10. Charles Percier (1764-1838) et le renouveau de l'ornement au seuil de la période contemporaine

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Jean-Philippe Garric, historien, professeur à l'université Paris I Panthéon Sorbonne

L’architecture, en Europe et en France, connaît dans la seconde moitié du XVIIIe siècle de profondes mutations, que résument mal les notions de « retour à l’Antique » ou de « style néoclassique ». Pour comprendre ces changements, on pourrait pointer des caractéristiques formelles, tel le rejet des lignes contournées et complexes du baroque et du rococo, ou bien de nouvelles préoccupations, notamment l’intérêt pour les grands programmes d’équipement publics qui se manifeste fortement dans les concours académiques. Sur le terrain de l’ornement, il est frappant d’observer le déclin du système des ordres qui cesse d’être un enjeu alors qu’il dominait les discours théoriques et le système ornemental de l’architecture depuis la Renaissance. Si l’emploi de la règle de Vignole (1562) permet néanmoins d’initier les jeunes architectes jusqu’au milieu du XXe siècle, les principaux auteurs s’engagent sur d’autres terrains. à partir des années 1770.

Charles Percier, élève réputé de la fin de l’Ancien Régime et influent professeur du premier tiers du XIXe siècle, publia, entre 1798 et 1813 avec son associé Pierre Fontaine, trois grands recueils abordant toutes les échelles de l’architecture. La théorie des ordres n’y était pas abordée, mais l’ornement y tenait un grand rôle. Percier était en cela l’héritier des approches artistiques des architectes peintres de sa jeunesse et de Piranèse, mais, tandis que pour ces derniers la vue perspective était la matrice du projet, pour lui, sa langue maternelle était au contraire l’ornement et ses linéaments du trait. Formé à l’École gratuite de dessin, où ses condisciples étaient de futurs architectes mais aussi l’élite de l’artisanat et des métiers d’art, Percier instaura à l’École des Beaux-arts, à l’origine du XIXe siècle français et européen, une approche de l’architecture dans laquelle l’ornement occupe une position centrale. Dans un contexte contemporain où la composition des plans dominait l’approche du projet, ses études témoignent d’un intérêt constant pour la sculpture et les fragments sculptés. La pratique artistique qu’il mena sur tous les terrains, de l’édifice à l’objet et au livre, anticipe celle du design et détermine un nouveau statut de l’ornement, au seuil de la période contemporaine.