu le meilleur de ces années-là
04:17 et on essaie d'en faire quelque chose de nouveau.
04:19 - Pourquoi ?
04:21 On a peut-être peur du monde tel qu'il est ?
04:24 - Tout est un éternel recommencement.
04:26 On revient à des choses parce qu'on s'épuise aussi.
04:29 Et puis, justement, je crois qu'il y a cette nostalgie
04:34 ou le fait de se dire qu'on n'a pas vécu une époque
04:37 et qu'on aurait aimé vivre dans cette époque,
04:39 si on ne se rend pas compte de ce qu'il y avait de négatif.
04:42 On garde le positif,
04:44 c'est une espèce d'image aussi figée,
04:46 où on voit des gens avec des costumes colorés...
04:50 - Oui, une espèce de légèreté.
04:52 - Voilà, de légèreté.
04:53 On a l'impression que c'était tellement mieux avant.
04:56 Quand on a vécu ça, il y avait des choses positives,
04:58 mais aussi beaucoup de choses négatives.
05:01 Il y avait l'arrivée du SINA, du racisme,
05:03 il y avait "Touche pas à mon pote",
05:05 il y avait plein de choses qu'on retrouve aujourd'hui.
05:08 Mais je crois qu'il y a une nouvelle génération
05:12 qui, comme peut-être nous aussi dans les années 60 ou 70,
05:16 où il y a une espèce de fantasme de...
05:19 - De son passé. - Oui, un passé.
05:21 - Vous en avez voulu à votre entourage,
05:23 à vos parents ou même aux médias,
05:25 de vous avoir figé dans cette image
05:28 ou d'avoir participé à cette mécanique
05:29 qui vous figeait dans une image ?
05:31 - Non, je n'en ai pas voulu.
05:33 J'ai vécu...
05:34 Je pense que comme tous les enfants et les adolescents,
05:37 on a envie, à un moment donné, de casser l'image qu'on peut avoir
05:41 et de grandir, peut-être...
05:44 Oui, j'ai eu envie de grandir.
05:47 En tous les cas, qu'on me voit comme moi, je me voyais.
05:50 J'avais l'impression qu'il y avait un fossé
05:53 entre ce que les gens pouvaient voir de moi
05:55 et ce que moi, j'étais, en fait.
05:57 Et à un moment, ça m'a pesée.
05:58 Mais j'avais 18 ans, 19 ans,
06:01 et comme tout adolescent ou adolescente,
06:04 j'ai fait une espèce de petite crise interne, comme ça.
06:07 - Je parlais des médias,
06:08 parce que vous vous faites rare en interview.
06:11 On vous remercie d'être là.
06:12 Il y a une méfiance vis-à-vis des journalistes
06:15 à cause de cette époque-là ?
06:17 - Non, j'ai toujours été comme ça, même enfant.
06:19 C'est lié à mon caractère.
06:21 Et je pense que ce métier-là n'a pas arrangé...
06:24 C'est-à-dire que ça ne m'a pas aidée
06:26 à avoir confiance,
06:28 parce qu'on a affaire à des gens
06:30 qui ne sont pas bienveillants tout le temps,
06:33 parce qu'on apprend à prendre sur soi,
06:35 à répondre à des questions
06:37 auxquelles on n'est pas spécialement préparée.
06:41 On nous demande beaucoup, beaucoup, beaucoup.
06:44 Et puis, moi, j'avais peur.
06:47 J'étais un peu terrorisée, un peu lâchée, comme ça.
06:51 - J'ai toujours été sur la réserve,
06:53 une méfiance qui date de l'enfance.
06:55 - Oui, mais j'avais 6 ans, j'étais comme ça aussi.
06:58 J'ai toujours été très renfermée, très timide.
07:01 Je pense qu'il y avait une grande timidité aussi.
07:04 Et puis qu'à cause de ça,
07:06 j'ai cette sensibilité, cette timidité,
07:08 je me suis un peu forgée une carapace
07:10 et que j'ai gardée au fil des années.
07:15 - On va reprendre les choses depuis le début.
07:17 Votre carrière artistique n'est pas un hasard.
07:20 Vous êtes née dans une famille d'artistes.
07:22 Votre maman était peintre et sculptrice,
07:24 votre père, musicien, compositeur, photographe,
07:27 qui, pendant 10 ans, a chanté dans les restaurants
07:30 et fait la manche. Il avait honte de ça.
