100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:09 100% consacré au narcotrafic en France.
00:00:13 Pourra-t-on un jour vaincre ce fléau ?
00:00:16 C'est la question que posent en creux les sénateurs
00:00:20 qui ont lancé une commission d'enquête à ce sujet au mois de novembre.
00:00:23 Ce qui inquiète les élus est la croissance exponentielle
00:00:26 des quantités de drogue saisies par les autorités.
00:00:29 Mi-décembre, un panel de chercheurs livrait son analyse de la situation devant les sénateurs.
00:00:35 Je vous propose de revoir cette audition et puis on en reparle juste après.
00:00:39 Moi j'ai un problème de définition par rapport à la notion de narcotrafic.
00:00:43 Parce qu'en fait vos questions sont relativement larges et visent l'ensemble du trafic.
00:00:46 Le narcotrafic en principe, c'est le trafic international,
00:00:51 le crime organisé, les cartels, les mafias.
00:00:54 Qui ne représente aujourd'hui qu'une partie du trafic de stupéfiants.
00:00:58 Et une partie qui tend à mon sens à diminuer.
00:01:01 Donc je pense que là il y a...
00:01:04 Moi dans mon propos j'ai fait une approche beaucoup plus large.
00:01:07 Donc je me suis intéressé à l'ensemble de la question du trafic.
00:01:11 Je pense que là il y a quelque chose à préciser parce que sur certaines questions,
00:01:14 très clairement la digitalisation elle est relativement réduite au niveau du narcotrafic.
00:01:19 Elle est très forte au niveau du trafic en général.
00:01:22 Donc vous voyez sur certains aspects il faudra peut-être avoir une précision sémantique.
00:01:28 Ensuite par rapport à vos questions, on va probablement échanger les uns avec les autres après.
00:01:35 J'ai été en fait assez surpris par une perception qui peut-être n'a pas tous les éléments historiques.
00:01:46 Je vais vous prendre tout de suite un exemple pour me faire comprendre.
00:01:49 La question du trafic en zone rurale.
00:01:52 La question du trafic en zone rurale où vous nous interrogez pour savoir s'il y a une transformation, des mutations etc.
00:01:58 En fait si vous faites une recherche historique, vous allez voir qu'il y a toujours eu du trafic en zone rurale.
00:02:03 Je vous ai fait la recherche dans la presse, dans la jurisprudence.
00:02:08 Dès les années 60 on a du trafic en zone rurale.
00:02:11 Qu'est-ce qui a changé ?
00:02:13 En zone rurale dans les années 60, la zone rurale est utilisée comme lieu de production.
00:02:18 On trouve des laboratoires clandestins, on trouve des cultures clandestines.
00:02:23 Aujourd'hui ce que vous avez c'est que c'est devenu un marché.
00:02:26 Donc c'est le secteur de la distribution, la distribution au détail qui s'est développée dans les campagnes
00:02:31 parce que vous avez 900 000 consommateurs ou 800 000 consommateurs quotidiens de cannabis.
00:02:35 Ça vous fait un marché suffisant pour que ce soit intéressant pour les trafiquants.
00:02:39 Mais quand on regarde historiquement la question des drogues dans les villes moyennes, dans les campagnes,
00:02:47 elle a toujours existé, au moins moi je suis remonté jusqu'aux années 60,
00:02:50 donc au moins depuis les années 60, simplement sa nature a changé.
00:02:54 Et donc c'est une question qu'on a à se poser par rapport à la nature des pratiques de trafic sur ces territoires.
00:03:00 Même chose sur d'autres aspects, j'évoquais moi le taux de THC que vous évoquiez,
00:03:07 pas je vais vous donner une note de toute façon que j'ai écrite et documenté.
00:03:12 On a comme ça le rajeunissement des délinquants participant au trafic.
00:03:18 Je vous donnerai les déclarations de la gendarmerie de l'Aignan en 2003
00:03:24 se plaignant d'interpeller des gamins de 12-13 ans participant au trafic.
00:03:28 Donc en fait la question elle existe depuis 20 ans.
00:03:30 Et la question qu'on doit se poser c'est comment depuis 20 ans on a des autorités qui nous disent
00:03:35 il y a des gamins qui participent au trafic et comment on n'a pas réussi à éviter ce phénomène.
00:03:41 Mais on n'est pas sur un phénomène nouveau là encore.
00:03:45 Ensuite sur la question qui je pense nous occupera beaucoup des réponses, des solutions à apporter.
00:03:54 J'ai essayé de comparer avec... En gros on a actuellement pour moi deux schémas.
00:04:00 L'hyper répression, ce qu'on va trouver en Chine, aux Philippines, du tertre, c'est le symbole.
00:04:07 Donc un renforcement extrême de la répression.
00:04:12 Aux Philippines ça a été un échec. La Chine prétend avoir des résultats remarquables.
00:04:18 Ils annoncent 30% de baisse des saisies, des interpellations l'année dernière.
00:04:22 Mais en fait c'est lié au confinement et les Américains viennent de leur reprocher d'être la plaque tournante du fentanyl.
00:04:27 Donc je ne suis pas sûr non plus que ce système chinois soit efficace.
00:04:32 L'autre schéma c'est la légalisation. Canada, Uruguay, maintenant Pays-Bas.
00:04:39 Donc là il y a une question à se poser par rapport aux deux stratégies qui se développent dans le monde.
00:04:47 Et si j'ai un dernier point à évoquer, c'est quand vous nous parlez des failles et des réussites,
00:04:54 ou que vous nous interrogez sur les failles et les réussites. Les réussites, il y en a une.
00:04:58 Au début je me suis dit ben non puisqu'on n'a pas réussi à bloquer le trafic.
00:05:00 Et puis en réfléchissant, si il y a une réussite dans la politique française, c'est le contrôle des opiacés.
00:05:05 On est quand même parti dans les années 70 avec une crise des opiacés en France, avec l'héroïne, les overdoses.
00:05:14 Et ça on l'a résolu. On n'a pas non plus eu la crise des opioïdes. Je touche du bois.
00:05:19 Mais pour l'instant on ne l'a toujours pas eu. Et je pense par exemple que les mesures prises en 2017
00:05:23 pour interdire la vente sans ordonnance des médicaments codéynés, ça a participé à ce contrôle efficace.
00:05:32 Donc on sait faire. Et on a des prohibitions réussies. Et je vous rappellerai qu'on a 400 produits classés
00:05:39 comme stupéfiants en France à peu près. Et que sur ces 400 produits, il y en a 10 qui nous posent un problème.
00:05:44 Et donc 390 ne nous en posent pas. Donc il y a des prohibitions qui marchent.
00:05:49 Et on a des critères qui nous permettent de dire quand une prohibition peut fonctionner et quand elle ne fonctionne pas.
00:05:53 Voilà.
00:05:55 Merci beaucoup. Madame Chopérage.
00:05:57 Oui. Alors effectivement, moi aussi j'ai été un peu submergée par la masse de questions.
00:06:01 Je les ai un peu regroupées en 3 points. Je ne sais pas si je vais évoquer les 3 directs ou si j'attendrai les questions.
00:06:08 Le premier point, c'était la menace croissante multiforme. Le deuxième point, c'était comprendre les acteurs
00:06:14 et sortir de l'illusion de savoir. Parce que j'ai quand même l'impression qu'on est enfermé dans des concepts.
00:06:20 Et puis en troisième point, quelques pistes que faire. Peut-être qu'on les abordera après.
00:06:25 Alors sur la menace, je ne vais pas non plus insister parce que j'ai écouté certaines des auditions précédentes.
00:06:30 Et le point a déjà beaucoup été fait. Donc je ne vais pas revenir sur effectivement certaines substances stupéfiantes qui attirent l'attention.
00:06:39 Ce que je voudrais dire, c'est qu'il faut faire attention aux chiffres, notamment ceux sur les saisies.
00:06:43 Les saisies qui augmentent, ça peut être plus de produits qui circulent. Et ça peut être aussi parce qu'on contrôle plus.
00:06:50 Donc on saisit plus. Donc il ne faut pas inférer trop de choses de ces chiffres.
00:06:53 Ça donne une image, mais une image très partielle, comme toujours avec le crime.
00:06:58 Ce que je voudrais dire aussi, c'est qu'on a une évolution sans doute dans les modes de consommation,
00:07:03 notamment pour la cocaïne. Au départ, c'était de la consommation essentiellement récréative.
00:07:08 Maintenant, on est au-delà du récréatif. On a aussi de la consommation pour tenir des rythmes dans certaines professions.
00:07:14 Donc ça, en termes de compréhension du consommateur et de lutte contre la demande, il faut absolument en tenir compte.
00:07:21 On a une banalisation du cannabis alors que la teneur en THC flambe. Donc ça aussi, c'est problématique.
00:07:27 On a un risque qui est annoncé pour les nouveaux produits de synthèse.
00:07:33 Et là, ça va poser aussi un problème d'identification des circuits parce qu'ils ne passeront pas par les mêmes routes.
00:07:38 On peut produire à proximité du consommateur, à la différence de la coca qui est produite en Amérique latine.
00:07:44 Ce qu'il faut voir aussi, c'est qu'il y a une diversité de produits, ce qui permet une diversité de gamme de prix.
00:07:49 Donc on peut toucher des consommateurs de façon extrêmement large. Et le même prestataire peut proposer plusieurs substances stupéfiantes.
00:07:56 Donc l'offre est vraiment adaptable. Je pense aussi qu'il y a eu un effet Covid majeur qui met en évidence la spécificité des stups,
00:08:05 c'est-à-dire l'addiction. Contrairement à ce qui a été annoncé en début de confinement, il n'y a pas eu un arrêt du trafic de stupéfiants.
00:08:11 Loin de là, il y a eu proposition de produits de remplacement, de nouveaux modes d'acheminement,
00:08:16 ce qui montre l'extrême résilience criminelle. Et ça, c'est quelque chose qui vaut pour tous les marchés illégaux.
00:08:22 Avec de nouveaux modes d'approvisionnement, l'ubérisation, les livraisons à domicile, les colis postaux,
00:08:29 ce qui sont devenus tellement massifs qu'effectivement on ne contrôle plus rien, les réseaux sociaux qui permettent d'accéder à des sites,
00:08:37 les promotions par SMS, c'est quand même aussi quelque chose qui s'est largement développé, qui est resté en place après le confinement.
00:08:46 Dans le même temps, du côté de la cocaïne, de la matière basse de cocaïne, il y a plus de production à l'heure actuelle.
00:08:53 Et là aussi, il y a eu un effet Covid avec des déplacements de population qui ont rendu certains terrains agricoles accessibles aux narcotrafiquants,
00:09:01 avec aussi une économie de subsistance, c'est-à-dire des populations pauvres qui se sont dit que c'était un revenu comme un autre que de travailler pour les narcos.
00:09:09 Du côté de la demande, le Covid, c'est aussi un malaise social, un malaise psychologique qui peut faire basculer certaines personnes dans ces consommations-là.
00:09:18 Donc voilà pour la menace. Le deuxième point sur lequel je voulais insister, c'est comprendre les acteurs et sortir de l'illusion de savoir.
00:09:26 Je trouve qu'on a un biais cognitif dans la compréhension du crime. Parfois, on veut que le crime organisé ressemble à l'image qu'on en a,
00:09:33 notamment une image cinématographique. Et je vais parler de trois éléments, la violence, le monopole, le blanchiment.
00:09:43 Alors quelques mots. La violence, c'est ce qui a attiré notre attention sur le narcotrafic. Mais c'est pas complètement un épiphénomène.
00:09:51 Mais ça ne dit pas tout, encore une fois, du trafic de stupéfiants. Il y avait du trafic de stupéfiants sans violence.
00:09:55 Et finalement, c'est un point de faiblesse pour les organisations criminelles, notamment la MocroMafia, qui, jusque-là, opérait assez tranquillement.
00:10:03 Ce déploiement de violence a attiré l'attention, les représailles, force de l'ordre et de la justice aux Pays-Bas en Belgique.
00:10:11 Ce qu'il faut voir, c'est qu'il y a une baisse du prix de la vie chez les criminels. Ça coûte moins cher d'embaucher un tueur à gage.
00:10:17 Donc ça, ça facilite ce recours à la violence. Il y a une externalisation de certaines opérations.
00:10:23 Donc il y a une nébuleuse qui s'est créée autour des organisations criminelles. Ça, les communications cryptées l'ont clairement montré.
00:10:31 On a utilisation des jeunes. C'est pas nouveau, mais ça se renforce parce qu'il y a un risque pénal qui est moindre pour les mineurs,
00:10:37 parce que les petits dealers, les chouffes, ils ont une vision du crime aussi qui est hyper valorisée, valorisante.
