• l’année dernière
Céline a été violée le soir de son anniversaire, scène qui a été filmée par ses agresseurs. À la suite de ce drame, elle a subi du harcèlement et de l’intimidation de la part de ces derniers. Elle nous raconte aujourd’hui les faits, ainsi que les conséquences psychologiques que ce traumatisme a eu sur elle
Transcription
00:00 Pour la première fois, j'ai pu associer le mot "viol" à ce que je venais de vivre
00:04 et j'ai eu l'impression que tout s'effondrait en fait.
00:08 Au mois de 25 ans, j'ai fêté mon anniversaire dans un hôtel.
00:11 J'ai passé une bonne soirée, j'ai bu des verres avec mes amis.
00:14 Et en quittant cette soirée, c'est à ce moment-là que je suis tombée sur deux personnes.
00:18 Je me suis retrouvée téléportée dans une chambre d'hôtel
00:22 et j'ai vécu des violences sexuelles et des vidéos qui ont tourné par la suite.
00:27 Je ne comprenais pas trop ce que je faisais là.
00:29 À plusieurs reprises, j'ai voulu partir.
00:31 Ce qu'il faut savoir, c'est que dans les personnes concernées,
00:33 il y avait une personne que je connaissais, en qui j'avais confiance.
00:36 Et cette personne-là m'a dit "Allez, reste, viens, on est des adultes, viens, on va faire la fête".
00:42 Donc, il y a eu un peu une pression pour que je reste,
00:45 étant donné que je n'étais pas maître de moi,
00:47 vu la quantité d'alcool que j'avais consommé ce soir-là.
00:51 J'ai cédé et je suis restée.
00:54 Et puis...
00:57 Concernant les vidéos, je n'étais pas du tout en état de conscience qu'on me filmait.
01:03 J'ai seulement appris ça bien après les faits.
01:06 Quand les faits se sont terminés,
01:08 j'ai été invitée indélicatement à quitter la chambre d'hôtel.
01:13 En sortant de la chambre d'hôtel, je ne savais pas où j'étais.
01:15 Je ne reconnaissais pas les couloirs, vu que j'ai eu l'impression d'être téléportée.
01:19 Donc, j'ai un peu zigzagué dans les couloirs pour essayer de sortir de ce lieu.
01:24 J'avais perdu ma veste.
01:25 On était en plein hiver, il faut savoir qu'en février, il y avait de la neige, il faisait froid.
01:29 Et je ne sais pas comment j'ai fait pour rentrer jusque chez moi.
01:32 Je me suis réveillée chez moi.
01:34 En quittant l'hôtel, évidemment que je n'étais pas consciente de ce qui venait de se passer,
01:38 vu que je n'étais pas dans un état de réflexion normale.
01:42 En me réveillant le matin, j'avais mal partout.
01:46 Je me sentais sale.
01:47 J'ai appelé une copine parce qu'en fait, je fêtais encore mon anniversaire le lendemain.
01:52 J'ai essayé tant bien que mal de lui expliquer ma nuit où j'avais disparu.
01:56 Je devais rentrer avec mes amis.
01:58 Les premiers mots qu'elle m'a dit, d'abord, c'est "Mais enfin, Céline, ils vont profiter de toi."
02:04 Puis ensuite, elle me dit "Mais bon, en même temps, tu ne te respectes pas."
02:11 De moi-même, je me sentais déjà coupable, puisque j'avais consommé de l'alcool.
02:17 Et puis, j'étais dans une situation où je connaissais une des personnes en lien avec cette nuit-là.
02:23 Et c'était une personne qui me plaisait, avec qui j'avais déjà eu du flirt, pas plus.
02:28 Donc, je pensais sincèrement que c'était de ma faute.
02:32 Maintenant, évidemment, les paroles de cette copine n'ont fait que renforcer la culpabilité et la banalisation des faits.
02:42 Une semaine après les faits, je me suis rendue dans un bar avec une copine.
02:46 Et dans ce bar, les personnes présentes cette nuit-là étaient là.
02:51 Directement, j'ai senti tous les regards se porter sur moi.
02:55 Une personne est venue m'insulter dans mon oreille.
02:58 Je ne savais pas qui c'était. On était dans une foule. C'était un petit bar très bondé.
03:03 Puis finalement, j'ai appris que des vidéos de cette nuit-là avaient été faites et tournées entre les membres du personnel et leurs proches.
03:13 Ça en est suivi rapidement des intimidations pour ne pas que je parle de cette nuit-là.
03:20 Alors moi, ce qui est assez étrange, c'est que du coup, je me considérais victime de vidéo, mais pas victime de viol.
03:29 Puisqu'encore une fois, les faits avaient été banalisés, dédramatisés par les personnes concernées.
03:36 De plus, c'était des personnes qui étaient en couple.
03:39 Donc, "N'en parle pas, ça va briser notre couple."
