Voilà plus de treize ans que l’assassinat de la mère et des quatre enfants de la famille Dupont de Ligonnès est un mystère irrésolu. Où est Xavier Dupont de Ligonnès, principal suspect de ce crime ? Romain Puértolas, écrivain et ancien policier, est lancé à sa recherche. Rencontre.
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00:00 Ah oui d'accord, c'est vraiment une audition de police là.
00:03 Je vais tout vous dire sur l'affaire Xavier Dupont-Ligonnès.
00:05 Ça commence en avril 2011, je suis tout de suite attiré par ce fait divers.
00:20 Et je suis à l'époque jeune policier dans un service,
00:23 Locriest, qui démantèle les réseaux d'immigration illégal.
00:26 Je suis très attiré par Nantes, qui pour moi a été une ville jusque là,
00:29 la ville de Jules Verne.
00:30 Et ce fait divers m'attire tout particulièrement parce que, en fait,
00:33 je pense à cet homme qui a dû partir, qui a forcément dû franchir une frontière,
00:37 c'est la meilleure chose à faire.
00:39 Et j'ai une grande connaissance dans le passage illégal de frontières.
00:42 Donc je suis persuadé que je peux le retrouver et je me mets tout de suite dans une enquête.
00:47 Ça devient tellement malsain, sordide, ça prend tellement de place dans ma vie
00:51 que je laisse tomber.
00:52 En 2019, en sortant dans mon jardin, je vois une personne qui ressemble beaucoup
00:56 à Xavier Dupont-Ligonnès en peignoir blanc.
00:58 J'enquête tout de suite, je vois que ce n'est pas lui, mais ça me donne une idée.
01:01 Qu'est-ce qui se passerait si un jour je me réveillais et je voyais Ligonnès
01:04 à côté de chez moi ?
01:05 On a donc une partie fictive qui est celle où, un beau matin, dans la riège,
01:12 dans une maison que j'ai retapée, je suis isolé complètement.
01:17 J'ai fui la littérature après le succès de mon livre "L'extraordinaire voyage du Fakir",
01:23 qui était resté coincé dans une armoire Ikea.
01:25 Et puis, je tombe sur un voisin qui est Ligonnès.
01:29 Enfin, que je pense être Ligonnès.
01:31 Et puis, vous alternez avec ma véritable enquête, dans laquelle je révèle
01:36 de nouveaux éléments, dans laquelle je révèle ce que Ligonnès est allé faire
01:40 dans la forêt, juste après qu'on l'ait perdu de vue avec cette caméra de surveillance
01:43 dans le parking du Formule 1.
01:44 Et donc, j'alterne ce récit de ma véritable enquête, de mes fausses pistes,
01:48 de ma frustration, et je comble les trous puisqu'on a eu des apparitions
01:53 qui semblent très plausibles, avec ma casquette d'écrivain, de romancier.
01:57 J'imagine ce qu'il a pu faire.
01:59 Je me mets à la place de Xavier Dupont de Ligonnès.
02:01 Vous êtes dans sa tête et vous êtes avec lui, dans cette fuite.
02:05 Il y a des choses qui m'ont intrigué, qui m'ont laissé perplexe.
02:10 Par exemple, l'audition comme simple témoin de Michel Rétif,
02:14 qui était vraiment le meilleur ami de Xavier Dupont de Ligonnès.
02:17 Ça commence le 6 avril, puisque toute la journée, Ligonnès a son téléphone
02:21 qui est désactivé. Il ne l'active que vers 21h45.
02:25 Et là, il va y avoir une conversation avec son meilleur ami de 25 minutes.
02:30 Et puis, il va désactiver à nouveau le téléphone.
02:33 Comment Michel Rétif était au courant de cette fenêtre, en fait,
02:36 de temps dans lequel Ligonnès a laissé son portable allumé ?
02:39 Qu'est-ce qu'ils se sont dit ?
02:40 Quelques jours après, du 13 au 15, vous avez leur bornage de téléphone
02:45 qui se chevauche en permanence pendant trois jours.
02:49 Ils arrivent au même moment, ils repartent à une ou deux heures près.
02:53 C'est beaucoup plus qu'une simple coïncidence.
02:55 Or, Michel Rétif n'est entendu que comme simple témoin.
02:58 On va le laisser filer. Il va dire qu'il n'est au courant de rien, évidemment.
03:01 On n'a rien fait, en fait, pour qu'il dise ce qu'il savait.
03:03 Maintenant, il est décédé, donc on ne peut plus continuer sur cette piste-là.
03:06 Cette thèse du suicide qu'on a développée ne tient pas,
03:12 mais qui ne tient vraiment pas depuis le début.
03:14 C'est impossible qu'il ait fait tout ça pour ensuite aller se suicider.
03:17 Ça ne tient pas. Ce n'est vraiment pas un comportement suicidaire.
03:19 On a des preuves de tout ce qu'il a fait à Nantes pour cacher les corps.
03:22 Quel aurait été l'intérêt ? On ne va pas aller plus loin sur le fait
03:24 qu'il a enlevé la boîte aux lertres pour que le courrier ne s'empile pas,
03:27 que ça ne tire pas l'attention des voisins et tout ça.
03:29 Non. Pourquoi enterrer les corps, leur mettre de la chauve-vivre
03:33 pour retarder la putréfaction, les odeurs, tout ça,
03:35 les mettre sous une chape de béton, si vous allez vous suicider, vous, après ?
03:39 C'est quoi l'histoire en général ?
03:40 Les gens qui font ça tuent leur famille et se suicident automatiquement,
03:42 ou se rendent à la police.
03:45 Je continue à le chercher. Et puis en plus, là, avec le succès du livre,
03:49 il y a énormément de personnes qui me contactent directement sur les réseaux sociaux
03:52 et qui m'apportent des pistes.
03:54 Alors évidemment, il y a 99 % de ce que l'on donne n'est pas utilisable.
03:58 Beaucoup de personnes disent l'avoir vu, prennent des photos, m'envoient les photos.
04:02 Rien que le premier coup d'œil, on voit que ce n'est pas à Ligonnès.
04:05 Mais j'ai des témoignages de personnes qui l'ont connu à Miami, par exemple,
04:08 ou une personne qui l'a vu juste après qu'il y ait retiré l'argent au distributeur.
04:12 Vous savez, cette fameuse image qui a circuit dans tous les médias.
04:14 Donc maintenant, je sais ce qu'il est allé faire juste après avec ces 30 euros.
04:18 Ça, c'est des témoignages qui sont vraiment plausibles.
04:20 J'appelle ces personnes-là, j'enquête de ce côté-là.
04:23 Donc ça, ça rouvre d'une certaine manière l'affaire,
04:25 qui va me permettre d'avoir de nouvelles pistes.
04:27 L'affaire est toujours en cours.
04:29 Et moi, finalement, j'enquête toujours.
04:31 Je vais essayer de ne pas m'obséder comme je l'étais par le passé.
04:33 On va faire ça d'une manière plus mesurée.
04:35 En tout cas, je continue, bien entendu, puisqu'on n'a pas encore retrouvé.
04:39 Je compte tout faire pour ce qu'on le fasse.