Le Brun façon puzzle. L’usage des cartons dans la fabrique des grands décors

  • il y a 9 ans
par Bénédicte Gady, musée du Louvre, département des Arts graphiques

En 1690 fut saisi, au profit de la Couronne, tout le fonds d’atelier du premier peintre du roi Charles Le Brun. Cette décision inattendue explique la présence au musée du Louvre, héritier des collections royales, de plus de trois mille dessins de l’artiste. Parmi ceux-ci figurent des centaines de grands cartons préparatoires aux décors, c’est-à-dire des dessins à échelle d’exécution tracés sur plusieurs feuilles de papier assemblées, destinés à reporter sur les voûtes, par morceaux, les projets arrêtés. Aussi ces cartons étaient-ils généralement malmenés lors de leur maniement sur les chantiers. Utilitaires, abîmés, ils ont rarement été conservés et n’ont été considérés que très tardivement comme des œuvres d’art. Autrefois source de mépris, cette fonction d’usage fait aujourd’hui leur prix, car elle permet d’entrer au cœur du processus de création mais aussi de production des œuvres, au-delà même de la force esthétique parfois saisissante des pièces.

Ces cartons se rapportent principalement à deux décors du château de Versailles, le grand escalier, dit escalier des Ambassadeurs (détruit), et la grande galerie, dite galerie des Glaces, ainsi qu’à deux ensembles du château de Sceaux, le pavillon de l’Aurore et la chapelle (détruite). Le Brun et ses assistants ont eu recours à deux techniques pour transférer le dessin sur le support définitif : parfois les contours du carton, préalablement appliqué sur la voûte, sont repassés avec une pointe afin de creuser un léger sillon sur la paroi ; parfois les contours sont troués avec une aiguille, puis le carton ou le poncif posé contre la voûte est frotté avec une poudre de charbon qui dépose une trace le long de ces perforations.

Les deux méthodes alternent suivant les différents cartons, selon un critère de répartition que l’importance numérique du fonds d’atelier permet de dégager.
Exceptionnellement, elles se superposent, d’une manière pour le moins énigmatique.