#Bolchegeek Caritatif : à quoi jouent les gamers ?

  • il y a 6 mois
Les événements caritatifs autour du jeu vidéo explosent : SpeeDons a levé 2 millions d'euros pour Médecin du Monde, après les records à 10 millions des ZEvents ! Comment les gamers ont-ils investi ce domaine et vont-ils devenir des "Enfoirés" comme les autres ? Une nouvelle émission de POPulaire pour l'Humanité, présentée par Bolchegeek.

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Transcript
00:00 Quand les gamers se mobilisent pour les grandes causes,
00:03 on ne compte plus les marathons caritatifs organisés par les fans de jeux vidéo.
00:06 Dernière en date, le Speed Don.
00:08 Vous êtes là pour Speed Don 3, le plus grand marathon speedrun d'Europe.
00:11 Une habitude pour les amateurs de jeux vidéo qui se mobilisent régulièrement.
00:14 La communauté du speedrun est assez habituée à faire du caritatif
00:18 parce que ça fait déjà plus de 10 ans que ça se fait aux Etats-Unis.
00:20 Et on va dire que historiquement, du coup,
00:22 dès qu'il y a une cause à défendre, les speedrunners répondent présents.
00:26 Le week-end dernier se tenait la 4ème édition du Speed Don,
00:29 un événement caritatif de speedrun diffusé en ligne et en direct
00:33 sur la chaîne Twitch de MisterMV au profit de l'ONG Médecins du Monde.
00:37 Comment ? Comment quoi ? J'ai rien compris.
00:40 Si vous n'avez rien compris à cette phrase, rassurez-vous, je suis là pour ça.
00:44 Et si vous voyez totalement de quoi je parle, restez aussi, on a des choses à se dire.
00:48 Ce genre d'événement caritatif sur Internet autour du jeu vidéo
00:51 a pris une ampleur assez folle en moins d'une décennie, tout particulièrement en France,
00:55 et c'est de ça qu'on va parler aujourd'hui.
00:57 3 milliards d'euros sur un événement sur Twitch, jamais j'y aurais cru.
01:01 On les a baisés les événements.
01:02 Speed On, c'est 75 heures d'émission en direct sur la plateforme en ligne Twitch,
01:16 plus précisément sur la chaîne de MisterMV.
01:19 Si vous êtes un lecteur de l'humain à l'ancienne qui a déjà fait l'effort
01:22 de suivre son journal préféré sur YouTube, que vous êtes tout perdu
01:26 et que vous vous dites qu'il est quand même vachement bien conservé Gagarin,
01:28 dites-vous que MisterMV, c'est un peu le Yves Montand de la génération Internet.
01:33 J'ai vendu ma mère contre un peu ton oseille, si tu es un enfant relâché, béta vieille.
01:41 Non, en gros, c'est un des plus célèbres streamers français,
01:44 c'est-à-dire quelqu'un qui anime des émissions en direct autour du jeu vidéo,
01:47 mais pas que, et que tout le monde aime MisterMV.
01:51 N'écoutez pas ceux qui vous diront le contraire,
01:52 ce sont des êtres humains d'obédience maléfique.
01:55 Nous sommes sur le Figaro Live, car moi aussi j'aime parler à mon électorat de droite.
02:00 Voilà, bienvenue évidemment, vous êtes les bienvenus.
02:03 C'est vrai que traditionnellement ici on est de gauche,
02:04 mais depuis que je gagne énormément d'argent grâce à la plateforme de Twitch,
02:07 je me suis abonné au Figaro.
02:09 Le but de Speedrun, c'est de lever des fonds pour Médecins du Monde,
02:12 association humanitaire qui apporte des soins là où ils manquent cruellement,
02:15 dans les zones sinistrées ou les conflits armés.
02:18 Tout ça en faisant du speedrun,
02:19 qui consiste à terminer des jeux vidéo en un temps record.
02:22 Speedrun, don, speedrun.
02:25 Et le speedrun constitue une véritable discipline
02:27 nécessitant des centaines d'heures d'entraînement
02:30 et une performance particulièrement spectaculaire.
02:32 Raison pour laquelle il draine un public enthousiaste
02:35 à la manière des disciplines sportives traditionnelles.
