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Transcription
00:00 Aux Etats-Unis, la reprise du procès de Donald Trump, jugé pour falsification de documents,
00:05 des paiements dissimulés, d'une somme de 130 000 dollars afin d'acheter le silence
00:10 de Stormy Daniels, l'actrice de films pornographiques avec laquelle il aurait eu une relation sexuelle
00:15 en 2006.
00:16 Les plaidoiries finales auront lieu à partir de mardi.
00:19 On retrouve Simon Grivey, maître de conférence en histoire et civilisation des Etats-Unis
00:23 à l'université de Lille.
00:25 Bonjour.
00:26 Il s'agit probablement du seul procès contre Donald Trump avant l'élection présidentielle.
00:31 Pourrait-on assister à la première condamnation pénale d'un ancien président américain ?
00:35 Ça dépendra du jury.
00:37 Tout ce qu'on peut lire actuellement dans les médias semble montrer que l'accusation
00:42 a fait son job, si je puis dire.
00:44 Elle a présenté un récit cohérent avec des témoins, avec des preuves.
00:49 Mais vous savez comment se déroule ce procès.
00:51 Ce sont les douze jurés, hommes et femmes, qui vont devoir trancher en leur âme et conscience
00:58 et décider à l'unanimité si Trump est coupable de ce qu'on lui reproche, c'est-à-dire d'avoir
01:04 falsifié ses documents financiers.
01:08 Donc ça reste jusqu'au bout très incertain.
01:11 C'est pour ça que dans 95% des cas, le système judiciaire états-unien essaye d'éviter
01:15 un procès parce que l'issue est toujours très incertaine.
01:19 Il suffit qu'une personne refuse d'être d'accord avec les onze autres et il n'y a pas de condamnation.
01:24 Le procès se termine sans décision.
01:28 Et le verdict, d'après vous, est-ce qu'il aura une influence sur le résultat de l'élection
01:32 présidentielle américaine prévue début novembre ?
01:34 Alors ça, c'est la grande question.
01:36 Effectivement, c'est très difficile à dire parce que, d'abord, si ce sera un verdict
01:43 de culpabilité, en quelle mesure ça va affaiblir Donald Trump ?
01:49 Est-ce que ce verdict de culpabilité sera accompagné d'une lourde peine ?
01:53 Est-ce qu'il y aura juste une sanction, une condamnation avec sursis ?
01:58 Ou est-ce qu'il y aura une peine de prison qui est possible ?
02:01 On ne sait pas.
02:02 S'il est innocent, s'il est reconnu innocent, s'il n'y a pas de décision du jury, c'est
02:08 clair que ça le renforcera et il pourra le présenter comme une victoire.
02:11 Après, ce que disent beaucoup de spécialistes, politistes et journalistes qui étudient
02:17 ça de très près, c'est qu'au sein de l'électorat républicain, on a en gros un
02:22 quart des électeurs républicains qui se sont dit mal à l'aise pour voter pour quelqu'un
02:29 qui aurait été condamné.
02:30 Et on pense aussi que la même chose s'applique à cet électorat centriste qui n'est ni
02:35 pour l'un ni pour l'autre.
02:37 Donc potentiellement, ça peut avoir un impact, mais ça reste très très incertain, comme
02:41 on l'a dit, dans cette élection qui va être extraordinairement serrée.
02:43 Et comment se fait-il que dans ce pays largement puritain, où le président prête serment
02:48 sur la Bible pendant la cérémonie d'investiture, un tel procès n'ait pas de conséquence sur
02:53 la popularité de Donald Trump ?
02:55 Alors, c'est Trump.
02:56 Les Américains le connaissent depuis 30 ou 40 ans.
02:58 Ils savent qui il est.
02:59 Et dès 2015-2016, il avait obtenu le soutien massif de ceux qu'on appelle les évangélistes,
03:07 des personnes qui ont une foi très forte, qui sont très chrétien.
03:11 Et ils savaient qu'il soutenait quelqu'un qui avait été marié trois fois, qui avait
03:17 tenu des casinos, qui était une star de la télé depuis 15 ans.
03:20 Donc il n'y a pas tellement de surprises sur sa personnalité.
03:23 C'est plus les évangélistes et tous les gens qui se présentent, comme vous dites,
03:26 sous un certain puritanisme, apprécient chez lui ces engagements ultra conservateurs qui
03:31 sont pour le droit des armes et contre le droit à l'avortement.
