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  • 13/07/2023
7 personnes tuées, une cinquantaine d’autres blessées. Nous vous expliquons ce bilan oublié, du massacre de la fête nationale du 14 juillets 1953.

Le 14 juillet 1953, à l’occasion du défilé pour la fête nationale organisé par la gauche, les algériens du MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques) se joignent à la marche en fin de cortège. Arrivée à Nation, ils se dispersent moins rapidement que les français et la police ouvre le feu. Le bilan fait état de six morts algérien, un français et plus d’une cinquantaine de blessés. 70 ans après les faits, pour mieux comprendre l’origine de ce massacre et les raisons de son oubli de la mémoire collective, nous avons rencontré Daniel Kupferstein, scénariste du film Les balles du 14 juillet.

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Transcription
00:00 7 Algériens morts et plus d'une cinquantaine de blessés,
00:02 voici le bilan oublié de la fête nationale du 14 juillet 1953.
00:06 Une tuerie en plein cœur de Paris qui précéda la guerre d'Algérie
00:10 et dont 70 ans plus tard, la mémoire s'est effacée.
00:13 De la prise de la Bastille par le peuple,
00:15 au défilé militaire sur les Champs-Elysées,
00:17 la fête nationale a souvent changé de visage.
00:20 Mais concentrons-nous sur une période bien précise.
00:22 A partir de 1936, dans un moment d'après-guerre,
00:25 le 14 juillet c'est l'occasion pour les forces de gauche,
00:28 menées par le Parti communiste français et la CGT,
00:31 de défiler pour célébrer les valeurs républicaines.
00:33 Ensuite, c'est à partir de 1950 que les Algériens rejoignent la marche,
00:37 sous la bannière du MTLD,
00:38 le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques.
00:41 Et ce, malgré les divergences avec les communistes français.
00:44 Mais la date précise qui nous intéresse, c'est le 14 juillet 1953.
00:47 Le cortège se divise en deux parties.
00:49 À l'avant, les Français, à l'arrière, les Algériens,
00:52 qui représentent à peu près un tiers du cortège,
00:55 selon Daniel Kupferstein, spécialiste de la question.
00:57 Arrivé place de la nation, les Français se dispersent.
01:00 Les Algériens, eux, arrivent quelques instants plus tard
01:03 et continuent d'avancer sans qu'aucune explication
01:05 sourcée n'ait été donnée à ce jour.
01:07 Ce simple geste leur coûtera la vie.
01:09 Les policiers ouvrent le feu,
01:11 sept morts, plus d'une cinquantaine de blessés.
01:13 L'horreur et la panique embrasent l'Est parisien.
01:16 Selon le politologue Emmanuel Blanchard,
01:18 l'enquête policière a révélé que sept policiers reconnaissent avoir tiré.
01:21 Des dizaines de douilles ont été retrouvées,
01:23 alors que les victimes, six Algériens et un Français,
01:26 ont tous été tués par balles.
01:28 De l'autre côté, 15 policiers blessés,
01:30 deux véhicules incendiés, le massacre a duré moins de 30 minutes.
01:34 Immédiatement, les autorités tentent de faire passer la manifestation
01:37 pour une émeute déguisée,
01:38 ce qu'Emmanuel Blanchard qualifiera de mensonge d'État.
01:41 Les autorités déposent une plainte contre les manifestants
01:43 pour rébellion et violence envers une personne dépositaire de la force publique
01:47 qui aboutira à un non-lieu, confirmé en appel en 1957.
01:51 Les policiers, eux, ne seront pas inquiétés.
01:53 Pour son film sur la mémoire de cet événement,
01:55 intitulé "Les balles du 14 juillet 1953",
01:58 Daniel Kuperstein a rencontré de nombreuses personnes s'étant trouvées sur place.
02:02 Proches ou victimes, c'est pourtant bien le témoignage d'un policier
02:05 qu'il a le plus marqué.
02:07 Dans mon film, j'ai retrouvé des policiers.
02:10 C'est notamment un que j'ai appelé le tueur.
02:13 C'est une indifférence totale en parlant des morts et des blessés,
02:21 en tous les cas algériens,
02:23 parce qu'il raconte que non seulement il n'a pas tiré en l'air,
02:28 mais il a tiré à l'horizontale,
02:29 et puis il raconte tranquillement que le premier rang tombait,
02:32 puis le deuxième, et puis il raconte que les caniveaux, le sang était rouge, etc.
02:37 avec une espèce d'inhumanité totale.
02:40 Pour Daniel Kuperstein, il existe une longue liste de raisons
02:43 pour lesquelles ce massacre est peu évoqué de nos jours.
02:46 Il nous en explique certaines.
02:47 Pour qu'une histoire soit connue, il faut des porteurs de mémoire.
02:53 Or, il n'y a pas eu de porteur de mémoire sur cette histoire.
02:55 C'est-à-dire que d'un côté, en Algérie,
02:58 le mouvement nationaliste algérien de 1952 et 1953 a été complètement divisé,
03:03 et avec peu d'influence en plus, pour porter cette mémoire.
03:09 D'autant plus qu'en 1954, il y a eu le début de la guerre,
03:15 donc il y a eu bien d'autres choses à commémorer, de drames, etc.
03:20 Donc c'est tombé complètement dans l'oubli, parce que ça s'est passé avant le 1er novembre 1954.
03:25 Et en France, c'est la responsabilité de toute la gauche française
03:30 dans son rapport avec le colonialisme.
03:32 Et puis, on était dans la guerre d'Indochine, on n'était pas dans la guerre d'Algérie.
03:37 Voilà, ça joue ça aussi.
03:39 Les morts algériens sont moins importants que les morts françaises.
03:43 En 2023, pile 70 ans après ce massacre,
03:46 de nombreux citoyens et collectifs ont organisé des événements pour se souvenir
03:50 et se donner rendez-vous, place de la nation.
03:52 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
03:56 Les morts algériens sont moins importants que les morts françaises

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