07:32 Lui, il essayait de se cacher, de faire en sorte que vous ne le voyiez pas.
07:35 Vous vous dites qu'au contraire, vous adoriez le voir faire ça
07:37 et donner du bonheur aux gens.
07:39 - Ah oui, je trouve que c'est une des choses les plus courageuses.
07:43 C'est...
07:44 Enfin, il a...
07:46 Il a tout fait pour aider sa famille, pour nous donner à manger,
07:50 parce que mes parents n'avaient pas un rond, en fait,
07:53 quand ils m'ont eue.
07:55 De toute façon, c'est jamais le bon moment pour avoir un enfant,
07:58 mais là, c'était vraiment pas le bon moment.
08:00 Et c'était courageux.
08:02 Donc, il s'est dit, à un moment donné,
08:03 à chercher des pièces dans n'importe quel manteau
08:06 pour essayer d'acheter du lait à son enfant.
08:08 Il s'est dit, "Qu'est-ce que je peux faire ?
08:09 "Je sais jouer de la guitare, je sais chanter.
08:11 "Je vais aller faire ce que je sais faire."
08:14 - Qu'est-ce que ça a fait de vous, aujourd'hui ?
08:17 Qu'est-ce que ce bout d'enfance-là que vous racontez
08:20 fait de l'adulte que vous êtes devenue ?
08:22 - Je pense que j'ai une conscience du travail et de la valeur du travail.
08:26 C'est-à-dire que j'ai toujours eu ce sens-là très aiguisé, en fait,
08:29 de ce que c'était.
08:32 J'ai jamais eu l'impression d'être arrivée à quelque chose
08:36 ou d'être parvenue.
08:40 J'ai pas du tout ce truc-là.
08:42 En fait, je vis et je pense encore
08:45 comme si on n'avait pas d'argent.
08:48 - Ou que ça pourrait s'arrêter demain.
08:51 - Et que ça pourrait s'arrêter demain.
08:53 Je fais très attention, en fait.
08:57 Je suis dans cette prudence...
09:01 - Et sobriété. - Oui.
09:03 - Vous avez 7 ans lorsque Dominique Besnard,
09:06 agent de votre tante Marlène Jobert,
09:07 vous propose, lors d'un dîner familial,
09:09 de passer le casting d'un film de Claude Miller, "Garde à vue".
09:12 Vous êtes prise à ce casting, vous jouez aux côtés de Romy Schneider,
09:16 Lino Ventura, Michel Serrault, et là, vous crevez l'écran.
09:19 Sauf que vous l'avez dit, vous êtes une petite fille très timide,
09:22 introvertie, pas très rassurée.
09:23 Est-ce que vous diriez que les adultes ont un peu décidé
09:26 un chemin qui n'était pas forcément le vôtre au départ ?
09:29 Est-ce que vous avez eu le sentiment de subir ?
09:32 Vous aviez envie de jouer la comédie ?
09:34 Ou est-ce qu'on a décidé pour vous ?
09:36 - Je pense qu'on a décidé pour moi au départ.
09:38 J'étais trop jeune pour savoir ce que je voulais vraiment.
09:41 En même temps, on m'a pas mis un couteau sous la gorge.
09:44 Il y a sûrement plein de raisons pour lesquelles j'ai dit oui
09:49 et j'ai accepté ça.
09:50 Je pense qu'il y avait...
09:52 Mon père a toujours fait ce métier-là,
09:54 il a toujours eu envie de réussir aussi.
09:57 Il a fait des disques, mais ça n'a jamais pris
10:00 comme il aurait souhaité que ça prenne.
10:02 Tout d'un coup, je pense qu'inconsciemment,
10:05 il y avait une envie de réussir pour faire plaisir à mon papa,
10:08 pour faire plaisir aux gens qui, peut-être,
10:11 voyaient en moi quelque chose,
10:13 et pas la peur peut-être de décevoir
10:16 ou ne pas avoir envie de les décevoir.
10:19 Donc oui, j'ai dit oui pour sûrement toutes ces raisons-là.
10:24 Et puis après, j'ai appris mon métier,
10:27 j'ai appris à aimer ça aussi.
10:30 Ça n'a pas été évident tout de suite,
10:33 parce que justement, j'étais très timide,
10:35 et ça a été une violence au départ.
10:38 Et puis après, c'est devenu aussi une joie
10:42 et un bonheur de faire ça, oui.