00:10:45 Donc il y a un aspect culturel dans le crime qui est souvent passé derrière. On pense qu'à la vision économique,
00:10:51 il y a des enjeux de mentalité, de culture qui sont fondamentaux. Et ces petites mains du crime ne sont pas les affiliés aux organisations criminelles.
00:11:01 C'est-à-dire que quand on les arrête, ils ne savent pas forcément grand-chose des personnes pour qui ils travaillent.
00:11:07 Ce qui veut dire qu'en termes de collaboration avec la justice, ils sont un peu inutiles.
00:11:11 Donc il n'y a pas d'intérêt particulier à les faire collaborer. Alors qu'à côté, vous avez des organisations criminelles de taille très différente, très variée.
00:11:20 Le crime organisé, c'est une diversité d'acteurs avec des organisations faibles, des organisations fortes.
00:11:26 Beaucoup de ces organisations criminelles sont multi-activités. Donc si elles subissent des revers dans la drogue, elles continuent d'opérer ailleurs.
00:11:35 On a un rôle qui est peu mis en avant. C'est le rôle des brokers, des intermédiaires dans le trafic de gros de la drogue.
00:11:42 Et ceux-là, on ne les touche pas. On n'arrive pas véritablement à les interpeller. On ne voit encore une fois que ce qui est visible,
00:11:51 c'est ces petits dealers, les points de deal. Mais c'est le bas du panier. Et ça n'intime pas le trafic en lui-même.
00:11:59 Et ces intermédiaires de gros, ils sont peu nombreux. Ils ne sont pas forcément violents.
00:12:03 C'est ça aussi qui fait qu'on ne les voit pas parce qu'ils n'ont plus besoin de violence. Ils ont la réputation criminelle.
00:12:10 Et je pense en particulier au mafieux calabrais dont on sous-estime largement la menace.
00:12:16 Donc beaucoup d'acteurs avec des hiérarchies criminelles, avec des coopérations, des externalisations et des effets d'émulation et d'apprentissage.
00:12:24 Ce qui fait que la méthode mafieuse se diffuse sans forcément qu'on ait des organisations mafieuses au sens réel du terme.
00:12:32 Absolument pas de structure monopolistique sur ces marchés. Alors pour les économistes, c'est la vulgate.
00:12:37 Un marché illégal est forcément un marché en monopole. C'est faux. C'est totalement faux. Ça l'est toujours moins.
00:12:44 Et c'est embêtant lorsqu'on a des opérations qui annoncent qu'il y a eu démantèlement d'un maxicartel de la drogue à Dubaï.
00:12:52 Parce qu'il n'y a pas de maxicartel. Parce que ça n'a entraîné aucune rupture dans l'approvisionnement.
00:12:57 Donc ces grands termes, ça met en valeur la coopération internationale, mais c'est induire en erreur un peu sur le sujet.
00:13:05 Donc il faut travailler sur ça. D'autant plus qu'il y a des trafics joints. Je vous disais, ils sont multi-activités.
00:13:09 Mais rien qu'avec le trafic de drogue, il y a aussi le trafic d'armes. Il y a aussi le trafic d'êtres humains avec la question de la criminalité forcée.
00:13:18 Les gens qui sont contraints d'opérer pour les acteurs illégaux. La prostitution. Vous avez des personnes qui sont des consommateurs,
00:13:25 qui doivent se payer leur drogue, qui basculent dans la prostitution aussi, qui peuvent tomber dans des réseaux.
00:13:30 Et puis trafic joint, il y a toute la question de la corruption et la capacité de réinvestir des sommes très importantes dans d'autres trafics.
00:13:38 Donc des diversifications criminelles qui se font. Autre idée reçue, c'est le blanchiment.
00:13:43 Que le blanchiment passerait toujours par des montages hyper complexes, qui demandent des coopérations avec des professions spécialisées, etc.
00:13:53 Ça existe, bien sûr que ça existe. Mais il faut bien voir qu'il y a beaucoup d'argent sale qui circule non blanchi dans nos économies.
00:14:00 Les statisticiens des comptes nationaux le savent. La somme des emplois n'est jamais égale à la somme des ressources.
00:14:07 C'est aussi dû à cet argent sale. Les salaires de la main-d'œuvre criminelle, les pots de vin ne sont pas blanchis.
00:14:15 C'est de l'argent sale qui circule tout à fait librement. Il faut voir aussi que vous avez une utilisation de cash qui peut être peu restreinte,
00:14:25 notamment dans l'espace européen. Alors pour exemple en Hollande, au Luxembourg, en Irlande, en Hongrie, en Allemagne, en Autriche, à Chypre, en Estonie, en Finlande,
00:14:38 il n'y a pas de limite à l'utilisation du cash. Alors parfois, il faut un petit peu fournir des justificatifs.
00:14:43 Mais enfin quand même, il y a une liberté de circulation. Vous avez pas mal de blanchiments qu'on appelle de basse intensité,
00:14:50 c'est-à-dire le petit restaurant, le bar, etc., qui en plus fournissent une façade légale. C'est-à-dire que la personne peut dire
00:14:58 « Moi, je suis titulaire d'un commerce ». Et ça permet donc de recycler et de s'enraciner territorialement.
00:15:05 Et ça, pour les mafias en particulier, c'est très important. Vous avez aussi, je pense, une complicité de certaines professions
00:15:12 qui sont assujetties pourtant à des obligations de déclaration des opérations atypiques. Peut-être qu'on en reparlera.
00:15:21 Mais aux États-Unis, il y a eu l'affaire Fincene en 2020 avec ces institutions financières qui ont déclaré des soupçons,
00:15:29 mais qui avaient auparavant validé l'opération financière douteuse. Donc un double jeu. En façade, on respecte la conformité.
00:15:37 En réalité, on a quand même cédé aux sirènes des affaires. Donc là, il y a pas mal d'exemples dans ce sens-là.
00:15:44 Le marché de l'art aussi est problématique, avec un taux de croissance qui a flambé. C'est une anomalie économique.
00:15:51 Vous avez aussi des sociétés tout à fait légales qui vous aident à créer des sociétés offshore.
00:15:57 C'est les sociétés prestataires de services aux sociétés effiducies. Donc on peut créer une société écran en toute légalité
00:16:04 et très facilement, quelques clics sur Internet et c'est fait, pour pas très cher.
00:16:09 Et puis on a des coopérations criminelles dans le blanchiment, notamment les Chinois blanchissent de l'argent pour le compte
00:16:16 d'autres organisations criminelles. Donc là aussi, on sort de la violence. On est dans la coopération criminelle.
00:16:21 Alors que faire par rapport à tout cela ?
00:16:24 – Peut-être qu'on peut se proposer... – Oui, après. Tout à fait.
00:16:27 – C'est peut-être plus utile qu'on continue le constat et puis on fera une série d'interventions sur que faire.
00:16:33 Merci Madame. Excusez-moi de vous couper.
00:16:35 – C'est pas de souci.
00:16:37 – Alors, sans doute, certains éléments vont se recouper avec ce qu'ont dit mes prédécesseurs.
00:16:43 D'abord, en prolégomène, peut-être vous dire qu'il y a d'abord une dimension épistémologique.
00:16:49 C'est-à-dire qu'en économie, quand on travaille sur les drogues, c'est assez compliqué parce que quand on est dans ce qu'on appelle
00:16:58 l'économie standard ou l'économie néoclassique, on n'a pas de données. On n'a pas de données pour faire tourner des modèles.
00:17:04 On n'a pas de données. Ou alors, c'est des données qui ont beaucoup de faiblesse.
00:17:10 Donc on touche très vite aux limites, justement, de l'économie en tant que moyen pour produire de la connaissance.
00:17:18 Donc ça nous emmène immédiatement à faire de la pluridisciplinarité, de l'interdisciplinarité.
00:17:23 Donc d'aller chercher du côté de la sociologie, du côté de l'ethnologie, du côté de l'histoire, évidemment du côté du droit également.
00:17:30 Donc toute cette dimension pour essayer de comprendre une réalité qui, par définition, échappe à l'observation.
00:17:36 Puisque par nature, cette économie, elle est occulte et elle cherche justement à se dissimuler.
00:17:44 Donc il y a un véritable enjeu pour nous, chercheurs, de mettre à jour cette réalité.
00:17:50 Donc si vous le permettez, je vous propose d'abord d'aborder ces questions d'un point de vue phénoménologique.
00:17:55 Et puis ensuite de voir quelles sont les réponses des pouvoirs publics de manière très schématique, dans un premier temps.
00:18:01 Sur la phénoménologie, si je puis dire, l'économie de la drogue, ce n'est pas nouveau, évidemment.
00:18:07 Il suffit de regarder dans l'histoire. Déjà, ces produits qu'on connaît comme l'héroïne, la cocaïne ou les drogues de synthèse sont pour beaucoup issus de l'économie légale.
00:18:17 La cocaïne, c'était un produit légal il y a quelques dizaines d'années.
00:18:22 Ensuite, il y a eu des conventions internationales qui l'ont prohibée.
00:18:27 Déjà, à partir de là, c'est un fruit de l'économie de l'industrie pharmaceutique.
00:18:33 Donc c'est un élément à prendre en compte.
00:18:36 Ensuite, certains acteurs ont bien vu l'intérêt, une fois décidée la prohibition, pour des raisons de santé publique, pour beaucoup,
00:18:47 mais pas que, aussi, pour des raisons de lobbying de certains éléments de l'industrie pharmaceutique.
00:18:53 Il y a eu donc une opportunité pour un certain nombre d'acteurs.
00:18:57 Je pense à la période en France de la French Connection.
00:19:00 C'est tout simplement une façon d'exploiter cette manne considérable.
00:19:07 Je rappelle que c'est la morphine base qui venait d'Asie du Sud-Est, qui arrivait en Turquie,
00:19:14 et qui a été ensuite acheminée pour beaucoup dans le sud de la France, mais pas que.
00:19:18 Des laboratoires transformaient la morphine base en héroïne,
00:19:21 et cette héroïne partait en Amérique du Nord pour beaucoup.
00:19:25 Elle a contribué à cette émergence d'un véritable problème de santé publique aux États-Unis, au Canada, et dans une moindre mesure au Mexique.
00:19:38 Je ne reviens pas sur la période de Richard Nixon, qui fait la guerre de la drogue,
00:19:43 et qui met un peu la France, je ne veux pas dire en demeure, mais en tout cas qui la pointe du doigt,
00:19:47 et qui dit justement qu'il s'agit de prendre le problème à bras-le-corps.
00:19:51 Pourquoi je reviens sur cette dimension historique ? Parce qu'il y a des acteurs qu'on va retrouver un peu plus tard dans l'économie,
00:19:56 que ce soit de la cocaïne ou du cannabis, des acteurs du grand banditisme,
00:20:01 où il y avait une espèce de porosité entre le grand banditisme et ces acteurs du trafic.
00:20:06 On avait de très bons chimistes qui sont partis en Colombie,
00:20:09 et qui ont participé à la transformation de la coca en cocaïne, donc il y a une histoire.
00:20:16 Et puis, petit à petit, cette économie, compte tenu de la répression, elle a besoin de trouver des débouchés.
00:20:24 En France, on a pu voir dans les années 80, justement, l'émergence d'une véritable épidémie d'héroïne,
00:20:31 avec tout son lot d'overdoses et de problèmes de santé publique.
00:20:36 Et les acteurs à l'époque étaient déjà des acteurs de la French, en tout cas en termes d'offres de cette héroïne.
00:20:44 Pourquoi présenter l'héroïne ? Parce qu'il y a ensuite des liens avec l'économie du cannabis.
00:20:50 C'est-à-dire que ces acteurs du grand banditisme ont pu, de temps à autre, monter au braquage,
00:20:58 et puis ensuite faire un peu de trafic de stupéfiants.
00:21:02 Dans les années 80-90, on a réalisé un travail, plutôt dans les années 90, d'ailleurs avec David Van Berger,
00:21:09 un travail un peu, je dirais, fondateur, puisqu'on a fait un premier travail qui s'appelait "L'économie souterraine de la drogue"
00:21:14 au début des années 90, sous l'égide du Conseil national des villes à l'époque.
00:21:20 Et déjà, on arrivait à pointer du doigt tout un ensemble d'éléments qu'on retrouve aujourd'hui.
00:21:25 Donc il y a des phénomènes, il y a des permanences.
00:21:28 Le rajeunissement, la question du modèle du trafiquant déjà apparaissait,
00:21:35 le modèle de réussite, entre guillemets, la question de l'argent facile qui émergeait.
