Le soir du 8 décembre 1980, Mark Chapman, jeune homme de 25 ans sans grande envergure, assassine en pleine rue le musicien charismatique et adulé John Lennon.
À cette nouvelle le monde est frappé de stupeur. Cet épisode retrace le destin de ces deux hommes jusqu'à leur rencontre tragique devant l'immeuble de Manhattan où vivait la star.
Il s'interroge sur les raisons mystérieuses qui ont poussé un ancien fan - unanimement décrit comme un gentil garçon - à tuer l'un des membres fondateurs des Beatles.
À cette nouvelle le monde est frappé de stupeur. Cet épisode retrace le destin de ces deux hommes jusqu'à leur rencontre tragique devant l'immeuble de Manhattan où vivait la star.
Il s'interroge sur les raisons mystérieuses qui ont poussé un ancien fan - unanimement décrit comme un gentil garçon - à tuer l'un des membres fondateurs des Beatles.
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00:09 D'un côté, la star des stars, un musicien qui aura marqué de son empreinte le 20ème siècle.
00:14 John Lennon était très charismatique. C'était quelqu'un d'unique.
00:19 Parmi les Beatles, c'était mon préféré.
00:21 De l'autre, un gamin solitaire originaire de Géorgie.
00:24 Sans aucun talent, ni véritable but dans la vie.
00:29 Pourtant, tout le monde le trouvait gentil.
00:31 Il voulait juste attirer l'attention.
00:34 Deux hommes que tout oppose.
00:36 Deux hommes qu'un destin tragique va pourtant réunir un soir de 1980.
00:41 Je me suis avancé et j'ai tiré.
00:46 Cinq fois.
00:48 Je tenais littéralement le cœur de John Lennon dans ma main.
00:52 Un drame qui va plonger des millions de fans dans la consternation.
00:57 John Lennon n'est plus.
01:25 22h40. Nous sommes au mois de décembre.
01:28 Le temps est glacial.
01:30 La police répond à un appel signalant une fusillade au Dakota.
01:35 Un immeuble résidentiel de luxe situé dans l'Upper West Side de Manhattan.
01:40 Quand on est arrivé devant l'immeuble, un homme se tenait là, au milieu de la rue,
01:44 et pointait son doigt vers le Porsche.
01:46 C'est lui. C'est lui qui a tiré.
01:48 On est sortis de la voiture, on s'est approchés de l'arche,
01:53 doucement, chacun d'un côté,
01:55 et là, on a vu un homme qui avait les mains en l'air.
01:59 Cinq coups de feu ont été tirés.
02:03 Quatre d'entre eux ont atteint leur cible.
02:05 J'ai attrapé l'homme par le cou,
02:07 et le concierge qui était là m'a crié.
02:10 C'est lui, lui seul. Il a tué John Lennon.
02:14 J'étais sous le choc, vous imaginez.
02:16 Je l'ai plaqué au mur et je lui ai demandé,
02:18 « Tu sais ce que tu as fait ? »
02:21 L'homme ne lui a laissé aucune chance.
02:23 Quatre balles à pointes creuses de calibre 38, tirées à bout portant.
02:27 John Lennon vient d'être froidement abattu.
02:30 Les policiers le conduisent immédiatement à l'hôpital le plus proche,
02:33 mais il est trop tard.
02:35 Peu après 23 heures, le médecin de garde aux urgences
02:38 prononce le décès de John Lennon.
02:41 Le vieux Beatle John Lennon a été tiré à bout
02:44 devant son appartement à Manhattan.
02:46 Deux balles qui ont terminé la vie d'un rock-héros.
02:48 Le bâtiment de Co-op, où Laurence Bacall a été tirée à bout
02:50 en entrant dans la salle de jeu.
02:51 La nouvelle est en cours.
02:52 Les chocs.
02:53 John Lennon a été tiré et tué dans le bâtiment d'un appartement à Dakota.
02:56 C'était un véritable choc.
02:58 Il avait 40 ans.
02:59 John Lennon, le seul et unique mort.
03:01 Qu'est-ce qui avait bien pu se passer ?
03:03 Toute la ville était sous le choc,
03:06 et pas seulement ceux de ma génération,
03:08 mais aussi ceux qui ont grandi au son de sa musique,
03:10 dans les années 60.
03:12 Je crois que tout le monde se rendait compte
03:14 à quel point c'était tragique.
03:16 Pour plein de raisons.
03:18 C'était terrible.
03:20 Tout le monde se retrouvait dans le chagrin et la douleur.
03:23 Ses amis comme ses fans.
03:25 Pour moi, c'était encore plus dur
03:27 parce qu'on était devenus proches alors que rien ne l'obligeait.
03:30 À New York, Laura Didiot, journaliste d'investigation pour CNN,
03:33 a recueilli de nouvelles informations
03:35 sur le meurtrier présumé de John Lennon.
03:37 Le nom du tueur est désormais connu.
03:39 Mark David Chapman.
03:41 Un fan de 25 ans.
03:43 Un jeune homme sans histoire qui vit à l'époque à Hawaï.
03:46 Rien dans son passé ni dans son comportement
03:49 ne laissait supposer qu'il soit capable d'une telle chose.
03:53 Chapman est apparemment apprécié de tous ceux qu'il connaissait.
03:57 Il est décrit comme quelqu'un d'ouvert, sympathique,
03:59 de travailleur et de joyeux.
04:01 Je n'ai jamais vu s'énerver ou dire quelque chose de méchant à quelqu'un.
04:05 J'ai du mal à croire qu'on parle du même homme.
04:08 C'était un gars normal, apprécié par tous.
04:11 Toujours très tranquille.
04:13 Un jeune homme très bien. On ne peut pas faire mieux.
04:15 Et si on a du mal à croire qu'il puisse être le meurtrier de John Lennon ?
04:19 Tous ceux qu'on a interrogés, et croyez-moi, ça faisait du monde,
04:22 nous l'ont décrit comme quelqu'un de gentil,
04:25 incapable de faire une chose pareille.
04:28 C'est donc ainsi que prend fin de façon tragique un destin d'exception.
