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  • 29/09/2023
Avec Remy Makinadjian, président du Mouvement Arménien.

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Transcription
00:00 Bonjour, vous êtes sur Sud Radio et notre invité aujourd'hui est Rémi Makhinadji,
00:03 président du mouvement arménien en France.
00:04 Bonjour, merci d'avoir accepté notre invitation.
00:07 Alors, il se passe au Karabas un exode massif, un génocide, un nettoyage ethnique.
00:13 Selon certains, la République du Haut-Karabas cesse son existence.
00:17 C'est un décret qui annonce la fin de cette existence, proclamé par Samuel Charmagnan.
00:25 Le jeudi 28 septembre, il a annoncé que toutes les institutions gouvernementales et organisations
00:30 seront dissoutes au 1er janvier.
00:33 C'est des milliers d'Arméniens qui sont sur la route, route qui était bloquée par
00:38 l'Azerbaïdjan, qui a été ouverte.
00:39 On parle de 80 000 réfugiés, 120 000 qui sont amenés à rejoindre l'Arménie après
00:45 des mois de blocus.
00:46 Qu'est-ce qu'il se passe ? Est-ce que vous pouvez nous dire rapidement quelle est la
00:49 situation actuelle ? Vous avez des proches qui sont là-bas au Karabas.
00:52 Oui, tout à fait.
00:54 Tout d'abord, merci pour votre invitation, chère Alexie.
00:58 Je voudrais, pour que les auditeurs puissent comprendre simplement, qu'est-ce que…
01:05 Alors, vous avez dit le Haut-Karabas, qui est en réalité la dénomination russe du
01:11 territoire.
01:12 En arménien, on le dénomme l'Artsar.
01:14 Qu'est-ce que l'Artsar ? L'Artsar est la partie intégrante de l'Arménie, et
01:20 ce depuis la nuit des temps.
01:22 C'est extrêmement important à savoir que l'Artsar existe depuis 2500 ans, alors
01:28 même que l'Azerbaïdjan n'existe que depuis une centaine d'années.
01:32 L'Artsar, partie intégrante de l'Arménie, que s'est-il passé ? L'Arménie, comme
01:39 chacun le sait, se situe entre la mer Caspienne et la mer Noire, donc au sein d'une enclave,
01:45 un territoire qui était autrefois plus grand que la France.
01:48 C'est retrouvé par un coup de crayon du dictateur Staline, privé de ce territoire,
01:56 au profit de l'Azerbaïdjan, ainsi que le territoire du Naritchévan, qui a fait l'objet
02:02 d'une épuration ethnique gravissime, puisque tous les monuments culturels et religieux
02:07 ont été profanés, ainsi que les populations déportées.
02:12 A l'occasion de l'implosion russe, chacun devait reprendre ses territoires, ça n'a
02:22 pas été le cas.
02:23 Depuis maintenant, hier, vous le savez, 80 000 personnes sont déportées en Arménie,
02:30 c'est une exode.
02:31 J'ai pour ma part de la famille qui se trouvait à la capitale Stépanakert, capitale de l'Artsar,
02:41 donc ces gens-là ne savent pas où ils vont se retrouver, ne savent pas ce qu'il va se
02:48 passer.
02:49 On assiste à la mise en œuvre par l'Azerbaïdjan de la poursuite, et j'ose le dire, du génocide
02:56 arménien de 1915.
02:58 - C'est ce que dit d'ailleurs l'ambassadrice de la République d'Arménie en France, elle
03:02 a parlé d'une épuration ethnique, c'était au micro de France Info.
03:06 L'agression de Bakou de l'Azerbaïdjan n'a pas été au-delà de la condamnation, Emmanuel
03:12 Macron a eu des mots pour les populations locales, la France est vigilante à l'intégrité
03:16 territoriale de l'Arménie, mais il n'y a pas de sanctions prévues.
03:19 Est-ce que la France et les pays européens sont tenus par leur nouvelle dépendance au
03:26 gaz et au pétrole azerbaïdjanais et ne peuvent rien dire justement ? Et est-ce que l'Azerbaïdjan
03:32 a profité de cette situation pour avancer ses pions ?
03:36 - Je saisis cette occasion pour tout d'abord remercier le président de la République
03:41 française, Emmanuel Macron, qui a été le premier président au monde à s'emparer
03:45 du sujet lorsque la guerre des 44 jours a éclaté.
