Faut il légaliser le cannabis en France ? (Public Sénat) (Octobre 2016) (FR)

  • il y a 8 ans
À la différence des politiques, les Français sont-ils prêts pour la légalisation du cannabis ? C’est ce que veulent croire les intervenants d’un colloque au Sénat ce lundi organisé à l’initiative de la sénatrice EELV, Esther Benbassa.

Serpent de mer à l’approche d’une campagne présidentielle, la légalisation du cannabis verra-t-elle le jour prochainement en France ? C’est ce qu’appellent de leurs vœux les intervenants du colloque qui se tenait ce lundi au Sénat à l’initiative de la sénatrice EELV du Val-de-Marne, Esther Benbassa. « C’est une suite à la loi que j’avais déposée en 2014 sur la légalisation contrôlée du cannabis qui a été discutée en séance en 2015, bien sûr sans aboutir…. La réflexion continue » détaille-t-elle. Et un sondage réalisé par l’institut Ipsos pourrait contribuer à faire bouger les lignes. Selon cette étude, 52% des Français sont favorables à une légalisation contrôlée du cannabis et souhaitent que les candidats à la présidentielle prennent position sur ce sujet (voir notre article). « Aujourd’hui, c’est vrai, l’opinion publique a avancé davantage que les politiciens (…) il faut sortir des tabous (…) comme d’habitude les politiciens sont en retard par rapport à l’évolution de la population » constate-elle.

Toute la journée, addictologues, psychologues, chercheurs, associatifs, représentants des forces de l’ordre ou encore l’ancien ministre de l’Intérieur socialiste, Daniel Vaillant étaient réunis salle Clémenceau au Sénat partant de ce constat : « la politique de prohibition a horriblement échoué. Elle n’a protégé ni les individus, surtout pas les plus jeunes, ni la société (…) On espère que la légalisation annule le côté contreproductif de la prohibition. Mais le chantier est plus important que ça. Parce qu’on sait tous en Europe que la loi ne fait pas tout. Il ne va pas suffire de légaliser pour faire un programme sanitaire et social digne de ce nom. Légaliser va permettre de travailler » analyse William Lowenstein addictologue, président de SOS addiction. Pour ce médecin la difficulté d’un tel chantier est qu’il est « morcelé » « sans agence nationale digne de ce nom ».
A quand une Autorité de Régulation du Cannabis en France ?

C’est dans cette veine que la fondation Terra Nova classée à gauche, a publié la semaine dernière une étude dont le but « est de proposer un cadre de gouvernance et d’organisation propre à un marché légalisé et régulé du cannabis en France, sur la base de l’exemple fondateur que représente l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) ». Avec 4,6 millions de Français ayant consommé du cannabis au moins une fois (chiffres de 2014 de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies), l’Autorité de Régulation du Cannabis en France (ARCA) « permettrait un meilleur contrôle du marché du cannabis par comparaison à la situation catastrophique en termes de santé et de sécurité publiques que nous connaissons aujourd’hui » explique le rapport.

Si selon le sondage d’Ipsos cité plus haut, une courte majorité dans l’opinion publique est prête à un changement de législation, il n’en est pas de même pour les responsables politiques. Esther Benbassa a rappelé ce matin que lors du débat en séance publique sur sa proposition de loi, « la ministre de la Santé (Marisol Touraine) n’a pas dénié venir. Elle a s’est faite remplacer par la secrétaire d’Etat aux droits des femmes (Pascale Boistard). Je n’ai rien contre elle, bien sûr. Mais nous avons été un peu ridiculisés » estime-t-elle.

« Ceux qui sont contre le cannabis doivent être pour la légalisation immédiate du cannabis »

Pour l’économiste Romain Perez coordinateur d’un nouveau think tank « bipartisan », Le Jour d’Après, les exemples autre Atlantique démontrent l’inverse. « Ce que montre les premières études, notamment dans l’Etat du Colorado où le cannabis a été légalisé, c’est qu’il y a une baisse de la criminalité. C’est notamment lié à un effet de substitution à l’alcool, un produit plus criminogène que le cannabis ».

Le pneumologue Bertrand Dautzenberg est lui revenu sur les bénéfices en termes de santé publique. « Dans tous les pays où on a légalisé le cannabis, on a une diminution de la consommation et une diminution en terme de dangerosité. La diminution de la consommation dépend de la façon dont on le commercialise. Si on fait comme au Colorado, en disant venez au Colorado il y a du cannabis c’est la fête, il y a un peu plus de consommation mais il y a moins d’effets médicaux (…) depuis la loi Evin de 1991 : il y a moins 50% de consommation de tabac, moins 25% de consommation d’alcool et plus 60% de consommation de cannabis. Ne pas avoir de cadre légal empêche la prévention, empêche le contrôle. Ceux qui sont contre le cannabis doivent être pour la légalisation immédiate du cannabis. Ceux qui sont pour le statu quo, sont pour les trafics et la persistance de l’état sanitaire qu’on connaît ».

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