04:32 John Lennon, cofondateur du groupe légendaire les Beatles, n'est plus.
04:37 C'est durant les années 60 que les Beatles deviennent le groupe n°1 dans le monde.
04:45 Leur influence et leur popularité sont sans égal.
04:49 Je crois que les Beatles parlaient à la jeunesse des années 60 comme aucun autre groupe.
04:54 Ils ont influencé les gens à tellement de niveaux, pas seulement musicalement,
04:58 socialement, politiquement, culturellement.
05:01 Ils ont fait référence dans tous les domaines pendant cette période.
05:05 Parmi les millions d'adorateurs du groupe, figure un adolescent timide et solitaire
05:09 du nom de Mark David Chapman.
05:12 John Lennon devient vite son dieu.
05:15 Quand ils étaient au sommet, les Beatles ont toujours évoqué librement leurs expériences
05:21 avec les drogues psychédéliques.
05:24 À l'instar de ses idoles, Chapman fait aussi ses propres expériences.
05:30 Le prévenu a raconté qu'il a eu certaines phases dans sa vie.
05:33 Pendant un temps, il a été un peu hippie, comme beaucoup de gens à cette époque.
05:37 Il a goûté à certaines drogues expérimentales.
05:40 Mais en 1971, le jeune Chapman devient un chrétien régénéré.
05:45 Il arrête la drogue et rejette le rock'n'roll.
05:49 Les Beatles en général et John Lennon en particulier.
05:52 Je suis devenu chrétien à 16 ans, Larry.
05:56 Pendant un an, j'ai véritablement marché avec notre Seigneur.
06:00 Au cours de ma vie, comme tout le monde, j'ai connu différentes épreuves
06:03 et à chaque fois, je me suis tourné vers Dieu.
06:06 La foi nouvelle du jeune homme fait naître chez lui des sentiments conflictuels
06:10 vis-à-vis de son ancienne idole.
06:12 Selon ses amis, Chapman est particulièrement excédé par la chanson "God" de Lennon,
06:18 dans laquelle il dit "Je ne crois pas en Jésus".
06:21 Ou encore le tube planétaire "Imagine" avec ses paroles.
06:24 "Imagine qu'il n'y ait pas de pays, ni de religion."
06:28 Chapman va jusqu'à réécrire la chanson avec de nouvelles paroles.
06:32 "Imagine que John Lennon soit mort."
06:35 Le prévenu a déclaré qu'il s'est senti très offensé d'entendre John Lennon
06:42 dire que les Beatles étaient désormais plus populaires que le Christ.
06:46 Une remarque lâchée lors d'une interview réalisée en 1966
06:50 et provoquera un véritable tollé.
06:53 Dans les États conservateurs de la ceinture de la Bible,
06:56 beaucoup ont cru que c'était une façon de dire qu'il était supérieur à Jésus, supérieur à Dieu.
07:00 Ils l'ont accusé de blasphème. Comment osait-il affirmer une telle chose ?
07:04 Ses paroles ont été mal interprétées.
07:06 En réalité, ce qu'il voulait dire, c'est que les Beatles faisaient l'objet d'une plus grande attention que Jésus.
07:12 C'était un simple constat.
07:15 Il ne parlait pas de jugement de valeur.
07:17 Il ne disait pas que c'était bien ou mal.
07:24 Les Beatles traversent cette petite tempête sans encombre.
07:27 Mais en 1970, le groupe se sépare.
07:30 Lennon se lance dans une carrière solo avec sa nouvelle femme, Yoko Ono.
07:35 Un an plus tard, les Lennons emménagent à New York
07:39 et prennent un appartement dans l'immeuble Dakota, connu dans le monde entier.
07:43 La façade gothique de l'immeuble a en effet servi de décor dans le film Rosemary Baby.
07:48 Parmi ses résidents, on compte de nombreuses célébrités mondiales, artistes, acteurs et musiciens.
07:52 Je pense qu'il avait juste envie de changement à ce moment-là.
07:55 À mon avis, ils voyaient tous les deux dans l'Amérique une bouffée d'air frais.
07:59 Ils ne se doutaient pas de ce qui les attendait.
08:02 À New York, John et Yoko font parler d'eux sur le plan musical et politique.
08:07 Forcément, leur activisme anti-guerre éveille la tension, mais aussi la colère de l'administration Nixon.
08:15 Au début des années 70, le gouvernement américain a cherché à faire taire John Lennon.
08:21 Ils avaient très peur de son influence sur les jeunes électeurs lors des présidentielles de 1972.
08:27 Et ils voulaient à tout prix éviter ça.
08:30 Ils menaient des opérations de surveillance.
08:35 Ils observaient ses moindres faits et gestes.
08:38 Une voiture suivait chacun de ses déplacements.
08:40 Ils lui ont sorti le tralala habituel des services secrets.
08:48 Après le départ de Nixon, précipité par le scandale du Watergate,
08:52 la pression sur John Lennon se relâche.
08:54 Et à partir de 1975, il se retire de la scène publique.
08:59 Il ne se cachait pas, il ne vivait pas en reclus.
09:07 Il avait simplement décidé de se concentrer à plein temps à l'éducation de son fils, Sean.
09:13 C'était sa priorité.
09:15 Au cours de cette période, John et Yoko deviennent des visages connus du quartier.
09:19 Il aimait la simplicité de New York.
09:22 Il aimait son architecture.
09:24 Il aimait pouvoir marcher tranquillement.
09:26 On racontait souvent qu'il se laissait sans problème aborder quand il marchait en famille dans la rue.
09:31 Une fois, quelqu'un lui a demandé comment c'était de vivre à Manhattan.
09:34 Il a répondu « Cool, personne ne t'embête ici ».
09:37 Il adorait New York parce qu'il y était tranquille.
09:40 Les gens respectaient sa vie privée et l'aimaient.
09:43 Il avait simplement droit à des « Salut John, ça roule ? »
09:46 Les gens lui serraient la main avec des « J'adore ta musique » ou autre.
09:49 Mais ils n'étaient pas intrusifs.
09:51 En novembre 1980, John Lennon sort de sa retraite avec un album qu'il vient d'enregistrer avec Yoko, Double Fantasy.
