Le sociographe 60. La douceur

  • il y a 6 ans
Présentation du numéro : Il est certain que la douceur ne fait pas partie des thèmes qui traversent le travail social. Celui-ci s’intéresse plus à des sujets englobant et totalisant. Il s’occupe plus de la solidarité, de la sanction, du secret professionnel. Un tel oubli prête à réfléchir. Cet oubli trouve ses origines dans la manière d’interpréter et de lire la douceur. Elle est réduite aux sentiments mous et à l’affection. La douceur est la « Cosette » de la pensée majeure. Pour nous, l’idée de la douceur a donc, dans la pensée misérable, une silhouette mineure et orpheline qui l’empêche d’être instituante. Sérieusement, la lecture manque d’un ancrage fondateur.
Avec force, la douceur recouvre une acception positive, une valeur hautement philosophique : c’est l’idée des humanités portées par la pensée grecque. Faire usage de la douceur et/ou s’y confronter par opposition au recours à la violence des rapports nous fera réfléchir sur la considération de soi, des autres et du monde tel qu’il est.
La douceur, dialectise un rapport au monde. Elle contribue à la possibilité d’un monde meilleur ; en retour, ce dernier s’y rapporte et la renforce, l’alimente, la nourrit, la légitime. La douceur peut être une arme. Par exemple, la douceur peut lutter contre la violence en redonnant florilège de sens aux mots.
La douceur grecque est très proche de ce que l’on peut toucher ou saisir ou écrire comme la disposition intérieure qui laisse aux autres le bénéfice du doute. C’est une indulgence, respectueuse en dernier lieu et par-dessus tout de ce qui n’est pas soi, de ce qui est forcément autre que soi. Cette indulgence affranchit l’autre d’avoir à prouver son altérité. L’altérité de l’autre vient à moi par la douceur. Elle est, à la lettre, empathie – non pas fusion des altérités, mais laisser être et agir l’altération même de l’autre.

Dossier coordonné par par Hassan Hajjaj (membre du Comité de rédaction, formateur à l’IRTS PACA et Corse).

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