03:48 Force a été par la suite de constater que la présidente de la Commission européenne,
03:54 Ursula von der Leyen, a signé un accord gazier colossal avec l'Azerbaïdjan, qui, je le
03:59 précise, fournit plus que ce qu'il ne produit, très important à savoir, et la production
04:06 en réalité n'est pas du gaz azéri mais du gaz russe.
04:09 Donc tout ceci pour acheter quoi ? Le silence.
04:12 - C'est une hypocrisie sans nom ? - Or norme, sans nom.
04:15 Donc effectivement, je crois qu'aujourd'hui, au-delà des propos, au-delà des engagements
04:23 du président de la République, nous devons avoir un courage politique pour aller au-delà
04:30 et faire barrage à l'Azerbaïdjan, à la Turquie associée de la Russie.
04:37 - Mais on voit bien, c'était le 20 septembre, il y avait l'Assemblée générale de l'ONU,
04:41 la France a réclamé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité pour dénoncer cette
04:46 offensive injustifiable.
04:48 Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, lui a appelé un arrêt
04:51 immédiat des combats et on voit qu'en réalité, il ne s'est rien passé.
04:54 Il n'y a aucune sanction prévue contre l'Azerbaïdjan et aujourd'hui, c'est des milliers de personnes
04:58 qui se retrouvent déplacées, qui laissent leur maison, leurs souvenirs, leurs morts
05:02 aussi.
05:03 Il y avait un témoignage de cette grand-mère qui partait et qui laissait la sépulture
05:08 de son mari, la maison dans laquelle elle avait vécu 60 ans.
05:11 Tout ça dans une indifférence quand même assez choquante de la part des pays européens
05:15 qui sont pronts à dénoncer quand même les injustices et les agressions qui sont non
05:21 autorisées et inacceptables.
05:23 - C'est un drame humanitaire en effet sans nom.
05:26 Et c'est la raison pour laquelle je crois que nous sommes à un moment clé et historique
05:32 pour la France et j'appelle, si le président de la République m'écoute, Emmanuel Macron
05:39 à ce qu'il puisse être le leader d'une coalition internationale composée bien évidemment
05:46 de l'Europe, de l'Allemagne, de l'Angleterre mais également des États-Unis pour une intervention
05:54 sans délai en Arménie.
05:56 Intervention tout d'abord humanitaire, intervention matérielle.
06:01 Et maintenant le sujet c'est le sud de l'Arménie avec le corridor que l'on appelle le Sionik
06:12 que veut s'emparer l'Azerbaïdjan pour en réalité couper l'Arménie en deux.
06:17 C'est la prochaine étape et cette étape-là.
06:21 - Mais on a l'impression, enfin déjà on a vu la difficulté pour reconnaître le génocide
06:25 arménien, il a fallu des années de bataille pour arriver à une petite avancée.
06:29 On a l'impression que l'Arménie est systématiquement abandonnée entre d'un côté l'Azerbaïdjan,
06:34 la Turquie, la Russie, comme si les grands pays autour pouvaient faire un peu ce qu'ils
06:39 voulaient et que l'Arménie était dépossédée, désemparée et peu importe les appels à
06:43 l'aide qu'on a pu entendre ces derniers mois.
06:45 - Ecoutez encore une fois je crois que seul le courage politique peut permettre de contrer
06:49 cela parce qu'on le voit bien, on peut chanter les plus belles chansons de Charles Aznavour
06:55 mais si c'est pour laisser les Arméniens "subir un second génocide" après celui
07:00 de 1915, ce n'est plus la peine de chanter Charles Aznavour.
07:04 - Mais qu'est-ce qui va se passer sur ces déplacés ? Est-ce qu'il y a éventuellement
07:11 la possibilité d'un retour ? On a entendu le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev
07:17 qui a promis des droits garantis et même une visite de l'ONU en disant "ne partez
07:21 pas, vous pouvez vivre en Azerbaïdjan, c'est un pays multiculturel".
07:25 Est-ce qu'on peut croire à ce que dit le président azerbaïdjanais ou est-ce qu'il
07:28 y a un risque de violence pour les gens qui souhaiteraient rester en pensant que l'Azerbaïdjan
07:34 va donner des gages ?
07:35 - Le risque a déjà commencé, le risque est en cours.