09:59 Il a tout juste 40 ans.
10:02 Pour beaucoup, John semble être au début d'une nouvelle étape de sa vie, particulièrement heureuse.
10:08 Mais cette image d'un mari et père comblé va contribuer à renforcer encore plus la haine qu'éprouve à son égard un certain jeune homme à Hawaii.
10:15 Un ancien fan fervent, Mark David Chapman.
10:18 Il était dans la maison, assis, nu devant sa chaîne stéréo.
10:22 Il écoutait les Beatles à fond et en même temps, il invoquait Satan pour qu'il l'aide et lui donne la force de tuer John Lennon.
10:31 Il était bientôt avant 11h le lendemain.
10:35 John Lennon a été tiré en dehors de son ex-félicitant.
10:39 Lorsqu'il abat John Lennon, Mark David Chapman est âgé d'à peine 25 ans.
10:47 25 années vécues dans un anonymat parfois douloureux.
10:52 Nous avons mené une enquête et des interrogatoires approfondies pour en apprendre plus sur la vie de l'accusé.
11:00 Rien ne le différenciait de n'importe quel jeune de 25 ans.
11:04 Du moins en apparence.
11:07 Mark Chapman a grandi dans cette maison en Géorgie.
11:10 Il est l'aîné de deux enfants au sein d'une famille ordinaire de banlieue.
11:14 Le prévenu a prétendu, au cours d'entretiens avec des psychiatres, avoir eu une enfance difficile et des rapports très conflictuels avec son père.
11:24 Mais il n'y avait aucun traumatisme particulier dans son enfance qui aurait pu engendrer cette folie latente, ou tout du moins une maladie, voire une déficience mentale.
11:32 Après le lycée, Chapman se perd entre petits boulots et tentatives plus ou moins ratées d'études à l'université.
11:39 En 1977, il embarque pour Hawaï avec l'intention de se suicider une fois là-bas.
11:46 Il aura effectivement fait deux tentatives pour autant d'échecs.
11:50 Il choisit de rester sur l'île. Dans les trois années qui suivent, il fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique.
11:56 Il se marie, prend un travail dans une imprimerie, démissionne, puis retrouve un emploi d'agent de sécurité dans une tour d'habitation de luxe.
12:05 Il est obsédé par l'œuvre de Salinger, "L'attrape-cœur", le roman classique du mal-être adolescent.
12:11 Chapman s'identifie fortement au protagonisme du livre, "Holden Caulfield", qui s'insurge contre les fauchetons, comme il aime à dire, qu'il rencontre.
12:20 Chapman avouera plus tard qu'à l'été 1980, il a tout simplement perdu les pédales.
12:25 "J.D. Salinger, qui vit reclus depuis plusieurs années, a écrit "L'attrape-cœur", un livre lu et admiré par des millions de personnes.
12:33 Je me demande ce qu'il pense s'il le regarde."
12:37 En 1992, Larry King a interviewé Mark Chapman à distance depuis sa prison d'Atika.
12:46 "Pourquoi accuser un livre ?"
12:49 "Je n'accuse pas le livre, je m'en veux à moi de m'être laissé hâper par lui.
12:53 Je tiens vraiment à dire que J.D. Salinger et "L'attrape-cœur" ne m'ont absolument pas poussé à tuer John Lennon.
13:00 D'ailleurs, j'ai même écrit à J.D. Salinger, j'ai eu sa boîte postale par quelqu'un, je me suis excusé auprès de lui."
13:07 En octobre 1980, Chapman reporte son ressentiment envers les fauchetons sur John Lennon en lisant un article sur la sortie imminente de l'album "Double Fantasy".
13:17 "Le déclencheur de tout ça, c'est ma colère envers John Lennon.
13:21 J'ai trouvé un livre à la bibliothèque qui le montrait sur le toit du Dakota.
13:25 Vous connaissez le Dakota, c'est un très bel immeuble, un bâtiment somptueux.
13:29 Cette image de lui sur le Dakota m'a rendu furieux.
13:36 Je me suis dit, quel faucheton, quelle ordure.
13:39 J'étais en rage, j'ai ramené le livre chez moi pour le montrer à ma femme et je lui ai dit, regarde-moi ce faucheton."
13:44 Voilà son calendrier de septembre 1979 à décembre 1980.
13:49 Il reflète la progression de sa psychose dans les mois qui ont précédé la mort de John Lennon.
13:55 Entre 1984 et 1985, l'écrivain Gene Gens a passé des centaines d'heures à interviewer Mark Chapman.
14:03 "Vous voyez sa démence s'accentuer de mois en mois. Il y a de plus en plus de ratures, de plus en plus de choses notées."
14:09 Chapman confie à Gens que pendant des années, son cerveau a été comme une zone de guerre,
14:17 occupée par deux camps opposés qu'il décrit comme les grandes personnes et les petits mômes.
14:21 "Il avait toute une population de petits mômes dans sa tête, auxquels il donnait des instructions,
14:27 qui se réunissait pour discuter de ses activités.
14:32 Ça allait très loin."
14:33 Sous le coup de la colère, Chapman achète un revolver Charter Arms spécial, un calibre 38 à cinq coups.
14:39 "Les autorités de New York ont retracé l'itinéraire de l'arme utilisée pour tuer John Lennon.
14:44 Elle provient d'une armurerie située à un pâté de maison du commissariat de Honolulu.
14:48 La facture montre que l'arme a été achetée par Mark Chapman le 27 novembre de cette année.
14:53 On peut même voir le prix sur la facture, 179 dollars exactement."
15:00 Juste avant d'acheter l'arme, Chapman démissionne.
15:04 Avant de partir sur le registre de la résidence, en pointant pour la dernière fois,
15:10 il signe John Lennon avant de rayer le nom.
15:13 Six jours plus tard, le 29 octobre, Mark Chapman s'envole pour New York.
15:20 Armé du revolver qu'il a acheté à Hawaï, il se poste devant le Dakota
15:25 et attend l'occasion de se venger de celui qu'il considérait jadis comme un héros
15:29 et qui a ses yeux l'a trahi.
