Disparition du juge Renaud Van Ruymbeke, pionnier de la lutte anti-corruption

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Transcript

00:00 Le juge Renaud Van Rymbeck nous a quitté hier, prématurément, à l'âge de 71 ans.

00:06 C'est une annonce du ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, je le disais, pionnier de la lutte anti-corruption.

00:12 On en parle avec notre invité qui est ici chez lui, c'est Philippe Bilger. Bonjour Philippe.

00:18 Bonjour Jean-Marie Dandrigues, bonjour à tous.

00:20 Bienvenue chez vous sur Sud Radio Philippe, magistrat honoraire, on ne vous présente plus,

00:25 Vrai Voix Sud Radio avec Philippe David et Cécile Dominibus toute la semaine de 17h à 19h.

00:29 Pionnier de la lutte anti-corruption, disais-je, au sujet de votre confrère le juge Renaud Van Rymbeck.

00:35 Est-ce que c'est la meilleure qualification ?

00:38 Oui, en tout cas c'est l'une des qualifications qu'il mérite très largement.

00:44 Et si vous me le permettez Jean-Marie, j'ai eu la chance de l'avoir durant des années pour ami.

00:52 Ensuite, évidemment, il est à la retraite, il est parti du côté de Rennes, je l'ai moins vu.

00:59 Mais selon le terme qui est utilisé trop fréquemment, pour lui c'est vrai, on peut dire qu'il a été un très grand magistrat.

01:09 Et notamment pour deux motifs qui me semblent essentiels.

01:15 Il y en a un dont il a lui-même parlé, il s'efforçait de traiter tout le monde à égalité.

01:23 Le puissant comme le modeste, le riche comme le démuni.

01:28 Et je crois qu'il a tenu cette promesse qu'il s'était faite quand il avait débuté dans la magistrature.

01:36 Mais le deuxième ressort est encore plus fondamental, parce que je crois qu'il est plus rare dans la magistrature.

01:46 Il était véritablement un adepte, bien sûr, du pouvoir judiciaire et de l'importance que doit avoir la magistrature

01:57 et l'exigence de justice dans notre société, mais je ne l'ai jamais vu abuser de son pouvoir.

02:05 Je veux dire, lorsque il accomplissait ses tâches de juge d'instruction,

02:11 notamment au cours de perquisition dans les plus grosses entreprises, dans les plus grosses sociétés,

02:18 jamais il ne le faisait de manière narcissique.

02:22 Il utilisait uniquement ce dont il avait besoin pour l'administration de la preuve et de la vérité.

02:29 Et c'est un homme, et c'est très rare, je le répète, qui n'a jamais abusé de son pouvoir,

02:37 alors que vous le savez parfaitement, la procédure de nos juges d'instruction, des moyens considérables.

02:45 - Alors c'était un juge dont les affaires étaient très médiatiques, on va en citer quelques-unes

02:51 qui vous rappelleront à tous des souvenirs, l'affaire des frégates de Taïwan, l'affaire Elf,

02:56 on peut parler aussi de l'affaire Urba, qui a vu la fin du règne du Parti Socialiste des années Mitterrand.

03:03 Il l'a dit lui-même à plusieurs reprises avant, je le cite, la justice ne s'attaquait pas aux grands politiques,

03:10 elle s'attaquait souvent au second couteau.

03:12 Est-ce que c'est avec lui que ça a changé ?

03:14 Une perquisition par exemple au siège du Parti Socialiste, le parti au pouvoir dans le cadre de l'affaire Urba,

03:20 c'était fracassant.

03:22 - Oui, je crois qu'on peut dire qu'avec lui une certaine conception de la justice a émergé,

03:30 c'est-à-dire que la justice naturellement n'était pas seulement pour la délinquance ou la criminalité ordinaire,

03:38 mais pour cette criminalité ou cette délinquance sophistiquée,

03:42 avec évidemment des mises en examen ou des prévenus qui n'étaient pas comparables à ceux que la justice rencontre au quotidien.

03:53 Mais si vous le permettez Jean-Marie, il n'était pas qu'un adepte des grosses affaires économiques et sociales.

04:01 Je l'ai connu en particulier comme assezseur quand il était à la cour d'assises, moi-même étant avocat général,

04:10 et rappelez-vous une affaire dont on a beaucoup parlé,

04:14 où il avait réussi avec des recherches extrêmement longues et complexes à identifier un violeur

04:22 qui avait commis des actes infiniment graves dans des auberges de jeunesse en Bretagne.

04:28 C'était un homme qui était capable, évidemment, en tant que juge d'instruction, en tant que magistrat,

04:36 de couvrir tout le champ pénal et en particulier celui que vous avez ci justement évoqué.

04:44 - Alors dernier point que j'aimerais soulever avec vous Philippe Bilger,

04:47 je l'ai dit, les affaires pour lesquelles le grand public, dont moi, on l'a retenu,

04:51 ce sont des affaires très médiatiques.

04:53 Ce n'est pas l'ensemble de son travail, vous avez raison de le préciser.

04:56 En revanche, lui-même n'était pas en tant que tel un personnage médiatique

05:00 particulièrement attiré par la lumière des projecteurs,

05:03 ce qui peut avoir changé aujourd'hui.

05:06 - Vous avez raison et cela rejoint ce que j'ai dit tout à l'heure,

05:11 c'est-à-dire que chez lui il n'y avait pas de narcissisme, il refusait la lumière inutile.

05:18 Il était très conscient, encore une fois, de l'importance de sa mission

05:23 et parfois de la jalousie qu'il suscitait, mais il était complètement imperméable

05:30 au vœu d'état, rien vulgaire et trop banal qu'on voit chez certains de ses collègues.

05:39 C'était vraiment un homme pour lequel la justice était tout

05:44 et qui d'une certaine manière ne renvoyait rien à ce qu'il était lui-même.

05:51 Tout pour l'exigence de justice, rien pour la gloire du personnage.

05:57 - Effectivement, le juge Renaud Van Rymbeck qui nous aura quitté hier à 71 ans

06:02 des suites d'un cancer de manière évidemment prématurée.

06:05 Merci pour cet hommage, Philippe Bilger.

06:07 - Merci beaucoup.

06:08 - On vous retrouve sans faute à partir de lundi de 17h à 19h

06:13 avec le retour de Cécile Dominibus et Philippe David dans Les Vrais Voix Sud Radio.

06:18 Évidemment, on les embrasse et on vous embrasse également.

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