03:42 Pendant un an, j'ai gardé le silence. J'en ai rediscuté avec une copine.
03:46 Et elle m'a dit "Mais tu te rends compte de ce que tu viens de me dire là ? Céline, c'est un viol."
03:53 Pour la première fois, j'ai pu associer le mot "viol" à ce que je venais de vivre.
03:58 Et j'ai eu l'impression que tout s'effondrait en fait.
04:01 À partir du moment où j'ai pris conscience des violences que j'ai vécues, ça a été un réel chamboulement dans ma vie.
04:08 J'ai commencé à faire des crises d'angoisse à répétition, à avoir des troubles du sommeil, à faire des terreurs nocturnes aussi.
04:16 J'ai également eu l'apparition de douleurs partout dans le corps.
04:22 Je me suis mis en couple six mois après les faits avec mon compagnon actuel.
04:27 Quand je suis sortie du déni, mon rapport à la sexualité a été très compliqué.
04:34 Il y a eu beaucoup de conséquences dans mon couple. J'étais très agressive.
04:39 Ça a impacté énormément également ma vie professionnelle.
04:44 Petit à petit, je suis tombée dans la dépression.
04:48 À un moment donné, j'ai perdu mon travail. Puis j'ai pris du poids. J'ai pris 30 kilos.
04:53 Et c'est dur, avec six ans, de se dire "Voilà, tu n'es plus capable de travailler,
04:59 tu n'es plus capable de te lever le matin, tu n'es plus capable de te faire à manger."
05:04 L'idée de porter plate m'est venue rapidement, mais elle a pris du temps à se construire.
05:12 J'ai dû être accompagnée parce qu'il y avait énormément de peur.
05:16 Ça a pris trois heures et je suis sortie de là avec un poids au moins sur les épaules.
05:22 Il y a eu une enquête qui a duré un an. Et là, je vois une belle lettre, une lettre du ministère public.
05:30 Je l'ouvre, je tremblais, j'étais vraiment anxieuse.
05:34 Je vois cinq phrases à tout casser.
05:38 "Oui, voilà, madame Céline, votre plate est classée sans suite."
05:44 Alors dans l'objet de la plate, puisqu'il y a toujours un objet au début d'une lettre,
05:48 c'était "les faits ou accidents", 13 février 2018.
05:53 Ça paraît peut-être anodin pour certaines personnes,
05:56 mais moi j'ai porté plate pour viol et voyeurisme, pas pour des faits ou accidents.
06:01 Donc, double choc, le cassement sans suite,
06:04 puis l'impression qu'une fois de plus que les faits sont minimisés.
06:09 Et je me suis en fait sentie dans une détresse comme je n'avais jamais ressentie auparavant.
06:15 Et fin de journée, j'en avais marre de me sentir aussi mal.
06:19 Et j'ai terminé mes médicaments.
06:21 Donc j'avais des oxylytiques et j'ai terminé mes médicaments
06:25 parce que j'en avais marre de me sentir aussi mal.
06:28 Et je me dis pourquoi, en fait, pourquoi continuer si même finalement on ne me reconnaît pas ?
06:37 Et moi, je me disais "mais qu'est-ce que je dois faire pour qu'on me croie ?
06:40 Peut-être que si je suis plus de ce monde, on me croira."
06:43 Et je restais une semaine, une semaine et demie quand même dans ma chambre.
06:47 Apparemment, en peu de temps, j'avais perdu 4-5 kilos.
06:51 Il fallait que je fasse quelque chose.
06:53 Et puis un jour, j'ai contacté une plateforme qui s'appelle Balance Ton Bar.
06:58 Et j'ai dénoncé en fait.
07:00 Je n'ai plus rien à perdre.
07:02 On ne me croit pas. On ne m'entend pas.
07:04 Et bien moi, je vais parler.
07:06 Du coup, je l'ai fait.
07:08 J'ai raconté mon histoire de manière anonyme.
07:11 Malheureusement, rapidement après les faits, même si j'étais anonyme,
07:16 j'ai reçu des menaces pour que la publication soit supprimée.
07:21 De là, la presse locale s'en est appris connaissance de l'affaire.
07:26 Il y a eu des articles qui sont sortis.
07:28 J'ai pu constater cyberharcèlement.
07:32 Même si j'étais anonyme, évidemment, les citoyens avaient leur avis sur la situation.
07:38 Aujourd'hui, je me sens plus libre.
07:42 Peut-être un peu plus en paix.
07:45 Pas totalement, mais c'est un travail de toute une vie, je pense.
07:49 J'aurais aimé qu'on me dise,
07:51 "Céline, ce n'est pas normal ce que tu as vécu.
07:55 Viens, on va à l'hôpital.
07:57 Viens, on va à la police."
07:59 Si je peux apporter ça, c'est une bonne chose.

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