15:31 Mais John Lennon n'est pas le seul nom sur la liste de ses cibles.
15:35 Même en cas d'échec, il a tout prévu.
15:38 "Il a donc apporté son arme avec lui à New York.
15:41 À ce stade, son plan était de tuer une célébrité pour attirer l'attention sur lui."
15:47 "Lennon n'était pas sa seule cible.
15:50 Il avait une liste de victimes de substitution en quelque sorte.
15:54 S'il n'avait pas réussi à atteindre Lennon,
15:57 il aurait tenté de tuer Walter Cronkite,
16:00 Johnny Carson,
16:02 George C. Scott,
16:04 Jackie Kennedy-Hennessy
16:06 ou Marlon Brando.
16:08 Toutes ces personnes figuraient sur sa liste après Lennon,
16:12 qui restait de loin son premier choix."
16:14 Chapman a même élaboré un plan totalement fou pour tuer l'acteur George C. Scott
16:19 sur scène en pleine représentation à Broadway.
16:22 "Il avait réservé des places au premier rang.
16:26 Il avait prévu de se lever au milieu de la représentation,
16:29 de pointer son arme en direction de George C. Scott
16:32 et de l'abattre.
16:34 Évidemment, ça restait du travail d'amateur.
16:36 Par exemple, lorsqu'il s'est rendu dans une armurerie pour acheter les balles spéciales de son revolver,
16:41 il ne savait pas que c'était interdit dans l'État de New York."
16:45 Deux semaines après son arrivée à New York, Chapman doit donc rebrousser chemin.
16:50 Il révèle à sa femme son obsession pour John Lennon et son projet de le tuer.
16:54 Elle le convainc de prendre rendez-vous avec un psychologue, mais il n'ira jamais.
16:59 Début décembre, Chapman retourne à New York.
17:03 Cette fois, il fait escale à Atlanta pour se procurer 5 balles à pointes creuses de calibre 38.
17:08 "On n'avait pas affaire à quelqu'un qui cherchait simplement à blesser sa victime,
17:13 mais à un homme bien déterminé à tuer."
17:17 Au matin du 6 décembre 1980, Mark David Chapman,
17:21 l'homme qui s'apprête à tuer John Lennon, se pose à l'aéroport de New York.
17:26 Il arrive devant le Dakota un peu avant midi et se mêle à un petit groupe de fans
17:31 qui font le pied de grue devant l'entrée de l'immeuble.
17:34 Chapman attendra deux jours avant d'apercevoir enfin son idole déchu.
17:39 Qui était Mark David Chapman ?
17:42 "Le Mark Chapman du 8 décembre 1980 était une personne en pleine confusion.
17:47 Il vivait véritablement à l'intérieur d'un roman, 'L'Attrape-Cœur' de J.D. Salinger.
17:52 Il hésitait entre se suicider, attraper le premier taxi et rentrer chez lui à Hawaii,
17:58 et tuer une icône comme vous l'avez si bien appelé."
18:02 Vers 3 heures du matin dans la nuit du 8 décembre,
18:05 Mark Chapman appelle sa fan restée à Hawaii.
18:09 Après avoir accroché, il sort sa Bible de sa valise et se plonge dans la lecture du Nouveau Testament,
18:14 et plus particulièrement l'évangile selon Saint Jean, John en anglais.
18:18 Là, il rajoute au stylo le nom "Lennon".
18:23 Vers 8 heures du matin, il retourne au Dakota.
18:26 "J'avais une sorte de prémonition, je sentais que je ne remettrais plus les pieds dans ma chambre d'hôtel.
18:31 Pourtant je ne l'avais toujours pas vu, lui, je n'étais même pas sûr qu'il était dans l'immeuble.
18:36 J'ai quitté mon hôtel, j'ai acheté un exemplaire de 'L'Attrape-Cœur',
18:40 j'y ai inscrit la dédicace de Holden Cofield, et en dessous j'ai écrit
18:45 "Ceci est mon témoignage en soulignant bien ceci."
18:50 J'avais prévu de ne rien dire après avoir tiré."
18:53 Ce matin-là, devant le Dakota, Chapman fait la rencontre d'un autre fan de Lennon, Paul Goresh.
19:00 Photographe amateur, Goresh avait fini par lier connaissance avec son idole.
19:04 L'une de ses photos a été utilisée par la suite en couverture du titre posthume de Lennon,
19:08 'Watching the Wheels'.
19:10 Quand je suis arrivé, il y avait un gars qui attendait dehors, sous l'arche du Dakota,
19:14 à droite de l'entrée, très exactement.
19:17 Il se tenait là avec un exemplaire de 'Double Fantasy' sous le bras gauche.
19:21 Le gars s'est approché de moi et m'a demandé "Tu attends Lennon ?"
19:25 J'ai répondu "Oui." Il m'a dit "Tu travailles pour lui ?"
19:29 Je lui ai dit que non, et là il s'est détendu.
19:32 Il m'a dit son nom et qu'il venait d'Hawaii.
19:35 Ce qui m'a immédiatement frappé, c'est qu'il avait un accent du sud pour quelqu'un qui venait de Hawaii.
19:40 Je lui ai fait remarquer d'ailleurs.
19:43 Il m'a dit que c'était parce qu'il était originaire de Géorgie.
19:46 Ensuite, je lui ai demandé où il séjournait à New York,
19:49 et là il s'est tourné vers moi et m'a dit "Texto, pourquoi ça t'intéresse ?"
19:54 Un peu avant 17h, John et Yoko quittent leur appartement,
19:59 qui sera la dernière séance d'enregistrement de John.
20:03 Chapman et Gorech sont tous les deux sur le trottoir devant l'entrée.
20:07 Chapman tend en silence son exemplaire de Double Fantasy à Lennon.
20:11 Mark est arrivé à gauche de John et lui a tendu l'album.
20:15 John s'est tourné vers lui et lui a demandé "Vous voulez que je le signe ?"
20:19 Il a acquiescé.
20:21 John a pris l'album en lui demandant s'il avait un stylo.
20:24 Il lui a tendu un stylo.
