• il y a 7 mois
Depuis le début des années 1990, la Belgique a mis en place un "cordon sanitaire médiatique" dans lequel l'audiovisuel francophone s'engage à ne pas donner la parole à des partis qui défendent des thèses racistes ou discriminantes. Comment fonctionne ce cordon ? Explications de notre journaliste Louis Morice, et l'analyse du politologue Pascal Delwit.

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Transcription
00:00 Il y a à peu près 40% des résidents algériens sur le sol français
00:04 qui sont sans activité ni emploi.
00:06 Je crois que l'islam n'est pas compatible avec la République,
00:08 Marine Le Pen ne le croit pas.
00:09 Ces séquences familières,
00:11 vous n'auriez pas pu les voir sur les chaînes de télé belge.
00:14 Nos voisins du Nord appliquent ce qu'ils appellent un cordon sanitaire.
00:19 Il s'agit d'un engagement des médias à ne pas donner la parole en direct
00:23 à des partis qui défendent des thèses racistes ou discriminantes
00:26 sur des questions de genre ou de culture.
00:28 L'idée mûrissait depuis la fin des années 80.
00:31 Mais le dispositif s'est concrétisé en novembre 91,
00:35 à l'issue du Dimanche Noir,
00:37 lorsque le parti d'extrême droite Vlaams Blok,
00:39 l'ancêtre de l'actuel Vlaams Belang,
00:42 a réalisé une forte progression électorale au législatif
00:46 avec un programme jugé liberticide par de nombreux démocrates.
00:50 Soyez prudents et soyez courants quand il s'agit des droits humains.
00:56 Le cordon sanitaire n'est pas seulement médiatique.
00:59 En politique, aucun parti démocrate n'accepte de nouer de coalition
01:03 avec le Vlaams Belang et les politiques refusent de débattre
01:07 à la télévision ou à la radio avec un parti xénophobe.
01:10 Pour les médias, le cordon n'est effectif que du côté francophone.
01:14 Chaines et Stations s'engage à ne pas donner la parole en direct
01:18 à ce type de parti.
01:19 La diffusion en différé est bien sûr acceptée.
01:22 Elle permet le temps de la réflexion, de l'analyse,
01:25 de la contradiction avec un contrôle sur les propos tenus.
01:29 Le principe du cordon ne s'applique pas à l'extrême gauche.
01:32 Il ne s'agit pas d'une question d'extrême,
01:35 mais d'un problème de propos racistes ou discriminants,
01:38 sanctionnés comme des délits.
01:39 Mais en avril 2022, Georges Louis Boucher,
01:42 le président du MR, le mouvement réformateur,
01:45 est accusé de fissurer l'édifice.
01:48 Il a débattu sur la télévision publique flamande
01:51 avec le président du Vlaams Belang.
01:53 Réponse de l'intéressé.
01:54 Il y a un cordon sanitaire médiatique du côté francophone
01:56 que je respecte.
01:57 Ce cordon sanitaire médiatique n'existe pas en Flandre.
02:00 Malgré cet accroc, le cordon sanitaire tient toujours.
02:03 Comment expliquer cette exception belge ?
02:06 C'est une exception belge francophone, bien sûr.
02:08 Le point est que nous n'avons pas une extrême droite saillante.
02:12 On n'a pas l'équivalent de ce qu'on peut observer en France.
02:15 En partie, des droits traditionnels d'extrême droite
02:18 qui s'installent et qui atteignent des scores notables,
02:22 le cordon sanitaire a une certaine importance
02:26 dans cette incapacité.
02:28 Néanmoins, en parallèle, il faut observer
02:32 qu'il y a aussi des éléments que je qualifie de structurels
02:35 qui permettent de difficilement concevoir
02:39 l'installation d'un parti fort d'extrême droite
02:41 dans le paysage francophone.
02:43 Entre autres, parce qu'il manque un ingrédient crucial
02:47 qui est un sentiment national fort.
02:49 Aux yeux du politologue,
02:50 malgré l'émergence des réseaux sociaux,
02:53 le cordon sanitaire fait encore preuve d'efficacité.
02:56 L'audiovisuel joue quand même un rôle encore important.
02:59 On a pu l'observer au dernier critère national de 2019.
03:02 Le principal parti de droite radicale de l'époque,
03:05 c'était le Parti populaire.
03:06 Il avait une très grosse présence sur le réseau U2,
03:10 mais la relation directe à la campagne électorale
03:13 était plutôt minimale.
03:15 Et d'une certaine manière, son absence de visibilité
03:18 dans les debates directs des présidents
03:21 sur les médias audiovisuels
03:24 ne lui a pas permis de passer un certain plafond électoral.
03:27 En particulier, 5% se voulaient avoir un élu
03:30 dans la circonscription.
03:31 Et donc, le parti n'a pas réussi ses élections
03:34 et a d'ailleurs décidé de se dissoudre.
03:37 Pourtant, selon lui, l'expérience de la Belgique francophone
03:40 n'est pas vraiment transposable en France.
03:42 La grande difficulté, c'est de l'appliquer rétrospectivement.
03:45 Je pense que c'est une décision qui se prend
03:48 avant qu'un certain plafond de verre ait été franchi.
03:51 Passer à un certain stade,
03:52 je pense que ça devient inapplicable et même inaudible
03:56 par une partie de la société,
03:57 en ce compris d'ailleurs des citoyennes et des citoyens
04:01 qui sont très éloignés de ces positions.
04:03 [Musique]

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