10:44 -Et de ce film en particulier, vous en gardez quel souvenir ?
10:47 Vous étiez face à trois monstres du cinéma.
10:49 Est-ce qu'ils ont été bienveillants ?
10:50 Est-ce que c'était un environnement bienveillant ?
10:51 -Oui, très.
10:53 J'ai des images très jolies avec les uns et les autres.
10:56 Romy avait perdu son fils très peu de temps avant,
11:01 donc c'est vrai qu'il y avait un...
11:02 Moi, j'avais senti du haut de mes sept ans
11:05 un regard et une tristesse et une émotion face à moi.
11:11 Sûrement que je devais lui rappeler son garçon aussi.
11:16 Et Serot était égal à lui-même.
11:20 C'est drôle, gentil,
11:23 pain sans rire, vivant, très vivant.
11:27 Et Lino, un bon papa,
11:30 qui m'a un peu pris sous son aile,
11:32 et j'étais très protégée.
11:35 -C'est une expérience qui a pu vous aider
11:37 à sortir de votre timidité ?
11:39 -Non.
11:40 Rires
11:41 Non, non, c'est quelque chose qui m'a...
11:43 La timidité et l'angoisse,
11:46 je l'ai encore aujourd'hui, moins qu'avant,
11:48 mais j'ai toujours une angoisse, en fait.
11:52 Une angoisse de ne pas réussir,
11:55 de ne pas être...
11:57 Oui, de ne pas être à la hauteur.
11:59 -Et à la lueur de celle que vous êtes aujourd'hui,
12:02 quel conseil donneriez-vous à la petite fille que vous étiez,
12:04 à cette petite fille qui allait se lancer dans la vie ?
12:07 -C'est difficile de donner des conseils.
12:10 Elle a fait comme elle a pu, en fait,
12:12 avec ce qu'elle avait et ce qu'elle pouvait faire,
12:15 et je trouve qu'elle s'en est pas trop mal sortie.
12:18 Donc, j'ai pas vraiment de conseils.
12:20 C'est de se faire confiance, peut-être, un peu plus.
12:24 En tous les cas, d'avoir, à l'époque,
12:26 ce qu'il fallait pour, en tous les cas,
12:29 ne pas être à ce point-là rongée par l'angoisse et par la peur.
12:34 Mais elle s'en est plutôt bien sortie.
12:38 -En 1986, vous avez 13 ans, c'est le gros tournant de votre carrière.
12:42 Vous jouez Héloïse dans "La femme de ma vie" de Régis Varnier.
12:45 Vous êtes la fille de Jen Berkin et de Christophe Malavoie.
12:48 Une chanson qui s'improvise pour une scène.
12:50 On vous met au piano, on vous fait chanter une quarantaine de secondes,
12:53 et là, votre voix séduit toute l'assemblée.
12:57 Le titre est finalement développé et sort en 45 tours,
13:00 et là, c'est le tourbillon.
13:01 "Temps va pas" est numéro un des ventes pendant huit semaines.
13:05 Il s'écoule à 1,3 million d'exemplaires.
13:08 Avec le recul, est-ce que vous avez une interprétation
13:10 de ce succès phénoménal ?
13:12 Qu'est-ce qui fait que cette chanson a pris auprès du public ?
13:17 -C'est toujours un peu la magie, le succès d'un titre.
13:22 Il y a eu plein de choses mélangées.
13:24 Il y avait un titre qui était quand même très efficace.
13:27 -Musicalement, vous voulez dire ?
13:29 -Musicalement, des paroles qui parlaient au plus grand nombre,
13:32 que ce soit aux enfants qui venaient d'avoir des parents qui se séparaient,
13:36 aux parents qui étaient en train de se séparer
13:38 avec leur enfant qui leur parlait.
13:41 Je me souviens même à l'époque des artistes
13:44 qui pouvaient parler à la radio de cette chanson
13:47 en disant à quel point ça les avait bouleversés
13:49 parce qu'ils traversaient cette période.
13:52 Et puis une petite fille qui chantait cette chanson,
13:58 qui était sûrement avec quelque chose qui était...
14:03 Comment dire ?
14:05 Peut-être une timidité et une douceur
14:10 qui a parlé aussi ou qui a plu au plus grand nombre à ce moment-là.
14:15 -C'était le thème du film, c'est pour ça qu'il y a ces paroles-là.