20:26 John a commencé à signer l'album. J'avais mon appareil photo autour du cou.
20:29 Je me suis dit que ça ferait une bonne photo, alors j'ai regardé dans le viseur et j'ai pris la photo.
20:35 Le cliché de John dédicassant un album à son meurtrier.
20:41 Il m'a regardé et dit "C'est tout ? Vous désirez autre chose ?"
20:48 À ce moment-là, j'ai eu l'impression, et j'en suis encore convaincu aujourd'hui,
20:53 qu'il savait quelque part dans son subconscient qu'il avait en face de lui l'homme qui allait le tuer.
21:00 John et Yoko partent pour le studio d'enregistrement.
21:04 Ils ne restent plus devant le Dakota que Chapman, Gorech et le portier.
21:09 Aux alentours de 20h, Gorech décide de rentrer chez lui.
21:12 Ce type, Mark, est venu me voir et m'a demandé si je partais. J'ai dit oui.
21:16 Et là il m'a sorti "À ta place, je réfléchirais, qui sait si tu le reverras."
21:20 "Tu sais, je le vois tout le temps." Il a lâché un "On ne sait jamais, il pourrait partir en Espagne ou ailleurs, pour toujours."
21:27 Je voulais qu'il reste parce que je cherchais une échappatoire. Une partie de moi ne voulait pas être là.
21:32 "Vous comptez revenir ?" "Je serai sans doute revenu."
21:36 Après le départ de Paul Gorech, Chapman reste devant le Dakota.
21:41 Il attend patiemment pendant encore 2h30.
21:45 J'étais assis à l'intérieur, sous l'arche du Dakota. Il faisait nuit, il y avait du vent.
21:52 José, le portier, était dehors, sur le trottoir, et j'ai vu une limousine se garer.
21:58 Ça y est, je me suis levé, Yoko est sorti, John était loin derrière, je dirais 5 ou 6 bons mètres derrière quand il est sorti.
22:08 J'ai fait un signe de tête à Yoko quand elle est passée devant moi.
22:11 John est sorti de la voiture, il m'a regardé et je pense qu'il m'a reconnu.
22:15 Il s'est sans doute dit "Tiens, c'est le gars à qui j'ai signé un album cet après-midi."
22:20 Il est passé devant moi.
22:25 J'ai fait 5 pas en direction de la rue.
22:29 Je me suis retourné, j'ai sorti mon Charter Arms calibre 38.
22:35 Et je lui ai tiré 5 fois dans le dos.
22:41 Je n'étais même pas sûr que les balles soient bien adaptées.
22:44 Et quand j'ai vu que c'était bon, je me rappelle avoir pensé "Ouf, ça a marché."
22:49 5 balles.
22:50 La première rate sa cible et traverse une fenêtre du Dakota.
22:54 Les deux suivantes atteignent Lennon au dos, côté gauche.
22:58 Et deux autres encore.
23:00 La première, qui est en face de Yoko, se fait tirer vers le dos.
23:04 Elle traverse une fenêtre du Dakota.
23:06 Les deux suivantes atteignent Lennon au dos, côté gauche.
23:09 Et deux autres encore se logent dans son épaule gauche.
23:12 Mortellement blessé, Lennon réussit à faire 5 mètres vers la réception avant de s'effondrer au sol.
23:19 J'étais là, le bras pendant, l'arme encore dans ma main droite.
23:23 À ce moment-là, José le portier est arrivé.
23:25 Il était en pleurs.
23:27 Il m'a attrapé la main, il la secouait pour me faire lâcher mon revolver.
23:31 Il l'a repoussé vers le trottoir du pied et quelqu'un l'a ramassé.
23:36 J'étais comme pétrifié. Je ne savais pas quoi faire.
23:39 J'ai sorti la trappe-cœur de ma poche, je faisais les 100 pas, j'essayais de le lire.
23:44 J'avais hâte que la police arrive, j'étais complètement désespéré.
23:48 Les premiers policiers arrivent sur les lieux en moins de 2 minutes et maîtrisent Chapman.
23:55 Deux autres agents arrivent tout de suite après eux et se précipitent pour porter secours à Lennon.
24:00 Les agents Fraunberger et Palma l'ont transporté jusqu'à une voiture de patrouille pour l'emmener à l'hôpital.
24:07 Aucune ambulance n'était encore en route.
24:09 Mon coéquipier et moi, on a fait monter Chapman dans un véhicule pour l'emmener au poste.
24:14 Et là, on lui a lu ses droits.
24:16 Ce soir-là, le docteur Steven Lynn est de garde à l'hôpital Roosevelt.
24:22 Deux agents de police sont entrés en trombe dans les urgences.
24:25 Ils portaient chacun sur une épaule un corps avaché.
24:29 Et ils m'ont dit "Docteur, on n'a aucun signe vital."
24:32 Alan Weiss est également aux urgences ce soir-là.
24:35 Le producteur d'un journal d'information de la chaîne WABC à New York vient d'avoir un accident de moto.
24:40 On a vu entrer un policier, il criait "on a un blessé par balle".
24:45 Quelqu'un a demandé "il arrive dans combien de temps ?"
24:48 La réponse a été "il est là".
24:51 À ce moment-là, un brancard est arrivé sur un chariot.
24:54 Six à huit policiers l'entouraient.
24:56 Ils couraient aussi vite que possible.
24:58 On l'a conduit en salle des urgences, on n'avait pas de poules, pas de tension, et un patient inconscient.
25:04 Ils l'ont amené dans le box à côté de nous.
25:07 Le médecin est entré en courant, accompagné d'internes et d'infirmières.
25:11 Ils ont tiré le rideau.
25:12 On ne savait pas qui c'était à ce stade.
25:14 Ce n'est que quand une infirmière a sorti son portefeuille de sa poche,
25:17 comme elles le font toujours pour identifier un patient,
25:20 on a entendu "c'est John Lennon".
25:23 Un des agents de police qui se tenait là a murmuré "c'est John Lennon".
25:27 On a regardé ce corps devant nous et on s'est tous dit "ça n'est pas possible, ça ne peut pas être lui".
25:34 Et pourtant ça l'était.
