"Toute ma vie m'a fait comprendre que, parce que je viens d'une famille précaire, qui n'est pas diplômée etc..., avec des parents ouvriers, je n'avais pas le droit d'accéder à un certain niveau d'études"
À son arrivée à Paris, Samya a subi une précarité étudiante qu'elle souhaite aujourd'hui dénoncer, au nom de l'égalité des chances.
À son arrivée à Paris, Samya a subi une précarité étudiante qu'elle souhaite aujourd'hui dénoncer, au nom de l'égalité des chances.
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00:00 quand on se demande qu'est-ce qu'on va manger le soir
00:01 et comment on va payer son loyer toute la journée.
00:03 On n'arrive pas à se concentrer sur les cours
00:04 et donc ça a des répercussions sur notre scolarité aussi.
00:07 Je suis arrivée à Paris à la rentrée,
00:09 j'ai commencé à chercher des appartements dans le privé en fait,
00:12 ce que j'ai été refusé dans les logements résidences universitaires
00:15 au niveau du CRUZ,
00:16 parce que malheureusement en fait il n'y a pas du tout assez de logements.
00:18 Dans le logement privé, c'est plus compliqué,
00:19 on demande des garants qui ont des salaires
00:22 d'au moins trois fois le montant du loyer,
00:23 sauf que moi je suis désolée mais je n'ai pas forcément ça.
00:25 Je me suis retrouvée à la rue pendant six mois
00:28 où j'ai dû compter sur la solidarité avec les amis qui m'étaient fait,
00:32 qui m'ont hébergée et donc je change de logement assez régulièrement
00:35 avant de trouver un logement vraiment à moi
00:39 dans une association qui aide les étudiants, qui fait du logement étudiant.
00:41 En échange d'aides par exemple au devoir pour des enfants ou ce genre de choses,
00:46 ça peut être intéressant quand vraiment on n'a pas de solution.
00:49 Par contre, je trouve que ça reste quand même pas acceptable
00:53 de devoir en arriver là et de ne pas pouvoir avoir accès à un logement
00:57 comme le reste de la population,
00:58 juste parce qu'on est jeune et précaire.
01:00 Ça a été vraiment dur.
01:01 Le logement n'a pas été la seule angoisse que j'ai eue.
01:04 J'ai eu aussi des problèmes financiers.
01:05 Moi je viens d'une famille qui est assez modeste
01:08 où mes parents n'avaient pas forcément l'argent
01:10 pour m'aider quand je suis arrivée à l'université,
01:12 surtout avec toutes les dépenses que ça engendre.
01:14 Donc moi j'étais boursière.
01:16 Seulement en fait il y a eu des problèmes administratifs avec ma bourse
01:20 et plutôt que de la recevoir en septembre comme ça aurait dû être,
01:23 le cas je l'ai reçue quand j'en avais du coup.
01:24 Et donc ça m'a fait quand même pas mal de mois où il a fallu que je me débrouille.
01:28 Donc j'ai essayé de chercher du travail pour combler le manque.
01:33 Seulement à ce niveau-là, ce n'était pas facile non plus.
01:35 La plupart des gens ne répondaient pas
01:37 et ça a été des refus quasiment tout le temps.
01:39 Et du coup, en fait je n'ai pas eu le choix
01:41 et à la fin j'ai dû me tourner vers un service civique.
01:44 Et donc en fait pendant neuf mois, j'ai pu avoir une rémunération,
01:48 sauf qu'en fait un service civique, ce n'est pas censé être un job étudiant.
01:53 On n'a tellement plus le choix qu'on est obligé de se tourner vers ces solutions-là
01:56 et en fait faire 25 heures par semaine pour être payé 600 euros,
02:00 ce n'est pas une solution.
02:01 J'ai l'impression que c'est un peu,
02:03 si tu es pauvre, tu n'as pas le droit de faire des études et tu ne pourras pas réussir.
02:06 Il faut le savoir, on peut faire des demandes d'aide ponctuelles au niveau du gross.
02:10 On peut avoir jusqu'à 1600 euros par an,
02:12 en plusieurs fois ou en une fois en fonction de la situation,
02:15 si on est face à une galère.
02:16 Que ce soit un problème pour se nourrir, pour payer son loyer,
02:19 parce qu'on a cassé ses lunettes de jus, j'en sais rien.