02:37 Public qui a explosé avec l'avènement des plateformes comme Twitch,
02:40 rendant la diffusion de ses propres contenus accessible à à peu près tout le monde.
02:44 Ce n'est qu'un des nombreux, très nombreux types de contenus qu'on peut y trouver.
02:48 D'ailleurs, on peut y trouver des gens qui réagissent à ces vidéos.
02:50 Voilà, coucou, on espère que ça vous plaît.
02:53 Alors juste, c'est bizarre parce que du coup, tu regardais derrière.
02:55 Ouais.
02:56 Et du coup, faut les regarder eux.
02:57 Enfin, je pense.
02:58 Ils sont là, ils sont là, monsieur.
03:01 Salut les jeunes !
03:03 On fait.
03:04 Ça va le Twitch ?
03:05 Mais historiquement, ces plateformes sont intimement liées au gaming,
03:08 à la pratique du jeu vidéo.
03:10 Et les gens vous regardent jouer.
03:12 Et comme il y a de la pub, vous gagnez de l'argent.
03:14 D'accord.
03:14 Je dois dire bravo.
03:15 J'ai une idée.
03:16 On en a vu des branleurs dans l'émission, mais celui-là, il est magnifique.
03:18 Ah là, ouais, là, je crois qu'on est au top.
03:21 22 personnalités d'Internet.
03:23 Transformées en pilotes.
03:25 40 000 spectateurs.
03:28 1 million de viewers.
03:32 Un grand gagnant.
03:35 Mais tout commence...
03:38 Ici.
03:40 Sur ce canapé.
03:41 Vu l'ampleur prise par ces nouveaux types de divertissement,
03:44 il n'est pas étonnant que le caritatif finisse par s'en emparer.
03:47 Ou que ces nouveaux médias s'emparent du caritatif selon comment on le voit.
03:50 Alors, évidemment, on n'est pas encore sur les 80 millions d'un téléthon,
03:54 mais Spidon a permis en 2023 de lever 1 250 000 euros,
03:59 chiffre encore dépassé cette année.
04:01 Sachant que c'est loin d'être le seul, ni même le plus gros.
04:03 Le fameux Z-Event réuni parmi les streamers et streameuses les plus populaires du pays
04:08 sous la houlette d'Adrien Nougaret, dit Zerator.
04:10 Vous imaginez bien que des stars du divertissement
04:13 qui se réunissent lors d'événements pour des levées caritatives,
04:16 ça fait immédiatement penser à d'autres trucs.
04:19 "On peut se battre et le chaleur dans les restos, les restos du carré."
04:25 Et vous savez combien ça rapporte les enfoirés ?
04:27 En comptant tout, la tournée, les CD, les DVD, la télé, le merch,
04:31 eh ben on est dans les 13-14 millions.
04:33 Si le premier Z-Event levait 500 000 euros en 2016,
04:36 il aura suffi de quelques années pour que...
04:39 "C'est parti ! 10 millions d'euros !"
04:45 Deux fois de suite.
04:46 "C'est parti !"
04:49 Non mais quand je vous dis que ça explose,
04:51 pour ce qui est des audiences, c'est un peu plus difficile de comparer.
04:54 C'est pas les mêmes métriques, c'est pas les mêmes temporalités
04:57 et des canaux autres qu'un primetime sur une grande chaîne de télé.
05:00 Mais dites-vous qu'on parle là aussi en millions
05:03 avec des pics à 500 000 simultanément pour un Z-Event.
05:06 En s'emparant de ces formes d'événements caritatifs,
05:09 les gamers en ont reproduit l'engouement, ainsi que certaines critiques.
05:13 Vous avez pas besoin de moi pour vous les exposer en long et en large.
05:17 Le fait de voir des personnes, souvent riches et célèbres,
05:19 se donner en spectacle pour demander à des gens qui le sont bien moins
05:23 de donner, donner, donner, bah ça a toujours créé des remous.
05:27 Ces manifestations générales qui mobilisent beaucoup de gens
05:30 et du show business et de la télévision et du cinéma,
05:33 un petit peu partout, ça vous plaît pas ça ?