25:36 J'ai entendu des sanglots derrière.
25:38 J'ai tourné la tête et là, j'ai vu cette femme entrer, soutenue par un policier.
25:42 Je lui ai demandé qui c'était, il m'a dit "Yoko Ono".
25:46 Notre seule option, si l'on voulait qu'il ait la moindre chance de survivre,
25:50 c'était de pratiquer une incision dans sa poitrine
25:53 pour voir s'il y avait moyen de stopper l'hémorragie.
25:56 Mon souvenir le plus poignant, c'est quand ils ont ouvert la poitrine de John.
26:02 Il y avait du sang partout.
26:05 Le médecin était littéralement en train de plonger ses mains à l'intérieur.
26:09 On a ouvert sa poitrine, elle était remplie de sang.
26:13 Tous les vaisseaux sanguins qui irriguent le coeur étaient détruits.
26:16 On lui a transfusé du sang.
26:18 Je tenais littéralement le coeur de John Lennon dans ma main.
26:21 On lui a fait un massage cardiaque, essayé de restaurer la circulation,
26:24 mais il n'y avait strictement rien à faire.
26:27 On a prononcé le décès de John Lennon à son arrivée à l'hôpital Roosevelt ce soir-là.
26:33 Un grand silence est abattu sur les urgences.
26:37 Le personnel s'est mis à pleurer, on ne savait pas trop quoi faire, comment réagir.
26:42 Et c'est à moi qu'il a incombé de traverser le couloir pour aller parler à Yoko Ono.
26:47 Je suis entré dans la pièce, je crois qu'elle a su ce que j'allais lui dire dès que j'ai passé la porte.
26:53 Il y avait une musique d'ambiance, il devait être 11h10, je dirais,
26:59 quand on a commencé à entendre le morceau "All My Loving".
27:03 La chanson s'est terminée et une ou deux minutes plus tard, il y a eu un hurlement,
27:07 un cri perçant de femmes, un "non".
27:10 "Non, non, non, oh non".
27:12 Elle a répété ce "non" en boucle pendant une minute ou deux.
27:15 Et ensuite, plus rien.
27:18 Pour finir, l'infirmière en chef lui a apporté l'alliance de son mari.
27:24 C'est là qu'elle a compris que tout était terminé pour de bon.
27:28 La première chose qu'elle m'a dite, c'est "s'il vous plaît, n'annoncez pas tout de suite son décès".
27:33 Mon fils Sean est probablement à la maison en train de regarder la télé.
27:38 Je ne veux pas qu'il apprenne la mort de son père par la télévision.
27:42 Je crois que jusqu'à ce que j'entende cette chanson "All My Loving", je ne l'avais pas vraiment réalisée.
27:48 J'ai appelé ma chaîne, la salle de rédaction, je leur ai dit ce que je savais, que John Lennon avait été abattu.
27:54 Et d'après ce que j'ai compris, ils ont transmis l'information à NBC Network,
28:00 qui a pris la décision de laisser Frank Gifford et Howard Cosell l'annoncer pendant le match de foot du lundi soir.
28:08 À 23h35, le monde entier apprend la nouvelle.
28:12 Presque instantanément, des centaines de fans en deuil commencent à se rassembler devant le Dakota pour une veillée.
28:18 Ils reprennent les standards du groupe et entonnent "Give Peace a Chance".
28:23 J'avais l'impression d'avoir un énorme poids sur la poitrine.
28:29 Je me sentais infiniment triste, vraiment.
28:34 Ça a eu un impact sur tout le monde, un impact extrêmement fort.
28:38 C'était comme perdre un ami ou un membre de sa famille.
28:41 Je crois que l'une des raisons pour lesquelles tout le monde a été touché par sa mort, c'est parce qu'il était devenu une partie de nous.
28:49 Le 10 décembre, John Lennon est incinéré lors d'une cérémonie privée.
29:00 Quatre jours plus tard, le 14 décembre, des millions de personnes dans le monde entier répondent à l'appel de Yoko Ono à faire 10 minutes de silence en mémoire de John Lennon.
29:10 Plus de 225 000 personnes se rassemblent à Central Park, à New York.
29:17 Pendant ces 10 minutes, toutes les stations de radio de New York cessent d'émettre.
29:26 Le matin du 9 décembre, Mark Chapman, l'homme qui a tué John Lennon, est conduit en fourgon jusqu'à la cour de justice de New York.
29:34 Il porte un gilet pare-balles.
29:36 Pendant que Chapman attend son inculpation, la police fouille sa chambre d'hôtel à la recherche d'indices pouvant expliquer son acte.
29:45 Dans la chambre d'hôtel, nous avons trouvé deux billets de 10 euros.
29:51 Dans la chambre d'hôtel, nous avons trouvé toutes ces affaires étalées sur une commode.
29:57 Une bible, un passeport, des photos, ainsi qu'une cassette de Todd Rottgren.
30:05 Des billets d'avion, une lettre de présentation de l'association des jeunes hommes.
30:10 Un set de table avec un motif du magicien d'Oz.
30:14 Et un reçu de l'auberge de jeunesse où il avait séjourné avant cet hôtel, nettement plus luxueux.
30:20 Ces affaires avaient été placées là de façon intentionnelle.
30:24 On voyait qu'il voulait qu'on les trouve exactement dans cette disposition.
30:28 Jonathan Marks, ancien assistant du procureur, est nommé pour défendre Chapman.
30:37 À la question s'il allait demander une délocalisation du procès, Jonathan Marks a répondu qu'il n'en était pas question à ce stade.
30:45 Il a ajouté que le procès ne serait pas moins médiatique à Paris.
30:50 Comment vous sentez-vous sachant que de nombreuses personnes en veulent à M. Chapman et que vous le défendez ?
30:56 Je suis là pour assurer la défense de mon client.
30:59 Il n'y avait pas de doute sur le coupable. L'accusé restait sur les lieux.
31:02 Les témoins l'ont vu tirer. Il n'a pas cherché à fuir la scène de crime.
31:07 Il était clair dès le départ de l'enquête que l'accusé se défendrait en plaidant l'irresponsabilité pénale.