14:19 -C'est le thème du film, mais c'est la chanson
14:21 qui a amené les gens à aller voir le film, plus que l'inverse.
14:24 Le film ne marchait pas très bien quand il est sorti.
14:28 Et le titre a été tellement phénoménal
14:32 qu'après, les gens ont été curieux d'aller voir le film grâce à la chanson.
14:37 -Il y a d'autres succès phénoménaux qui suivront,
14:40 notamment votre duo avec Glenn Medeiros,
14:42 dont on est encore quelques-uns à connaître les paroles.
14:45 Numéro un des ventes pendant six semaines,
14:47 un duo avec Laurent Voulzy, jamais nous,
14:50 un Olympien en 1990, seulement 17 ans, c'est ça.
14:53 Le rôle principal dans "Le retour de Casanova"
14:56 avec Alain Delon et Fabrice Luchini,
14:58 pour lequel vous montez les marches à Cannes.
15:00 C'est encore de la scène compliquée.
15:02 -C'était pas un bon souvenir. -Non.
15:04 -La foule...
15:06 -Alain avait voulu partir de l'hôtel
15:08 pour aller à pied monter les marches.
15:11 C'est vrai que ça a été un moment qui s'est agoraphobe totalement.
15:15 C'était un peu le cauchemar.
15:16 -Les fans se jetaient sur lui ?
15:18 -Il y avait beaucoup de monde, même le service d'or n'arrivait pas.
15:22 Je suis en plus petite, menue,
15:23 j'avais ma maman qui était derrière, une petite femme aussi.
15:27 Je me retournais sans arrêt pour savoir si elle allait bien.
15:30 Même Luchini était avec nous.
15:32 On comprenait pas trop pourquoi, à part...
15:35 -Pourquoi alors ?
15:37 -Pour un accès d'égout, je pense.
15:39 Pour un besoin d'exister sur juste quelques mètres
15:42 pour rejoindre les marches.
15:44 Mais ça a mis beaucoup de gens dans une situation très délicate
15:48 et qui n'était pas nécessaire.
15:49 -Vous lui en avez voulu ?
15:51 -Au départ, j'ai trouvé ça un peu con, en fait.
15:53 (Rires)
15:55 Et puis après, j'ai laissé tomber.
15:57 Mais je trouvais pas ça très...
16:00 Ouais, très utile.
16:01 -À 20 ans, vous envoyez tout valser.
16:04 Vous dites "stop".
16:05 "Je n'étais plus à l'aise dans ce que je faisais,
16:07 "j'ai dit merde à tout le monde, j'ai appelé mon père,
16:10 "avec qui je faisais mes disques, et je lui ai dit 'J'arrête'
16:14 "et je suis enceinte."
16:15 Quel a été le déclic ?
16:16 La goutte d'eau pour envoyer tout le monde valser ?
16:19 -Je sais pas. Je pense que pour beaucoup de gens
16:22 qui ont commencé très tôt,
16:23 mais même pour des gens qui commencent sur le tard
16:26 et qui font beaucoup, beaucoup, beaucoup,
16:28 et qu'à un moment, on n'a même pas le temps de se poser
16:31 pour réfléchir à ce qu'on aurait envie de faire,
16:34 à ce qu'on veut vraiment.
16:36 -Vous vous souvenez pas d'un point de bascule ?
16:38 Un truc qui vous fait dire "stop".
16:40 -En fait, je crois que j'ai sorti un album
16:43 et que j'étais pas totalement en accord avec cet album.
16:46 Il y avait des chansons...
16:48 Voilà, je...
16:50 Ouais, je pense que c'est peut-être ça qui a fait qu'à un moment,
16:54 j'ai fait "Bon, en fait, j'en ai marre.
16:56 "J'ai envie maintenant de me poser, de savoir ce que je veux, moi,
17:00 "prendre un peu de recul, peut-être me mettre aussi à créer."
17:04 Ce que je ne faisais pas jusqu'à maintenant.
17:07 J'étais juste une interprète et j'avais envie aussi d'écrire.
17:10 J'avais envie de...
17:11 J'écoutais aussi plein de musiques différentes
17:14 qui n'étaient pas réellement de la variété française.
17:17 Voilà, j'avais envie de m'instruire aussi,
17:20 de me cultiver, de...
17:23 Et puis, je crois qu'un besoin,
17:26 l'envie de faire un enfant pour être une femme.