07:37 Nous savons et nous avons des informations, nous avons des vidéos qui tournent sur les
07:43 réseaux, que le dictateur Aliyev ne garantira en aucun cas la sécurité des Arméniens
07:51 qui pourraient rester sur le territoire de l'Arzar et c'est la plus grosse supercherie
07:55 au monde que de vouloir prendre des vessies pour des lanternes à la communauté internationale.
08:00 Les Arméniens aujourd'hui pour se sauver, pour sauver leur peau doivent se réfugier
08:09 en Arménie dans l'espoir que les familles puissent les accueillir, le temps qu'on puisse
08:14 les installer dignement, respectueusement, parce qu'il y a des femmes, des enfants,
08:19 des personnes âgées et que vont-ils devenir ? C'est un drame hors normes et en ce qui
08:26 me concerne, j'ose aussi vous le dire à votre antenne, depuis lors je n'arrive plus
08:31 à fermer l'œil à dormir normalement parce que j'en suis traumatisé.
08:35 Les nouvelles qui viennent de là-bas sont peu rassurantes, ce rapatriement se fait
08:42 un peu dans la précipitation, est-ce que les autorités arméniennes organisent quand
08:50 même ce rapatriement ? Est-ce qu'il y a une volonté forte de la part de la communauté
08:54 arménienne d'aider ? Est-ce qu'on peut aider aussi si on le souhaite ?
08:56 Oui, alors évidemment, nous demandons de l'aide à la France, à l'Europe, mais tout
09:01 en chacun peut aider avec ses propres moyens.
09:04 Évidemment, nous sommes très mobilisés.
09:05 L'Arménie, quand elle a mis en place des bus pour récupérer les populations et les
09:10 rapatrier sur le sud de l'Arménie, nous ce que nous disons maintenant, c'est que l'Arménie
09:16 doit sortir de sa relation de l'OTSC avec la Russie.
09:21 Puisque nous avons pu le constater, ce n'est plus la peine de s'en cacher les yeux, on
09:27 ne pourra plus jamais compter sur la Russie.
09:30 Et former de nouvelles alliances européennes parce que l'Arménie a vocation à être
09:39 dans l'Europe.
09:40 L'Arménie est le pays qui a adopté le christianisme comme religion d'État et fut le premier
09:47 pays au monde à adopter le christianisme comme religion d'État.
09:50 Donc l'Arménie a une histoire très forte avec la France.
09:53 La France a une histoire très forte avec l'Arménie, mais pas que, avec toute l'Europe.
09:57 L'Arménie est un berceau de la civilisation.
10:01 Et ce qui se passe actuellement, cher Alexis, dans cette région de l'Artsar, c'est un
10:09 sujet civilisationnel.
10:11 J'ose le dire ici à votre antenne.
10:13 Et je l'assume totalement.
10:15 Donc nous devons prendre ce sujet de manière très sérieuse et avec la plus grande fermeté
10:21 mais surtout avec un courage politique.
10:24 Et le président Emmanuel Macron a été top, puisqu'il s'est emparé, il a été le
10:29 premier président au monde à s'emparer du sujet.
10:31 Mais maintenant il faut aller au-delà pour montrer à l'Azerbaïdjan et à la Turquie,
10:41 mais également la Russie, que ce n'est pas eux les patrons.
10:43 Parce que sans ça, demain, il pourrait y avoir d'autres conséquences.
10:47 - La conséquence qu'on voit, c'est encore une fois une histoire chrétienne millénaire
10:55 effacée en quelques jours.
10:57 Finalement, c'est un peu toujours la même chose.
11:00 L'abandon des chrétiens d'Orient, c'est la même chose qu'on voit à la manœuvre
11:04 sur l'Artsar.
11:06 Est-ce que la guerre en Ukraine a totalement changé la donne ? Est-ce que c'est parce
11:10 que justement la Russie a besoin du soutien de Bakou dans cette guerre en Ukraine qu'elle
11:16 a lâché le Haut-Karabakh alors qu'auparavant l'armée russe, rappelons-le, était du côté
11:21 de l'armée arménienne pour défendre cette guerre ?
11:24 - Alors, il aura fallu à l'armée russe 44 jours pour intervenir et arbitrer un cessez-le-feu.
11:30 Si l'armée russe avait été effectivement et réellement aux côtés des Arméniens,
11:34 elle n'aurait pas laissé l'Azerbaïdjan embraser le territoire.