05:35 Non, je trouve, je pèse mes mots, je trouve qu'il y a une obscénité
05:39 à montrer sa charité à tous les passants comme on montre son cul.
05:42 Non, moi ce que j'aimerais faire dans cette émission,
05:44 ça serait plutôt resituer tout ça.
05:46 Alors, je mets de côté le vieux problème de la philanthropie.
05:49 Un génie, playboy, philanthrope, milliardaire.
05:52 J'ai vu ce que vous faites. Le seul pour qui vous vous battez, c'est vous.
05:55 C'est-à-dire des riches qui utilisent directement de leur fortune
05:59 pour décider qui a le droit à quoi, en s'assurant une belle image,
06:02 voire une petite place dans l'au-delà pour les versions les plus vintage.
06:05 On ira tous au paradis, même moi.
06:11 Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau
06:14 de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu.
06:19 Oui, on cite Jésus maintenant, voilà.
06:21 Je vous en remets une plus laïque.
06:23 Voler en grand et restituer en petit, c'est la philanthropie.
06:27 Non, là c'est une problématique un peu différente.
06:30 Cette forme de caritatif grand spectacle
06:31 qui passe par l'événementiel et le divertissement autour de célébrités,
06:35 elle nous vient beaucoup, encore une fois, des années 80.
06:39 [Musique]
06:45 Alors, vous voyez le délire, ça a été maintes et maintes fois parodié jusqu'à aujourd'hui.
06:49 [Musique]
06:56 [Musique]
07:02 [Musique]
07:09 [Musique]
07:22 Et d'ailleurs, nos événements français de gaming,
07:24 ils viennent beaucoup d'événements anglo-saxons,
07:26 comme la GDQ pour le speedrun,
07:27 ou le ZDVN qui était à la base de la section française du projet Avengers.
07:31 Même si on notera quand même que la France,
07:33 c'est de très loin un des pays où ça marche autant.
07:36 Historiquement donc, ça se développe avec le fameux tournant des années 80
07:39 qui démantèle les structures collectives et les politiques sociales,
07:42 tout en imposant une mondialisation économique
07:44 dont une grande partie des classes laborieuses paient encore le prix aujourd'hui.
07:48 L'exemple symptomatique étant Enzo Cross America,
07:51 repris dans le film Us de Jordan Peele, d'ailleurs ça vient de là,
07:54 un machin ridicule et dégoulinant qui a totalement bidé
07:57 et était soutenu par Ronald Reagan, champion de la casse sociale.
08:01 Quand je dis "se développe avec", c'est à double sens.
08:03 C'est-à-dire que ça accompagne et permet ce tournant ultralibéral
08:07 en privatisant et dépolitisant quelque part la solidarité,
08:10 mais aussi dans le sens où ce tournant ultralibéral
08:12 rend nécessaire ce type de mobilisation.
08:14 Les gens devraient se mobiliser eux-mêmes, ce qui est un peu utopiste,
08:17 ou alors c'est le pouvoir public de le faire.
08:20 Moi je suis prêt à donner sur mes impôts ce qu'on voudra
08:23 pour que les gens ne crèvent pas de faim.
08:25 Oui mais là je pense que tout le monde criera à l'atteinte aux libertés.
08:27 Reprenons l'exemple des enfoirés.
08:28 Quand Coluche crée les Restos du Coeur en 1985,
08:31 il le fait à un moment où la rigueur fait des ravages dans les classes pop,
08:34 que la France fait le choix du chômage de masse
08:36 et où l'ouverture au grand marché mondial détruit sa classe ouvrière.
08:39 Les années fric pour certains, les années soupe populaire pour les autres.
08:42 À l'époque, la France connaît un chômage de masse.
08:45 Des familles entières se retrouvent sans ressources.
08:48 C'est ce qu'on appelle les "nouveaux pauvres".
08:50 Face à cette situation,
08:52 Coluche parcourt la France pour promouvoir son association.
08:55 Ça va les garçons ?
08:56 Un peu froid, mais c'est quoi ta télé ?
08:58 Les restos ne se montent pas pour faire mousser trois chanteurs de variétoches,
09:01 mais parce qu'il y en a besoin.
09:03 C'est censé être temporaire et permettre d'alerter
09:06 pour que des solutions politiques soient mises en place.