17:29 -Je trouve intéressant aussi le réflexe de se couper les cheveux,
17:33 pour dire stop à cette féminité, sensualité
17:37 à laquelle on vous assignait.
17:39 Il y a eu quelque chose de cet ordre ?
17:41 J'ai trouvé ça intéressant.
17:42 -Oui, sûrement.
17:44 Il y a quelque chose de l'ordre de la psychologie.
17:47 On m'avait toujours connue avec les cheveux longs, ondulés,
17:50 avec une espèce de douceur, quelque chose qui était...
17:53 L'enfant, un peu...
17:55 Bien sous tout rapport et qui me gonflait, en fait.
17:58 J'en avais marre.
17:59 -Il fallait un changement physique.
18:01 -Je crois que c'était une façon de couper, en fait.
18:05 De dire, voilà, je suis autre chose que ça,
18:08 je peux avoir une autre image,
18:12 et en fait, j'en ai marre.
18:14 Voilà.
18:15 -Dans "Ici, tout commence", vous êtes une femme chef de cuisine.
18:19 C'est intéressant. Vous avez une relation avec un homme plus jeune.
18:22 C'est vous, la femme d'expérience, la patronne.
18:25 Ça me semble pas hasard.
18:26 Est-ce que vous avez aimé ce rôle ?
18:29 C'est le rôle d'une femme qui maîtrise les choses,
18:32 qui ne subit pas les choses. -Oui.
18:34 Je me suis pas posée la question au moment où j'ai accepté la série.
18:38 On m'en a parlé après, on m'a mis en parallèle avec mon père,
18:41 qui a travaillé beaucoup avec moi.
18:43 En plus, dans la série, Francis Suster, qui joue mon père,
18:47 et il y a un rapport entre les deux,
18:50 ils sont très liés.
18:52 Il y a le patriarche,
18:55 cet enfant, au départ, qui a suivi les traces de son papa,
19:00 qui a travaillé avec lui.
19:03 C'est une figure un peu comme ça,
19:05 d'autorité et d'un père.
19:08 Il y a sûrement un parallèle inconscient
19:12 quand j'ai accepté de jouer dans cette série,
19:16 mais sûrement réel.
19:18 -Vous vous reconnaissez aujourd'hui.
19:20 -Oui, et je trouve ça très bien.
19:22 C'est l'image d'une femme que j'aime bien.
19:25 C'est-à-dire, c'est une femme volontaire,
19:29 une femme exigeante,
19:31 qui, en même temps, vit une relation avec un homme
19:35 qui est plus jeune que lui et l'assume.
19:38 Je trouve que c'est très complet.
19:41 Ça donne l'image d'une femme d'aujourd'hui.
19:44 -J'ai un document à vous présenter.
19:46 Il s'agit d'une archive, une photo que je vais vous laisser découvrir.
19:50 C'est une photo de Coluche,
19:52 entourée de deux femmes déguisées en clowns, des bénévoles.
19:55 Il pose devant l'entrée de l'un des trois restaurants du coeur.
19:59 On est le 21 décembre 1985.
20:01 Vous faites partie de la troupe des Enfoirés.
20:04 C'est un engagement qui vous tient à coeur.
20:06 A l'époque, tout le monde pensait que ça ne durerait pas longtemps.
20:10 En tout cas, on espérait que ça dure, mais c'est de pire en pire.
20:13 Quel regard vous portez sur le fait que cette association,
20:16 qui devait être éphémère, finalement, dure dans le temps ?
20:20 -On est tous un peu tristes de la situation.
20:22 C'est sûr que ce ne devait pas durer.
20:25 Aujourd'hui, en plus, on essaie de couper les vivres
20:28 au resto du coeur, et je trouve ça absolument terrible.
20:32 Alors qu'il y a de plus en plus de gens qui sont dans le besoin,
20:35 et qui... Voilà.
20:37 Même des étudiants, aujourd'hui,
20:40 des gens qu'on ne pouvait pas soupçonner,
20:42 il y a encore quelques années, qu'ils feraient la queue
20:45 à la soupe populaire.
20:47 C'est encore plus aujourd'hui, c'est d'actualité,
20:50 et heureusement que Coluche a existé.
20:52 -Dans une interview assez récente à Libération,
20:55 vous vous êtes dite profondément de "gauche".
20:57 Ca veut dire quoi ?
20:59 -En fait, je ne sais pas vraiment.