03:34 Il a cet atout formidable d'avoir obtenu la fin de la garantie fédérale du droit à
03:39 l'avortement.
03:40 Donc ça, beaucoup d'électeurs évangélistes lui sont très reconnaissants.
03:44 Et finalement, ses frasques personnelles n'influent pas tant que ça sur sa personnalité.
03:49 Et comment cet homme d'affaires multimilliardaire, perclut d'affaires judiciaires, arrive à
03:55 se présenter et même à être perçu comme une victime ?
03:59 Alors ça, c'est sa grande force, effectivement.
04:02 C'est son tour de force qu'il a réalisé ces deux dernières années.
04:05 Il a systématiquement insisté sur le fait qu'il y avait une motivation politique derrière.
04:10 Alors c'est dû à certaines affaires.
04:12 Par exemple, ce procès de New York, il se fonde quand même sur des faits qui sont généralement
04:19 peu souvent poursuivis sous forme de procès.
04:22 Et les affaires les plus graves, celles pour le 6 janvier, celles pour les documents qu'il
04:27 aurait indument conservés, n'ont pas été très loin dans le développement judiciaire.
04:33 Et elles sont effectivement l'œuvre de la justice fédérale.
04:36 Donc c'est facile de dire "oui, la justice fédérale, elle fonctionne sous l'inspiration
04:43 de mon adversaire, le président Biden".
04:45 Et les deux procès, celui-ci à New York et celui qui pourrait avoir lieu un jour en
04:49 Géorgie, ont été initiés par deux procureurs démocrates.
04:54 Donc il y a une dimension politique sur laquelle il a pu facilement s'appuyer pour se présenter
04:59 en victime.
05:00 Et s'il gagne l'élection présidentielle au mois de novembre, vous pensez qu'il va
05:03 pouvoir faire annuler tous les procès contre lui ?
05:05 Alors non.
05:06 S'il était élu, il pourrait effectivement mettre un terme aux poursuites fédérales.
05:11 Mais les poursuites dans l'État de Géorgie ou cette éventuelle condamnation dans l'État
05:15 de New York resteraient, puisque un président dans un système fédéral ne peut pas effacer
05:21 des condamnations qui sont prononcées par la justice de l'État.
05:23 Mais en tout cas, évidemment, il échapperait à toute sanction pendant les quatre années
05:27 de son éventuel nouveau mandat.
05:29 Et il pourrait s'autogracier ?
05:31 Alors pour les poursuites, pour ce qui est d'une condamnation à New York, non, ça,
05:36 c'est impossible.
05:37 Mais si jamais il était condamné, ce qui semble peu probable, puisque le procès risque
05:42 de ne pas être organisé d'ici novembre, mais une éventuelle condamnation fédérale,
05:49 là on est vraiment dans l'inconnu.
05:50 C'est-à-dire dans quelle mesure un président peut s'autogracier ? On ne sait pas.
05:53 Le cas ne s'est jamais produit.
05:54 C'est vraiment un cas d'école pour constitutionnalistes.
05:58 Pour l'instant, on ne sait pas.
05:59 Comment s'exprime le mouvement féministe puissant aux États-Unis et actuellement dans
06:03 cette affaire ? Et est-ce qu'il peut jouer un rôle important contre Donald Trump ?
06:07 Alors d'une manière générale, depuis 2016, Trump a un certain retard dans l'électorat
06:15 féminin.
06:16 C'est ce qu'on a appelé le "gender gap".
06:17 Et souvent, ses adversaires, que ce soit Hillary Clinton et surtout Biden, ont réussi
06:23 à en profiter.
06:24 Là, on a eu assez peu d'interventions féministes autour de ce procès, autour de la figure
06:30 de Stormy Daniels.
06:31 Je pense que clairement, pour les féministes, elles savent qui est Trump, elles savent ce
06:36 qu'il a dit, ce qu'il a fait.
06:37 Il y a eu beaucoup plus d'écho au moment de sa condamnation il y a quelques mois, au
06:43 civil, où il a été condamné à payer une somme monumentale de l'ordre de 80 millions
06:47 de dollars pour avoir diffamé une femme qu'il accusait de viol dans les années 80.
06:55 La condamnation contre E.
06:58 Jean Carroll, qui était une journaliste et qui l'accuse de l'avoir violée dans les
07:03 années 80, ça a eu beaucoup plus de poids parce que c'était vraiment un fait de violences
07:09 sexistes et sexuelles.