09:08 Bon, aujourd'hui, on a encore plus besoin du resto
09:12 et les restos ont encore plus besoin de nous.
09:14 Maintenant, je me rends compte que cette précarité, déjà, elle est grandissante.
09:20 Parce que même si tu touches 800 euros par mois,
09:22 à l'OEA Paris, le minimum c'est 500 euros.
09:25 Il te reste quoi pour manger ?
09:26 C'est ce regard-là qui a changé.
09:28 C'est là où on comprend à quel point c'est un piège particulièrement dramatique.
09:32 Parce que c'est un piège dans lequel on va tomber, même si on le sait.
09:35 Vraiment, c'est un trou, des pics au fond et même pas de camouflage dessus.
09:39 En attendant les solutions politiques, justement, on fait quoi ?
09:41 Alors ouais, on peut dire "très peu pour moi de cette charité facile
09:45 pour se donner bonne conscience",
09:46 mais une fois que t'as dit ça, les gens ça n'a pas rempli leur frigo
09:49 et les restos, ils ont quand même besoin de thunes.
09:51 Un jour où j'ai compris le piège que c'était ce truc-là,
09:55 je bossais en Ehpad.
09:56 C'était avant les scandales hors PA, etc.
09:58 Mais ça commençait déjà à se dégrader assez gravement.
10:02 On va prendre la pause.
10:02 Service de nuit, et je remarque en passant qu'il y a une chambre
10:05 dont on ne s'en est pas occupé.
10:08 En fait, les gens ne sont pas occupés de cette chambre,
10:09 le service d'avant ne s'en est pas occupé.
10:11 Et il y a une personne qui vit là-dedans.
10:12 C'est comme il y a une personne âgée, dépendante, qui est là-dedans
10:15 et on ne s'est pas occupé de sa chambre.
10:17 Ce n'est pas forcément la faute du service d'avant, c'est juste...
10:20 Il n'y a pas assez de personnel, il n'y a pas assez de moyens,
10:23 tout le monde est en semi-burnout, c'est un bordel de ouf,
10:25 et ça crée de la maltraitance, en plus de créer du mal-être au travail.
10:29 Donc moi, je me dis, je range ma clope,
10:31 et je dis "attends, je vais faire la chambre vite fait".
10:34 Et là, mes collègues me disent un truc.
10:35 Ils me disent "mais en fait, le problème, c'est que quand tu vas faire ça,
10:38 tu vas prendre sur ton temps pour aller faire ce travail-là,
10:42 c'est bien parce qu'il y a une personne là qui est maltraitée".
10:45 Mais sauf qu'après, c'est ce qu'utilise l'administration
10:47 et les politiques pour dire "ben oui, le travail est fait,
10:50 on n'a pas besoin de plus de personnel, on n'a pas besoin de remettre des moyens".
10:53 Et en fait, ils font ça tout le temps, et ils poussent les gens,
10:55 ils poussent les gens, ils poussent les gens,
10:56 et les gens, parce qu'ils sont juste humains,
10:58 ils prennent sur leur temps, et ils font des efforts personnels
11:01 pour tenir à bout de bras les services hospitaliers et s'occuper des gens.
11:05 Et en faisant ça, c'est vraiment... c'est vicieux de ouf,
11:09 et ben en fait, tu justifies les coupes de personnel,
11:13 et ça permet aux petits managers de merde
11:17 qui s'occupent des EHPAD maintenant, et qui s'occupent des services publics maintenant,
11:20 de justifier que "ben non, le service c'est bon, il tourne très bien,
11:23 on n'a pas besoin de plus de monde, on peut même à la limite
11:25 virer des livres, virer du personnel, etc. et tout,
11:27 puisque les gens vont toujours prendre sur eux".
11:29 En fait, mais jusqu'à quand ?
11:30 Jusqu'à quand tu peux faire ça ?
11:31 C'est vraiment un piège, c'est un cercle vicieux terrible.
11:35 Voilà.
11:35 Les gamers, en plus, on est des enfants de ces années 80.
11:38 On a grandi dans un monde qui s'y est habitué,
11:41 où c'est le fonctionnement normal, où ça fait partie du paysage.