02:21 Il ne faut vraiment pas hésiter à se tourner vers les services sociaux.
02:24 Heureusement qu'ils ont été là.
02:25 J'ai eu droit du coup à une bourse qui m'a pas mal aidée sur les premières années,
02:29 sauf qu'en fait, à cause de toute cette situation,
02:31 le fait est que j'ai aussi redoublé à des moments dans mon parcours scolaire
02:35 parce que oui, en fait quand on se demande qu'est-ce qu'on va manger le soir
02:38 et comment on va payer son loyer toute la journée,
02:39 on n'arrive pas à se concentrer sur les cours
02:41 et donc ça a des répercussions sur notre scolarité aussi.
02:43 Et en fait, là c'est un peu un cercle vicieux,
02:46 parce que du coup en redoublant, j'ai perdu le droit à ma bourse.
02:49 Et donc là, ça m'enlève quand même ma principale source de revenus
02:54 et donc pour s'en sortir derrière, c'est encore plus compliqué.
02:57 Et donc il a fallu continuer à se débrouiller pour trouver des solutions,
03:00 faire des économies, se restreindre sur les dépenses de la vie quotidienne,
03:05 parfois sauter des repas, etc.
03:07 Il y a des aides qui ont été annoncées, qui ont été mises en place par-ci, par-là.
03:13 Mais en fait, quand on fait le point,
03:15 ce n'est pas tous les étudiants qui ont eu accès.
03:17 Et puis il y a des aides qui ont été annoncées, qui n'ont jamais été données.
03:20 Et la seule aide qu'on avait mis en place pour permettre à tout le monde de se nourrir,
03:24 c'était le repas à un euro pour les étudiants au CRUZ.
03:27 Même ça, ça a été supprimé à la rentrée,
03:31 pour les étudiants qui n'étaient pas boursiers.
03:33 Je pense que la chose la plus importante et la plus urgente à faire,
03:37 c'est garantir une autonomie financière pour les étudiants.
03:40 Il faudrait peut-être baisser les prix pour les étudiants,
03:43 ou mettre à disposition des aides spécifiques,
03:46 construire plus de logements au CRUZ pour avoir un tarif social pour tous les étudiants.
03:52 En fait, tous ces sujets, mis de bout à bout, c'est épuisant.
03:54 Et ça joue aussi sur la santé mentale.
03:57 Pendant un an, j'ai eu de grosses difficultés de santé.
03:59 J'ai dû avoir un suivi psychologique.
04:02 J'ai dû aussi prendre des médicaments.
04:05 Au final, ça a développé un stress constant, des crises d'angoisse.
04:09 Et ça m'a empêchée aussi d'avancer.
04:11 Moi, je me suis posé plein de fois la question de,
04:13 est-ce que ça vaut vraiment le coup de continuer ?
04:15 Mais en fait, oui, je n'ai pas le choix.
04:16 Parce que je suis la première personne dans ma famille à avoir le bac.
04:20 J'ai vu mes parents galérer toute leur vie
04:22 pour pouvoir avoir des revenus décents et essayer de vivre correctement.
04:27 Et donc, moi, je n'ai pas envie de reproduire ça.
04:29 En fait, j'ai envie de pouvoir faire des études,
04:32 avoir un niveau de compétence et un diplôme,
04:34 trouver un emploi à la fois qui me permette d'être utile dans la société,
04:39 parce que je pense que c'est aussi ça l'intérêt,
04:41 c'est qu'est-ce qu'on fait après,
04:43 et qui en plus me permet de m'émanciper.
04:45 Et ça, ça sera possible, parce que si je fais des études,
04:48 et en fait, moi, je me dis juste,
04:49 toute ma vie m'a fait comprendre que parce que j'ai une famille précaire,
04:52 qui n'est pas diplômée, etc., avec des parents ouvriers,
04:56 je n'avais pas le droit aussi d'accéder à un certain niveau d'études,
05:00 d'être socialement reconnue.
05:01 En fait, ça, je n'accepte pas.
05:02 C'est quelque chose qui me met en colère,
05:04 et c'est ça aussi qui me permet de ne pas lâcher.
05:05 Parce que j'ai aussi le droit, en fait, à être dans l'enseignement supérieur,
05:08 j'ai aussi le droit d'avoir un avenir.
05:10 [SILENCE]
05:15 Merci à tous !
05:17 [SILENCE]