31:14 La première chose à faire est de faire évaluer la santé mentale de Chapman.
31:19 La seule question dans ce procès sera de savoir s'il était fou au moment où il a tiré.
31:24 Je me trouve devant l'unité pénitentiaire de l'hôpital Bellevue où Mark Chapman, le meurtrier présumé de John Lennon, est détenu au premier étage.
31:31 L'administration a mis en place des mesures de sécurité exceptionnelles.
31:35 L'avocat de la défense m'a appelé pour me demander si j'accepterais de l'aider dans le dossier Chapman.
31:43 J'ai dit oui.
31:44 À la demande de la défense, le docteur Daniel Schwartz, expert psychiatre, fera passer pas moins de huit entretiens à Mark Chapman.
31:52 Clairement, monsieur Chapman savait ce qu'il faisait. La précision avec laquelle il a utilisé son arme à feu le montrait bien.
31:58 Il savait parfaitement ce qu'était un revolver et que ça pouvait tuer. Il l'a pointé sur sa cible et malheureusement, il a fait feu.
32:06 La question essentielle dans cette affaire, c'était de savoir si sa folie passagère l'empêchait, oui ou non, de distinguer le bien du mal.
32:13 En avait-il conscience ?
32:16 Le simple fait d'être atteint d'une maladie mentale ne suffit pas à acquitter quelqu'un.
32:21 Il faut pour cela que la maladie mentale en question altère son jugement et l'empêche d'avoir conscience de la nature et des conséquences de son acte.
32:30 Ou du fait que ce qu'il fait est mal.
32:33 Le docteur Schwartz est convaincu que la maladie mentale de Chapman remonte à son enfance.
32:38 Monsieur Chapman a commencé à se renfermer sérieusement vers l'âge de neuf ou dix ans.
32:44 C'est à peu près à cet âge qu'il a commencé à se constituer un monde imaginaire rempli de gens, de petits mômes, dans son salon, à l'intérieur de sa chambre.
32:54 Et il était leur empereur, leur chef.
32:57 Mon avis en tant que psychiatre était qu'il était à la fois paranoïaque et schizophrène, selon la définition qui était la nôtre à l'époque, et qu'il souffrait d'un trouble bipolaire.
33:10 Je suis sincèrement convaincu que quand il s'en est pris à John Lennon, il était suicidaire.
33:16 John Lennon, c'était lui-même. Il était devenu lui.
33:20 Il croyait qu'en se tuant lui-même, il ressusciterait.
33:26 En tuant Lennon, c'est lui-même qu'il tue.
33:30 Le Mark David Chapman de cette époque était une bombe à retardement, quelqu'un qui n'avait jamais appris à évacuer toute la colère, la rage et la déception qu'il avait au fond de lui.
33:41 Mark David Chapman était un raté à ses propres yeux. Il voulait devenir quelqu'un d'important.
33:47 Il ne savait pas comment gérer le fait de n'être personne.
33:50 Mark David Chapman s'en est pris à quelqu'un qui, à ses yeux, avait tout du faux jeton, quelqu'un qui attisait sa colère et qui, à ses yeux, l'a poussé à vouloir exister.
34:00 L'ancien assistant du procureur, Kim O'Griffey, n'y croit pas un instant.
34:06 S'il avait une obsession, c'était celle d'attirer l'attention. Il était narcissique. Il avait la folie des grandeurs. Il voulait se faire remarquer.
34:15 John Lennon n'était que le support, le support idéal. Un homme public à portée de main, alors que d'autres sont inatteignables.
34:22 Il n'était ni fou ni obsédé. L'irresponsabilité mentale ne se justifiait absolument pas. Pour nous, il était clairement responsable de ses actes.
34:29 Il ne souffrait pas d'une maladie ou d'une déficience mentale. Et, quel qu'ait été son état mental, ça ne l'empêchait pas d'avoir conscience de la nature de sa conduite et du mal qu'il allait faire.
34:41 Au vu des preuves, le grand jury devrait prononcer son inculpation.
34:46 Le 8 juin 1981, soit six mois exactement après le meurtre, Chapman décide de changer de défense à l'entame de son procès.
34:55 Il plaide coupable contre le conseil de ses avocats.
34:58 Quand il a tout à coup changé son mode de défense, j'ai ressenti une certaine déception. J'attendais avec impatience de pouvoir démonter un à un tous ses arguments au cours du procès.
35:07 Mark David Chapman est condamné à la perpétuité avec une période de 20 ans de sûreté et incarcéré à la prison d'Attica dans l'état de New York.
35:16 Dans son interview avec Larry King, Chapman affirme être guéri de la maladie mentale qui l'avait poussé à commettre ce crime.
35:23 Je suis coupable, Larry, et j'accepte l'entière responsabilité de mon acte.
35:28 J'ai lu dans certains journaux que j'accusais le diable. J'espère que cette interview éclairciera les choses.
35:34 Je ne me défause pas sur le diable. J'endosse la responsabilité de mon crime.
35:38 Et en un sens, ce n'était pas moi, parce que je ne suis plus la même personne. J'ai changé. Je suis désolé d'avoir fait ce que j'ai fait.
35:46 Aujourd'hui, j'ai enfin conscience que j'ai mis fin à la vie d'un homme. Je le voyais uniquement comme une célébrité en deux dimensions, pas comme un homme avec des sentiments.
35:54 Pour moi, il était une couverture d'album.
36:00 Depuis la mort de John Lennon, nombreux sont ceux qui ont tenté de trouver un sens à ce meurtre.
36:06 Au début des années 90, le journaliste et auteur Jack Jones a longuement interviewé Chapman pour son livre "Let me take you down inside the mind of Mark David Chapman".
36:18 Mark est un individu singulier, c'est un sociopathe. Mais je crois que son intelligence est supérieure à celle de la majorité de ses semblables.
36:26 Je crois que son cerveau a une capacité d'auto-illusion infinie. Je suis convaincu que, contrairement à beaucoup de gens, il fait vraiment un effort pour être dans l'empathie avec les autres.
36:37 Il essaie de ressentir la douleur des autres. Mais c'est une démarche intellectuelle de sa part. Ça ne lui est pas naturel.
