• il y a 7 mois

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Transcription
00:00 J'ai eu un rédac chef qui me dit, en me croisant dans le couloir,
00:03 "Dis donc, t'as un cul, on serait bien dedans."
00:05 J'ai été agressée quand j'avais 17 ans, c'est une agression assez sévère.
00:11 Forcément, ça m'a mise en colère.
00:13 Et forcément, cette colère-là, quand j'étais dans les rédactions sportives,
00:16 je l'avais au fond de moi.
00:18 Donc clairement, ça a joué sur mon envie de travailler sur les violences faites aux femmes.
00:24 Et les violences faites aux femmes que je connaissais à l'époque,
00:27 c'était celles des rédactions sportives.
00:29 J'ai totalement ressenti le syndrome de la présentatrice stupide d'un plateau de télévision.
00:34 Quand je vais voir ce directeur de chaîne et qu'il me dit qu'il a suivi ma carrière pendant 10 ans,
00:39 et qu'en voyant mon documentaire, il s'est dit que finalement, j'étais pas si bête que ça,
00:43 ça représente exactement tout ce que j'essaie de dénoncer dans le livre,
00:46 c'est-à-dire qu'une présentatrice télé est forcément bête, jusqu'à preuve du contraire.
00:49 J'ai toujours eu envie d'être journaliste sportive.
00:51 Quand j'ai commencé, j'ai assez vite déchanté.
00:55 Je me suis rendue compte plusieurs fois qu'en fait, j'avais pas été embauchée pour ma compétence,
01:01 mais plutôt pour ce que je pouvais représenter à l'antenne.
01:05 La seule chose qu'ils ont besoin, c'est d'une femme.
01:10 Les journalistes sportives souffrent de syndrome de la schtroumpfette.
01:13 Et d'ailleurs, ça a posé problème dans la sororité, je trouve,
01:17 puisque le système nous a tellement fait croire, expliqué qu'on était unique,
01:23 et qu'on ne pouvait être qu'unique, qu'on s'accrochait chacune à notre place.
01:26 Un jour, on m'a même dit "la femme du plateau, on arrête, ça marche pas, ça fonctionne pas".
01:30 En fait, je ne suis personne d'autre que la femme du plateau.
01:33 Je pense que c'est inhérent aux rédactions de sport,
01:36 aux plateaux de télévision de sport, pour la simple et bonne raison
01:40 qu'au moment de féminiser l'antenne, ont été choisis des jeunes mannequins
01:45 pour présenter les journaux télévisés, qui faisaient leur travail très bien,
01:50 mais qui étaient des mannequins.
01:51 Donc quand il a fallu féminiser et un petit peu expertiser l'antenne,
01:55 ça a été compliqué de s'imposer et de montrer que oui, on avait notre place,
01:59 oui, on était légitime, à part les sports, autant que les hommes.
02:02 On a reçu des phrases difficiles à entendre, du genre "bah déjà tu es là parce que tu es une femme,
02:09 donc tu nous as piqué notre travail".
02:11 Et après, évidemment, toutes les allusions sexuelles du genre
02:14 "ah non mais si elle a réussi à avoir cette interview, c'est qu'elle l'a forcément sucée".
02:18 Les gens s'attachaient énormément à ce à quoi je ressemblais.
02:21 J'ai eu beaucoup de débriefs de mes tenues, de mon look,
02:24 et c'est devenu parfois plus important que ce que je disais.
02:28 J'ai porté des lunettes dans une émission de sport,
02:31 j'ai été en TT, c'est-à-dire en trending topics,
02:35 et les gens me parlaient uniquement de mes lunettes,
02:38 et les messages étaient uniquement à caractère sexuel.
02:41 Et ce qui est terrible dans cette histoire, c'est que les messages m'ont fait plaisir.
02:46 Je me suis dit "mais ça y est, enfin les gens me parlent,
02:49 enfin j'existe sur ce plateau, on se ressemble toutes,
02:52 on est toutes plus ou moins blondes, assez minces, blanches".
02:56 Il y a peu de femmes racisées dans les rédactions de sport,
02:59 et notamment à la télévision.
03:01 C'est une femme qui peut poser des questions,
03:04 puisque si elle pose des questions, ça veut dire que bon, elle ne sait pas vraiment, donc ça va,
03:08 qui n'a pas besoin de donner son expertise,
03:09 et qui est là pour habiller le plateau de télévision.
03:12 C'était le cas en tout cas quand j'y étais.
03:13 Moi j'ai participé au système, puisque déjà j'ai accepté ces codes.
03:16 Quand on m'a demandé d'être bien habillée, d'être bien maquillée, d'être bien coiffée,
03:19 j'ai dit "ben oui bien sûr, il n'y a pas de problème, je le serai".
03:21 Alors moi j'en ai parlé, j'en ai parlé et je n'ai pas été écoutée.
03:25 Quand le documentaire est sorti, il a provoqué une vague médiatique folle.
03:28 Finalement, tout le monde s'est caché derrière un seul exemple,
03:31 et le système a refusé de se remettre en question.
03:34 Donc je me suis dit "non, ce n'est pas ce que je voulais dire".
03:36 Le système doit se déconstruire en intégralité.
03:40 Une fois que le système sera déconstruit,
03:41 les individualités pourront se remettre en question.
03:43 J'ai beaucoup beaucoup d'hommes qui se manifestent en me disant
03:46 "bravo, vous avez raison,
03:48 finalement peut-être que je ne me rendais pas compte avant etc."
03:51 Alors pour l'instant, je n'ai pas de message d'homme qui en fait responsabilité.
03:55 Ceci dit, oui, c'est des hommes, oui oui si si quand même,
03:59 c'est des hommes qui sont dans le milieu et qui peuvent en tout cas changer la donne.
04:02 Je ne suis pas en combat contre les hommes.
04:04 Ce que j'essaie de montrer, c'est qu'il y a un système
04:07 qui participe à un certain malaise des femmes au travail,
04:11 et j'aimerais que ce système soit déconstruit.
04:12 Et donc ce sera les hommes et les femmes ensemble.
04:15 [SILENCE]

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