11:44 Alors, on a investi naturellement cette forme dont on a hérité.
11:47 D'autant qu'il y a un enjeu qui va au-delà de telle ou telle cause à défendre.
11:50 Cet engouement, il vient aussi d'un besoin de légitimation
11:53 de la part de ces communautés, de ces sous-cultures et leurs nouveaux médias.
11:57 Une envie de montrer que nous aussi on peut le faire,
11:59 nous aussi on peut être utile à quelque chose.
12:01 C'est pas juste l'image des stars qui est en jeu,
12:04 c'est celle de toute une communauté.
12:05 Et ce qui veut pas dire que tout le monde s'en fout de la cause,
12:08 même si, bon, clairement, il y en a toujours qui s'en tapent,
12:10 mais il y a une vraie volonté de bien faire.
12:12 Juste, ça accompagne une volonté de montrer qu'on peut bien faire.
12:16 Il y a un besoin d'accomplir quelque chose, quelque chose à prouver.
12:19 Et pour ceux qui ont suivi l'événement sur Twitch,
12:20 je pense que vous avez ressenti la même chose que nous sur place,
12:23 à savoir de la fierté.
12:25 La fierté d'avoir commencé à nous suivre à une époque
12:27 où c'était pas stylé, les gars d'internet,
12:29 où on était sans arrêt pris de haut et on se moquait même des gens
12:32 qui regardaient d'autres gens jouer aux jeux vidéo.
12:34 En fait, je me sentais vraiment inutile et j'ai arrêté tout ça pour...
12:38 pour me dire je vais faire un métier où j'ai l'impression
12:40 que tout le monde s'avère à quelque chose un peu plus.
12:43 Et tout le monde m'avait dit "mais non, tu fais une erreur".
12:46 En fait, je ne me suis jamais sentie aussi utile de ma vie qu'aujourd'hui.
12:51 Et c'est grâce à vous, merci beaucoup.
12:53 Et qui va ensuite se trouver des causes à défendre.
12:56 D'ailleurs, le Z-Event, ils choisissent des orgas différents à chaque édition.
12:59 Et ce choix, c'est un autre enjeu comme on va le voir.
13:02 Donc ça, c'est un phénomène tout à fait normal pour les cultures émergentes.
13:05 Si en plus c'est utilisé, comme on dit, pour la bonne cause,
13:08 tant mieux, perso à tout prendre, je préfère ça au Gamergate.
13:11 Un autre aspect, c'est que structurellement, ces nouveaux médias sont taillés pour ça.
13:15 Déjà pour leur capacité de diffusion à moindre coût,
13:17 mais surtout parce que leurs modèles économiques mêmes
13:20 reposent déjà sur l'appel à l'action, le financement participatif,
13:23 la coordination et la mobilisation de communautés énormes.
13:26 Ce phénomène, il est donc impressionnant par sa relative nouveauté et son ampleur,
13:30 mais pas si étonnant que ça.
13:32 En faire une critique en soi, genre "ah là là,
13:35 c'est des stars qui font ça pour se donner une belle image".
13:38 Perso, je ne vous trouve pas ça hyper intéressant.
13:40 Le petit puceau qui vient casser les couilles tous les 3 ans sur le chat,
13:43 ou bien en disant à ses amis "t'es un filmiste, t'es un mv,
13:46 toujours à demander des subs, c'est bien beau de faire le petit justicier
13:49 de temps en temps, le petit gaucho sur les réseaux,
13:51 et lui, il est bien en train de demander des subs
13:53 et de sucer la bite à tout le monde pour avoir de l'argent".
13:56 Bah non !
13:57 C'est faux, parce qu'on ne demande plus de subs depuis 3 ans.
14:01 C'est quand même un peu de la posture que je laisserais bien au réact cynique,
14:05 en mode "tu te dis écolo, mais tu as un ordinateur".
14:07 Et au gauchiste inspecteur des travaux fini.
14:10 Gauchiste au sens léministe, ça veut juste dire
14:12 "des fois vous me fatiguez, alors que pourtant je suis communiste".
14:14 J'ai recherché sur Google "est-ce bien d'être communiste ?"
14:17 et apparemment c'est une dinguerie d'être communiste.
14:19 Bah oui.