36:44 Il en avait après le monde entier. Il m'a même dit un jour qu'il rêvait de s'emparer d'armes nucléaires et de faire sauter une ville entière, pour blesser ou tuer des milliers, voire des millions de gens.
36:54 Mark Chapman a abattu John Lennon parce qu'il voulait son quart d'or de gloire. Ça se limite à ça.
37:04 C'est la conclusion à laquelle on est parvenu à l'époque, et c'est encore ce que je pense aujourd'hui.
37:10 Nous sommes de retour avec Jack Jones. Que répondez-vous à ceux qui disent qu'on ne devrait pas interviewer Mark Chapman, qu'il ne devrait pas faire l'objet d'émissions télé ou de livres, que c'est lui faire une publicité inutile ?
37:20 Vous savez, ce sont les mêmes qui ne veulent pas parler du sida, tout ça parce que ce n'est pas convenable.
37:27 Mais je vais vous dire, cette histoire, c'est une occasion en or d'analyser en profondeur sa personnalité, pour trouver un moyen de lutter contre tous les Mark Chapman en puissance.
37:38 Et ceux qui nous critiquent parce qu'on a décidé de se pencher sur le sujet n'ont rien compris.
37:45 Ça lui a fait de la publicité alors qu'il a commis un crime absolument atroce.
37:51 Aujourd'hui, les meurtriers deviennent plus célèbres que leurs victimes. C'est bien dommage.
37:56 Comme souvent dans ce genre d'affaires, de nombreuses théories du complot vont très vite voir le jour.
38:04 Celle qui revient le plus souvent voit en Mark Chapman un pantin à la solde du gouvernement pour se débarrasser de l'énonme.
38:13 Riaud laisse à supposer qu'il ait bénéficié d'une complicité ou qu'on ait mis un contrat sur la tête du chanteur.
38:19 C'est l'acte d'un homme seul, avec ses propres convictions.
38:24 J'ai parcouru le dossier dans ses moindres détails.
38:28 Et je vous garantis qu'il n'y a absolument pas, ne saurait-ce qu'un début de preuve sur l'intérêt que lui portait le gouvernement après 1972.
38:37 Que pensez-vous des théories du complot qui ont fleuri ces 12 dernières années ? La CIA qui vous aurait manipulé, etc.
38:43 Sur la mort de John Lennon ?
38:45 Oui.
38:46 C'est n'importe quoi.
38:48 Personne ne vous a ordonné de le faire ? Personne ne vous y a incité ?
38:52 Cela les aurait peut-être arrangé dans un sens, mais non, c'était moi seul.
38:57 Plus de 30 ans après avoir tué John Lennon, Mark Chapman est toujours en détention.
39:03 Depuis l'an 2000, il peut prétendre à une libération conditionnelle, mais sa demande a depuis été rejetée à sept reprises.
39:12 Je crois que le mieux pour Mark Chapman, c'est de rester dans son unité psychiatrique.
39:18 Il a commis un acte absolument terrifiant. Maintenant est-on parvenu à le guérir depuis ? Je n'en ai aucune idée.
39:26 Il a fait quelque chose de terriblement mal.
39:29 Pour moi, il a carrément changé le cours de l'histoire dans un sens. Il vaut mieux qu'il reste où il est.
39:35 Il l'a abattu de sang-froid, il lui a tiré dans le dos. On a tendance à l'oublier dans le dos. C'est un lâche.
39:42 Le meurtrier de John Lennon ne mérite pas d'être remis en liberté un jour.
39:46 Avec ce qu'il a fait à sa femme, ses deux fils, aux fans des Beatles dans le monde entier,
39:51 je ne peux pas imaginer qu'il puisse dire ou faire quoi que ce soit qui justifie une libération conditionnelle.
39:58 La veuve de John Lennon, Yoko Ono, s'est à plusieurs reprises opposée à la libération de Mark Chapman.
40:05 Mon mari John Lennon était un homme très spécial, un homme aux origines modestes,
40:11 qui a apporté la lumière et l'espoir au monde entier avec ses mots et sa musique.
40:17 Il a tout fait pour apporter une énergie positive au monde, et il a réussi.
40:23 Il a encouragé, inspiré et fait rêver les gens, quelles que soient leurs couleurs, leurs croyances et leur sexe.
40:32 A mes yeux, il représentait l'autre moitié du ciel.
40:38 Nous étions amoureux l'un de l'autre comme le sont les hommes passionnés, jusqu'à la fin.
40:45 Pour notre fils, Sean, il était tout. Son monde a volé en éclats quand le sujet a pressé la détente.
40:55 Pour Julian, c'était perdre une seconde fois son père.
41:00 Pour les gens dans le monde, c'est comme si la lumière s'était éteinte un instant pour laisser place à l'obscurité.
41:09 Par ce seul acte de violence, en quelques secondes, le sujet a bouleversé ma vie entière,
41:19 a détruit ses fils et plongé le monde dans le chagrin et la peur.
41:30 En 1985, la ville de New York baptise un carré de Central Park situé juste en face du Dakota, Strawberry Fields,
41:40 titre d'une des chansons les plus célèbres de John Lennon.
41:43 Aujourd'hui, c'est une place arborée grâce aux dons de pays du monde entier.
41:48 La mosaïque centrale avec l'inscription Imagine est un cadeau de la ville de Naples.
41:53 C'est la preuve tangible que l'héritage de John Lennon transcende les frontières et les générations.
41:58 L'autre jour, je marchais dans la rue et j'ai vu un gamin, il devait avoir dans les 16-17 ans,
42:04 et il portait un tee-shirt à l'effigie de John Lennon.
42:08 Je me suis dit, tiens, il a beau être mort depuis plus de 30 ans, il évoque encore quelque chose pour ce jeune garçon.
42:17 La meilleure façon de se souvenir de John Lennon, c'est de s'inspirer de son optimisme,
42:23 de son intégrité, de sa clairvoyance et de son amour de sa famille.
42:29 C'est elle meilleure.
42:31 Merci.
42:33 [Musique]
42:37 [Silence]