07:11 Dans cette affaire Daniels, il n'y a pas une dimension féministe si importante que
07:16 ça.
07:17 Il y a juste la mise en scène et la mise à jour de ces phrases qui sont bien connues.
07:22 Et dans l'histoire des États-Unis, vous qui êtes maître de conférence en histoire,
07:27 est-ce qu'il y a un président comparable, aussi outrancier, aussi vulgaire ?
07:32 Non, on n'a jamais vu ça.
07:34 Tout ce que fait Trump est unique.
07:37 Son style est unique, c'est une personnalité du monde des médias, de la télévision.
07:44 Jusqu'alors, tous les présidents étaient issus du même moule, souvent des avocats
07:49 ou des militaires.
07:50 Il y avait quand même une retenue, une dimension solennelle que Trump a bouleversée.
07:55 C'est ça aussi qui a fait son succès.
07:56 Il ne faut pas oublier que dès 2015-2016, il a ramené aux urnes des millions d'électeurs
08:01 conservateurs qui ne voulaient plus voter et qui ont adoré cet homme qui se présente
08:08 toujours comme n'étant pas politicien.
08:10 C'est ça qui a fait sa force.
08:11 C'est parce qu'il est considéré comme un outsider, à la fois un homme d'affaires
08:16 milliardaire.
08:17 Beaucoup de ses électeurs disent « c'est sûr qu'il est honnête parce que comme il
08:20 est déjà milliardaire, il ne va pas gagner de l'argent, il ne va pas être corrompu »,
08:24 ce qui est assez surprenant.
08:25 Et à la fois, comme quelqu'un qui n'est pas un politicien.
08:28 Ça lui est toujours reconnu et comme une qualité, paradoxalement.
08:33 Et ça dit quoi de la société américaine en sachant que l'impact de leur résultat
08:37 à l'élection présidentielle aura un retentissement mondial ?
08:40 C'est une société qui est très profondément divisée.
08:44 Pour toute une partie du pays, il y a vraiment une déception profonde vis-à-vis du monde
08:49 politique et on peut les comprendre.
08:50 Le simple fait que cette élection se joue à nouveau entre Trump et Biden, c'est très
08:58 symptomatique.
08:59 Vous avez deux personnes, l'un de 76, l'autre de 81 ans.
09:02 Il n'y a pas eu de renouvellement de la classe politique, il y a cette gérontocratie
09:07 qui pèse sur le système.
09:08 Et je pense qu'il y a une profonde déception vis-à-vis du monde politique, une société
09:13 qui est très divisée.
09:14 On a deux candidats qui sont historiquement impopulaires.
09:18 Autant Trump que Biden.
09:19 Quand on demande aux Américains « est-ce que vous avez une opinion favorable ou défavorable
09:21 ? », les deux tiers en général des États-Unis interrogés disent « je n'aime pas ces
09:26 personnes, je ne veux pas d'elles ».
09:27 Mais le système politique est tellement grippé à l'heure actuelle qu'ils sont condamnés
09:32 à cette revanche terrible de 2020.
09:36 Vous parliez d'une dernière question, d'un système politique grippé.
09:40 Est-ce que justement il n'est pas suranné, je pense notamment au fonctionnement des grands
09:44 électeurs ?
09:45 Alors bien sûr, il y a cette question que Trump a remise à l'ordre du jour.
09:53 C'est-à-dire qu'on est dans une démocratie où parfois, c'est arrivé en 2000 et en 2016,
09:58 on peut être élu président en ayant moins de voix que son adversaire.
10:01 C'est le système du collège électoral.
10:02 Donc il y a déjà des voix qui se sont exprimées depuis longtemps pour le réformer.
10:07 Après, on sait que la réforme constitutionnelle aux États-Unis est extrêmement difficile.
10:10 Mais c'est clair que ces élections de 2000 et puis de 2016, deux victoires républicaines
10:16 avec une minorité de voix ont souligné les dimensions fondamentalement antidémocratiques
10:23 des institutions américaines.
10:24 Et on pourrait aussi parler du Sénat qui surreprésente les petits États où il y a
10:28 peu d'habitants par rapport aux grands où il y a beaucoup d'habitants.
10:32 C'est une démocratie censée être celle qui fait modèle, qui est d'une certaine façon
10:39 en crise en ce moment.
10:40 Merci beaucoup Simon Grivey pour votre analyse sur France 24.

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