14:20 En gros, tout le monde a les mêmes richesses,
14:24 et plus personne ne travaille.
14:26 Les armements, il y a un pot commun ?
14:27 Quoi ?
14:27 Ouais, il y a un pot commun.
14:29 Mais si on est dans les schtroumpfs !
14:31 Non, vous n'avez pas besoin de moi pour ça,
14:33 alors si je peux proposer un autre angle,
14:35 c'est de voir ce phénomène non pas comme un enjeu en soi,
14:37 mais un terrain où s'expriment des enjeux.
14:40 Je m'explique.
14:41 On a tous bien conscience que faire des levées de fonds caritatives
14:44 quand on s'est barré à Dubaï pour échapper à la contribution collective,
14:47 ce n'est pas exactement la même chose que quand on défend par ailleurs
14:50 des causes plus politiques.
14:51 De même qu'en appeler à la générosité d'une main
14:54 tout en favorisant de l'autre les politiques
14:56 que cette générosité vient compenser en premier lieu,
14:58 ça c'est un truc d'enfoiré.
14:59 Pas la troupe.
15:01 Quoique...
15:02 The event, bonsoir.
15:04 Les engagements humanitaires qui accompagnent des engagements politiques,
15:08 qui servent à sensibiliser sur les problèmes à résoudre à la racine,
15:11 c'est déjà beaucoup plus utile.
15:13 Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes,
15:16 comme disait l'autre,
15:17 et il a bien raison Dieu pour le coup.
15:19 Oui, je sais pas, on est très très opium du peuple aujourd'hui,
15:22 je sais pas quoi vous dire.
15:23 En parlant de causes, on voit bien que le choix de ces dernières
15:25 est lui-même un enjeu.
15:26 Alors que vous pourriez se dire que, bon, voilà,
15:29 c'est de l'humanitaire, ça va à tout le monde.
15:31 Et bien, manifestement non.
15:32 Au point que le dernier Z-Event, dont le choix initial avait été critiqué,
15:36 a laissé les gens choisir parmi plusieurs orgas
15:38 liés au thème écologique de l'année.
15:39 Si la faim ou la maladie, en général, ça fâche pas trop de monde,
15:43 c'est pas la même tisane quand le Z-Event invite Amnesty International,
15:47 devenant la cible de la campagne hebdomadaire
15:49 de cyberharcèlement de l'extrême droite,
15:51 tous à répéter en chœur les mêmes délires prémâchés
15:53 de leurs habituels ventriloques.
15:55 Donc c'est terrible à dire, mais ouais,
15:57 même le caritatif, c'est jamais neutre.
15:59 Mais évidemment que les questions migratoires,
16:02 la liberté d'expression, le droit à l'éducation, le droit à la santé,
16:07 tout ça c'est hautement politique au sens noble du terme.
16:10 Et donc évidemment, en ce cas-là, tout est politique.
16:13 Mais nous, nous avons un mouvement apolitique au sens qu'on est non-partisan.
16:17 D'ailleurs, je parle de la lutte contre la faim ou la maladie
16:20 comme des trucs consensuels,
16:21 mais le fait que des gens n'arrivent pas à se nourrir
16:23 ou à se soigner correctement, c'est une défaillance politique.
16:27 Spidon avec Médecins du Monde, c'est sûr,
16:29 ils n'ont pas pris un truc aussi clivant que Gaza par exemple.
16:32 Pourtant, Médecins du Monde, en parallèle,
16:34 ils vont devoir taffer à Gaza et se faire bombarder par Israël.
16:38 Et peut-être que ce Spidon pourrait,
16:40 on pourrait le faire aussi en hommage à lui.
16:43 Maïs Sarra, un de nos collègues médecins urgentistes,
16:45 est mort sous les bombes il y a trois mois
16:48 en essayant de soigner les gens.
16:49 Ses frères sont aussi décédés.
16:51 Enfin, chaque jour, c'est un miracle.
16:53 On essaye de faire de l'humanitaire,
16:54 mais c'est impossible dans ces conditions-là.
16:56 On réclame à cesser le feu.
16:58 Alors, si vous soutenez les crimes des secondes
17:00 tout en donnant quelques billets aux premiers,
17:02 effectivement, il va peut-être falloir trouver le courage
17:04 de revoir votre copie.