00:21:40 Et à l'époque, justement, je me souviens de Patrick Deveidjian, qui était l'animateur de ce groupe de travail,
00:21:48 et on parlait de dérive mafieuse des quartiers.
00:21:51 Alors c'est encore un usage abusif du terme "mafieux", comme le dirait Clotilde,
00:21:56 mais pour montrer qu'il y avait une préoccupation.
00:21:59 Une préoccupation parce qu'il y avait de la violence, il y avait un impact sur la vie sociale locale,
00:22:04 et donc déjà émergeait tout un ensemble de questions qu'on retrouve aujourd'hui,
00:22:08 typiquement sur les jeunes qui s'engagent dans le trafic, qui sortent du système scolaire.
00:22:12 Il y avait une armée de réserve pour ces trafiquants.
00:22:16 Beaucoup perdaient, en fait, les quartiers.
00:22:19 La conclusion, je dirais, finale de ce travail, c'était de dire que les quartiers perdent plus qu'ils ne gagnent, en réalité.
00:22:25 Puisque ceux qui gagnent ne sont pas dans les quartiers, ils sont ailleurs.
00:22:29 Et le souci des trafiquants, justement, c'est de sortir des zones de relégation et de profiter des ressources du trafic.
00:22:39 Rapidement sur la réponse des pouvoirs publics, comment elle a évolué.
00:22:43 On voit bien l'importance de la montée en puissance des acteurs policiers dans le travail d'enquête.
00:22:52 Je crois que ce qui a été un tournant fondamental, c'est la loi Perben 2,
00:22:56 qui a donné des moyens considérables en termes de pouvoir d'enquête,
00:23:00 notamment avec la question de l'infiltration, la question des écoutes,
00:23:04 et puis le début de la notion de repentis, même si elle n'est pas entrée en vigueur complètement.
00:23:11 Donc la loi Perben 2.
00:23:12 Et puis, ensuite, on a progressivement ce qui constitue un peu le parent pauvre de la réponse de l'État,
00:23:17 la coordination et aussi la question de la coopération internationale.
00:23:23 Parce que les drogues nous propulsent immédiatement dans la sphère internationale
00:23:26 et se pose la question de la coopération internationale.
00:23:29 Donc l'intérêt d'avoir Interpol, Europol, l'Organisme des Nations Unies de lutte contre les drogues et le crime,
00:23:36 tous ces organismes ont joué un rôle important dans la mise à jour de ces phénomènes et dans la réponse des pouvoirs publics.
00:23:41 A l'échelle locale, ça a été plus balbutiant.
00:23:45 Parce que pour avoir travaillé sur ces phénomènes, je dirais qu'il y avait une antinomie entre les policiers,
00:23:51 par exemple la police judiciaire départementale, qui s'intéressait plutôt au milieu du spectre, au bas du spectre,
00:24:00 et puis l'OCRTIS à l'époque, l'Office Central de Répression des Trafics Illicites de Stupéfiants,
00:24:05 qui s'intéressait au haut du spectre.
00:24:07 Et d'un point de vue économique, ce qu'on a constaté, c'est que, en travaillant sur le bas du spectre,
00:24:12 le travail de police départementale contribuait à faire émerger, à avoir un effet sélectif.
00:24:17 C'est-à-dire que c'était les trafiquants qui étaient les moins aguerris, les moins professionnels, qui se faisaient interpeller.
00:24:22 Et ça avait une espèce d'influence et ça contribuait à une forme de monopolisation ou à oligopolisation.
00:24:29 Et inversement, quand l'OCRTIS s'attaquait aux têtes de réseau, il avait tendance à faire ce qu'on appelle en économie une politique antitrust.
00:24:38 C'est-à-dire que la place est laissée libre et ça crée une espèce de dynamique auprès des petits trafiquants
00:24:44 pour prendre la place de ce trafiquant qui était interpellé.
00:24:49 Et puis on reviendra peut-être sur la dimension de la violence dans un temps ultérieur. Merci.
00:24:55 Merci de ce propos introductif, M. Weinberger.
00:24:58 Je vous remercie pour cette invitation. Je vais essayer d'être bref en propos liminaire.
00:25:05 Je pense que déjà, ça a été évoqué, l'approche de marché apporte énormément de choses sur le narcotrafic.
00:25:12 Donc l'offre, la demande. On oublie parfois de rajouter la régulation. On pourrait parler de réponse publique.
00:25:17 Ces trois familles d'acteurs interviennent dans la construction du phénomène.
00:25:22 Vous avez demandé des questions sur les routes de la drogue. C'est extrêmement difficile. Pourquoi ?
00:25:27 Parce qu'il y a un concept relativement simple qu'on utilise beaucoup en géopolitique des drogues qui s'appelle l'effet ballon.
00:25:33 Quand la pression répressive appuie sur une côté du ballon, l'air va de l'autre côté.
00:25:37 Et en fait, c'est une image pour identifier cet éternel jeu d'adaptation entre les narcotrafiquants et les forces de l'ordre.
00:25:45 Aujourd'hui, pour moi, le marché... Il y aurait peut-être trois mots importants.
00:25:53 Le premier mot, c'est la globalisation des échanges. Et on le voit avec la cocaïne.
00:26:00 On est, surtout avec la cocaïne, on est dans une économie globalisée.
00:26:04 Le prix de vente de la cocaïne, en Amérique latine et en France, l'écart a réduit.
00:26:12 Il est quasiment similaire, ce qui montre qu'il y a une offre extrêmement présente, prolifique.
00:26:19 Ça a été déjà présenté dans d'autres auditions. Et ça, c'est important de le savoir. Et donc la cocaïne rentre de partout.
00:26:26 J'ai entendu lors d'une des auditions des adjectifs sur le phénomène de la cocaïne en France et en Europe.
00:26:34 Je souscris à ça. Nous sommes confrontés à un déferlement de la cocaïne depuis quelques années,
00:26:40 qui, en fait, aujourd'hui, on l'a vu notamment aux Pays-Bas, ça a aussi été évoqué,
00:26:44 ce qui émerge bien dans les affaires en crochette, SKIECC, qui aujourd'hui peuvent représenter un vrai danger pour les États de droit.
00:26:53 On l'avait vu en Amérique latine, c'était classique. On considérait un peu que ça n'arriverait jamais en France.
00:26:58 C'est un peu l'effet de Tchernobyl. Aujourd'hui, on peut se poser la question. On voit ce qui s'est passé, notamment aux Pays-Bas.
00:27:05 L'autre point, c'est la professionnalisation qui va avec. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, les narcotrafiquants sont extrêmement performants.
00:27:14 Et là-dessus, pour aller très rapidement, ça s'articule notamment avec les nouvelles technologies qui interviennent sur l'ensemble de la chaîne de valeur.
00:27:22 De la production à la vente au détail. On pourra rentrer dans les détails. Mais effectivement, il y a un boom technologique qui intervient
00:27:31 dans l'ensemble des activités humaines ou presque. Et le trafic de stupéfiants n'est pas épargné.
00:27:37 Ce sont de nouveaux challenges qui ont été bien présentés dans les précédentes auditions.
00:27:42 Pour moi, en tant que chercheur, et puis aussi pour Amile Descales, la cocaïne est devenue aujourd'hui l'enjeu majeur,
00:27:50 autant en termes de santé publique que de lutte contre les trafics. C'est vraiment là-dessus qu'il faut travailler.
00:27:56 Guillaume Héragne, le directeur de l'OFDT, vous a présenté quelques chiffres en primeur.
00:28:01 Qu'est-ce qu'on remarque ? C'est qu'en fait, depuis 15 ans, le marché de la cocaïne double tous les 5-7 ans.
00:28:08 Il y en a des régions qui sont extrêmement exposées. La Guyane, les Antilles. Je vais m'arrêter 2 minutes sur la Guyane, qui a énormément changé en 15 ans.
00:28:17 L'économie guyanaise, la vie guyanaise a changé. La Guyane vit en tension avec le trafic de cocaïne.
00:28:27 La raison principale est qu'ils sont à 1 800 km des zones de production.
00:28:32 Je vais aller assez rapidement et je vais juste revenir sur la réponse publique, qui a été bien présentée lors des précédentes auditions.
00:28:40 C'est un problème difficile, la lutte contre les narcotrafics. Et ce qu'on a pu voir dans les expériences à l'étranger, avec d'autres polices,
00:28:49 c'est qu'en fait, la plupart des polices sont confrontées au même problème.
00:28:54 Il n'y a pas vraiment de spécificité française dans les problématiques relatives à l'amélioration, les forces et les faiblesses de la police antidrogue.
00:29:03 La police française est plutôt une police antidrogue qui est au haut du panier, si on regarde ce qui se passe à l'international.
00:29:10 Mais il y a des choses qui sont problématiques. On a évoqué les chiffres, les saisies, qui sont des indicateurs phares extrêmement importants.
00:29:18 Parce que quand même, retirer du produit, du marché, ça ne réduit plus la disponibilité, parce qu'il y a beaucoup de stocks.
00:29:25 Mais en revanche, et je parle sous le contrôle de mes amis économistes, ça intervient sur le prix.
00:29:29 Donc en gros, ça augmente quand même le prix de vente au détail. Mais tout ça est à réfléchir.
00:29:35 Et ce qui a été engagé en France depuis quelques années va dans le bon sens.
00:29:40 Enfin, et c'est un peu lié, il faut une approche stratégique. Il faut des indicateurs robustes. Il faut des analyses qui montent en puissance.
00:29:51 Nous sommes peu d'experts en France et à l'étranger à travailler sur ce sujet. Les données sont fragiles, sont labiles.
00:29:57 Mais il y a des marges de progression. Moi, c'est une de mes activités principales à la Mideca, c'est de monter un programme,
00:30:04 de piloter un programme de recherche appliqué à la lutte antidrogue, de faire émerger les travaux de recherche de qualité qui sont utiles à l'action publique
00:30:12 et de dynamiser ou de faire émerger une vraie communauté de recherche qui permettra à la fois d'éclairer les décideurs publics et les élus,
00:30:20 mais aussi d'éclairer, je dirais, les autorités en charge de la répression et de l'action contre la lutte antidrogue. Je vous remercie.
00:30:29 — Merci beaucoup de vous prêter cet exercice intenable. Mais on va essayer de tirer le meilleur de l'heure de débat qui nous reste.
00:30:35 Et je parle la parole tout de suite à notre rapporteur Etienne Blanc.
00:30:38 — Très bien. Pour entrer dans le vif du sujet et parler de manière très concrète, est-ce qu'aujourd'hui, vous pouvez nous donner
00:30:45 quelques pistes sur les faiblesses du système français de lutte contre le narcotrafic ? Est-ce que vous avez identifié et hiérarchisé ces faiblesses ?
00:30:58 — Oui. Moi, j'en cible deux. Une au niveau de la loi, une au niveau de l'action policière. Au niveau de la loi, petit rappel,
00:31:08 vous avez voté 100 lois sur les stups depuis le 31 décembre 1970, 22 lois depuis mai 2017, soit une loi tous les 3 mois et demi à peu près
00:31:19 en matière de stupéfiants. C'est énorme. C'est considérable. Et jamais, en fait, on ne s'interroge... J'ai été auditionné par la mission
00:31:30 de l'Assemblée nationale. Je leur ai signalé et je vous le signale aussi. C'est à ma connaissance la première fois que vous avez des missions
00:31:36 parlementaires sur la question du trafic et de l'action publique en matière de trafic. On en a eu beaucoup sur l'usage. On a eu beaucoup de commissions
00:31:46 sur l'usage. On a eu des commissions ciblées sur la Guyane, notamment il y a quelques années. Mais sur le trafic de façon globale, à ma connaissance,
00:31:55 c'est la première. Moi, j'ai recherché. J'en ai pas trouvé auparavant. Donc en fait, on a multiplié les textes. Mais on s'est jamais interrogé
00:32:05 sur leur efficacité. Et il y a un terme pour ça. C'est un barbarisme. Le collègue, c'est un Allemand qui avait utilisé le terme. Il appelle ça
00:32:15 l'autopoyesse der Guntertuminer. En fait, c'est une chose toute bête. C'est que la loi sert à se justifier elle-même. Donc on n'a pas besoin de l'évaluer.
00:32:23 On part de la loi et on dit que la loi ne fonctionne pas. Si elle ne fonctionne pas, c'est qu'il n'y a pas assez de loi. Donc on va rajouter de la loi.
