Céline est atteinte de la maladie de Charcot, comme sa mère et son grand-père qui en sont décédé.e.s avant elle. Elle nous raconte le quotidien avec la maladie et son choix de recourir au suicide assisté à terme.
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00:00 Je vais mourir petit à petit, je vais être enfermée dans mon propre corps.
00:02 On ne peut plus parler, on ne peut plus bouger, on ne peut plus communiquer.
00:05 Pourquoi continuer ?
00:06 Je m'appelle Céline, j'ai 28 ans, je viens de Suisse.
00:09 Et puis je suis atteinte de la maladie de Tcharkov depuis maintenant 5 ans.
00:11 Et j'ai décidé de prendre le suicide assisté le jour où j'aurais envie de partir.
00:15 J'ai appris que j'étais malade à 23 ans, donc ça fait maintenant 5 ans.
00:19 Je savais que c'était la maladie de Tcharkov parce que j'ai déjà perdu ma maman
00:22 et mon grand-papa maternel de la SLA.
00:25 Donc c'est vrai que quand on m'a annoncé le diagnostic,
00:27 je savais déjà ce qui allait arriver.
00:29 La maladie de Tcharkov, c'est vraiment une maladie qui est neurodégénérative.
00:32 C'est-à-dire que ça touche vraiment les muscles du corps
00:34 et tous les muscles vraiment en entier, donc jusqu'à la tétraplégie complète.
00:39 Vraiment même au niveau de la parole, au niveau de la déglutition.
00:41 Donc on finit vraiment par être nourri par une sonde, respirer avec une trachéotomie.
00:45 La maladie de Tcharkov, en moyenne, l'espérance de vie est entre 3 et 5 ans.
00:48 Donc forcément, quand on annonce un diagnostic comme ça,
00:51 je pense qu'entre la peur, la tristesse, la colère, l'injustice, on se demande pourquoi.
00:54 Il y a quand même beaucoup d'émotions qui passent par là
00:56 et c'est vrai que la peur était quand même une grande émotion.
00:59 J'ai quand même mis pas mal de choses de côté.
01:01 Bon déjà mon travail, parce que j'étais dans le domaine de l'agriculture.
01:04 Donc forcément, c'était quand même un peu compliqué de continuer à bosser là-dedans.
01:07 C'est des petites choses qu'avant d'être malade,
01:09 je ne me rendais pas compte de la chance que j'avais.
01:11 Ça pouvait être marché tout simplement.
01:12 C'était oui, une bouteille d'eau et maintenant que je ne peux plus,
01:14 je me dis "purée, quand même, j'aurais peut-être dû profiter encore plus avant".
01:17 Dans les relations, alors amicales, ça va bien.
01:19 Franchement, j'ai vraiment un entourage qui sont très empathiques, très compréhensifs.
01:23 Par contre en amour, forcément, il y a des choses que c'est compliqué.
01:27 Il y a des choses que je ne peux pas apporter dans un couple,
01:28 par exemple le fait de devenir maman.
01:30 C'est un projet que je ne peux pas faire.
01:31 Ou bien des choses, tout ça, partir en vacances, en randonnée.
01:33 Il y en a beaucoup maintenant qui partent en sac à dos
01:36 quelques jours en montagne ou comme ça.
01:37 C'est des choses que moi, je ne peux plus faire.
01:39 Je pense que dans un sens, ça repousse quand même pas mal les hommes.
01:42 Donc ma maman, elle est tombée malade de la maladie de Chakrok
01:44 quand moi j'avais à peu près 14 ans.
01:46 Elle est décédée deux ans et demi après s'être bien battue.
01:49 Et elle est vraiment allée au bout de la maladie,
01:51 donc vraiment tête à plégie.
01:52 Mon grand-papa, il est tombé malade quand j'avais 19 ans,
01:55 donc quelques années après.
01:56 Et puis quand lui, il est tombé malade, directement, il s'est dit
01:59 "je ne finirai pas comme ma fille".
02:01 Il a mis des mois à vraiment réfléchir.
02:03 Est-ce qu'il faisait appel à Exit ?
02:04 Donc c'est l'association pour le suicidacité en Suisse.
02:06 Il a décidé de faire ça et dans la famille, franchement,
02:09 c'était très difficile, bien sûr.
02:11 Mais je pense que c'était son choix et il était tellement malheureux
02:14 qu'il ne pouvait pas aller jusqu'au bout.
02:16 Et puis une fois qu'il a décidé ça, il a donc contacté Exit.
02:19 Et puis il faut savoir que c'est une administration,
02:22 une paperasse, ça prend beaucoup de temps.
02:24 Ce n'est pas vraiment une décision qu'on peut faire du jour au lendemain.
02:26 Genre "ah, j'ai envie d'avoir recours à ça, du coup j'y vais".
02:28 C'est vraiment des très longues procédures.
02:30 Et puis une fois que ça s'est mis en place et accepté,
02:33 validé par l'association, on peut décider de faire Exit,
02:36 donc soit chez soi, soit dans un hôpital, si l'hôpital accepte,
02:39 ou bien vraiment dans une maison avec des chambres faites pour ça,
02:42 dans des endroits précis, dans différentes villes en Suisse.
02:45 Et puis mon grand-papa, lui, il a décidé de faire ça à l'hôpital.
02:48 Donc vraiment, il m'a appelé un mercredi et puis il m'a dit
02:50 "écoute, c'est mercredi prochain à 14h".
02:53 Et puis je suis vraiment restée avec lui jusqu'au bout.
02:56 Et puis franchement, il avait l'air tellement serein.
02:59 Il était accompagné des personnes qu'il aimait
03:00 et puis on a vraiment pu lui dire au revoir avant qu'il puisse boire le liquide,
03:04 qui provoque du coup l'arrêt cardiaque.
03:06 Quand j'ai vu mon grand-papa prendre cette décision-là,
03:08 je me suis dit que c'était une fin acceptable sur la maladie.
03:13 Mais c'est vrai que moi, je n'y pensais pas du tout
03:14 vu que je n'étais pas du tout malade en ce temps-là.
03:16 Et puis après, quand je suis tombée malade,
03:17 directement je me suis dit "je ne vais pas pouvoir aller jusqu'au bout".
03:21 Alors du coup, je me suis déjà renseignée.
03:22 J'ai déjà fait les démarches et tout.
03:23 Donc maintenant, à voir jusqu'à où j'ai envie de vivre.
03:27 Pour l'instant, je n'ai pas du tout encore envie d'avoir recours à ça
03:29 parce que je me sens bien dans ma vie.
03:31 Mais c'est vrai que c'est vraiment la solution finalement,
03:32 la dernière solution après s'être battue moralement,
03:36 après avoir essayé des médicaments pour soulager de la douleur,
03:38 après avoir fait de la kiné,
03:39 après avoir vu des amis pour remonter son moral.
03:42 J'ai vraiment l'impression qu'il faut vraiment tout faire.
03:45 Et puis quand on ne peut plus,
03:46 et puis que la maladie est trop forte,
03:49 qu'on a trop de douleurs,
03:50 à ce moment-là, je pense qu'effectivement, il faut dire stop.
03:54 D'avoir vu ma maman aller au bout de la maladie,
03:56 vraiment suffoquée, de ne plus pouvoir respirer par elle-même,
03:59 c'est vraiment quelque chose qui, moi, me fait très peur.
04:01 Et je pense que c'est pour ça aussi que j'ai choisi
04:03 de prendre contact avec le suicide assisté
04:05 pour pouvoir gérer cette partie-là avant de passer de l'autre côté.
04:08 Merci.