17:05 Là, on a pris les exemples les plus mainstreams,
17:07 mais ce nouvel écosystème se décline aussi
17:09 en cause moins mise en lumière,
17:11 avec toujours cette tension entre la nécessité
17:13 de toucher un public le plus large possible
17:15 et d'investir des sujets pas toujours consensuels.
17:17 Il y a certes les grands messes les plus connus,
17:19 mais les gamers et streamers,
17:21 y compris celles et ceux qui participent à ces dernières,
17:23 investissent parfois, par ailleurs, d'autres combats.
17:26 On a ainsi pu voir des événements pour la cause animale,
17:28 en soutien à des assauts de lutte contre les VSS.
17:31 Furax, quand même, l'année dernière,
17:33 les meufs sont chauffées.
17:35 Elles ont monté, à partir de rien,
17:37 un événement avec des sponsors à aller chercher.
17:40 C'est une galère, parce qu'elles ne font pas aussi confiance
17:42 que forcément aux gros événements, etc.
17:45 Puis le sujet, c'était violence et harcèlement sexiste et sexuel.
17:49 Elles ont réussi à monter le truc.
17:50 Première édition, en 36 heures, elles ont levé 60 000 euros.
17:54 Et du coup, elles remettent ça cette année.
17:56 Donc voilà, il faut suivre.
17:57 C'est une assaut maintenant,
17:58 donc vous pouvez adhérer pour les aider,
18:00 pour que ce soit un petit peu moins galère.
18:02 Et rappelez-vous, on a quand même eu des recons du stream
18:04 en soutien aux mouvements contre la réforme des retraites.
18:07 Et à l'international, on a eu des figures du web
18:09 qui levaient des fonds pour la Palestine, justement.
18:11 Et quand je dis des figures,
18:12 Hassan Paikker, ce n'est pas un obscur activiste
18:15 sur une chaîne à trois viewers.
18:16 C'est une des plus grosses stars de Twitch.
18:18 Ces événements eux-mêmes sont aussi le théâtre d'enjeux internes.
18:21 Qui est invité ? Quelle représentation ?
18:24 Quelles paroles sont portées ?
18:25 Quelles attitudes y seront tolérées ou non ?
18:27 Tout en conciliant, là aussi,
18:29 l'exigence d'une participation la plus large possible.
18:32 Mais c'est aussi pour ça qu'on a choisi Amnesty.
18:33 C'est parce que, en fait, l'air de rien,
18:35 c'est aussi quelque chose qui nous touche.
18:36 Et je sais qu'il y a des campagnes anti-harcèlement chez Amnesty.
18:38 Donc pour nous, c'était quelque chose qui fait beaucoup écho
18:39 à notre milieu au quotidien.
18:41 Mais ce que je trouve intéressant,
18:42 c'est que même des personnes qui ont été elles-mêmes harceleuses,
18:45 le jour où elles en sont la cible,
18:47 peuvent enfin comprendre ce que ça peut faire.
18:50 On a des exemples même ici.
18:52 Bien sûr, oui, j'en suis sûre.
18:53 Comment vont être gérées des problématiques
18:55 comme le cyberharcèlement ou les attitudes sexistes ?
18:58 Ce qui va souvent de pair.
18:59 S'il y a des gens qui viennent te voir et tout,
19:01 les gars, arrêtez.
19:03 Voilà, elles disent ce qu'elles pensaient et tout.
19:05 Faut pas porter la haine.
19:07 Et je m'excuse.
19:08 Et venez, on arrête de parler de ça.
19:10 Et on profite de la fin de ce Z-Event.
19:12 Est-ce que ces formes d'engagement
19:14 peuvent vraiment porter de véritables changements ?
19:16 Ou est-ce qu'elles seront vouées à devenir comme les autres ?
19:18 À s'institutionnaliser et au contraire,
19:21 acter que c'est comme ça, on change rien,
19:23 un petit concert une fois l'an et on touche à rien.
19:26 En vrai, pour l'instant, ça reste ouvert.
19:27 Alors évidemment, c'est pas la fête de l'humain,
19:29 mais par exemple, quand au Z-Event,
19:31 le gros truc, il se passe ça.