00:32:29 Oui, mais ça ne fonctionne toujours pas. Alors c'est qu'il n'y en a pas assez. Et donc on ne rediscute pas le postulat de départ. Et ça, à mon avis,
00:32:37 c'est un des points sur lesquels il faut vous interroger. J'ai pris dans la note que je vais vous envoyer l'exemple du GBL. Donc vous avez tous entendu parler
00:32:47 du GHB, drogue du viol ou ce que vous voulez. Aujourd'hui, les gens consomment plutôt du GBL parce que c'est un lubrifiant qu'on peut trouver en vente libre
00:32:55 sur Internet. Et quand vous l'absorbez, il se transforme dans votre estomac en GHB. Voilà. Donc c'est facile d'accès. En 2011, on a interdit la commercialisation du GBL
00:33:07 en France pour éviter justement ce type de détournement. Un travail très intéressant qui a été fait par les centres d'addictovigilance en 2015, évaluation du dispositif.
00:33:18 Aucune modification. Même nombre d'accidents, même nombre de saisines des centres antipoison. Rien n'a changé alors qu'on avait essayé par une disposition
00:33:28 réglementaire cette fois-ci d'intervenir. Donc je pense que là, il y a une question à se poser sur les outils et les moyens. Et ça m'amène à ma deuxième critique,
00:33:37 la question des méthodes. Je serai plus sévère sur la question de l'action policière. Moi, j'ai vraiment l'impression qu'on a une police du XXe siècle
00:33:47 et encore une police en fait inspirée de la police américaine des années 50 pour le trafic du XXIe siècle. Et donc on vise deux bouts du spectre.
00:34:01 On vise avec l'OFAST qui est un rebranding de l'ancienne OCR-TIS. On vise le narcotrafic, les mafias. Et ça, on sait très bien faire.
00:34:14 On vise de l'autre côté l'usager. Mais en fait, ce qui s'est développé ces 10 dernières années, c'est un trafic intermédiaire.
00:34:21 Si vous lisez toute la littérature scientifique, tous les articles vous disent la même chose. Qu'est-ce qu'on voit aujourd'hui ?
00:34:28 C'est des structures informelles d'opportunités, des gens qui ne se connaissent pas avant et qui vont se réunir pour faire un coup.
00:34:35 Et là, je suis désolé, les méthodes proactives, l'infiltration, tous ces dispositifs-là, ça ne sert à rien parce qu'on n'a pas le temps d'infiltrer,
00:34:42 parce que les gars vont faire un coup et puis après, ils vont passer à autre chose. Et peut-être qu'ils se retrouveront 2 ans ou 3 ans après sur une autre affaire.
00:34:49 Et ça, ça rend le travail policier beaucoup plus compliqué parce qu'en fait, finalement, une mafia, c'est assez simple. Il y a des risques.
00:34:57 Il faut arriver à l'infiltrer. Mais une fois qu'on l'a infiltré, on a les tenants et les aboutissants.
00:35:02 Quand vous avez des gens qui, par opportunité, vont se rencontrer, vont monter à un coup une affaire à 1 million ou à 2 millions de dollars,
00:35:08 et puis après, ça va disparaître et ils ne reviendront peut-être jamais sur le sujet, là, ça devient très compliqué pour la police.
00:35:15 Et je pense que dans cette dimension-là, elle n'est pas du tout appréhendée. Ensuite, ce qu'on voit, c'est la question, en effet, de la digitalisation.
00:35:24 Mais là, j'insiste. D'où mon propos préliminaire. Le narcotrafic, il est touché par la digitalisation à 2 niveaux, la logistique, le blanchiment.
00:35:35 Pour le reste, le narcotrafic, il ne s'occupe pas de la vente au détail, par exemple. Donc toute la digitalisation de la vente au détail, je vous le ferai circuler,
00:35:44 mais si vous arrivez à voir, j'ai un compte Twitter, d'accord ? J'ai un compte Twitter et je tweet sur les drogues.
00:35:51 Donc j'ai des hashtags, cannabis, cocaïne. Qu'est-ce que je reçois ? Je reçois des demandes d'adhésion, des followers,
00:35:58 qui me donnent un message Telegram, bonne bœuf, pas cher, et le compte va rester ouvert 24h, 48h sur Twitter, va renvoyer vers un numéro Telegram,
00:36:12 et puis si ça m'intéresse, voilà, ça y est, j'ai le contact avec le... Et au bout de 48h, le lien va disparaître. On en proposera un autre.
00:36:20 Mais ça, c'est pas le narcotrafic. Ça, c'est de nouvelles formes de trafic qui se sont digitalisées. Il y a un article très intéressant qui a été fait par un auteur allemand
00:36:31 qui montre en fait que la structure n'est pas la même. Le narcotrafic, il a une base géographique, familiale, quasi tribale. Ce sont des gens qui se connaissent entre eux.
00:36:41 Pas ce trafic digitalisé. Ce trafic digitalisé, il est fait sur des compétences, des alliances de compétences pour arriver à faire de l'argent. Voilà.
00:36:51 — M. Adelame ?
00:36:56 — Je vais être assez rapide. Il me semble qu'un des enjeux d'importance, c'est la question de l'évaluation, évidemment, des politiques publiques.
00:37:06 Je pense qu'on souffre en France de ce manque d'évaluation, que ce soit sur le plan de la consommation, mais en particulier sur les aspects de trafic et notamment sur
00:37:16 l'impact de la répression sur l'évolution des marchés. On sait qu'il y a une capacité forte des organisations à s'adapter. Mais peut-être, c'est pas suffisamment pris en compte.
00:37:25 Alors évidemment, il y a des pistes qui sont ouvertes, notamment sur des questions stratégiques à l'OFAST. Ça a été musclé du côté de l'OFAST, justement, pour prendre en compte
00:37:36 cette dimension du renseignement, ce que les anglo-saxons appellent l'intelligence-led policing. Donc de prise en compte du renseignement, qui a été fondamental,
00:37:45 et de voir, par exemple, d'anticiper des phénomènes. Ce qui se passe, par exemple, aujourd'hui en Europe, sur la place de l'herbe de cannabis, qui vient supplanter peu à peu,
00:37:55 notamment en France, qui est un des gros consommateurs de résine de cannabis. Il faut pouvoir, justement, imaginer ce que ça va produire du côté marocain et du côté européen.
00:38:05 Quid ? Alors le Maroc commence à s'intéresser au cannabis médical, mais tous ces éléments, à mon avis, ça devrait phosphorer davantage.
00:38:15 Ensuite, j'aimerais insister également sur deux aspects. Le premier, c'est les indicateurs. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on reste sur des indicateurs quantitatifs,
00:38:25 les saisies, les armes, le numéraire. On travaille pas suffisamment, par exemple, et les policiers, peut-être, en souffrent un peu. C'est-à-dire qu'il faudrait des indicateurs,
00:38:34 par exemple, de démantèlement de réseau. C'est pas productif d'un point de vue quantitatif, mais en tout cas, il y a un gros travail qui a été fourni en amont par les services de police,
00:38:43 et qui est très peu valorisé. Or, il y a du renseignement qui est accumulé, il y a énormément d'informations, et ça, il faut trouver le moyen de le valoriser.
00:38:52 Enfin, dernier point, ça a été dit, d'ailleurs, dans les interventions précédentes, la saisie-confiscation. Là, il y a des marges d'amélioration,
00:38:58 notamment du côté de la confiscation. Il y a eu des progrès considérables, mais il y a encore des marges de manœuvre très importantes. Et puis, j'en terminerai par là,
00:39:08 la question du blanchiment. Là aussi, nous avons à l'échelle internationale le GAFI qui travaille sur des études de cas, mais les trafiquants font preuve d'une grande imagination.
00:39:19 Je citerai juste un cas sur lequel nous avons travaillé, d'ailleurs, avec David, sur la question des collecteurs, ce qu'on appelait les collecteurs,
00:39:25 qui utilisent un système ancestral qui s'appelle l'AWALA, donc ce système de blanchiment qui n'a pas besoin, qui est traditionnel, qui n'a pas besoin même de circulation d'argent.
00:39:35 Et donc, c'est un système de compensation. Oui, exactement. Voilà. Merci.
00:39:41 – Madame Chauperache.
00:39:44 – Alors, quelques remarques aussi sur ces faiblesses liées à la France, en particulier une qui est plus générale, contexte général.
00:39:53 D'abord, je reviens sur cette question de comprendre le crime. Moi, j'ai l'impression que quand même, on n'est pas si avancé que ça.
00:40:01 Comprendre le crime, encore une fois, tel qu'il est et non pas tel qu'on imagine ou qu'on voudrait qu'il soit.
00:40:05 Donc, comprendre le crime dans sa diversité, dans sa globalité. Moi, j'ai un problème quand j'entends, j'ai écouté certaines auditions,
00:40:11 je vois qu'il y a l'exemplaire du Point sur le bureau. Quand j'entends dire que les organisations criminales sont des opérateurs d'ultra-rationalité économique,
00:40:21 que leur seule motivation, c'est le profit. Oui, ils aiment s'enrichir, mais il n'y a pas que ça. On est bien plus loin.
00:40:26 Et quand on commence à parler de l'État de droit, ce sont aussi des structures, alors pas toutes, parce qu'elles n'ont pas toutes,
00:40:31 encore une fois, la même hiérarchie, la même puissance. Mais il y en a qui visent le pouvoir plus que l'économie,
00:40:37 qui peuvent même être irrationnelles économiquement. La mafia calabrèse, elle raquette. Ça lui coûte plus cher que ça ne lui rapporte, très probablement.
00:40:44 La mafia calabrèse, comme El Chapo aussi, on l'a vu pendant le Covid, ou la mafia sicilienne, qui est encore vivante, malgré ce qu'on en dit,
00:40:54 et qui est très puissante, qui se réorganise et qui a conquis d'autres marchés, ils ont opéré des distributions alimentaires pendant le Covid.
00:41:02 Ils ont aidé la population. Il y a un consensus social. Et ça, ça rebondit sur la notion de culture criminelle qui se diffuse.
00:41:09 Il y a des légitimités qui se créent, des allégeances criminelles. Et ça, ça favorise l'illégalité diffuse. Et c'est extrêmement problématique.
00:41:18 Donc il faudrait vraiment comprendre ces différences entre les organisations, nommer les choses clairement.
00:41:25 Quand on parle d'infiltrer la mafia, non. Une mafia au sens strict du terme, ça ne s'infiltre pas, parce qu'il y a des modes de recrutement
00:41:32 qui sont hyper spécifiques. La mocro-mafia n'est pas une mafia, heureusement. Les mafias, c'est vraiment des organisations totales au niveau criminel.
00:41:41 Donc il faut bien nommer les choses, y compris si on adopte le 416 bis italien, ce qui serait pour moi très important.
00:41:47 Ça ne veut pas dire que ça va remplacer l'association de maléfaiteurs et qu'on va l'utiliser de façon indiscriminée. Au contraire, il faut bien comprendre.
00:41:53 – Définissez ce point. – Alors les mafias, elles sont définies par un seul pays au monde juridiquement.
00:41:58 C'est l'Italie, l'article 416 bis du Code pénal, qui liste les caractéristiques d'une mafia. Dans ces listes, vous avez la force du lien associatif
00:42:11 qui produit de l'assujettissement et de l'omerta, voie du silence en interne et en externe. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de collaborateurs de justice,
00:42:18 il n'y a pas de témoins de justice. La population se tait. Alors l'assujettissement est en cours de discussion en Italie
00:42:24 parce qu'on est de plus en plus dans la complicité, complicité active. Ce sont évidemment des organisations qui commettent des délits,
00:42:31 une grande variété de délits. Et dans le Code pénal italien, ce n'est pas associé au trafic de stupéfiants.
00:42:36 Ça, c'est très important. Les mafias ne vivent pas du trafic de stupéfiants si elles l'exploitent. Mais elles en sortent, elles en rentrent.
00:42:43 Ce n'est pas un problème pour elles. Et ce qui est très important, c'est le rapport à la sphère légale.
00:42:48 Une mafia a des activités économiques légales. Elle capte les marchés publics. Elle détourne l'argent public.
00:42:55 Et les mafias et ses liés conditionnent la vie politique, c'est-à-dire qu'elles vont conditionner le vote.
00:43:02 Il y a des échanges, ce que les Italiens appellent le vote d'échange. Les mafieux contrôlent des paquets de voix parce qu'ils contrôlent des territoires.
00:43:08 Et là, on est dans cette logique de pouvoir. Ces paquets de voix sont proposés aux politiciens qui, une fois élus, rendent la faveur.