21:00 Aujourd'hui, c'est très compliqué de dire qu'on est de gauche,
21:04 parce qu'on ne sait plus trop ce que ça veut dire.
21:07 Je suis profondément dans une envie de justice sociale.
21:13 Et...
21:14 Et encore aujourd'hui, c'est plutôt à gauche que ça se passe.
21:19 Donc je me sens...
21:21 -Vous avez l'impression que c'est plus difficile
21:23 de définir la gauche, aujourd'hui ?
21:25 -Parce qu'il y a moins de représentants de gauche,
21:28 et que ça part un peu dans tous les sens.
21:31 Donc c'est difficile de se raccrocher
21:33 à quelqu'un en particulier.
21:35 Ce qui est dommage, c'est qu'il n'y ait pas une coalition de la gauche.
21:38 Je le regrette profondément.
21:40 -La gauche a raté son rendez-vous avec ses électeurs.
21:43 -C'est un peu dommage. En tous les cas,
21:45 moi, en ce qui me concerne, j'irai toujours dans le sens
21:48 de cette justice sociale-là,
21:50 et d'une aide pour les plus démunis,
21:54 une aide... Voilà, qu'il y ait une vraie justice.
21:57 -J'ai des photos pour vous.
22:02 C'est un autre rituel dans cette émission.
22:04 Je vais vous présenter cette première photo.
22:07 Je ne sais pas si vous la connaissez.
22:09 C'est en préparant cette émission que j'ai appris à la connaître.
22:13 C'est une danseuse mode américaine. Elle a 10 ans.
22:16 1,5 million d'abonnés sur ses réseaux sociaux,
22:18 habillée des pieds à la tête par les grandes marques,
22:21 soutenue par ses parents.
22:23 Les enfants stars, les ados stars,
22:25 c'est pour ça que je vous présente ces photos,
22:27 émergent sur TikTok.
22:29 C'est plus la façon dont vous l'avez vécu.
22:31 Ça émerge sur les réseaux sociaux.
22:33 Quel regard vous portez là-dessus ?
22:35 Vous, qui avez connu cette médiatisation si jeune,
22:38 là, c'est volontaire, c'est de même, sur leurs réseaux.
22:42 -Oui, il y a des choses...
22:43 C'est un peu effrayant pour certains profils.
22:46 Je ne veux pas non plus être une vieille icône, réac,
22:49 je ne veux vraiment pas l'être.
22:51 Le côté "c'était mieux avant" et tout ça,
22:53 je n'ai pas du tout envie d'être ce genre de personne.
22:57 Je pense qu'il peut y avoir un intérêt pour certains
23:00 à amener quelque chose pour d'autres personnes.
23:03 Peut-être qu'on n'a pas le recul, la compréhension encore.
23:07 Moi, à mon époque, il y avait aussi des gens
23:10 qui pouvaient être choqués par des enfants,
23:12 des jeunes qui pouvaient chanter ou jouer la comédie.
23:16 Finalement, c'est un peu plus rentré dans les mœurs après.
23:19 Le rock'n'roll a été au moment où il est sorti aussi
23:22 quelque chose de terrible pour les gens.
23:25 Donc, voilà, en fait, j'en sais rien.
23:28 C'est-à-dire qu'il y a une espèce de flou par rapport à ça.
23:33 Moi, je suis choquée par certains profils,
23:37 par un vide, en fait.
23:40 Ce qui me gêne, c'est le vide.
23:42 Voilà, c'est qu'il n'y ait pas de création
23:45 ou qu'il n'y ait pas quelque chose d'apporté artistiquement...
23:50 -Ou sur le fond. -Ou sur le fond.
23:52 Quand c'est que de la surface,
23:56 ou quand il n'y a rien, quand on gratte derrière,
23:58 ça me gêne un peu plus.
23:59 -Un petit conseil à lui donner, à cette gamine ?
24:02 -C'est surtout aux parents qu'il faudrait donner des conseils.
24:05 Cette pauvre enfant a 10 ans,
24:07 et malheureusement, ce n'est pas elle qui décide totalement.
24:10 Elle a la possibilité de faire ça,
24:12 donc c'est plutôt les parents qui seraient condamnables
24:14 si cette personne-là, à un moment donné, ne va pas bien.
24:17 -Une deuxième photo, il s'agit d'Emmanuel Béart,
24:20 qui a révélé dans un documentaire
24:22 avoir été victime d'inceste pendant son adolescence.