11:40 Donc la guerre en Ukraine est un prétexte supplémentaire pour le Kremlin et pour Poutine
11:48 auquel je pense qu'il n'en a rien à faire puisque ses intérêts sont principalement
11:55 liés avec l'Azerbaïdjan et la Turquie.
11:57 Et on a tous les éléments qui nous permettent de l'affirmer aujourd'hui.
12:03 - Et quel est le jeu de la Turquie ? Parce qu'on voit Recep Tayyip Erdogan être un peu
12:07 à la manœuvre dans beaucoup de régions.
12:10 Là, quelle est la position de la Turquie par rapport au Karabakh ?
12:16 - La position de la Turquie, c'est de pousser avec l'Azerbaïdjan pour justement cette partie
12:20 du territoire sud de l'Arménie que l'on appelle le Sunnik et avoir donc un couloir
12:25 qui relie directement leur pays sans avoir la contrainte de passer par l'Arménie, de
12:33 toute évidence, et en plus de couper l'Arménie en deux.
12:38 Donc la question c'est quelle est la prochaine étape ? Est-ce que la prochaine étape c'est
12:41 Yérévan ? La capitale de l'Arménie.
12:46 Donc il est pour cette raison là extrêmement important qu'on puisse protéger la souveraineté
12:52 de l'Arménie mais également sa sécurité qui est reconnue par la communauté internationale,
12:58 je le rappelle.
12:59 - Oui mais là encore, reconnus sont des textes, il y a eu ce que je disais, les mots d'Emmanuel
13:04 Macron qui assure que la France était vigilante à l'intégrité territoriale de l'Arménie
13:08 mais aujourd'hui est-ce qu'il y a des troupes françaises, européennes de l'OTAN qui sont
13:13 proches de l'Arménie, qui seraient prêtes à intervenir ou simplement l'ONU, est-ce
13:18 que l'ONU est en train de prendre l'ampleur de ce qui se passe en Arménie ?
13:21 - Il semble que les choses sont en train de bouger et que notre souhait consiste à dire
13:26 qu'il est urgentissime qu'une base militaire puisse s'installer sur toute cette zone-là
13:35 pour protéger à la fois la frontière sud-arménienne mais tout le territoire qui risquerait demain
13:42 de faire l'objet de la part de l'Azerbaïdjan associé de la Turquie d'une poursuite de
13:50 leurs actes.
13:51 - Et est-ce que les possibles, alors pas dans l'immédiat puisque là on parle de déplacement
13:57 de population mais un jour, que les déplacés retrouvent leur maison, leur vie, leurs souvenirs
14:03 en Artsakh ?
14:04 - Il a fallu des dizaines et des dizaines d'années pour que cette situation arrive.
14:10 Nous pouvons former le vœu et l'espoir que oui, encore une fois, je crois que seul le
14:16 courage politique peut permettre effectivement de rétablir les choses.
14:20 Mais le courage politique c'est un mot qui a un sens et effectivement nous pousserons
14:25 de toutes nos forces pour qu'on puisse œuvrer dans ce sens-là mais actuellement il faut
14:33 qu'on gère la situation telle qu'elle est.
14:34 Et telle qu'elle est c'est une exode, c'est une épuration ethnique et c'est un drame
14:41 humanitaire que nous sommes obligés de gérer sans délai, c'est tout de suite.
14:48 Alors oui on va faire les démarches par la suite nécessaires pour tenter de rétablir
14:54 les équilibres mais quand on a affaire à deux dictateurs, peut-être même trois je
14:58 dirais avec Poutine, il faut qu'on pose avec.
15:01 Et qui aura le courage d'une coalition et de dire les choses ? La question elle est
15:07 là quelque part.
15:08 - Merci beaucoup.
15:09 - Merci à vous.
15:10 - Rémi d'avoir accepté notre invitation, président du mouvement arménien, on va suivre
15:16 bien sûr ce qui se passe au Canada.
15:17 - Alors moi j'aimerais Alexis si vous me le permettez vous offrir un livre qui s'appelle
15:23 "Les trésors menacés d'une civilisation en Artsakh" parce qu'il faut savoir que l'Artsakh
15:31 comptait des milliers de monuments culturels et religieux pour avoir été réduit à
15:37 quelques centaines, profanés par les azéris.
15:40 - Merci on va voir ça au rentable.
15:43 - Voilà ça me fait très plaisir de vous le dire.

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