00:43:14 C'est les marchés publics, c'est les plans d'urbanisme, c'est l'autorisation de construire des centres commerciaux.
00:43:20 On a un nombre de centres commerciaux en Sicile qui dépassent la capacité de consommation de la population.
00:43:26 Apparemment, en Corse, on a aussi des dérives de ce genre-là. Ça peut être même des choses très basiques.
00:43:32 Et là encore, on retombe dans le consensus social. Des places en crèche, des places en maison de retraite.
00:43:36 Donc tout ça, ça fausse les rapports à la démocratie et au pouvoir légal légitime.
00:43:42 Alors, pour bien comprendre le crime, je pense qu'il faudrait sortir de la logique de Silo, qui est très française.
00:43:48 Finalement, s'attaquer... Alors, l'OFAS est utile. L'OFAS a obtenu des résultats.
00:43:55 Mais je pense que se concentrer sur le marché des stups, parfois, ça ne permet pas de voir tout l'ensemble du système.
00:44:02 On a des organisations criminelles qui font système. Il faut qu'on peut-être casse un peu cette logique de Silo.
00:44:09 La logique des points de deal, aussi. Est-ce que ça a encore du sens d'avoir cette cartographie,
00:44:15 de comptabiliser les points de deal alors qu'on voit que l'ubérisation et les colis postaux sont en train de monter en gamme ?
00:44:25 Pas forcément. Moi, j'avais un maire d'une petite ville qui me disait... Nous, régulièrement, dans le village,
00:44:31 il y a une berline qui arrive, qui apporte la marchandise. Tout le monde est au courant. Et la berline repart.
00:44:36 C'est même pas un point de deal. C'est un approvisionnement vite fait bien fait.
00:44:41 Ce que je regrette aussi dans cette compréhension, c'est... Et ça rejoint la question de... On a peu d'informations,
00:44:47 des informations qui sont très partielles. J'aimerais qu'il y ait plus de coopération entre les chercheurs et les services.
00:44:53 Il y a vraiment peut-être un manque de confiance. Je ne sais pas. Moi, en tant que chercheuse, je n'ai pas accès
00:45:00 au rapport du Cirasco, le service d'information et de recherche sur la criminalité organisée.
00:45:06 Donc je ne sais pas ce qu'il y a dans ce rapport. Et je ne peux pas apporter mes compétences aussi au Cirasco,
00:45:11 parce que je sais des choses sur les mafias italiennes. Je pense que j'ai des choses à apporter aussi.
00:45:17 Donc il faudrait quand même peut-être faciliter des passerelles. D'autres pays le font. Ça fonctionne, l'Italie,
00:45:24 puisque je la connais bien. Développer aussi la formation initiale et continue. En tant qu'économiste,
00:45:29 je dirais qu'on fait un cursus en économie en France sans jamais entendre parler d'économie criminelle.
00:45:35 Moi, ça, ça me sidère. Et formation continue aussi pour les personnels des services.
00:45:45 Ça rejoint aussi la problématique de la criminologie en tant que discipline autonome en France.
00:45:49 Il n'y a pas de section de criminologie au Conseil national des universités. C'est un problème, parce que la criminologie,
00:45:56 ce n'est pas seulement de la théorie, c'est aussi une criminologie opérationnelle. Et quand on voit les travaux
00:46:00 des chercheurs criminologues à l'étranger, on se dit qu'on est peut-être un petit peu en retard sur le sujet.
00:46:05 Rapidement, un autre point. On n'a pas tiré les leçons de l'Italie. Je pense que l'Italie a un temps d'avance,
00:46:13 même si le combat contre la mafia n'est pas fini. Et ce n'est pas seulement l'article 416 bis,
00:46:17 c'est tout ce qu'il y a autour de ce 416 bis. Alors il y a la question de la saisie des avoirs criminels,
00:46:22 qui, effectivement, pour moi, est fondamentale, parce qu'elle fera beaucoup plus large que le monitorage des flux financiers.
00:46:30 On va capter cet argent sale non blanchi qui circule dans l'économie via les saisies, alors qu'on ne peut pas le faire
00:46:35 par le monitorage, parce qu'aussi, il y a la question de la motivation des agents. Vous avez des professions assujetties
00:46:42 à des obligations, mais on voit bien que parfois, entre le gain et la conformité, elles choisissent le gain.
00:46:48 Quand on est dans la saisie des avoirs, c'est des douaniers, c'est des forces de l'ordre, c'est la justice,
00:46:53 c'est des gens qui sont impliqués, qui ont envie que ça aille jusqu'au bout, sauf que ça demande du temps.
00:46:57 Et en Italie, c'est automatique déclencher des enquêtes patrimoniales. Ça démarre tout de suite,
00:47:03 dès qu'il y a inculpation pour mafia. Et c'est en lien aussi avec quelque chose qu'on n'a pas en droit français,
00:47:08 qui est la dangerosité sociale. Sur les collaborateurs de justice, je suis un peu plus nuancée.
00:47:14 On pourra peut-être y revenir, mais c'est le collaborateur de justice qui a vraiment énormément d'informations.
00:47:21 C'est très rare et c'est peu reproductible comme situation. C'est un lien interpersonnel, la collaboration avec la justice.
00:47:28 C'est Falcone et Bouchette. C'est vraiment de l'ordre de l'extraordinaire. Alors il faut pouvoir permettre ça,
00:47:34 qui est un cadre, mais c'est pas non plus la potion magique qui va faire parler les criminels.
00:47:39 Et dans le dispositif italien, il y a quelque chose dont on ne parle pas, en tout cas en France, moi j'en ai pas trop entendu parler.
00:47:45 C'est le concours externe en association mafieuse. Le concours externe en association mafieuse,
00:47:50 c'est pour frapper plus durement un non-affilié, un non-criminel stricto sensu, qui apporte sciemment,
00:47:56 volontairement, son concours à l'organisation criminelle. Donc là, on frappe la zone grise.
00:48:02 Et cette zone grise de personnes légales, en apparence, mais qui facilite les opérations criminelles,
00:48:09 cette zone grise, elle est assez importante. Alors ça va concerner la corruption, mais ça concerne beaucoup d'autres acteurs aussi.
00:48:15 Et à mon avis, c'est très important parce que si on casse ça, on casse aussi la capacité à s'étendre de façon capillaire
00:48:23 des organisations criminelles. Et ça rejoint une problématique plus générale, mais je vais peut-être pas forcément m'étendre.
00:48:29 David parle aussi. Mais l'illégal a des liens avec le légal. Et il faut absolument casser ces liens pour affaiblir
00:48:38 les organisations criminales. Alors il y a évidemment la corruption, mais on a beaucoup parlé des messageries cryptées.
00:48:45 N-Krotschat, au départ, c'est une société légale de télécommunication qui propose des services dont on voit bien
00:48:52 qu'ils vont plaire aux criminels. Qu'est-ce qu'on fait par rapport à ça ? Qu'est-ce qu'on fait par rapport à la législation maltaise
00:48:58 sur l'industrie du jeu ? On a un cadre juridique qui, en théorie, ne permet pas d'investir du cash, de parier du cash,
00:49:06 sauf que dans la réalité, c'est massivement du cash, donc du blanchiment, qui va passer par ce système-là.
00:49:11 Et l'autorité de régulation maltaise, on sait qu'elle est inefficace, qu'elle ne fait rien, en plus avec des problèmes
00:49:17 de conflits d'intérêts majeurs. Et personne ne fait rien. Et on a un discours économique qui est assez problématique.
00:49:24 Ça rejoint la question des ports. On choisit l'efficience économique. On ne contrôle que 2% maximum des marchandises en entrée
00:49:30 dans les ports européens, au détriment de la sécurité. Et ça, on risque de le payer très cher à l'avenir.
00:49:36 — Chevalien-Berger. — Merci. Alors moi, il m'est un peu difficile de pas parler des forces quand on parle des faiblesses.
00:49:43 Mais donc je vais quand même répondre à vos demandes. Mais vous rappelez quand même qu'il y a aussi quelques forces.
00:49:49 Alors comme j'avais travaillé ma copie, je prends la question 9. Et donc effectivement, déjà, moi, je pense que depuis quelques années,
00:49:57 il a été initié un vrai changement dans la manière de voir la lutte antidrogue. Il y a un changement qui va dans le sens qui a été évoqué.
00:50:03 J'ai entendu les auditions de Mme Cherbonnier, les auditions de la June Alco, les auditions des autres opérateurs. Et on le voit.
00:50:10 Et puis avec Nasser, qui pourra le rappeler, on voit une vraie évolution dans la manière d'appréhender le problème par rapport...
00:50:16 Voilà, une dizaine d'années, une quinzaine d'années. Donc moi, je trouve ça plutôt satisfaisant, même s'il faut rester humble et continuer à avancer
00:50:24 en améliorant les leviers. Alors les principaux leviers, pour moi, c'est une meilleure coordination entre les services,
00:50:34 mais aussi international. Et là, effectivement, il y a des choses qui sont mises en œuvre. Et il faut le soutenir.
00:50:41 Ces problématiques, la coordination, on les voit partout ailleurs, dans les autres polices antidrogue, aux États-Unis, dans les pays européens,
00:50:49 sud-américains. Cette concurrence qui a aussi quand même, je dirais, une fonction. Il faut se rappeler que de mettre en concurrence les services,
00:51:00 les forces de sécurité intérieure, ça a une fonction pour nos sociétés. Donc il faut trouver le bon équilibre.
00:51:08 La coopération, notamment en Europe et à l'international, s'y est évoqué. Il y a eu quand même une nette amélioration avec les outils européens
00:51:16 de coopération, très très nette. Des grands changements. Le mandat d'armée européen, ce genre d'outils sont extrêmement puissants et ont permis
00:51:24 d'énormes affaires qui, auparavant, étaient extrêmement difficiles. Donc il faut s'en satisfaire, mais il faut améliorer la coopération.
00:51:31 La coopération, ça renvoie aussi à l'action de la France à l'international. L'action de la France à l'international, et là, nous avons un point fort,
00:51:39 puisque nous avons des réseaux d'attachés de sécurité intérieure, les policiers, les gendarmes, dans les ambassades, qui sont, je crois, les 2e ou les 3e au monde,
00:51:47 après les États-Unis. Alors je ne sais plus si les Britanniques sont devant nous ou pas, mais on a quand même une grande force.
00:51:52 On a des magistrats liaisons, on a des attachés douaniers. Ces gens-là peuvent et amènent, en fait, d'énormes résultats pour lutter en amont de la filière.
00:52:01 Ce qu'on appelle la théorie du bouclier, c'est lutter à proximité des zones de production, des zones de transit. Je vous rappelle, ça, c'est des chiffres de l'ONU,
00:52:10 70% des saisies mondiales de cocaïne sont faites en Amérique du Sud. Donc il y a vraiment une stratégie à porter. Cette stratégie, et là, bon,
00:52:20 je rappelle mon positionnement institutionnel, mais je suis en train de vous répondre en tant que chercheur, elle est vraiment soutenue par le Fonds Concours Drogue
00:52:26 et l'impulsion d'une entité interministérielle qui permet de mieux coordonner ces actions-là est un vrai plus qui est salué et qui est recherché dans les pays qui n'ont pas ces outils.
00:52:37 Le 3e point qui a été évoqué, c'est continuer à améliorer les connaissances scientifiques et technologiques, mieux centraliser les données et les partager.
00:52:49 Les actions de formation, évidemment, Clotilde les a évoquées, mais c'est extrêmement important aussi. Ça a été évoqué, c'est très technique, mais soutenir, modifier,
00:52:59 améliorer sans cesse les outils d'enquête et le cadre du renseignement. Évidemment, il y a des questions budgétaires qui vont avec ça. Vous pouvez aller voir les budgets de la DEA,
00:53:08 par exemple, qui sont quand même... Enfin, c'est le poids lourd de la lutte antidrogue dans le monde. Ils sont autour de 3 milliards de dollars de fonctionnement.
00:53:18 Bon, ils se donnent les moyens. Alors c'est sûr, c'est un pays plus riche. Mais c'est intéressant de le rappeler, d'évoquer que ça peut être aussi une forme de priorité nationale,
00:53:28 à l'instar de ce qu'on a fait sur le terrorisme et la lutte contre la radicalisation. Et puis voilà, avoir des leviers qui facilitent la coopération interministérielle.
00:53:40 Je le reviens comme le Fonds concours d'ori. — Peut-être. Je m'en dirai d'abord sur votre remarque, madame. Parce qu'en fait, c'est un petit peu, si vous voulez, ce que j'ai essayé de signaler au début.