24:25 Elle s'est eue jusqu'ici publiquement sur ce sujet.
24:28 Elle a décidé finalement d'en parler.
24:31 Dans "Parole contre parole", vous jouiez une victime de viol
24:33 qui avait décidé de se taire.
24:35 C'est un sujet qui vous touche, ce silence des victimes ?
24:38 C'est quelque chose qui vous heurte ?
24:40 -Oui.
24:42 Ça me heurte...
24:43 comme le fait de ne plus être entendue ou écoutée
24:49 à partir d'un certain moment.
24:51 Je trouve ça extrêmement choquant.
24:54 Les victimes devraient avoir la possibilité de s'exprimer
24:58 et de parler de ce qu'elles ont vécu à n'importe quel moment de leur vie
25:01 et qu'il n'y ait pas de prescription.
25:03 Je trouve que la prescription pour ça est absolument épouvantable.
25:08 Ces femmes-là, c'est très courageux de leur part de prendre la parole.
25:12 On se rend compte à quel point il peut y avoir de nombreuses années
25:17 avant de pouvoir parler de ce qu'on a subi.
25:21 Quand j'ai préparé le film "Parole contre parole",
25:26 j'ai rencontré des femmes et j'ai entendu des femmes
25:30 qui étaient dans cette situation-là.
25:32 C'est une douleur épouvantable.
25:35 -Qui les poursuit. -Qui les poursuit toute leur vie.
25:37 Et...
25:39 Ouais.
25:40 Qui poursuit plus les victimes que les agresseurs.
25:44 Donc, je trouve ça terrible de ne pas avoir cette écoute.
25:50 Ouais.
25:51 Une dernière photo plus légère qui peut-être va vous faire sourire.
25:54 Je ne sais pas si vous allez le reconnaître.
25:57 On a découvert cette photo.
26:01 Il s'agit de Glenn Medeiros.
26:02 Vous l'avez découverte aussi sur les réseaux.
26:05 Voilà, votre complice, votre binôme des années 80.
26:08 Il est devenu professeur, puis proviseur
26:11 d'un établissement scolaire à Hawaï. Vous le saviez ou pas ?
26:13 Oui, je l'ai su.
26:15 Je trouve qu'il a très bien réussi.
26:17 En plus, il a fait une reconversion absolument magnifique.
26:21 Et je crois qu'il continue de chanter de temps en temps aussi.
26:24 Vous échangez un peu avec lui ?
26:26 Non, je n'ai pas échangé avec lui depuis qu'on est adolescents.
26:29 C'est vrai ? Aucun contact avec Glenn Medeiros ?
26:31 Alors que vous êtes un duomythe dans la tête des ados.
26:34 Enfin, des ados que nous étions.
26:36 Non, je n'ai pas communiqué avec lui,
26:39 mais j'ai vu qu'il avait fait une belle carrière.
26:42 Elle est sympa, cette photo. On avait envie de vous la montrer.
26:45 Ça nous a fait plaisir.
26:46 J'ai une dernière question en lien avec le lieu où nous sommes.
26:49 Nous sommes entourés de quatre statues
26:52 qui représentent chacune une vertu.
26:54 Il y a la sagesse, la prudence, la justice et l'éloquence.
26:57 Est-ce qu'il y a une de ces vertus qui vous parle particulièrement
27:00 ou qui vous caractérise ?
27:02 Qui me caractérise ? Je ne sais pas, mais la justice, je pense.
27:06 Par rapport à tout ce dont on a parlé depuis le début de l'émission,
27:10 je suis très attachée à une justice,
27:14 à une considération, en tous les cas,
27:17 et que ce ne soit pas une justice à deux vitesses,
27:21 et que ce ne soit pas toujours dans le même sens
27:23 que la justice se fait, ou qu'on puisse donner la parole
27:27 et que ce soit entendu, reconnu et juste.
27:30 Ça arrêtera sur ce mot.
27:32 Merci infiniment d'avoir été là.
27:34 C'était un plaisir.
27:35 Merci à vous qui nous faites si rare en interview.
27:36 On a été ravis de vous recevoir.
27:38 Merci beaucoup.
27:39 Merci à vous de nous avoir suivis, comme chaque semaine.
27:40 À très vite sur Public Sénat, émission à retrouver,
27:42 en podcast, bien sûr. À très bientôt.
27:45 Sous-titrage ST' 501
27:47 ...