19:33 Merci et bravo, je compte sur vous ce soir, comme d'habitude.
19:36 Bah oui, tu comptes sur nous, connard !
19:38 Bah oui, parce que tu prends le rien !
19:40 Merde !
19:41 Oh, si seulement t'avais les moyens de faire quelque chose !
19:44 Oh non, je m'en bats les couilles !
19:45 Oh, c'est fou !
19:46 Oh, l'escroc !
19:47 Alors oui, c'est quelques personnes qui font ça en leur nom propre,
19:50 mais elles sont pas bannies ni rien.
19:51 Ouais, c'était très bien le Z-Event, on a fait 10 180 000 €,
19:54 mais à cause de Florence qui a insulté Macron, tout est gâché, quoi.
19:57 Oui, je suis d'accord.
19:59 Oh, les filles !
20:01 Non mais, t'imagines quand même, au concert des enfoirés,
20:03 t'imagines, t'as Laurie qui arrive, qui prend le micro.
20:05 "Va, Macron, nique ta mère !"
20:07 Non, ça serait impensable.
20:08 C'est pas simple de tenir les deux bouts,
20:10 être exigeant envers ce phénomène,
20:12 tout en saluant ce qui va dans le bon sens,
20:14 que l'enthousiasme empêche pas de pointer les contradictions,
20:17 tout en ne jetant pas le bébé avec l'eau du bain.
20:19 Et je suis sûr que certains organisateurs et participants eux-mêmes
20:23 sont bien placés pour savoir comment c'est complexe.
20:25 Je pense que tous les donateurs avaient conscience
20:27 que c'est pas en faisant des dons qu'on va sauver le problème.
20:29 Maintenant, il y a besoin d'un sursaut.
20:31 Les jeunes ont montré qu'ils étaient prêts à le faire,
20:32 qu'ils étaient prêts à se mobiliser.
20:33 C'est un peu chiant de se dire qu'on demande aux gens,
20:36 et souvent les moins aisés sont les plus généreux,
20:40 c'est qu'on demande de sortir de la thune.
20:43 C'est les moins riches qui sont les plus généreux.
20:45 Par exemple, quand plein de gros influenceurs
20:48 prennent la parole contre la réforme des retraites suite au 49-3,
20:51 on peut se dire que ça aurait été pas mal de ne pas attendre
20:53 que l'opinion publique change pour se positionner comme ça.
20:56 Et en même temps, il faut les inciter à le faire toujours plus,
20:58 c'est vachement bien, continuez !
20:59 C'est pas simple, mais les contradictions, ça se travaille,
21:02 et les terrains, ça s'investit.
21:04 Alors, je sais pas si la révolution sera streamée,
21:06 mais en attendant, il y a des choses qui se font,
21:09 et il faut qu'on trouve collectivement les moyens
21:10 de les pousser dans le bon sens.
21:12 Je trouve que le fait que les gens n'aient pas à manger,
21:15 c'est un vrai vrai problème politique,
21:16 et d'essayer de le détourner en disant pour 200 balles ou 100 balles,
21:21 ça te permet d'être peinard après, et de... puis y penser.
21:25 Je suis contre ce rôle limité des restos du cœur
21:27 qui donne simplement un alibi et bonne conscience.
21:29 Ça ne donne pas un alibi et une bonne conscience,
21:31 ça donne à bouffer à des gens qui n'en ont pas, c'est tout.
21:33 Un État peut pas résoudre tous les problèmes.
21:35 Donc si vous l'achetez, ça ira au resto du cœur,
21:37 ça fera bouffer des gens.
21:38 Peut-être, comme dit Romain Goupier,
21:40 ça participera à l'inégalité des systèmes,
21:42 mais en tout cas, des gens vont bouffer.
21:43 Je pense que la meilleure chose qu'on puisse souhaiter,
21:46 c'est que les restaurants du cœur ne vivent pas longtemps.
21:48 - Ça arrête le plus vite possible. - Voilà.
21:49 Ça voudra dire qu'on en aura plus besoin.
21:51 Sous-titrage Société Radio-Canada
21:53 [SOUS-TITRAGE PAR SOUS-TITRAGE]

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