00:53:51 C'est-à-dire que... Et j'ai entendu aussi les auditions des différents acteurs de la sécurité. On vous demande à chaque fois plus de moyens. Vous évoquiez l'Italie.
00:54:04 Mais dans votre intervention, à la fois, vous nous citez les dispositions du droit italien qui sont quand même très très violentes d'un point de vue juridique.
00:54:13 Et le résultat, c'est que la 'ndrangheta existe toujours, la Cameroun existe toujours. Donc à un moment donné, il va falloir se questionner sur l'efficacité de ce dispositif.
00:54:23 Et moi, j'ai un exemple de prohibition réussie. C'est 1916, l'opium à Tahiti. C'est très précis. En 1916, la France décide de prohiber l'opium à Tahiti.
00:54:36 Ça va mettre 5 ans. En 2021, ça sera fini. Et on n'a plus de problème d'opium à Tahiti. Et en fait, à partir de cet exemple, on voit qu'il y a 3 conditions à une prohibition réussie.
00:54:46 Il faut, première condition, une adhésion sociale. C'est-à-dire qu'il faut que la communauté, que le collectif ait envie que ça disparaisse.
00:54:54 Il faut une capacité à appliquer l'interdit. Et c'était ça qui était facile à Tahiti. Il y avait un bateau par mois. C'était simple à contrôler.
00:55:03 Et puis ensuite, ce qu'on voit aussi, il faut un produit de substitution. Et ça, on le voit par exemple avec ce qui s'est passé sur le cannabis au Maroc et en Tunisie au moment de la décolonisation,
00:55:12 où on a poussé le tabac. Mais on a poussé le tabac comme alternative au cannabis. Si vous n'avez pas ces 3 conditions, les prohibitions, ça fonctionne pas.
00:55:21 Alors ce que vous pouvez faire après, c'est réfléchir par exemple à la question des alternatives. Et là, je vais revenir sur le cannabis.
00:55:32 En fait, moi, je suis très optimiste sur le cannabis. C'est la chance de la France. Si vous regardez les statistiques européennes, on dit toujours qu'on est le premier consommateur de cannabis.
00:55:41 Mais sur ce, on n'est pas le premier pour la MDMA, pour l'ectasie. On n'est pas le premier pour les new psychoactive substances. C'est-à-dire que la France a cette particularité
00:55:51 d'avoir une consommation massive, monomaniaque de cannabis, qui est liée notamment à l'histoire avec le rif. Et aujourd'hui, pour répondre, madame, à votre question, la production,
00:56:00 elle ne se fait plus dans le rif. Elle se fait en Europe, parce que le marché, c'est essentiellement de l'herbe. Et elle est produite en Europe. Et ça, pour moi,
00:56:10 il y a deux indicateurs intéressants en France. C'est que si on réfléchit sur la question du cannabis et qu'on arrive à avancer sur cette question du cannabis, par exemple,
00:56:17 avec des produits de substitution, CBD ou je ne sais pas quoi, si on arrive à travailler sur un autre élément, c'est la prévention chez les jeunes,
00:56:25 on a une baisse de la consommation chez les jeunes. Profitons-en. C'est quand même intéressant. On a un vieillissement de l'âge des consommateurs. Travaillons là-dessus.
00:56:37 Vous voyez ? Et ça, pour moi, c'est des points d'optimisme. C'est-à-dire que le marché est focalisé sur le cannabis et le boom de la cocaïne. Voilà.
00:56:48 Donc on a ces deux substances à travailler. Mais à côté de ça, d'autres pays, ils ont à gérer les new psychoactive substances, la kétamine qui a explosé en Chine,
00:56:57 +118% en un an sur la kétamine en Chine. On n'a pas cette difficulté-là pour l'instant en France. D'accord ?
00:57:06 Narco-et-terrorisme international, je vous avoue que oui, je ne l'ai pas évoqué. Et je ne l'ai pas évoqué non plus dans ma note.
00:57:16 Parce qu'en fait... Enfin au niveau français, je vois pas le lien. Alors on va parler du Cap Tagon. On va parler de ces choses-là. OK.
00:57:25 Mais ça touche pas le territoire français. Ce qu'on voit là... Vous avez peut-être vu la publication. C'était ce matin, je crois.
00:57:34 La Birmanie est devenue le premier producteur mondial d'opium. D'accord ? Et c'est plus l'Afghanistan, parce que les talibans ont coupé la production d'opium en Afghanistan.
00:57:43 Donc finalement, les liens, est-ce qu'ils existent ? Est-ce que dans certains cas, ça neutralise pas aussi la question des talibans ?
00:57:52 Le parcours du jeune trafiquant, c'est un peu la réflexion que je faisais sur la question de la ruralité, du trafic et ruralité.
00:58:00 Parce qu'en fait, si vous regardez, historiquement, il y a toujours eu une utilisation de la ruralité par le trafic.
00:58:07 Et on voit cette histoire de jeunes qui participent au trafic déjà dans les années 70. Et la question que je me pose moi... Et malheureusement, j'ai pas la réponse.
00:58:16 Pourquoi on n'a pas réussi à apporter une réponse à ça ? Et pour moi, ça, c'est un enjeu majeur. Se poser la question de qu'est-ce qui a échoué dans les politiques publiques françaises
00:58:26 depuis 40 ans ou 50 ans pour qu'ayant des gamins de 12 ou 13 ans qui participent au trafic, on ait jamais réussi à trouver une solution. Voilà.
00:58:35 – Mme Schoperache.
00:58:37 – Oui, alors je vais remondir sur cette question des jeunes trafiquants pour la reconnecter à une réflexion plus globale.
00:58:43 J'ai fini tout à l'heure en parlant d'un discours économique qui est problématique. J'ai parlé des ports.
00:58:49 Globalement, et bon, c'est de la théorie économique, mais elle a un impact sur la façon dont nos économies fonctionnent et nos sociétés fonctionnent.
00:58:59 On a quand même un mouvement vers la déconnexion entre l'économie et l'éthique. L'économie s'autonomise.
00:59:05 On a même certains chercheurs qui se revendiquent d'une hégémonie économique, c'est-à-dire que tout est évalué à l'aune d'instruments économiques,
00:59:12 notamment l'efficience économique, la maximisation du profit, etc. Ce qui fait qu'on a un glissement dans la perception du rapport à la loi,
00:59:22 de ce qu'on ne doit pas faire, quand bien même il y aurait de l'argent à la clé. Et ça, cette intériorisation des normes, elle disparaît.
00:59:32 Alors chez le jeune, mais aussi dans les élites. Et ça, c'est problématique. Dans la finance, on a un marché de la transgression qui s'est mis en place très clairement.
00:59:42 Vous avez des banques qui régulièrement sont condamnées. Alors en plus, quand c'est le système anglo-saxon, c'est la négociation au procès
00:59:49 qui permet d'éviter la honte du procès et qui finit par un accord financier. Donc on donne un prix à la transgression.
00:59:57 Des exemples de ça, l'ING, comme un institut bancaire, a payé des amendes pour 775 millions d'euros pour des failles dans son système antirecyclage.
01:00:07 Et c'est à répétition. C'est-à-dire qu'elles ne sont pas condamnées une fois et elles font le travail. Non, elles continuent parce que finalement,
01:00:12 ça leur coûte moins cher de continuer à frauder. HSBC aussi, 1,9 milliard de dollars en 2012 pour recyclage pour le compte des narcotrafiquants mexicains
01:00:21 et violation d'embargo. Un autre exemple de ce marché de la transgression qui se met en place, en 2014, JP Morgan Chase avait provisionné
01:00:30 sa ligne contentieux à hauteur de 23 milliards de dollars. On provisionne sa ligne contentieux parce qu'on sait qu'on a fait des choses pas propres
01:00:38 et que certaines vont passer à l'as, mais d'autres vont être identifiées. Et donc on est dans cette logique de négociation autour de la fraude.
01:00:46 Le scandale des Panama Papers en 2016, c'était quand même plus de 500 banques, dont des grosses banques européennes.
01:00:52 Ce ne sont pas les petites banques qui fraudent. Ce sont les grosses qui utilisent les services du cabinet MOSAC-Conseca, dont on sait qu'il est quand même véreux.
01:00:59 Donc qu'est-ce qu'on fait par rapport à ça ? Et il y a des processus d'émulation. Alors là aussi, on est dans une économie non standard, non orthodoxe.
01:01:07 Mais vous avez des auteurs comme Veblen qui vous disent qu'il y a de la consommation ostentatoire et qu'on se cale sur ce que font les classes supérieures, ce que font les élites.
01:01:15 S'il y a de la fraude... C'est Hutherland qui a expliqué le concept de criminalité en col blanc. Il disait que c'est extrêmement grave, c'est plus grave que les vols, les braquages,
01:01:23 parce que ça mine la confiance dans les institutions. Et là, on est vraiment dans cette logique-là où il faut quand même rétablir l'idée aussi de cause-conséquence, tout simplement.
01:01:35 Si vous commettez tel acte, il y a une sanction pénale, il y a une sanction sociale. C'est-à-dire que normalement, il doit y avoir une réprobation pour ces actes.
01:01:42 Et puis, comme vous êtes trafiquant, vous distribuez la mort d'une certaine façon. Il faut l'entendre. Et il y a un décalage.
01:01:48 Alors il y a aussi cette logique du court terme par rapport au long terme, c'est-à-dire qu'on est dans l'immédiateté du profit. Les conséquences, c'est pas grave, c'est pour les autres.
01:01:57 Décalage aussi, il y avait une affaire, je crois que c'était au port du Havre, avec une secrétaire qui avait perçu 10 000 euros pour insérer une clé USB dans son ordinateur,
01:02:07 ce qui avait permis de pirater le système informatique et donc de contrôler l'arrivée des conteneurs. Pour elle, c'était totalement déconnecté.
01:02:16 Alors elle ne s'est pas posé la question de "c'est bien, c'est mal". C'est 10 000 euros juste pour une clé USB. Et on ne réfléchit plus, encore une fois, aux conséquences.
01:02:24 Avec aussi une naïveté de certains opérateurs, parce que vous avez des dockers qui parfois sont entrés dans le système en disant "c'est one shot".
01:02:33 Je le fais une fois, je gagne le pactole, je me retire. Non, on ne se retire pas. On est dans les griffes ensuite de ces organisations-là.
01:02:40 Donc ça, il faut bien le comprendre. Il faut peut-être informer les gens aussi que quand on met un pied là-dedans, on y bascule fortement.
01:02:49 On ne se retire pas aisément de ces choses-là. Alors ça rejoint aussi en partie la question de la criminalité forcée et des opérateurs.
01:02:58 Est-ce qu'ils ont peur ? Oui, il y en a qui ont peur. Il y a des dockers. Les dockers ne se comportent plus de la même façon, ceux du Havre.
01:03:04 Avant, ils vivaient tous dans le même quartier. Ils étaient fiers d'être dockers. Ils le montraient partout. Maintenant, c'est profil bas, parce qu'ils savent qu'ils sont ciblés,
01:03:11 parce qu'ils savent qu'ils sont plus contrôlés. Et en matière de corruption, ce qui se voit, c'est qu'auparavant, c'était vraiment le gain qui les faisait basculer.
01:03:21 On leur proposait... Alors en plus, ça change aussi le regard qu'on a sur la corruption. Souvent, en économie, on associe corruption à bas salaire.
01:03:28 « Ils sont tellement mal payés qu'on va compenser avec un revenu. » Pour les dockers, ce n'est pas vrai. Ils sont bien payés et ils acceptent quand même.
01:03:35 Alors là aussi, c'est la déconnexion avec l'éthique. Et maintenant, on est plus dans une logique de violence. D'ailleurs, on va menacer les membres de la famille.
01:03:43 On suit les personnes. On prend des photos. On dit « Voilà, votre enfant, on l'a vu à la sortie de l'école. Si vous voulez, c'est nous qui allons le chercher ».
01:03:49 Donc là, on est dans cette logique-là. Donc ça joue aussi sur les douaniers, même s'ils continuent de faire leur travail. D'ailleurs, moi, je voudrais souligner la centralité des douanes.
01:03:58 C'est un service qui me tient à cœur, qui est fondamental parce qu'eux, ils travaillent sur la matérialité, les marchandises, sur la territorialité, parce qu'il y a des territoires, il y a des frontières.
01:04:08 Il faut aussi se reposer la question des frontières. Je pense que c'est important. Ils ont besoin de moyens humains, de moyens techniques, de protection dans les opérations d'infiltration.
01:04:15 Beaucoup se disent qu'au moment de la judiciarisation, il va y avoir des informations qui sortent sur les infiltrés et que ça les met en danger.
01:04:23 Donc ils aimeraient plus de protection là-dessus. Et je pense qu'en termes de renseignements, il y a beaucoup de choses à faire. On a beaucoup parlé de « follow the money », « follow the goods ».
01:04:32 C'est aussi très important. Les marchandises, elles parlent. Donc il ne faut pas se contenter de saisir. Il faut étudier ces marchandises.
01:04:37 En plus, les criminels, souvent, aiment bien marquer la marchandise. Il y a le logo. Donc on peut apprendre plein de choses sur ces marchandises.
01:04:43 Donc il faut leur donner des moyens pour faire parler. Plus que les collaborateurs de justice, la marchandise va pouvoir parler.
01:04:51 Autre chose, ce que je voudrais dire aussi en termes de gestion de ce problème de trafic, c'est qu'il y a un décalage entre le temps court et le temps long.
01:05:02 La politique, c'est du temps court. Alors c'est vrai que les points de deal, ça a une dimension symbolique. C'est le territoire.
01:05:07 On se réapproprie le territoire en cartographiant, en luttant. Mais encore une fois, ça n'impacte pas la filière dans son ensemble.
01:05:13 Ça ne permet pas de capter les gros poissons. Et là, la coopération internationale est fondamentale. Et c'est vrai qu'elle a fait des avancées énormes.
01:05:21 C'est pour ça que le méga-cartel d'Europol, le terme est inapproprié. Mais la réussite, elle est là. Elle est vraiment réelle et importante.
01:05:28 Ça passe aussi par l'harmonisation des législations. C'est vrai que tous les pays n'ont pas les mêmes... Par exemple, les écoutes,
01:05:33 ce n'est pas géré de la même façon. Et ça, ça peut provoquer des problèmes, y compris au niveau des procès. Pour apporter des preuves,
01:05:39 il y en a qui sont recevables dans certains pays, pas dans d'autres. Qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on ne pourrait pas quand même
01:05:44 aplanir les choses, faciliter le travail et pas annihiler le travail, parfois, d'enquête qui a pu être fait parce qu'on n'est pas sur les mêmes choses ?
01:05:50 Dernière chose sur ce rapport économie-éthique-droit. Moi, il me pose problème qu'on soit dans un système économique
01:05:57 où on criminalise le blanchiment de l'argent sale tout en intégrant le trafic de stupéfiants dans le calcul du PIB et le taux de croissance de nos économies.
01:06:06 Merci pour ce paradoxe final. M. Lalamé.
01:06:11 Effectivement. l'INSEE intègre sous les injonctions, d'une certaine manière, de Eurostat, l'économie de la drogue dans, justement, les comptes de la nation.
01:06:24 Je pourrais répondre dans le désordre, mais revenir sur la question du parcours du jeune trafiquant, et ça répondra en partie aussi à la question de la Guyane.
01:06:36 C'est-à-dire qu'on ne naît pas trafiquant, on le devient par définition. Et donc, quelles sont les conditions d'émergence, justement, de ce trafic ?
01:06:44 On peut dire qu'il y a des phénomènes "pool", comme on dirait en anglais, des phénomènes "push".
01:06:48 "Pool", c'est aussi les gros trafiquants qui savent utiliser les plus jeunes dans l'organisation, parce qu'ils sont malléables, parce qu'on va les sélectionner aussi.
01:07:00 J'avais écrit il y a quelques années un article qui s'appelait "La canette et le sandwich", qui était la manière dont on hamsonnait les jeunes dans le trafic.
01:07:08 C'est-à-dire qu'un trafiquant va tenir un plan, un four, pour revendre la drogue, il ne peut pas se déplacer.
01:07:14 Donc il va demander à un petit jeune d'aller lui chercher une canette, un sandwich, un McDo, un kebab, que sais-je, et moyennant quoi, il lui laisse la monnaie,
01:07:23 ou alors il va pouvoir sélectionner ceux qui sont les plus fiables. Donc c'est une façon d'hamsonner ces jeunes.
01:07:29 Et phénomène "push", c'est aussi parce que ces jeunes sont attirés par les lumières du prétendu gain facile, alors qu'on sait pertinemment qu'il y a beaucoup de candidats,
01:07:40 mais il y a très peu d'élus en vérité, parce qu'il y a aussi le mécanisme de la répression, et il y a des phénomènes d'enfermement dans le trafic de ces plus jeunes.
01:07:49 Alors ça m'invite évidemment à aborder la question sociale. On ne peut pas faire l'économie du social.
01:07:55 Moi j'ai vu en travaillant sur les quartiers, la désertion de tout un ensemble d'associations, de travailleurs sociaux, à mon avis ça a été la porte ouverte pour les trafiquants.
01:08:07 C'est-à-dire que ce que j'ai dit en introduction, il y a une armée de réserve qui est disponible.
01:08:11 S'il n'y a pas justement de possibilité pour les pouvoirs publics de fournir une alternative, et d'occuper le terrain, d'être dans les quartiers, d'être présent.
01:08:22 Et là on a un boulevard pour les trafiquants, parce qu'ils savent très bien comment les utiliser,
01:08:28 ils savent très bien que les peines encourues pour les mineurs sont plus faibles que pour les majeurs.
01:08:32 Et donc je milite, et je ne prends pas ma casquette de chercheur, mais plus ma casquette de citoyen,
01:08:38 pour la mise en place d'un plan marchal du social dans les quartiers.
01:08:46 Et couper court justement à tous ceux qui sont notamment, alors on n'annulera pas totalement le trafic,
01:08:52 mais au moins tous ceux qui sont sur cette ligne de crête, qui ne savent pas, je m'engage, je ne m'engage pas, etc.
01:08:58 On pourra justement les remettre dans la République d'une certaine manière.
01:09:04 Sur la Guyane, effectivement, on y est allé avec David, on a bien vu, je laisserai peut-être répondre sur cette question,
01:09:12 mais il y a un tissu associatif qui est très dynamique, qui permet de travailler avec les zones du côté de Saint-Laurent, du Maroni,
01:09:20 avec les différentes populations, avec soit les Bouchinenguais ou les Amérindiens, il y a vraiment un gros travail.
01:09:26 Mais effectivement, ce n'est peut-être pas à la hauteur de l'enjeu.
01:09:30 Et pour répondre à votre question, c'est vrai qu'on a vu le glissement depuis le Suriname jusqu'en Guyane,
01:09:40 avec ce dispositif qui a été mis en place, notamment à Chipolles, dispositif d'un scanner très puissant,
01:09:47 qui a déporté ou reporté le trafic vers la Guyane.
01:09:52 Et donc, il y a peut-être une réponse technologique, mais je ne suis pas certain qu'elle soit fiable à 100%.
01:09:58 Dire peut-être deux mots sur la question qui a été posée sur la production, la localisation, la destruction.
01:10:08 Il y a un gros travail qui est fait par les autorités locales.
01:10:13 Ça va dépendre des drogues. Le principe des drogues de synthèse, c'est la déterritorialisation, c'est-à-dire qu'on peut les produire un peu partout.
01:10:21 Il suffit d'avoir les bons intrants, les bons produits de coupage, etc. et on peut les produire.
01:10:28 Donc la question des drogues de synthèse, c'est une vraie question épineuse.
01:10:31 Puis, la question du cannabis, c'est un produit qui pousse un peu partout. C'est extrêmement difficile.
01:10:39 On voit bien qu'en Europe, avec la culture indoor, il y a tout un marché de cette économie indoor.
01:10:48 Et puis, je pense qu'on devrait se pencher aussi sur ce qui se passe aux États-Unis, au Canada, en matière de légalisation,
01:10:54 qui crée un appel d'air aussi vers la production illégale.
01:11:00 Enfin, sur les questions d'opium, ça a été dit, c'est localisé, mais là, on retombe sur des problématiques de développement général.
01:11:08 C'est-à-dire, les tentatives de substitution des plantes à drogue n'ont pas produit les effets escomptés
01:11:15 parce que, là aussi, les gains restent en deçà de ce qu'on peut rapporter qui est la culture de l'opium, qui est la culture de la feuille de coca.
01:11:24 Voilà. Peut-être, je laisserai David apporter des compléments sur ces questions.
01:11:31 Merci. C'est à lui.
01:11:35 Merci. Je commence par la Guyane parce que, bon, j'ai un petit crush pour la Guyane. J'y ai vécu. On a beaucoup travaillé dessus.
01:11:42 Effectivement, on continue à travailler dessus, sur la Guyane. Moi, pour moi, la Guyane, comme je l'ai dit, c'est la tête de pont française
01:11:49 face au narcotrafic de la cocaïne. C'est une problématique régionale. Nasser a justement parlé du Suriname.
01:11:57 On pourrait parler du Brésil, qui est la première porte de sortie de la cocaïne du continent sud-américain.
01:12:04 Comme j'ai beaucoup travaillé dessus, et on continue d'ailleurs à soutenir des jeunes chercheurs.
01:12:08 Je soutiens un jeune chercheur guyanais qui est extrêmement brillant et prometteur, qui travaille plutôt sur les passeurs.
01:12:13 Mais c'est vraiment très bien que les Guyanais aussi s'emparent de la recherche sur ces sujets-là.
01:12:17 Mais je pense qu'on est quand même sur un schéma régional. J'ai, pour exemple, une enquête journalistique auxquelles j'avais très modestement contribué,
01:12:25 qui suivait le parcours d'un passeur vénézuélien qui, depuis Caracas, savait qu'il y avait des départs à Cayenne, avait été dans un bureau de recrutement à Caracas.
01:12:36 Donc il avait été recruté par des groupes criminels régionalisés. Il était parti à Manaus, au Brésil, rejoindre une légion d'autres passeurs
01:12:46 qui étaient après disséminés dans l'ensemble des ports, des aéroports, pour partir.
01:12:51 Donc on voit bien qu'on est sur des schémas régionalisés, extrêmement structurés, avec des groupes criminels très puissants,
01:13:00 qui, comme l'a dit Nasser, recrutent à foison chez les jeunes en déshérence, qui ont peu d'argent, etc.
01:13:07 Donc je ne sais pas si ça va vous rassurer, Mme la Sénatrice, mais on continue à travailler activement sur les Guyanes.
01:13:13 Alors sur la production, il y a aussi beaucoup de choses à dire. C'est un élément très important.
01:13:17 Nasser l'a bien précisé. Il faut juste souligner, je pense, que l'ancienne dichotomie entre les pays producteurs et les pays consommateurs,
01:13:27 les pays du Sud et les pays du Nord, n'existe plus.
01:13:31 Le cannabis, si on regarde l'ONUDC, les rapports du... C'est 190 pays au monde qui produisent du cannabis.
01:13:38 Nasser l'a... Vous l'avez précisé, les drogues de synthèse se produisent partout, cannabis inclus, puisque la plupart du cannabis maintenant est sous serre ou indoor.
01:13:47 Donc cette dichotomie, elle existe encore pour la cocaïne, qui est produite que dans 3 pays, mais les choses peuvent évoluer,
01:13:54 puisqu'il y a des nouvelles variétés qui permettent de produire dans d'autres zones, et dans une moindre mesure, sur l'Afghanistan et...
01:14:01 Enfin, sur l'héroïne, avec l'Afghanistan, la Birmanie, et puis l'Amérique latine et du Nord, puisque le Mexique est producteur de l'héroïne,
01:14:09 et la Colombie aussi, dans une moindre mesure.
01:14:12 Je vous conseille d'aller voir les publications de David Mansfield sur l'Afghanistan, qui montrent bien la tension entre la production de méthamphétamine et d'opium,
01:14:21 qui peuvent aussi expliquer autrement les mouvements de masse en termes de production, mais effectivement, c'est un sujet important.
01:14:28 Je reviens très vite aussi sur le lien entre le terrorisme et le narcotrafic. C'est un sujet qui nous avait occupés sur une étude qui n'a jamais abouti.
01:14:38 Mais on avait quand même identifié des points de jonction qui sont, Clotilde l'a évoqué en début d'audition, des facilitateurs.
01:14:48 Ce que Douglas Farah appelle les facilitateurs, qui sont des gens dont leur valeur ajoutée est de mettre en contact l'économie légale,
01:14:58 l'économie légale que ce soit des narcotrafiquants, et aussi les groupes illégaux qui sont des terroristes,
01:15:04 sachant que la définition du terrorisme est un concept mou pour le chercheur, puisque c'est des organisations qui ont un objectif politique,
01:15:12 et qui sont considérées à un moment T comme terroristes. Mais effectivement, partons de la classification terroriste internationale, européenne et française,
01:15:22 il y a ces liens-là qui sont présents, qui passent aussi par les dirty banks que Clotilde a évoqués, avec quand même des logiques qui ne sont pas exactement les mêmes.
01:15:33 Il y a des logiques où il faut récupérer de l'argent qui n'est pas forcément illégal pour financer les actions politiques terroristes, mais qui peuvent être légales.
01:15:42 Il y a des cas historiques étayés. Et puis l'autre logique, c'est de blanchir l'argent, ou en tout cas le sécuriser pour pouvoir l'utiliser, souvent dans des manières consuméristes.
01:15:53 Les liens existent, ils sont complexes, ils sont volatiles, et il est extrêmement difficile de faire des lignes directrices très claires sur le sujet,
01:16:00 mais c'est un sujet qui, quand même, mérite d'être évoqué. Je pense que... J'essaye de répondre aussi aux questions qui n'ont pas trop été répondues. Vous voulez qu'on...
01:16:11 — Ce qui n'est pas sorti là, on peut le réserver à votre réponse écrite, si vous le souhaitez. — D'accord.
01:16:16 — Et puis du coup, je pense que Hessien Blanc a quelques... — Oui, merci. On a obtenu une foule d'informations qui nous sont utiles et qui vont orienter nos recherches
01:16:25 et les questions que nous poserons plus tard. Si vous me permettez, moi, j'ai trouvé deux points sur lesquels, dans vos réponses écrites, vous devriez vous apesantir de manière à étayer nos travaux.
01:16:39 Le premier point, ce sont les liens que vous pouvez avoir entre vos laboratoires ou dispositifs de recherche et les technologies et sciences nouvelles.
01:16:51 On a parlé de la Guyane et des scanners. On a aujourd'hui des dispositifs qui évoluent très rapidement et qui permettent de scanner à la fois le physique d'une personne, mais aussi les containers.
01:17:07 On a été frappé dans les échanges que nous avons eus. On pourra prendre un container. Il est en métal. Il est protégé. On arrive à savoir ce qu'il y a à l'intérieur, à connaître la masse,
01:17:17 à connaître la couleur, à connaître les formes et à repérer avec des logiciels adaptés. Il faudrait peut-être que vous nous disiez comment se passent les échanges entre vos dispositifs de recherche
01:17:32 et ces entreprises privées qui, aujourd'hui, travaillent sur ces technologies nouvelles. C'est quelque chose qui nous paraît important.
01:17:41 Deuxièmement, nous avons tous été frappés quand on nous a donné des informations sur le chiffre d'affaires que génère la drogue en France, pour parler en termes génériques.
01:17:52 On est entre 4 et 7 milliards. C'est difficile à apprécier précisément. Enfin, 4 et 7 milliards dans l'économie française, ça se voit.
01:18:01 Qui plus est, ce sont des flux monétaires en argent et en argent liquide. Ça se voit. Ça se voit plus facilement que le numérique, même si on a des dispositifs de surveillance.
01:18:14 Et on trouve que les saisies, on trouve que la surveillance, on trouve que le contrôle de ces flux, de ces petits flux, qui, en fait, remontent ensuite vers des trafiquants plus importants,
01:18:28 ils sont très très mal surveillés. Ils sont très très mal connus. Alors on sait... On a intuitivement, au moment des fêtes de Noël, on va voir les grandes marques
01:18:37 qui vont faire un chiffre d'affaires absolument considérable et qu'on sait quand on fait des saisies qu'on trouve du Louis Vuitton, on trouve de l'Hermès, on trouve de l'or,
01:18:45 on trouve des bijoux, on trouve des Rolex, etc. Mais c'est pas en proportion de ces 4 à 6 milliards. Et là-dessus, on serait très très preneurs de suggestions, de pistes de travail.
01:18:57 Parce qu'en fait, on le sait, si on arrive à tarir ces petits réseaux, c'est l'ensemble de la filière qu'on arrive et que l'on parvient à déstabiliser.
01:19:07 Mais on a relativement peu de moyens aujourd'hui pour contrôler justement cette économie souterraine du quotidien qui se fait en espèce.
01:19:17 — J'ajoute une question et on vous laissera le mot au final. Vous avez commencé votre propos, M. Biziou, de schéma, l'hyper-répressif et celui de la légalisation.
01:19:28 Donc je termine quand même parce que je veux poser cette question de la légalisation et que vous prononciez les uns et les autres sur son opportunité, ses difficultés, ses limites, ses échecs. Voilà.
01:19:41 — Alors on a une minute 30. Ce sera pour manotter, Kate. Juste, moi, je suis très intéressé par le modèle québécois. Voilà.
01:19:49 S'il y a un modèle qui me paraît pertinent et intéressant, c'est le modèle québécois sur le cannabis. Pourquoi ?
01:19:55 Le Québec était contre la légalisation. La légalisation a été imposée par le gouvernement fédéral. Le Québec a été obligé de s'y mettre.
01:20:04 Ils y sont allés en reculons. Ça a été un échec massif les deux premières années. Aujourd'hui, les résultats, c'est impressionnant. C'est impressionnant.
01:20:11 Moi, je leur avais donné 5 à 10 ans pour réussir à avoir un impact sur le marché illicite. En 3 ans, ils l'ont eu.
01:20:18 C'est-à-dire qu'on est à 40% de baisse du volume financier mobilisé, perdu par le trafic par rapport à l'offre légale.
01:20:33 Et l'offre légale représente 60% de l'activité. Donc ça a été super efficace. Et il n'y a pas de transfert, il n'y a pas d'augmentation des consommations.
01:20:44 On a une augmentation uniquement des expérimentateurs, c'est-à-dire comme c'est légal, une fois dans une soirée, plutôt que de l'alcool,
01:20:53 où les gens vont essayer un jour moins. Et ça s'arrête là. Donc on a vraiment à regarder de près. Leur rapport, leur dernier bilan va sortir d'ici en principe une semaine.
01:21:04 Donc moi, je le regarderai avec attention. C'est très très intéressant comme expérimentation.
01:21:10 — Merci. Mme Champarache. — Moi, je suis contre. Alors bon, déjà, suivant les drogues, on peut ou pas envisager les choses.
01:21:17 Pour la cocaïne, il est évident que non. L'héroïne non plus. — La question, c'était la légalisation du cannabis.
01:21:21 — Ça marche très très bien depuis 20 ans en Suisse. Ça fonctionne parfaitement. — Même pour le cannabis, pour moi, c'est pas une solution,
01:21:28 parce que légaliser n'est pas libéraliser, c'est-à-dire qu'il y a un encadrement par l'État. Et à partir du moment où vous encadrez une activité,
01:21:35 il y a des acteurs qui vont contourner cet encadrement. Donc on ne fait pas disparaître le trafic. Il y aura aussi un marché parallèle
01:21:41 qui va peut-être jouer sur les différences de teneurs en THC. Donc c'est extrêmement problématique. Ça ne fait pas disparaître
01:21:46 les organisations criminelles du tout. En plus, elles sont multi-activités. Donc à la limite, ça les affecte peu, parce qu'il y a des conséquences
01:21:54 aussi dans la consommation des drogues. On voit la conduite, prendre son véhicule sous l'effet de stupéfiants, ça a des conséquences.
01:22:02 Et on est dans une société où, encore une fois, on pense plus qu'aux conséquences. Donc la personne se dit
01:22:07 « Mais si, moi, je vois très bien. J'ai de bons réflexes ». Et puis ben non. Et là, ce sont d'autres que les consommateurs qui payent.
01:22:16 Et puis, encore une fois, je suis dans une logique de reconnexion de l'économie au droit plutôt qu'à la logique de marché.
01:22:24 C'est pas parce qu'il y a une offre et une demande qu'on doit créer un marché et valider ce marché. C'est une décision politique.
01:22:31 On doit faire des choix. On ne doit pas subir les dictates économiques. Il y a un rapport au droit. Ce qui fait société,
01:22:38 c'est d'établir des frontières, des interdits et reculer... Enfin abaisser un interdit parce qu'on considère qu'il y a trop d'infractions
01:22:46 à cet interdit. C'est problématique sur la cohésion sociale. — Merci.
01:22:52 — Alors moi, je serais plutôt partisan, justement, d'observer ce qui se passe dans tous les pays qui ont notamment légalisé le cannabis
01:23:02 dans un premier temps, puis voir s'il y a eu d'autres expériences ailleurs, et d'objectiver, justement, de manière très précise
01:23:09 ce qui se passe à la fois sur un plan sanitaire, coût de la consommation, augmentation ou pas augmentation, la criminalité,
01:23:17 l'impact sur les ressources publiques, c'est-à-dire l'utilisation de la justice, des services de police qui seraient amenuisés
01:23:24 du fait de la légalisation, la question des effets, par exemple, sur la conduite sur route. Toutes ces dimensions, il faut, à mon avis,
01:23:35 les documenter et puis ensuite tirer des conclusions sur justement qu'est-ce qui est pertinent ou pas.
01:23:43 Ensuite, c'est aux politiques de s'en emparer. Et moi, je serais d'avis vraiment de documenter au plus près à travers des études,
01:23:49 des recherches précises, regarder, faire un état de l'art. En France, maintenant, on peut compter sur un certain nombre de pays
01:23:55 qui ont légalisé. Peut-être demain, l'Allemagne va légaliser. Est-ce que... Pardon ? Donc est-ce que ça va changer,
01:24:07 on va changer de paradigme ou pas ? Donc est-ce qu'il n'y a pas un effet masse à un moment donné qui fait que la France devra ou non
01:24:13 changer de dimension à ce point de vue ?
01:24:18 — M. Weinberger. — Non, mais excusez. L'Allemagne, a priori, a annoncé la semaine dernière qu'elle allait rétropédaler un peu sur son projet.
01:24:25 — On vote en mars. — Alors évidemment, observer et tirer des conséquences, on ne peut que souscrire à la proposition de Nasser.
01:24:34 Alors j'étais il y a un an et demi à la grand-messe de la recherche des drogues Lisbonne Addiction. Et je discutais avec les papes
01:24:42 de la recherche sur la légalisation, que sont Bokin Mair et Rosalie Pakula, des Américains qui étaient très gênés, parce qu'effectivement,
01:24:49 les résultats, notamment sanitaires en termes de consommation, selon les expérimentations américaines et canadiennes hors Québec,
01:24:57 sont pas positifs. Et donc là, ils étaient un petit peu ennuyés sur cette espèce d'engouement au début qui était vraiment
01:25:07 une idée qui est agréable, de pouvoir avoir une baguette magique, un changement législatif qui va régler plein de problèmes.
01:25:13 Et là, en tout cas, sur les modèles très business-friendly nord-américains, sur le plan de la santé publique, c'est pas un résultat positif.
01:25:23 Et on avait fait une étude il y a quelques années avec Nasser et avec l'OFDT sur les premières expérimentations.
01:25:30 Je rejoins le discours de Clotilde, qui est qu'on ne voit pas de résultat vertueux sur la criminalité, même s'il y a une partie de l'économie
01:25:42 qui est réinjectée dans le circuit légal de manière relativement mécanique. En revanche, les groupes criminels s'adaptent.
01:25:50 Et comme toujours, ce sont les plus petits, les plus modestes qui trinquent.
01:25:54 — Vous voulez avoir le mot de la fin, Mme Jean-Pierre Hachon ? — Non, juste pour ajouter justement l'impact sur les acteurs.
01:26:00 La mocro-mafia, ses débuts, c'est l'approvisionnement des coffee-shop, puis la prise de contact avec la cocaïne, etc., la montée en puissance.
01:26:10 — Mais justement, les Pays-Bas n'ont jamais légalisé. C'est tout le problème. Ils ont dépénalisé, ce qui est une erreur massive,
01:26:16 puisque vous ouvrez un marché légal au trafic. Et donc ce que vient de démarrer... Mais l'expérimentation démarre 1 à 1 le 15 décembre.
01:26:24 Ils vont démarrer une légalisation. On va voir ce que ça va donner.
01:26:27 — Voilà donc pour cette audition de chercheurs consacrés au narcotrafic en France, un fléau qui inquiète, vous l'avez entendu,
01:26:34 les sénateurs dans un contexte de croissance exponentielle du trafic sur notre territoire.
01:26:39 Une commission d'enquête a été lancée à ce sujet au mois de novembre. Elle livrera ses conclusions au printemps.
01:26:45 On suivra ça avec beaucoup d'attention sur Public Sénat. Voilà, c'est la fin de cette émission. Merci d'avoir suivi.
01:26:51 Restez avec nous. L'information politique continue sur notre antenne.
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